Chapitre 6
Après cet entretien, l'attente pointa le bout de son nez. Octave était impatient. Pourtant, il ne voulait pas espérer. Inutile de se faire de fausse joie. Pour le moment, il essayait de se focaliser sur une chose : savoir si les réseaux sociaux allaient réussir à lui ramener sa sœur. D'une certaine manière, sa rencontre avec le journaliste l'avait changé. Il se sentait revivre, pour ainsi dire. Il arrivait encore que quelques fois le sommeil lui manque, mais le tourment n'était plus le même. Peut-être qu'il ne pouvait s'empêcher d'espérer, en fin de compte.
« There goes my heart beating
Cause you are the reason
I'm losing my sleep
Please come back now »
Adrien s'occupait de la page Facebook. Il avait d'abord rédigé une première publication de présentation de la page, sous l'œil vigilant d'Octave. Puis, ils avaient partagé l'article que le Monde avait rédigé pour eux. Ils avaient également fourni une photo d'elle. Elle avait dû changer depuis, de manière évidente, mais Octave refusait de donner son nom. Ses parents et Adrien avaient essayé de le raisonner, de lui expliquer que le divulguer faciliterait énormément les recherches, mais il ne voulait rien entendre. Il disait que cela lui permettrait de contrôler qui le contacterait. Il ne voulait pas que quelqu'un se fasse passer pour elle. Mais il promit tout de même à ses proches de révéler son identité au bout de dix mois. Pas avant. A l'origine, il avait hésité. Pourquoi pas ne pas divulguer son nom au bout de quatorze mois ? Cela aurait été symbolique. Mais il s'était dit que cela ne concernait personne d'autre que lui, personne n'aurait compris la signification. Alors, il avait abaissé le délai à dix mois. Il trouvait cela assez long, tout de même, mais finalement, plus il y pensait et plus il se fichait de l'attente. Il pouvait tout affronter, désormais.
*
Le résultat était inimaginable. Le nombre d'abonnés à la page et le nombre de partages de leurs publications régulières ne cessaient d'augmenter chaque semaine. Cela tenait presque du miracle. Mais Octave croyait aux miracles. Alors pourquoi pas à la solidarité virtuelle ?
Octave n'avait pas vraiment d'opinion favorable ou défavorable au sujet des réseaux sociaux, il leur trouvait aussi bien de nombreux défauts comme de nombreux avantages. Et l'un de ces derniers dont il ne pouvait nier l'existence, c'était leur rapidité. Car à sa plus grande surprise, une réponse lui parvint dans le courant du mois de juin.
Jusque-là, il en avait eu, des réponses. Mais elles l'avaient toutes exaspéré. Aucune n'était signée du prénom de sa sœur. Mais enfin, au bout du huitième mois d'attente seulement, car il fallait bien admettre que huit mois étaient un délai assez inespéré, quelqu'un finit par prendre contact avec lui, non par messagerie privée comme il s'y était attendu, mais par voie postale.
Le samedi promettait d'être ensoleillé.
_ Octave, cria sa mère depuis le bas de l'escalier. Un colis est arrivé pour toi !
_ J'arrive ! hurla Octave en réponse.
Il descendit quatre à quatre les escaliers, tout en se demandant ce qui l'attendait en bas. Sa mère était dans le salon en train de trier un tas de papiers administratifs.
_ Le paquet est dans la cuisine !
Dès qu'il entra dans la pièce, le regard du jeune garçon fut attiré vers ce qui était posé sur la table en bois. Il décrocha l'enveloppe attachée aux lanière du colis, intrigué par l'écriture calligraphiée et le timbre représentant la tête stylisée d'un lion, l'ouvrit et la jeta mécaniquement dans la poubelle, les yeux rivés sur le papier qu'il venait de sortir. Il lut les premiers mots inscrits sur le papier à lettre blanc et sa respiration s'accéléra, comme à chaque fois qu'il lisait une réponse de sa potentielle sœur.
Mon cher Octave,
Je ne sais par où commencer, mais il faudra bien se lancer un jour, et je n'aime pas tergiverser. Alors voilà, cela va sûrement te paraître insensé, mais j'ai eu vent de tes recherches, et quelle ne fut pas ma surprise lorsque j'ai découvert que ton histoire correspondait en tout point à la mienne ! Ainsi donc, j'ai un frère... La vie peut parfois être bien étonnante, mais je dois t'avouer que je m'attendais à tout sauf à ça !
Je ne vais donc pas tout te réexpliquer maintenant, puisque tu connais déjà beaucoup de choses, mais je t'ai envoyé en plus de ce papier un souvenir de la maison que j'ai emporté avec moi lorsque je suis partie (je ne suis pas sans cœur, tout de même !). Tu pourras demander aux parents de vérifier, mais même sans eux tu ne pourras que constater la véracité de mes dires, en espérant que cela te convaincra.
Octave posa la lettre sur la table et entreprit d'ouvrir le petit carton. Emmitouflé dans un papier-bulle, un cadre rectangulaire renfermait une photographie. Le temps avait fait son œuvre et l'avait légèrement jaunie, et on distinguait de nombreuses pliures, preuve probable de la réalisation de nombreux voyages.
La main tremblante, Octave sortit la photographie de sa protection. Troublé, il cligna des yeux plusieurs fois. Une petite fille d'une dizaine d'années levait les bras, un sourire rayonnant sur le visage, une nuée de bulles de savon l'entourant. Un jeune couple était à ses côtés. Ils étaient très jeunes, mais leur identité était flagrante. Octave reconnut tout de suite ses parents.
Sa mère entra à ce moment dans la cuisine.
_ Je vais sortir la poubelle.
_ Mmm... marmonna distraitement Octave.
Lorsque j'ai appris ton existence, j'ai été sous le choc. C'était il y a deux mois. Cela m'a empêchée de dormir pendant des nuits et des nuits. J'ai mis cependant trois semaines à me faire une raison car je me suis toujours efforcée de prendre sur moi. En revanche, tu es devenu la chose la plus importante qui comptait pour moi. Je désire plus que tout te rencontrer, rattraper le temps perdu. Au bout de ces trois semaines interminables pendant lesquelles j'ai décortiqué ma vie entière, je me suis rendue compte que dans cette histoire, tu étais celui qui méritait de tout savoir en premier.
Il faut que tu saches qu'ayant dix-neuf ans de plus que toi, merci pour le coup de vieux au passage, j'ai eu l'occasion de beaucoup voyager, et sûrement bien plus que toi (quoique... je ne sais rien de toi, tu arriveras peut-être à me surprendre...). Je suis passionnée par la nature et le monde, mais j'aurai l'occasion de t'en parler plus en détail dans mes prochains courriers. Cette passion m'a donné une idée, j'espère que tu l'apprécieras. J'aimerais te faire découvrir quelques endroits magiques que j'ai moi-même pu découvrir à ton âge. J'ai dispersé dans trois lieux différents des colis (bien préservés, ne t'en fais pas) contenant des lettres à ton intention. Tu pourras ainsi en savoir plus sur moi.
Tu comprendras donc que je n'ai pas très envie de te divulguer mon adresse pour le moment. Mais de mon côté, je comprendrais que tu refuses de t'engager dans quelque chose d'aussi farfelu. C'est assez étonnant que ce soit la première chose que tu découvres sur moi : j'aime toutes les formes de folies, tant qu'elles renferment un brin de créativité. Aussi, j'ai des contacts à chaque endroit où j'ai placé les colis. Si tu n'as pas récupéré le premier colis d'ici quatre mois, je saurai que je devrai te donner de quoi me contacter véritablement. Chaque lettre que tu trouveras contient des indices sur l'emplacement du colis suivant. La première lettre accompagne le souvenir, mais un indice extérieur se balade autre part...
J'aimerais sincèrement que tu laisses la magie de l'aventure t'emporter...
Je t'embrasse,
Avril Roy
_ Avril... murmura Octave. C'est elle ! C'est elle !
Il laissa éclater sa joie au milieu de sa cuisine. Il riait, criait, sautait. Il n'en revenait pas. Par quel miracle était-ce possible ? Et puis, cette proposition alléchante d'aventure... sous le coup de l'émotion, il n'avait qu'une envie : partir dans l'immédiat ! Il appréciait déjà le côté aventureux de sa sœur. En plus, Avril avait parlé d'indices... Il adorait les énigmes.
Au loin, la sirène stridente d'un camion-poubelle résonna et se rapprocha jusqu'à devenir audible très nettement. Au même moment, Octave remarqua le post-scriptum, unique ligne au verso de la deuxième feuille.
PS : Quel beau timbre, tu ne trouves pas ?
_ Oui, c'est vrai qu'il est beau ce timbre, sourit bêtement le jeune garçon.
La sirène du camion-poubelle semblait désormais provenir directement de la fenêtre. Octave leva brusquement la tête, affolé à l'idée de ce que cela impliquait.
_ Le timbre !!
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You are the reason de Calum Scott
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