Chapitre 5

Adrien s'impatientait. Il faisait les cent pas près de sa voiture, sur le parking de l'université. Octave a choisi le bon jour pour être en retard...

Au même moment, il aperçut son meilleur ami descendre d'un bus. Il se dirigea vers lui à grand pas et l'accosta sans prendre le temps de le saluer.

_ Mec, tu ne vas pas le croire !

_ En ce moment, je pourrais croire que la terre est plate, tu sais.

_ Oui, mais pour le coup, tu vas halluciner ! Tu te souviens que je t'avais parlé de mon cousin au Monde ? Eh bien, il a réussi à t'obtenir un rendez-vous avec son rédacteur en chef !

_ Il a fait quoi ? demanda Octave, surpris.

_ Ne me demande pas comment il s'y est pris, je n'en ai aucune idée, mais le résultat est là !

_ Mais comment...Qu'est-ce que tu veux que je lui dise ?

_ Tu lui raconteras ton histoire et peut-être qu'il acceptera d'en parler dans un article, ou alors peut-être qu'il te recevra pour t'interviewer !

_ Ça fait beaucoup de « peut-être » ... Je t'avais dit de ne rien faire, c'est une affaire familiale.

Adrien se renfrogna.

_ Je t'en prie, ça m'a fait plaisir de t'aider.

Octave comprit qu'il avait fait un faux pas.

_ Désolé, c'est juste que... tout s'enchaîne, en ce moment et je crois que je n'arrive plus à suivre.

Adrien se reprit, lui aussi :

_ Ne t'inquiète pas, je comprends. Tu n'avais pas l'air contre mon idée, vendredi soir, alors je me suis peut-être emporté. Mais c'est une chance à saisir, non ?

Octave réfléchit quelques instants puis acquiesça :

_ Il est quand, ce rendez-vous ?

_ Demain dix-sept heures, répondit Adrien.

Il continuait de sourire en avançant dans le couloir tandis qu'Octave, sous le choc, s'était arrêté.

*

Octave se sentait mal à l'aise. L'homme qui lui faisait face n'avait pas l'air hostile, seulement très professionnel et par conséquent très impressionnant.

_ Bien, monsieur... Roy c'est bien cela ? commença le chef rédacteur.

_Oui, monsieur.

_ Je n'ai pas beaucoup de temps à vous accorder. Pouvez-vous m'expliquer clairement la raison pour laquelle je vous reçois ?

Si tu me reçois, c'est que tu as une petite idée, quand même... pensa Octave. Mais il lui sourit :

_ Voilà : j'ai toujours cru que j'étais fils unique. Mais la semaine dernière, j'ai appris que mes parents avaient eu une fille avant moi. Lorsqu'elle a eu son bac, à dix-huit ans, elle a fait ses valises et est partie. Cela fait dix-neuf ans, maintenant. Et durant tout ce temps, elle est restée muette et n'a donné aucune nouvelle à son entourage. Personne ne sait où elle se trouve. C'est pourquoi je désire faire appel à vous pour la retrouver.

Toujours utiliser le présent et non le conditionnel pour montrer sa détermination dit Papa...

Le journaliste secoua la tête :

_ Vous n'avez rien entrepris pendant dix-neuf ans ?

_ Mes parents l'ont cherchée, mais... comme je vous l'ai dit, elle n'avait tenu personne au courant de ses projets.

_ En quoi votre histoire pourrait m'intéresser ?

Octave fut décontenancé, mais essaya tant bien que mal de le dissimuler :

_ Et bien... c'est une histoire peu banale... qui pourrait faire naître de l'espoir dans les cœurs de bien des familles et...

_ Et transformer mon journal en bureau des réclamations pour familles brisées ? Désolé, monsieur Roy, vous me voyez dans l'obligation de refuser votre proposition.

Le journaliste ouvrit la porte de son bureau et regarda Octave, montrant ainsi que leur entretien était terminé.

Octave se leva, déçu, et se dirigea vers la sortie. Au moment de passer le seuil, il soupira et dans une dernière tentative se tourna vers le journaliste.

_ Si vous m'avez reçu, c'est parce que vous avez été intrigué par mon histoire, non ? Pourquoi ce refus ?

_ Je doute que cela apporte quoi que ce soit à mes lecteurs.

_ J'attends depuis dix-huit ans, monsieur. Dix-huit ans que mon cœur est vide, que je ressens un manque que je tente désespérément de combler. Et tout cela à cause de quoi ? Un vulgaire mensonge, qui a perduré pendant dix-huit ans. La possibilité de faire connaître mon histoire, c'était une chance inespérée qu'elle m'entende, qu'elle sache que j'existe, parce qu'elle ne sait pas que je suis là ! Et j'ai bien l'intention de la retrouver. Ce n'était pas une proposition pour un quelconque contrat, monsieur, mais un appel à l'aide. J'ai besoin d'un soutien de poids.

Il soutint le regard du journaliste un bref instant avant de se détourner. Ce dernier dit enfin :

_ Un simple article dans un numéro ne vous apportera rien, jeune homme. En revanche, un article publié sur les réseaux sociaux fonctionnerait peut-être davantage. Accompagné d'une page créée par vos soins, votre appel pourrait être relayé plus rapidement et bien au-delà de la France.

Octave crut ne pas comprendre :

_ Vous voulez dire que...

_ Un de mes journalistes vous enverra le papier qu'il aura rédigé à votre sujet. Vous pourrez lui indiquer les erreurs, si vous en trouvez, et nous publierons votre histoire sur notre journal en ligne, notre application, notre page Facebook, ainsi que sur Twitter. Mais nous ne nous attarderons pas sur le sujet. Vous observerez vous-même le résultat.

Après avoir remercié le journaliste, Octave se dirigea vers l'ascenseurpour sortir du bâtiment. Il ne pouvait s'empêcher de sourire : il étaitplutôt satisfait de l'avancée de sa quête.

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