Chapitre IV

1819. Lerici, domaine de Katerina et Danielo.

Je dépliai délicatement la lettre et commençai à la lire. Il n'y avait que quelques lignes sur ce bout de papier. Ce n'était pas un long texte.

« Rejoignez moi derrière les écuries dans une heure. Soyez prête à passer une merveilleuse fin de soirée.
                                      -M »

En lisant ces mots, un léger sourire se dessina sur mon visage. Intriguée, je ne pus m'empêcher de penser à l'homme qui vivait désormais sous mon toit. J'étais sûre qu'il était l'auteur de ce mot. Mais alors pourquoi garder ses distances en cette belle journée, si la nuit il souhaitait s'entretenir avec moi ? Pourquoi maintenant ? A-t-il vu ma proposition de balade comme une démonstration d'amour ? Et, plus important encore, est-ce que cela en était une ? Mon esprit était troublé, j'avais besoin de réponses. Mais étais-je vraiment sûre d'en obtenir ce soir ? Il était dans une colère folle à dîner. 

Je me faisais peut-être des idées et ce soir Milo allait simplement m'annoncer qu'il repartait demain à Vérone. Je ne saurais comment réagir, je venais tout juste de m'habituer et à apprécier sa compagnie après un mois de cohabitation. Égoïstement, je ne souhaitais pas non plus qu'il parte pour ne pas passer ces quatre prochains jours toute seule. J'espérais secrètement qu'il continue également à s'intéresser à moi comme au premier jour. 

De plus, qu'entendait-il par merveilleuse fin de soirée ? Son départ me remplirait de tristesse et de remords car je n'aurais pas eu, ni pris le temps de le connaître. Néanmoins, mon attitude n'était pas vraiment amicale. Il devait sûrement se dire que son départ me réjouirait. Je comprendrai son comportement dans tous les cas, vu mon changement d'attitude si inopiné. 

Perdue dans mes pensées, je ne fis guère attention au temps lorsque je remarquai que l'heure était passée. Je me dépêchai de remettre ma robe par dessus ma nuisette et enfiler des bottes noires plus ou moins confortables. Je quittai ma chambre et traversai le jardin pour rejoindre les écuries. Je le vis alors affalé contre le mur en bois.
Tout d'un coup, comme s'il avait senti ma présence, il releva sa tête vers moi et sourit.

— J'avais peur que vous ne veniez pas comme vous avez eu l'habitude de le faire. Vous me surprenez, Katerina... J'aimerais savoir ce qui vous a fait changé radicalement en si peu de temps.

— J'avais peur que ce mot ne soit pas le vôtre. Vous m'étonnez, Milo... Mais je suis ravie de voir que vous êtes venu en bon ami, et ce malgré mon changement soudain de comportement. 

Il empoigna ma main doucement et me tira vers lui. Des électrochocs parcoururent tout mon corps cette fois-ci. Il commença à marcher rapidement comme s'il était pressé de s'échapper loin du domaine. Je peinai fortement à le suivre et la situation ne s'arrangea guère puisqu'il se mit à courir. Ne voulant pas trébucher ou tomber, je pressai le pas à mon tour. Il ne lâcha en aucun cas ma main et commença à rigoler. Il se moquait de ma condition sportive déplorable car il voyait bien que j'arrivais difficilement à le suivre.

Soudain, il s'arrêta et se positionna face à moi. Il lâcha finalement ma main et je sentis comme un léger vide tout à coup. C'était très étrange. Je n'étais pas habituée à ressentir cela. Cependant, ce dernier fut de courte durée. Il se baissa rapidement et me balança du côté gauche afin de prendre, de sa main droite, mes genoux. Instinctivement, je plaçai mes bras autour de son cou pour ne pas tomber et je sentis son autre main se placer dans mon dos.

Nous marchâmes, enfin, il marcha ainsi pendant une vingtaine de minutes. Je fermais les yeux pour profiter de ce moment. J'entendis alors le bruit des vagues qui se cognaient contre le sable. J'ouvris doucement mes paupières pour découvrir la plage devant nous dans la nuit sombre. Il me posa avec attention mais attrapa directement ma main pour ne pas perdre contact.

— Si vous étiez venu cet après-midi vous auriez vu le coucher du soleil, lui dis-je, joueuse et rancunière.

Il me regarda attentivement. Son visage, et le mien aussi, je supposais, étaient éclairés par la lumière émise par les étoiles et la lune. Ses yeux encore plus foncés que d'habitude ne lâchaient pas les miens. Il déposa sa main libre sur ma joue, me forçant à me tourner face à lui.

— Si vous aviez accepté de sortir en ma compagnie toutes ces fois, vous auriez pu découvrir que j'aurais fait bien plus qu'une balade à cheval pour vous combler et vous donner le sourire que vous avez maintenant. 

Il n'avait pas tort. Je détournai la tête face à la mer ne voulant pas lui montrer et lui dire qu'il avait raison. 

— Je vous l'ai dit dès le lendemain de mon arrivée. Katerina, il y a quelque chose qui m'oblige à vous chercher du regard constamment, à vouloir être près de vous mais surtout vous voir sourire. Je sais que vous m'avez fui parce que cela vous faisait peur, je l'ai ressenti dès le début. Mais je ne vais vous demander qu'une chose. Si vous fermez les yeux, Katerina, que ressentez-vous lorsque vous savez que je suis le seul autour de vous et que plus rien ne vous retient ? 

Il s'avança et s'assit sur le sable fin puis étala son corps en long. Je m'assis gracieusement à mon tour et finis par m'allonger tout contre lui. Je réfléchissais à ce qu'il m'avait dit un peu plus tôt, en étant tentée de fermer les yeux pour comprendre ce qu'il voulait dire. 

— Regarder les étoiles me détend, s'exclama-t-il tout à coup. Qui n'aimerait pas savoir ce que sont ces diamants qui apparaissent seulement la nuit et qui permettent d'illuminer un beau visage comme le vôtre? 

— Pensez-vous que si nous volions assez haut nous pourrions les toucher ? Sont-elles si petites ? Et pensez-vous que, comme leur aspect nous l'expose, elles sont fragiles?

— Il y a tellement de questions dont nous ne connaissons pas les réponses, Katerina. Peut-être que nos petits enfants, nos arrières petits enfants résoudront ces mystères.

— Mais nous ne pourrons jamais le découvrir? Ne vous sentez-vous pas triste?

— En aucune façon. Hélas, oui nous ne saurons peut-être jamais ce qu'est cette étoile qui brille, dit-il en pointant de son index un point lumineux dans le ciel, mais lors de notre vie nous découvrirons d'autres choses tout aussi intéressantes, ne vous en faites pas. Je pense que chaque siècle a son lot de découvertes et d'aventures, vivons juste le nôtre sans nous soucier de celui passé ou celui futur que nous ne vivrons pas. Je crois que chacun à sa propre destinée, Dieu étant présent pour nous guider tout le long.

Après quelques instants passés dans un silence reposant, je sentis qu'il bougeait. Peut-être désirait-il rentrer ? Je relevai alors mon buste et me posai sur mes coudes. Tout d'un coup, il fit flancher ces derniers et mit ses mains de chaque côté de ma tête, afin que mes épaules restent sur le sable. Je sentis alors un souffle chaud sur mon visage, ce qui fit contraste avec l'air frais marin. La tension qui s'était accumulée entre nous pendant ce mois dernier commençait finalement par être exposée. 

Il posa doucement sa tête dans le creux de mon cou et commença à y déposer de doux baisers tout le long. Il descendit alors au dessus de ma poitrine prudemment et doucement, comme pour tester ma réaction. Je frissonnais à chaque fois que sa bouche était en contact avec ma peau, ce qui le fit sourire. Il remarquait alors l'effet qu'il avait sur moi. J'étais indéniablement attirée par ses attentions. Cependant je souhaitais prendre mon temps dans pareille circonstance. 

— Je commençais sincèrement à douter de votre intérêt pour ma personne jusqu'à ce que votre corps en dise davantage que les mots qui sortent de votre bouche. 

Ma main se posa délicatement sur une de ses joues et commença à jouer chastement avec ses cheveux bruns. Malgré le plaisir que nous partagions, il releva lentement son visage au dessus du mien pour prononcer ces mots.

— Je vous courtise mio dolce Katerina. Depuis un mois déjà, je désire que vous soyez mienne.

— Milo... S'il vous plaît, laissez-moi réfléchir à tout ça. Vous êtes tellement différent des autres, vous ne vous rendez pas compte à quel point cela est étrange pour moi... Depuis votre arrivée je suis perdue... 

— J'attendrai que vous soyez prête, me coupa-t-il. Mais laissez-moi savourer chaque instant en votre compagnie. 

— Je n'ai rien contre cela ! m'exclamai-je, comblée par cette fabuleuse marque d'affection, qui était en symbiose avec mes sentiments.

Il se releva alors brusquement et me prit dans ses bras, m'embarquant avec lui je ne savais où. Je fermais les yeux. Mon sourire ne voulait plus quitter mon visage. Cependant, lorsque j'entendis le son des vagues plus intensément et que je sentis que je commençais à être propulsée en l'air, je les ouvris. Je vis rapidement le ciel étoilé, et ensuite, plus rien. Je fus aspirée sous l'eau et j'étais comme aveuglée. Il m'avait balancée en mer, cet idiot.

Je fis pression avec mes bras et battis des pieds pour remonter à la surface. Je ne fus pas surprise en le voyant rigoler. Je ne pus m'empêcher de sourire. Je commençai alors à l'arroser fortement. Puis, il répliqua de son côté en s'avançant.

Quand nous fîmes tout près l'un de l'autre, il passa ses mains de chaque côté de ma taille afin de me porter tout doucement et j'entourai ses hanches de mes jambes. Pendant quelques secondes, qui passèrent comme des heures à mon goût, nous nous regardâmes grâce à la lumière des étoiles. Ces magnifiques corps célestes qui restaient immobiles au dessus de nous.

Puis, il se pencha vers moi très, très doucement. J'en avais tellement envie. Je me retenais le plus possible intérieurement pour ne pas moi-même briser la distance entre nous. Il attendait, comme s'il souhaitait mon accord. Mais il succomba le premier en déposant ses douces lèvres sur les miennes. Mon ventre s'enflamma. Des frissons parcoururent tout le long de mon corps, sous l'extase de l'instant. J'aurais pu le repousser gentiment, mais à ce moment, il m'était impossible de lui résister plus longtemps. J'avais envie de savoir ce que cet acte me ferait. Une certaine fièvre ardente s'était emparée de moi, et faiblement j'y avais succombé. Je ne regrettais pas ce qu'il se passait, même si c'était en contradiction avec ce que ma raison me dictait, j'avais choisi de suivre mon coeur cette fois-ci...

Doux au départ, notre échange fut passionné sur la fin. Je me reculais, à bout de souffle, pour mettre fin à ce baiser à contre cœur, guidée par une pensée raisonnable qui m'obligeait à rentrer et à nous laisser languir d'une suite.
Tous les deux mouillés, nous quittions la plage main dans la main, dans un silence paisible, un doux sourire collé à nos lèvres.

2055. Lerici, Maison de Katerina.

« Ah ! Si tu savais les émotions que j'ai ressenties ce soir là. Aucun homme encore n'avait été si doux et passionné.»

Je passais le bout de mes doigts sur mes lèvres pour essayer de me souvenir de cet effet.

« Le premier est quelque chose qu'on n'oublie pas tu sais. Danielo était si loin de mes yeux et si loin de mon cœur, qu'il était pour moi parti à jamais.

Quelle incroyable sensation, Anna, que de se sentir libre et aimée. »

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