Chapitre XVI
1819. Milano, Domaine de Giulia.
Une semaine était passée depuis ce fameux incident. Tout s'était déroulé terriblement vite. Je n'ai d'ailleurs pas vraiment compris, à ce moment, le dénouement de cette histoire. Tout fut si complexe et ambiguë.
La police était rentrée brusquement dans la salle. Ainsi, deux enquêteurs accompagnés de quelques hommes de main, s'étaient incrustés à la fête et parcoururent l'ensemble d'un regard déterminé.
Lorsqu'ils remarquèrent Giulia, en un instant ils se ruèrent autour d'elle. Plus que déterminée à protéger ma petite sœur contre toute agression, je me dressai devant ces hommes robustes. Je vis quelques secondes plus tard Milo se tenir à ma droite, comme pour me soutenir dans cet affront.
— Giulia, rendez-vous sans faire de scène, honorons votre époux en lui rendant justice tous ensemble. Nous avons toutes les preuves et témoignages qu'il nous faut pour vous arrêter. Arrêtez ce petit jeu et rendez-vous, s'exprima durement l'homme le plus en avant.
— Je suis innocente, je ne l'ai pas tué, prononça ma petite sœur tremblotante.
— Vous savez très bien que le mensonge est un énorme pêché, autant pour notre justice que pour la Sienne.
— Puisqu'elle vous dit qu'elle n'est pas coupable, m'exprimai-je menaçante.
— Ma très chère dame, nous avons ordre de l'amener avec nous pour lui poser quelques questions, pour l'instant.
La suite est à découvrir avec ses aveux.
Après quelques minutes de silence intense, je sentis une main se poser sur mon bras gauche. Giulia essayait d'avancer. Je la bloquai alors pour ne pas qu'elle commette cette erreur.
— Trina, ne vous en faites pas, je suis sûre que tout va bien se passer...
Dans son regard franc, je voyais encore et toujours du courage. Elle voulait sûrement en finir avec toute cette histoire, et elle savait que cela ne se terminerait que si elle était innocentée. C'est alors à contre cœur que je la laissai passer devant moi pour se rapprocher des hommes en uniforme.
Tout le monde présent dans la salle fixait, avec des yeux ébahis, Giulia sortir la tête haute. J'admirais silencieusement l'attitude brave de ma sœur en la suivant de près. Milo avait pris ma main sans que je ne m'en rende compte, et c'était réconfortant. En observant Giulia entourée de toutes parts par ces hommes, j'eus peur de la suite. Qu'allait-il se passer?
Nous suivîmes tous ensemble l'escorte de ma petite sœur jusque dans le jardin où se trouvait le véhicule de police. Devant la calèche, un des enquêteurs se plaça devant moi et prit la parole de façon dédaigneuse.
— Faites vos adieux. Elle n'est pas prête de sortir votre sœur.
Craignant le pire, je me jetai dans les bras de Giulia et la serrai atrocement fort pour lui transmettre toute ma force, mon courage, mon aide et mon amour pour elle. Je sentis que la pression commençait légèrement à descendre en elle suite à cette étreinte puisque de légers tremblements se dispersèrent contre ma poitrine.
Je m'efforçai de la rassurer du mieux que je pouvais en lui chuchotant quelques petits mots doux comme : «Ça va aller, je suis là, vous n'avez rien fait, tout va bien se passer...»
Puis je fis signe à ma sœur de regarder juste derrière moi discrètement. J'entendais légèrement l'un des officiers murmurer à son chef des nouvelles intéressantes. Je me retournai alors lentement pour ne pas les brusquer. Suite à cela, je rencontrai le regard de l'enquêteur qui me fit comme un sourire triomphant.
— Nous avons finalement le coupable. Cet homme a avoué avoir tué le mari de la femme, dit l'officier un peu plus fort.
À partir de cet instant, tout s'est enchaîné très rapidement devant mes yeux ahuris. L'homme qui s'avançait vers nous, avait les mains liées par une chaîne de fer, comme des menottes de Derby. La tête baissée, il sortait de l'immense demeure milanaise maintenu par deux officiers.
Lorsque cet homme ne fut qu'à quelques mètres de nous, je sentis ma sœur s'agiter dans mes bras. Je reconnus ainsi Falco à travers son allure, sa carrure imposante et sa chevelure blonde. Ses yeux se posèrent comme des aimants sur ceux de Giulia, qui ne pouvait plus se retenir d'aller lui parler.
Je voulais la restreindre pour éviter toute altercation, mais je ne pus l'empêcher de s'extirper de mon emprise. Elle était bien trop déterminée. Le regard qu'elle me lança était rempli d'incertitude : elle cherchait à comprendre ce qu'il se passait et désirait des réponses à ses questions.
C'est pour cela que je l'ai finalement laissée faire. C'était comme un cap à passer, et puis, elle m'en aurait beaucoup voulu si elle n'avait pas eu d'explications. Il fallait qu'elle se confronte à la réalité, et, c'est ce qu'elle fit.
Je la regardai alors courir vers lui, comme spectatrice de cette scène romanesque. Elle se mit soudainement à lui crier dessus ardemment, sans même prendre en compte le fait qu'ils n'étaient pas tout seuls.
— Je ne comprends pas, avez-vous avoué avoir commis ce crime? Donc c'était vous pendant tout ce temps?
Était-ce finalement votre technique pour m'avoir avec vous à vie? Tuer un homme? Bravo Falco! Mais on dirait bien que votre plan ne fonctionne pas comme prévu.
Vous rendez-vous compte de l'acte horrible que vous avez fait? Avez-vous réfléchi aux conséquences de votre attitude déraisonnable? Vous allez finir en prison, bon Dieu! Est-ce que cela vous a traversé l'esprit?
Je n'en reviens pas...
Ses paroles étaient pleines de rage et de tristesse. Elle ne réfléchissait pas à ses mots, elle ne faisait que déblatérer tout ce qui lui venait à l'esprit comme elle l'a toujours fait.
Sincèrement, je ressentais à ce moment là un sentiment de trahison et d'incompréhension. Je ne pouvais pas croire que Falco l'avait tué. Mais Giulia en était convaincue, comme manipulée par l'image qu'elle avait de lui, enchaîné aux hommes qui représentaient la justice et l'autorité.
— Mais répondez-moi, s'il vous plaît... Que s'est-il passé?? J'ai besoin d'être sûre de... de tout ça...
Sa voix hésitante s'affaiblissait à mesure qu'elle s'approchait de lui. Elle devait avoir du mal à empêcher un torrent de larmes de s'abattre sur ses joues. Je regardai alors l'homme devant elle qui se rapprochait dangereusement de la calèche.
Son visage était comme inexpressif, mais en plongeant mes iris dans les siens, je remarquai une pointe de déception, de tristesse et d'amour lorsqu'il observait ma Gigi. C'est à partir de cet instant, que je fus sûre et certaine qu'il n'était pas coupable.
Lorsqu'il arriva devant la calèche, après avoir obtenu le permis d'un homme de paix, il posa doucement ses lèvres sur le front de ma petite soeur, qui peinait à respirer. Il chuchota à ses oreilles quelques petits mots inaudibles de là où j'étais. Ensuite, sans perdre un instant, il s'engouffra dans le véhicule guidé par les hommes à sa suite et s'en alla loin de nous.
2055. Lerici, maison de Katerina.
« J'ai toujours été persuadée de son innocence. Mais je crois que ma sœur était aveuglée par la réalité. Je pense qu'elle se mentait à elle-même. C'était peut-être plus simple d'ignorer son amour, de rendre Falco coupable sans réfléchir à d'autres suspects.
Nous n'avons finalement jamais su pour quelle raison Falco avait avoué avoir tué Rodrigo, puisque la police ne nous a jamais communiqué officiellement le mobile exposé.
Je me suis toujours posée la question suivante: «Et si ce n'était pas lui?»
Cet homme a peut-être fini sa vie en prison pour un acte qu'il n'a pas commis.
Je pense qu'il a avoué par amour pour ma sœur, il voulait sûrement la sauver de cet avenir pitoyable qu'elle aurait vécu si elle n'avait pas été innocentée.
Je crois qu'il n'a pas souhaité prendre le risque qu'elle soit suspectée.
Pour cela, il a directement confessé un crime qui n'était pas le sien.»
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