Chapitre VII
1819. Lerici, domaine de Katerina et Danielo.
Je m'installai sur mon lit confortablement entourée de coussins douillets. J'avais demandé à Maria de m'amener les lettres provenant de Giulia. J'en ouvris une en brisant le cacher de cire rouge avec l'aide du coupe-papier, ce fameux couteau soi-disant non tranchant. Je sortis alors une feuille de papier remplie d'encre. Je commençai à lire.
Ma petite sœur me donnait des nouvelles de son mari qu'elle souhaitait désormais voir mourir étouffé par la nourriture cuisinée par un talentueux chef. Elle désirait, je cite, «que son arête de dorade se bloque dans sa gorge et que, pris de panique, il ne puisse plus respirer avant de s'étaler en long et en large sur son assiette, avec à côté de sa main un testament qui me permettrait d'hériter de toute sa fortune».
Elle débordait d'imagination concernant cet homme sinistre. Malgré les plaisanteries, je sentis que quelque chose lui pesait. Habituellement, elle me parlait de notre cousin germain qui habitait chez elle, Alfonso. Mais là, seul son mari était le centre d'attention de ses pensées. Je redoutai qu'elle ne soit passée à l'acte d'une quelconque manière. Je lui fis alors part de mes doutes concernant ses ressentiments.
Giulia et moi nous ressemblions sur certains points. Physiquement, nous étions comme jumelles, deux grandes brunes aux yeux verts. Les siens étaient légèrement bleus ce qui les rendaient encore plus uniques.
Cependant mentalement, nous nous opposions fortement. Elle était du genre explosif et réagissait très rapidement. Elle se faisait tout le temps reprendre par notre père.
Contrairement à moi qui réfléchissais beaucoup avant d'agir, ma petite sœur fonçait directement et « advienne que pourra » était sa devise. Son optimisme était cependant débordant. Elle voyait toujours le côté positif des choses, du moins avant son mariage.
Son union avec Rodrigo l'a totalement dévastée. Il était de trente ans son aîné. Cet homme, me disait-elle, ne connaît ni l'amour, ni la passion, ni l'amitié ; ce qui nous relie est un toit où dormir et un contrat de mariage. Nos mariages désastreux nous ont encore plus rapprochées.
Giulia écrivait tous les jours pour tuer son ennui. Elle écrivait des histoires généralement en plus à la fin de ses lettres, elle rêvait d'une vie avec un autre homme qu'elle décrivait avec beaucoup de précisions.
Au début, je pensais qu'elle commettait un adultère pour donner des détails si précis. Cependant, son idéal masculin changeait toutes les semaines, et parfois, exceptionnellement tous les mois.
Mais depuis quelques temps déjà elle n'imaginait plus rien. Je pensai alors que cette envie lui était passée, mais je la connaissais trop bien pour affirmer cette supposition.
Elle me manquait beaucoup. J'ai toujours été habituée à la voir quotidiennement et à partager de très longues heures avec elle. Du jour au lendemain, je quittai la demeure familiale et j'appris quelques mois plus tard qu'elle également.
Nous avons tellement changé en un an. J'avais le sentiment qu'être mariées nous avait fait plus ou moins mûrir. À vingt-et-un ans pour moi et tout juste vingt ans pour elle, nous sommes devenues épouses. Je pensais que nous n'étions pas faites pour rester à la maison toute la journée et obéir aux bonnes volontés de nos maris. Malgré cela, notre vie était ainsi résumée puisque nous n'avions aucun droit direct.
Pensive, je ne remarquai pas la venue d'Agata dans mes appartements. Ce n'était pas encore le moment du souper : il me restait une heure avant d'aller manger alors elle devait sûrement avoir quelque chose d'important à me dire. Elle s'approcha doucement de mon lit et s'exprima prudemment, comme si elle hésitait à me dire ce qu'elle avait en tête.
— Monsieur Milo souhaite que vous vous rendiez à la plage. Il désire également que vous soyez décemment vêtue. Voici sa requête Madame.
Malgré cela, me permettez-vous de vous exposer mon humble avis?
— Merci Agata. Allez-y je vous écoute, dis-je d'une voix bienveillante.
Elle se détendit alors et reprit ses déclarations.
— Madame, je suis votre domestique depuis votre plus jeune âge, je vous admire beaucoup et j'ai également un immense respect pour vous. Cette situation est cependant chaotique, vous retrouvez le sourire et la joie de vivre en sa présence, vous changez vos habitudes et développez de nouvelles aptitudes. Mais ce temps libre est de courte durée, vous le savez, Madame Katerina, votre mari rentre demain. Comment allez-vous faire pour lui cacher un tel secret? Il ne doit en aucun cas découvrir votre affaire, sinon il causera votre perte ; votre vie ne vaudra plus la peine d'être vécue.
Malgré cela, je vous interdis de renoncer à ce bonheur qui illumine de plus en plus vos journées. Les rayons de ce soleil ont déjà atteint votre cœur ma douce, mais aucune fleur ne peut résister au vent funeste qui s'abattra demain.
Je souhaite que vous profitiez pleinement de cette soirée car vous le méritez.
Bouleversée par ses paroles qui résumaient parfaitement la situation, je la pris dans mes bras et la remerciai pour son honnêteté et sa loyauté.
Elle resta dans la chambre afin de m'aider à m'habiller. Je m'apprêtai d'une robe rose pâle, serrée au niveau de la taille et légèrement évasée jusqu'à mes pieds, cachés sous une soyeuse broderie. Mes épaules et mes bras étaient couverts d'un fin tissu et à partir de mon avant-bras, ma manche était faite de dentelle tombant en cascade jusqu'à mes genoux. Pour compléter le tout, ma domestique attacha mes cheveux pour former un chignon sophistiqué.
Enfin prête, je sortis du château pour rejoindre la plage. Une calèche blanche avec deux étalons noirs, m'attendait pour m'amener à destination. Je montai alors dedans et me laissai promener.
À peine descendue du véhicule, je sentis deux grandes mains se placer sur mes yeux. J'ai d'abord paniquée et je voulus alors me défaire de cette emprise soudaine. Mais lorsque j'ai senti cette odeur, son odeur masculine boisée, je ne pus rien faire à part sourire. J'entendis finalement une voix grave près de mes oreilles.
— Ne bougez pas. Retenez-vous d'ouvrir les yeux, je vous amène quelque part mio dolce.
Il prit alors ma main. Totalement confiante, je fermai les yeux et le suivis. Nous marchâmes pendant encore une bonne dizaine de minutes pendant laquelle le silence devenait de plus en plus pesant. J'étais merveilleusement heureuse d'être avec lui, mais je réfléchissais et je pensais à ce qu'Agata m'avait dit.
Trop de doutes concernant cette histoire me traversaient. Une terrible question ne cessait de prendre place dans mon esprit : «Et après? Que se passera-t-il après ?».
Et puis, était-il de bonne humeur? Je n'ai pas vu son expression, mais lorsqu'il m'a quittée cet après-midi, il était furieux. J'attendais qu'il brise le silence mais il ne le fit pas.
Je sentis qu'il ralentissait et je résistai fortement à l'envie d'ouvrir mes paupières. Il s'arrêta complètement et lâcha ma main. J'allais ouvrir les yeux quand je sentis ses deux paumes se poser dans le creux de mes hanches, de chaque côté. J'attendis alors son signal.
— Fabio ne sera pas là ce soir, vous devrez malheureusement passer la soirée avec moi. Cependant, je veux rattraper le temps perdu lors des nombreuses balades que nous aurions pu faire. Ce soir est notre dernier soir de liberté, le savez-vous? Vous doutez-vous également des sentiments que j'éprouve, de la colère que je ressens envers Danielo, de la frustration que j'ai de ne pouvoir vous savoir mienne et d'être à vos côtés le plus souvent possible?
Cette soirée est la nôtre et je souhaite qu'elle soit tout aussi extraordinaire que vous.
Son allusion à Fabio me prouva qu'il avait été jaloux. Je souris à cette idée. Lorsqu'il évoqua ses sentiments je sentis mon ventre se tordre dans tous les sens, exactement comme lorsque ma douleur mensuelle survenait. Je ne savais pas quoi répondre. J'oubliai alors que j'avais toujours les yeux clos quand j'entendis «ouvrez-les».
Nous étions devant une grotte immense tout près des vagues. Des bougies étaient placées sur des étagères naturelles en pierre. Un lit avait été confectionné avec des couvertures, des coussins, un drap, et je sentis que nous allions dormir sous les étoiles.
Deux roses rouges étaient délicatement placées sur le lit. Elles contenaient encore leurs épines. C'est pour cette raison que je m'égratignai le doigt en prenant celle qui était la plus proche de moi pour la sentir. Elle avait une odeur divine. Je ne fis donc pas attention à ma légère blessure et me retournai avec un long sourire sur mon visage. Je plongeai mes yeux dans les siens : ils étaient marrons, très sombres. Je sentis tout à coup la pression monter dans l'air. La tension ainsi palpable, il me regarda longuement, désireux d'une suite.
Mon doigt me lança alors une décharge me rappelant une petite douleur. Je l'apportai doucement à mes lèvres afin d'arrêter le sang de couler le long de ce dernier. Tout en léchant ma blessure, je vis le regard de Milo s'obscurcir. Il s'avança doucement, puis il me souleva brusquement. Il me porta et me posa sur le lit après avoir jeté les roses plus loin, d'un geste vif de la main.
Il s'attaqua d'abord à mon cou en le dévorant avec une multitude de baisers sauvages. Sa main droite longea mon bras droit en le caressant. Des milliers de frissons apparurent partout sur mon corps sous l'extase dû à son toucher. Il posa ensuite, doucement, ses deux mains de chaque côté de ma tête. Nous nous regardions avec intensité.
Il était magnifique.
Ses cheveux n'étaient pas encore tout à fait décoiffés et cela lui donnait une apparence plus ou moins bestiale. Je vis ses yeux se balader sur mon visage pour arriver sur mes lèvres et les fixer avec envie. Je fonçai alors, sans me poser de question, en levant ma tête pour briser le peu d'espace se trouvant entre nous.
Pendant nos embrassades langoureuses, mes mains ne purent s'empêcher de décoiffer ses cheveux et de les tirer plus ou moins fort à partir du moment où il s'attaqua à mes vêtements. J'enlevai en premier sa longue veste puis sa chemise blanche tout en gardant nos bouches collées.
Il attrapa le bas de ma robe et s'arrêta. Il baissa sa tête très proche de mon oreille pour susurrer ces quelques mots.
— Je rêve de faire ça depuis le moment où mes yeux se sont posés sur vous tout à l'heure.
Il arracha ma robe en longueur rapidement pour dévoiler mon corset et mes jambes presque nues, à moitié cachées par ma tunique. Il admira pendant de longues secondes mon corps. J'attendais, avec impatience, qu'il continue sa découverte. Il passa une main sous mon dos et celui-ci se cambra presque naturellement sous son effet, afin de se coller à son torse comme un aimant.
Il commença alors, avec son autre main, à défaire les lacets de mon corset blanc. Au départ délicat, il s'acharna finalement dessus et en rigolant je l'aidai. Il était quand même doué, il avait déjà enlevé la moitié.
Une fois mon corset retiré, tout fut très rapide. Il me déshabilla complètement et enleva par la suite son pantalon et ses sous-vêtements. J'avais très envie de lui à présent. Il était debout et moi allongée en train de le regarder.
Je sentis qu'il attendait comme une approbation, un geste de ma part qui lui ferait comprendre qu'il pourrait continuer sans ne jamais s'arrêter. Alors je me relevai et attrapai brusquement son bras pour le tirer contre moi sur le lit.
Il m'embrassa et passa ses doigts le long de mon corps. Avec de douces caresses sur mon intimité, je cambrai davantage.
D'un coup, il entra en moi. Il me souleva le menton du bout des doigts pour m'obliger à le regarder dans les yeux langoureusement.
Derrière sa tête, je vis les étoiles mais j'étais tellement absorbée par ses doux va-et-vient, que je ne percevais rien d'autre. La mer n'était plus que le fond sonore qui berçait notre étreinte. Ses coups furent plus rapides et secs et je gémis, nos bouches mêlées ensemble.
Sa voix grave et rauque était perçue lorsque je m'agrippai fortement à lui. De petits grognements sortaient de ses lèvres charnues. Il n'arrêtait pas de murmurer quelques mots doux qui me comblaient d'autant plus.
« Vous êtes si belle. » « Je vous désire tellement. » « Votre peau est si douce.» « Vous me rendez fou. »
Un feu d'artifice se déclencha dans mon bas ventre. La température de la grotte au départ très fraîche, donnait maintenant l'impression d'être près d'un volcan en éruption. Notre moment de plaisir atteignît son apogée et nous ne pûmes nous retenir en sortant à l'unisson.
2055. Lerici, maison de Katerina.
« Anna, ma chère et tendre, tu connais déjà ces sentiments d'explosion et d'extase, je n'ai pas besoin de t'en dire plus là dessus.
Cependant, cette fois-ci était un total renouveau pour moi. Comme si ma vertu avait toujours été protégée pour vivre cet instant.
Tous mes problèmes, tous mes questionnements sur mon mari, ma sœur, les domestiques, le monde alentour, tout s'était envolé.
Il n'y avait plus que lui et moi,
Milo et Katerina».
Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top