Chapitre 14

Mon cher Octave,

J'espère que le Botswana t'a plu et t'a apporté de quoi rêver un peu plus chaque nuit. Il faudra que tu me racontes ton périple lorsque nous nous verrons. Je suis curieuse de savoir les détails de ton voyage : es-tu parti avec un ami ? J'aurais peut-être dû te conseiller de l'entreprendre avec quelqu'un. On forge des souvenirs mémorables et des liens solides qui rapprochent deux êtres pour toujours, même en cas d'éloignement.

Pour ma part, seule mon ombre m'avait tenu compagnie. Mon ombre, et Tony, le frère aîné d'Alex. J'ai d'ailleurs eu quelques difficultés à t'organiser ton séjour en Afrique. J'avais directement contacté Tony, mais il m'a annoncé qu'il s'occupait désormais d'un hôtel et qu'il ne pouvait se permettre de le laisser sans responsable. Il m'avait alors conseillé son frère, qui devait rentrer du Kenya sous peu. J'ai été réticente : je ne voulais pas te laisser sous la responsabilité d'un inconnu. J'aurais préféré pouvoir me faire une idée de ses compétences avant. Mais il s'agissait du frère de Tony, et je lui portais -lui porte- une grande confiance. Alors j'ai accepté. J'espère ne pas avoir eu tort, ce sera à toi de me le dire.

Je crois me souvenir que dans la précédente lettre, je m'étais arrêtée à mon départ de la maison. Je dois te dire que mon arrivée à New York n'a pas été simple. Ma professeure m'a aidée à trouver un tout petit appartement sur le campus universitaire, juste assez grand pour contenir un lit, un bureau pour travailler, une minuscule cuisine et une ridicule salle de bain qui ressemblait davantage à un placard à balais qu'à autre chose. Mais cela me suffisait. A vrai dire, je passais mes journées à l'université ou à la bibliothèque et ne rentrais à mon appartement que pour dormir. Je ne devais surtout pas ménager mes efforts. J'avais beau avoir un bon niveau en anglais, des études scientifiques entièrement dans cette langue ne me facilitaient pas la tâche. Dans chaque filière, les étudiants étaient très compétitifs et faisaient preuve de rivalité constante, je refusais de me faire distancer.

Tu vas comprendre bien vite que mes études à New York ont eu un impact incontestable sur ma vie. Malgré cette ambiance studieuse, je n'étais pas si solitaire que cela. En quelques jours, j'ai rencontré des filles qui font désormais partie de ma vie pour le restant de mes jours. Cassie, la sportive qui ne rêvait que de travailler pour les journaux les plus influents. Léa, la musicienne qui voulait parcourir le monde au sein des orchestres les plus prestigieux. Olympe, la cuisinière en chef qui souhaitait devenir avocate dans les cabinets les plus prisés. Nous étions assez différentes, mais au moins nous étions toutes les quatre muées par la même volonté d'atteindre nos rêves, et cela nous portait. Nous nous entraidions, nous soutenions, et finalement notre amitié nous a menées chacune là où nous souhaitions nous rendre. A l'exception d'Olympe. Elle a changé d'avis et est devenue secrétaire d'Etat. Nous ne nous sommes toujours pas perdues de vue, pour notre plus grand bonheur.

En deuxième année, j'ai rencontré Eliott. Il avait le même âge que moi et étudiait l'histoire de l'art, dans le but de devenir archéologue. Enfin tout ça, je l'avais deviné des bribes de conversations que j'avais pu surprendre au détour des couloirs. Je n'ai pas rencontré Eliott de manière conventionnelle. En fait, je l'ai rencontré mais lui n'était pas à notre rencontre. Mon Dieu... même des années après, j'arrive encore à tourner autour du pot ! Bref, ce que je veux dire, c'est que je n'étais qu'une étudiante parmi des centaines d'autres et il est plus que probable que lui ne m'ait jamais remarquée jusqu'au jour où je l'ai percuté dans un escalier. On croirait lire un scénario de film pour adolescents... Mais finalement j'ai commencé à exister à ses yeux, enfin je crois, car on s'est croisé de plus en plus souvent. On ne se parlait pas - nous n'avions rien en commun- mais nous échangions toujours un sourire. Sûrement le souvenir de ce choc dans l'escalier qui remontait chaque fois dans nos esprits.

Je suis partie au Botswana l'été suivant. Mon voyage a été très tranquille. J'avais décidé de réaliser un reportage photo et de le proposer au club de journalisme de mon université dès la rentrée. C'est à ce moment-là que nos chemins se sont encore croisés et n'ont plus voulu se séparer. Il écrivait pour le journal depuis la première année... si j'avais su ! Eliott et moi passions de plus en plus de temps ensemble. Nous nous sommes découverts des points communs pour la lecture, les voyages, l'espace, la gastronomie... et finalement pour bien d'autres domaines, plus que je ne l'aurais imaginé. Nous sommes allés ensemble au gala organisé en fin d'année.

Je ne te parlerais pas d'Eliott si notre histoire n'avait pas eu plus d'importance que cela, tu t'en doutes. Pendant l'été de notre cinquième année, après avoir appris que nous avions été diplômés de l'équivalent d'une maîtrise en France, nous sommes partis découvrir un endroit magique. Et pour que la magie ne cesse plus jamais, Eliott m'a demandée en mariage là-bas.

C'est le lieu de ta prochaine destination. Je veux te montrer que la magie existe.

Elle vit en toi chaque jour de ta vie, Octave.

Il suffit de croire en elle.

Je t'embrasse,

Avril Roy

PS : Les tumultes de la vie ne sont finalement qu'un cap à franchir...

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