Chapitre VI
1819. Lerici, Domaine de Katerina et Danielo.
Le reste de la journée se passa calmement. Nous voulions essayer de préparer à manger. Chacun devait concocter un repas et pour déterminer qui cuisinait le mieux nous fîmes goûter nos plats aux domestiques.
Pour me taquiner lorsque je préparais des pâtes, il mit ses mains couvertes de farine sur mon visage. C'est à travers un miroir que je vis mon visage enfariné. Je voulus m'amuser à mon tour et ne fis rien afin de préparer ma vengeance. Voyant que je ne réagissais pas, et que je ne m'essuyais même pas le visage, il retourna devant sa table et continua sa préparation, déçu.
Je me retenais fortement pour ne pas enlever la farine qui me démangeait. Mais il aurait sûrement pris peur et se serait douté de ma prochaine réaction. Je versais du lait de brebis dans une grande coupe et m'approchais doucement de lui quand je le vis dos à moi.
Délicatement, sans un bruit, je versai le contenu de mon verre au dessus de sa tête. Ses cheveux furent les premiers touchés, ils s'alourdirent directement et s'étalèrent le long de son visage. Le lait perla dans son dos à l'intérieur de sa tunique. Il eut d'ailleurs une réaction brusque, puisqu'il releva d'un coup ses épaules au contact frais du liquide sur sa peau. Il se retourna rapidement et m'agrippa alors par la taille afin de me poser sur la table pour que je puisse plus m'enfuir. Nous rigolions très fortement de nos plaisanteries enfantines.
L'euphorie passée, il me regarda attentivement. Puis en sachant que nous étions seuls dans les cuisines, il s'avança près de moi et déposa tendrement ses lèvres sur les miennes. Nous partageâmes un baiser enflammé qui réchauffa tout à coup la température de la pièce.
Je déposai mes mains sur sa nuque. Il balaya mon dos avec une des siennes et caressa ma joue de l'autre. La farine collée sur nos deux visages à présent était le dernier de nos soucis. Plus rien n'existait dans la pièce, à part lui et moi. Je lui donnai accès à ma bouche entière et nos langues dansèrent ensemble parfaitement accordées. Son sourire s'étendit contre mes lèvres lorsque de multiples sensations uniques traversèrent mon corps. Nous finîmes par nous éloigner, très rapidement l'un de l'autre, après avoir entendu un bruit de pas.
Toute retournée et déboussolée, je regagnai ma place et continuai mon mélange de tomates. Je sentis mon visage, et particulièrement mes joues, se réchauffer fortement. Je ne pus m'empêcher de l'admirer discrètement réaliser son plat. Lui et ses muscles saillants légèrement visibles à travers sa légère tunique blanche.
Je sortis dans le jardin chercher des herbes et me posai pendant quelques instants sur un banc. Je désirais Milo de plus en plus. Peut-être était-ce le fait que notre relation était interdite qui rendait la chose encore plus excitante et vivifiante ? Si mon mari découvrait notre liaison, il me répudierait et je n'aurais pas d'autre choix que de finir ma vie dans un couvent pour éviter la mort ou la prison.
Mais cet homme me faisait découvrir des sensations jusqu'alors méconnues. Mon attitude, mon esprit, mes pensées, tout avait changé en moi. J'apprenais à me connaître différemment. Et je ne voulais en aucun cas perdre ces sentiments de pouvoir et de passion. Je me devais de profiter des derniers jours sans mon époux avant son retour.
J'ai finalement gagné notre petite compétition culinaire puisque tout le monde préféra mes spaghettis à la bolognaise qui avait un goût relevé grâce aux herbes du jardin. Milo avait essayé une escalope milanaise mais celle-ci fut bien trop cuite. Je fus fière de ma victoire. Ce qui me permit de l'embêter et de le taquiner d'autant plus.
Mais toute cette agitation nous avait fatigués. Nous conclûmes, sans tarder, notre journée sur un moment rempli de joie et de bonheur avant d'aller dans nos appartements respectifs pour nous reposer.
***
Je n'arrivais pas à m'endormir depuis quelques heures déjà. Mon cerveau refusait de se détendre. Je détestais ce sentiment de dépendance qui commençait à naître en moi. Je n'avais pas envie de m'attacher à lui, s'il devait repartir à un moment donné. Mais je ne faisais que de penser à lui. Soudainement, j'eus une petite idée. Je m'extirpai en vitesse de mon lit pour m'installer à mon bureau. Je sortis une petite feuille de papier. Je pris ensuite ma plume et trempai le bout de cette dernière dans mon pot d'encre. Je réfléchissais à ce que je pouvais bien écrire. Je finis par imprégner le papier de mots simples avec lesquels j'étais sûre de lui faire plaisir.
« Bonne nuit mon Heathcliff, votre bien-aimée Catherine qui vous envoie son plus pur amour pour que vous dormiez paisiblement comme un ange.
-K. »
Je traversai le couloir rapidement sur la pointe des pieds afin d'éviter les grincements du parquet. Je descendis les escaliers et m'avançai plus calmement près de sa porte. Je toquai et fis rapidement glisser mon tout petit papier sur le sol. Je m'enfuis en courant au son de ses pas se rapprochant de l'entrée. Je grimpai les marches à toute allure : un léger sentiment d'adrénaline et d'excitation s'étant emparé de mon âme.
Finalement en sécurité sous les draps soyeux de mon lit, je ne pus empêcher mes lèvres de s'étirer. Apaisée, je fermai mes yeux doucement. Mon esprit se laissa guider vers un pays imaginaire où Giulia me souriait. Je regardai alors autour de moi et vis Milo avec un petit garçon dans les bras. Ma sœur était accompagnée d'un jeune homme et non de son horrible époux. Ils se tenaient bras dessus bras dessous et semblaient très proches. Sacha aboyait pour signaler sa présence et me sautait dessus pour recevoir de tendres caresses de ma part.
Je fus alors réveillée par la lumière du soleil aveuglant mon visage. Agata et Maria avaient repris leurs tâches quotidiennes. Je fus confuse suite à ce rêve fantastique lorsque je revins à la réalité. Aujourd'hui était le dernier jour de ma liberté en tant que femme. Mon époux rentrait demain en début d'après-midi. Je comptais cependant profiter intensément de cette courte période où j'aurais aimé qu'on m'appelle «mademoiselle» et non «madame».
Milo et moi avons fui le domaine afin de nous retrouver seuls. Nous avons galopé à cheval pendant des dizaines de kilomètres, poussés par le vent et l'adrénaline due à la vitesse. La forêt fut notre terrain de jeu, puis nous arrivâmes sur la plage et longeâmes celle-ci le long de la baie. Nous étions, alors, seulement un homme et une femme qui profitaient des quelques instants de bonheur offerts par la vie.
Sans aucune prise de tête, notre journée fut calme et joyeuse. Nous nous baignâmes plusieurs fois et nous séchions grâce aux rayons du soleil, en étalant nos corps sur le sable fin et chaud. Je continuais ma lecture interrompue par Milo la veille pendant que celui-ci se reposait, sa tête sur mon ventre attendant des caresses.
C'est en continuant notre promenade que nous tombâmes sur un groupe de personnes noblement habillées. On aurait dit deux couples d'aristocrates français. Ils vinrent à notre rencontre afin de sympathiser. Ils nous racontèrent alors la raison de leur présence en Italie, ils venaient ainsi passer quelques temps dans la province natale d'un des deux hommes.
Je reconnus alors Fabio, le fils des amis de mes parents qui venait souvent me rendre visite au château lorsque nous étions enfants. Je me remémorai nos parties de cache-cache dans l'immense demeure familiale. Il parut surpris de me voir et fut davantage étonné en remarquant l'absence de mon mari. Il me prit dans ses bras tendrement et pendant quelques instants je m'étonnai moi-même de regretter cette douce époque si lointaine où rien n'était interdit et où notre seul problème était de déterminer quel nom donner à notre cheval. Notre imagination et innocence étaient sans limite. Un rien pouvait nous combler de bonheur.
Nostalgique, je me détachai de mon vieil ami et alors Milo s'empara de ma main de manière possessive. Je sentis qu'il marquait son attachement et ne pus réprimer un léger sourire malgré une certaine incertitude. Mon ami regarda longuement son geste et je sentis qu'il avait compris. Il me fit alors un clin d'œil amical.
J'avais confiance en Fabio, contrairement à Milo qui se méfiait de lui. Il devait peut-être avoir peur que je veuille passer plus de temps en la compagnie d'une connaissance de longue date. Notre relation était fragile car officieuse, alors il souhaitait peut-être me montrer qu'il tenait fortement à moi. Je n'en savais rien.
Fabio était accompagné de la sœur de son ami français et de l'épouse de ce dernier. A quatre, ils prenaient un peu de répit loin de la France et des tensions politiques qui avaient lieu dans le pays.
Nous continuâmes alors de raviver nos souvenirs passés quand Milo s'exclama, désireux de s'en aller :
— Très cher Fabio, je suis ravi d'avoir fait votre connaissance, mais je crains que l'on nous attende pour manger. Il serait fort regrettable de faire attendre des personnes qui dévouent leurs journées entières pour nous servir. Katerina et moi devrions donc rentrer à présent.
Il se faisait tard alors j'acceptai à contre cœur de délaisser mon ami en prenant le temps de retarder tout de même notre retour. Nous nous sommes invités à profiter de la compagnie de l'autre lors de futures sorties. Nous fûmes ravis de cet instant passé, et nous nous quittèrent heureux.
Néanmoins, Milo n'était pas content. Aucun son ne sortait de sa bouche et son expression faciale était figée. Son attitude était distante. Lassée de ce comportement, je galopai plus vite et le semai pour rentrer au château. Il ne me suivit pas à mon grand désespoir.
« Cette soirée s'annonçait exaltante ! » pensai-je ironiquement.
2055. Lerici, maison de Katerina.
« Ce que je ne savais pas c'est que la soirée allait réellement être exaltante.
Je suis si pressée de te raconter la suite ma chérie, mais peux-tu s'il te plaît m'apporter un verre d'eau, je t'en prie. J'ai la gorge sèche à force de parler.
Pourtant, je ne t'ai pas encore raconté les moments les plus importants et croustillants.
Mais patience, patience tu vas découvrir la suite. Ce n'est que le début de l'histoire Anna, tu vas être ravie mais également tourmentée lorsqu'elle sera finie. »
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