Chapitre XI
1819. Lerici, Domaine de Katerina et Danielo.
— Milo ! Vous voilà enfin! Vous m'avez terriblement manqué!
Comme je vous aime! Avez-vous fait bon voyage? Alors, contez-moi vos péripéties. Le banquet de votre cousine vous a-t-il diverti? J'espère fortement que vous n'avez pas trouvé, dans la compagnie d'une femme, un moyen de vous éloigner de moi?
J'entendais de fortes exclamations et des rires en étant au salon. Je me précipitai alors vers l'entrée lorsque je perçus le sien. Un son grave et rauque réchauffant mon corps. Le courant d'air, provoqué par l'ouverture de la porte, dispersait sa douce odeur.
Je m'avançai et vis ce dernier, répondant chaleureusement à l'étreinte exercée par mon mari. Il avait passé seulement deux jours loin de moi. Cela m'avait paru comme une éternité.
Pendant son absence, l'ambiance du château fut très austère et silencieuse.
Danielo devait bien comprendre que je ne lui adresserai plus la parole. Dès que je le savais dans une pièce, je faisais tout mon possible pour l'éviter. Il a tout de même respecté ma prise de distance. Et heureusement d'ailleurs!
J'étais lasse de me battre pour tout ça, je ne comprenais même pas à quoi cela rimait. J'attendais juste le retour de celui qui me permettait de m'épanouir. Je sentais pourtant le mal-être de Danielo, il s'en voulait terriblement, je le voyais dans ses coups d'œil et ses tentatives de pardon, mais je ne voulais rien faire.
— Katerina... Vous êtes somptueuse aujourd'hui, avoua Milo, en fixant ses yeux foncés sur les miens. Une lueur d'agitation nuançait son regard.
— Milo... Vous êtes, enfin, de retour, dis-je en faisant exprès de prononcer plus lentement le mot enfin afin de lui montrer mon impatience.
Mais... Vous êtes en retard. Nous venons tout juste de terminer de déjeuner, remarquai-je en soutenant son regard intense.
— J'en suis quelque peu gêné, je sens mon appétit grandir en moi en vous entendant prononcer ces mots.
— Allons Milo, venez avec moi, je vais demander à Agata de vous cuisiner un plat copieux et succulent. Vous regretterez au moins d'avoir quitté ses bons repas.
Danielo posa ensuite sa main dans le dos de son ami, le forçant à le suivre. Ils passèrent alors devant moi. Milo tourna la tête et plongea ses yeux sombres dans les miens. Ses lèvres s'étirèrent, dévoilant ses dents. J'avais une envie soudaine de l'embrasser.
En s'éloignant de moi, il sortit discrètement une petite boîte noire rectangulaire de sa poche et me l'exposa en l'air avec malice. Il me fit un clin d'œil, avant d'être emporté par la poigne de mon époux dans les escaliers jusqu'aux cuisines.
***
— Katerina ! Katerina ! Où êtes-vous ? cria Danielo en me cherchant.
À l'annonce de mon prénom, je me braquai légèrement. Depuis cette nuit, nous n'avons pas eu de réelles discussions. Cependant lorsque j'entendis le motif, je descendis en vitesse.
— J'ai reçu une lettre de la part de votre sœur. C'est bien la première fois depuis un an, dit-il avec étonnement.
Je vous la laisse sur la table, je ne désire pas déranger votre lecture personnelle, finit-il par prononcer, légèrement gêné.
— Restez non loin, s'il vous plait. Jamais Giulia ne vous aurez envoyé une lettre. Quelque chose ne va pas, vous devez sûrement être concerné par cette affaire. Ou alors... cela signifie que ce n'est pas elle qui l'a écrite.
Je commençai, légèrement paniquée, à déchirer l'enveloppe. Mes doigts tremblaient de peur. Je sortis la lettre blanche, rédigée trop soigneusement pour être un écrit de Giulia.
J'avais un mauvais pressentiment. Une boule de stress s'installa profondément dans mon ventre, tandis que ma salive peinait à arriver jusqu'à ma bouche, laissant ma gorge sèche.
Avant de la déplier en vitesse, je remarquai que Milo rentrait dans le salon et accourait vers moi juste après m'avoir aperçue. Son regard perçant, révélait la confusion qu'il ressentait en me voyant dans cet état.
— Je suis là mio amore... murmura-t-il tout près de mes oreilles.
Il plaqua, à l'aide de sa main droite, ma tête sur son torse puis caressa tendrement mes cheveux afin de m'apaiser. Mon rythme cardiaque diminua doucement.
— Ça va aller, ça va aller... me répétait-il tendrement.
— J'ai peur de l'ouvrir. Et si c'était pour m'annoncer son décès? Son mari l'a peut être écrite avec l'aide d'un homme de droit. Regardez, il y a le nom de son notaire sur le dessus de la lettre.
— Ne paniquez pas, ce n'est sans doute pas ça, il mio tutto.
Il caressa mes cheveux d'un côté et mon dos de l'autre. Légèrement calmée, je me décidai alors à affronter la réalité.
« Lundi 24 mai 1819,
château Tempo Vola, Milano.
Très cher Danielo,
Je passe par vous puisque je ne peux pas envoyer de courriers présentant des documents officiels à Katerina directement. Vous êtes légalement son tuteur. Ainsi, je vous prie de transmettre cette lettre, écrite à l'aide de mon notaire, à ma très chère soeur.
Ce manuscrit a été rédigé suite à l'acte de décès de mon mari.
Vous êtes donc invités aux funérailles de mon défunt époux.
Elles ont lieu le 29 mai. Vous pourrez rester une semaine ou deux dans la demeure familiale.
Au plaisir de vous voir à Milan en cette triste période,
à bientôt,
Giulia. »
J'étais si soulagée. J'avais eu tellement peur que cette enveloppe ne contienne son acte de décès que je me réjouissais, égoïstement, de la mort d'un autre. Je sautai dans les bras de Milo, légèrement apaisée.
— Elle va bien ?
— Je crois que oui, c'est l'acte de décès de son mari. Danielo et moi sommes invités aux funérailles.
— Je suis soulagé qu'elle n'ait rien, alors, s'exclama-t-il en souriant légèrement.
— J'ai bien peur qu'il se soit passé quelque chose là-bas.
J'ai beaucoup de questions à lui poser, je redoute encore plus que ce ne soit de sa faute. Vous savez bien, ma sœur est très impulsive par moment, mais de là à commettre un meurtre? Je n'en sais rien. Cela fait une semaine qu'elle ne m'a donnée aucune nouvelle, trouvez-vous cela suspect?
— Je n'en sais guère plus que vous, Katerina. Mais ne vous inquiétez pas trop. Néanmoins, votre sœur vous attend. Vous devriez prévenir Danielo, et partir sur-le-champ pour la rejoindre. J'attendrai votre retour. Je ne quitterai pas le château.
— Vous avez raison, mio cuore. Vous êtes de si bon conseil, Milo. Je m'en vais de ce pas, m'exprimai-je en déposant un délicat baiser sur sa joue droite, avant de prendre la fuite promptement.
2055, Lerici, Maison de Katerina
« La réponse de Danielo fut une très, très, très grande surprise. Je ne m'attendais pas du tout à cette réaction de sa part.
Ne sois pas impatiente, ma chérie, tu vas savoir la suite.
Je sais, tu te demandes ce qu'il s'est passé avec le mari de Giulia.
Eh bien ! Quelle histoire ce fut.
À cet instant, je ne savais absolument pas que ma vie commençait déjà par prendre un nouveau tournant.
Mais que veux-tu ? Personne ne le sait, on ne le remarque qu'après l'avoir vécu!»
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mio dolce : ma douce
mio amore : mon amour
il mio tutto : mon tout
mio cuore : mon cœur
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