Chapitre XIV

1819, Milan, Domaine de Giulia.

J'ai dormi comme un bébé. J'avais l'impression d'être sur un nuage pendant toute la nuit. Malheureusement, en me réveillant à la mi-journée, la réalité me frappa de plein fouet.

Après quelques minutes, où je ne faisais que de bailler à m'en déboîter la mâchoire, je me levai puis commençai à marcher pour m'installer sur le canapé collé à l'immense fenêtre. Elle donnait sur le jardin. Qu'il était grand et bien entretenu, avec toutes ces fontaines, ces grands arbres verdoyants et ces statues aussi blanches que la neige! C'était tellement reposant à voir : de la nature à perte de vue.

C'est alors que des cris retinrent mon attention. On aurait dit qu'ils provenaient d'en bas, sûrement juste en dessous de mon étage. Alors j'ouvris, discrètement, la fenêtre afin de comprendre ce qu'il se passait.

Lorsque je vis premièrement Giulia, je voulus crier le plus fort possible afin qu'elle sache que j'étais réveillée. Mais je me retenus en apercevant ensuite, très légèrement, la silhouette d'un homme dos à moi mais face à elle.

Était-ce Edoardo, son vieux et grincheux majordome? Non, cet homme que j'entrevoyais au loin, avait encore les cheveux colorés d'un blond soyeux, la blancheur de ceux d'Edoardo m'avait fortement marquée.

Je me penchai alors pour écouter silencieusement. Je regardais Giulia prendre délicatement les mains de l'homme devant elle.

— Falco... Je sais que j'ai de nombreuses insomnies et que lorsque je trouve enfin le sommeil, je souffre de somnambulisme. Mais je suis sûre et certaine que jamais je ne ferais de mal à quelqu'un. Même endormie, je n'aurais jamais eu assez de force pour pousser Rodrigo dans les escaliers.
J'ai besoin que vous me croyiez...

— Je le sais tout ça.
Mais vos domestiques connaissent vos troubles du sommeil également. Tout joue en votre défaveur, tesoro.
Une d'entre elles a témoigné hier. Elle vous a vu sortir de votre chambre et vous balader dans la maison, en passant spécifiquement par le fameux couloir longeant son bureau et la bibliothèque. Les enquêteurs pensent qu'il a été poussé dans ce couloir, avant de s'écraser en bas des escaliers. Ils ont alors calculé et énoncé une tranche horaire plausible à son décès. Votre domestique a affirmé avoir regardé l'horloge du salon : votre déplacement nocturne s'est déroulé exactement pendant ce temps.

— Falco, c'est impossible, je n'ai aucune preuve pour justifier mon innocence... Je ne m'en souviens même pas...
Est-ce que je vais aller en prison? Pitié, comment vais-je annoncer ça à ma famille?

— Je n'en sais rien, Gigi. Mais, ce qui est sûr, c'est que nous allons affronter cette terrible tempête ensemble. Ne vous en faites pas, je suis et serai toujours là.

L'homme blond entoura ma petite sœur de ses bras musclés pour la réconforter.

Alors c'était lui, son bel amant fougueux? Ça ne pouvait être personne d'autres après tout. Et puis, suite à ce que je venais d'entendre, je commençai à me faire une bonne opinion de sa personne. Il aimait Giulia. Il en était même complètement fou amoureux. C'était visible comme le soleil dans le ciel, un jour d'été.

J'arrêtai de penser intérieurement, pour me concentrer sur ses paroles.

— D'ailleurs, n'avez-vous pas vu Alfonso? Votre cousin n'est pas revenu au château depuis cette funeste nuit. Au final, il a été le plus chanceux d'entre nous. Il est parti plus tôt ce jour-là pour rejoindre sa mère, votre tante, je crois. Une affaire urgente avait-t-il dit.

Je me penchai encore un peu plus, pour assouvir ma curiosité et observer ce jeune homme toujours dos à moi. C'est alors que je fis tomber un pot d'encre vide sur le sol après avoir brusquement levé ma jambe droite en l'air. Elle avait légèrement bousculé le bureau tout près de la fenêtre, et, cela suffit pour que le récipient en porcelaine posé tout près du bord, se brise contre le carrelage dans un fracas assourdissant.

Je vis alors les deux amants prendre peur et fuir à toute vitesse loin de leur cachette. La pression était rapidement montée en moi, je me reculai promptement de la fenêtre avant de la fermer le plus silencieusement possible. Je ne voulais pas qu'ils sachent que j'avais tout entendu.

C'est alors que Milo rentra dans ma chambre, sans se donner la peine de toquer à la porte, un magnifique sourire aux lèvres. Il s'approcha de moi et un voile de panique s'empara de ses yeux lorsqu'il observa les bouts de porcelaine étalés un peu partout sur le sol.

— Faites attention à vous, vous allez encore vous couper le doigt, Katerina.

Le rappel de ma plaie superficielle sur mon index causée par l'épine de rose, renvoya à mon cerveau plein de souvenirs plaisants de cette passionnante nuit. Il prit ensuite tendrement ma main pour vérifier que la blessure était belle et bien cicatrisée, avant de ramasser un par un les morceaux qui jonchés le sol.

— Que s'est-il passé? Comment avez-vous fait ça?

— Par inadvertance, ma maladresse me joue trop souvent des tours! ironisai-je alors.

— Très bien, ma belle maladroite, j'espère sincèrement que vous n'allez ni égarer, ni détruire ce que je vais vous offrir prochainement. Cela fait déjà quelques jours que j'attends de vous le remettre. Malheureusement, je ne l'ai pas sur moi. Rejoignez-moi près de la troisième fontaine d'ici une heure et je pourrais enfin vous donner votre présent.

Les yeux pétillants d'excitation, d'impatience et de joie, je m'empressai de le pousser hors de ma chambre afin qu'il aille chercher son cadeau. Était-ce donc cette fameuse petite boîte noire rectangulaire qu'il m'avait présentée rapidement l'autre jour? Quel homme fabuleux, exquis, surprenant et rempli d'amour à revendre continuellement!

Lorsqu'il déguerpit enfin, je m'autorisai à réfléchir à ce que je venais d'entendre à mon réveil. Devrais-je la mettre au courant? Devrais-je en parler aussi à Milo? Je n'en avais aucune idée. Mais je savais que Giulia était dans une position terriblement délicate. Je me devais d'être présente pour elle, de la soutenir coûte que coûte, et finalement de rattraper cette année perdue.

Je quittai ma chambre hâtivement, une heure plus tard, à la recherche de Milo. Je me précipitai dans le jardin et essayai de trouver la fontaine qu'il m'avait décrite. Je m'enfonçais au loin en admirant les grandes haies si bien taillées, les arbres feuillus d'un vert éclatant, les petits écureuils grimpant dans les fines branches de ces derniers. Tout était si calme et apaisant.

Je m'arrêtai alors devant une magnifique fontaine. Une nymphe à moitié nue était sculptée au centre de celle-ci. Des jets d'eau étaient propulsés au dessus d'elle, formant comme un halo tout autour. Une sorte de bouclier naturel : c'était splendide.

— Magnifique n'est-ce pas? Je l'ai admirée pendant de très longues minutes hier lorsque vous étiez avec votre sœur. Cette statue m'a tellement fait penser à vous Katerina, à mon petit ange, murmura une voix dans mon dos.

Je sentis alors ses bras encercler ma taille tendrement, ses mains s'attacher aux miennes et son menton se poser sur ma tête. J'étais comblée, regarder ce paysage hors du commun avec lui me faisait éprouver un sentiment d'extase profond.

Il enleva alors une de ses mains, avant de la ramener devant moi remplie d'une énorme boîte rouge, emballée avec un tissu doré disposé en croix. Waw! C'était un sacré cadeau! Je ne savais pas ce qu'il y avait dedans, mais je sentis que cela allait me plaire.

— Vous êtes fou! Mais pour quelle raison m'offrir un aussi gros cadeau? Mon anniversaire est en octobre! Avez-vous perdu la tête? dis-je à la fois affolée et excitée par l'ouverture de cette belle boîte.

— Je vous le dirai une fois que vous l'aurez ouverte. Allez-y, vous en mourrez d'envie je le sais, s'exprima-t-il hilare.

Je m'assis alors sur le rebord de la fontaine, en posant la boîte sur mes genoux. Je commençai par défaire le doux ruban de soie avec précipitation. Le couvercle prêt à être enlevé, je relevai mes yeux vers ceux de l'homme qui se tenait devant moi. Il me sourit affectueusement.

C'est alors, sans aucune hésitation que je poussai le revêtement de la boîte afin d'en découvrir la majestueuse composition. Ma bouche forma brusquement un « O » immense. Mes sourcils se relevèrent comme s'ils voulaient atteindre les racines de mes cheveux. Je déposai délicatement le coffret sur ma droite avant de sauter dans les bras de Milo.

Grazie, grazie, grazie mille, elle est tellement somptueuse ! Comment avez-vous su que c'était ma couleur préférée? Comment faites-vous pour toujours me combler de bonheur? Vous êtes bien trop parfait!

— Eh bien! Voilà ma récompense pour les questions de l'autre jour. Votre sourire est le plus beau des cadeaux que je puisse avoir! Savoir que c'est pour moi que vos douces lèvres s'étirent et que vos yeux pétillent, est la plus belle sensation.

Après l'avoir serré aussi fort que je pouvais dans mes bras, je me retournai béatement vers la robe qui ne désirait que d'être présentée au monde. Elle était d'un vert émeraude resplendissant et luxueux, d'un tissu soyeux et somptueux, avec des détails si minutieux.

— Ce soir votre sœur organise un bal, en l'honneur de son défunt époux, Rodrigo. C'était apparemment sa fête préférée. Donc, je l'ai faite amener plus tôt que prévu. Elle est arrivée ce matin, pendant que vous dormiez.
Je suis ravie qu'elle vous plaise. Et j'ai follement hâte de vous voir avec, déclara-t-il avec une nuance sombre de désir dans ses yeux amoureux.

— Si cela est vrai, alors je vais de suite commencer à me préparer, révélai-je le sourire jusqu'aux oreilles, après avoir déposé un chaste baiser sur ses lèvres.

***

J'étais rentrée dans ma chambre juste après, profitant de ce moment de pause, pour coucher sur le papier une description précise des paysages que je venais d'observer et de l'instant que je venais de vivre. Qui sait? Peut-être qu'un jour mes enfants liront ces écrits. Après tout, on ne sait jamais de quoi demain sera fait.

Giulia interrompit ce moment en me rejoignant une heure plus tard. Je ne savais, toujours pas, comment aborder le sujet de ce midi. Je voulais qu'elle le fasse d'elle-même. Mais allait-elle réellement le faire?

De mon côté, Agata et Maria commencèrent à s'occuper de ma tenue pour ce soir. Giulia se faisait masser et crémer le corps par une de ses servantes. Je voulus alors rentrer dans le vif du sujet, mais cette fois-ci plus doucement.

— Alors, racontez-moi comment s'appelle cet homme dont vous m'avez parlé hier? Comment est-il physiquement? la questionnai-je en faisant attention à chacun de ses traits.

— Eh bien, il est plutôt grand, avec de magnifiques cheveux mi-longs et blonds, des yeux bleus terriblement attirants. Un charisme flamboyant. Et j'omets encore de nombreux détails... révéla-t-elle, des étoiles plein les yeux.

— Par hasard, ne répondrait-il pas au nom de Falco?

Son attitude détendue se figea, elle me regarda avec incompréhension et incertitude. Elle savait bien qu'elle n'avait jamais prononcé son nom devant moi.

— Écoutez Gigi, ce matin, c'était moi qui vous écoutait. J'étais même ici, près de la fenêtre.

— Très bien, me répondît-elle calmement après quelques instants de mûre réflexion. Je préfère savoir que c'était vous plutôt que n'importe qui d'autres... Alors qu'en pensez-vous?

— Je vous crois, je suis sûre que vous ne l'avez pas tué. Mais cela va être difficile à prouver... Qui d'autres aurait pu détester votre mari au point de le pousser dans les escaliers en pleine nuit?

— Je n'en ai aucune idée.
Il était trop vieux pour attirer les foudres d'un mari jaloux en ayant une concubine. Et puis, les domestiques l'aimaient tous, il n'embêtait ni ne criait sur ses valets, vu qu'il restait tout le temps tout seul avec son chat.
Il ne devait de l'argent à personne, au contraire, c'était plutôt lui qui en donnait, et généreusement d'ailleurs.
Alors, non je ne vois pas qui aurait pu lui ôter la vie aussi brutalement. Et cela me désespère au plus haut point. Ce soir-là, seules mes domestiques étaient encore là. Il n'y avait alors qu'elles et moi au château.
Non attendez, Falco était là aussi... Il a dormi à l'étage ; je le sais parce qu'il était venu me le dire juste avant en me souhaitant une "bonne nuit". Oh mon dieu! Pensez-vous qu'il l'a tué? Trina c'est de plus en plus affreux cette histoire!
Dans une heure nous devons célébrer sa mort tragique pour lui rendre hommage, alors que son assassin sera parmi nous dans la salle de bal? cria-t-elle presque en s'étouffant.

2055. Lerici, Maison de Katerina

«Je te présente maintenant Falco! N'es-tu pas contente?»

«Ça ne me dit toujours pas qui a tué son mari ! Bon d'accord, j'accepte de t'écouter plus patiemment. Mais je ne comprends pas Giulia, je ne pense pas que Falco ai tué Rodrigo. Je suis d'accord pour dire qu'il aimait ta sœur comme un fou, mais pour moi il ne l'a pas tué. Tu me le décrivais comme guidé par la raison. Il n'aurait jamais pu commettre cet acte? Si?

Mais sinon, vieille cachottière, la robe de Milo était si belle que ça?»

«Elle était digne d'une reine. Avec son magnifique et sobre décolleté, son dos nu parfaitement bien dessiné, ses manches longues soignées, et puis cette longueur unique et majestueuse. Mais pourquoi n'avons nous pas inventé l'appareil photo plus tôt? Tu aurais vu ta jolie maman, enveloppée dans le plus bel accoutrement!»

« Je t'imagine avec et cela me plaît fortement! Par contre, je ne sais toujours pas ce que contient la petite boîte noire de la dernière fois? Tu vas me le dire juste après, n'est-ce pas?»

~~~

L'étau se resserre en à peu... 
Alors, selon vous qui l'a tué?
Giulia? Falco?
plein de bisous🧚🏻‍♀️

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