Chapitre III
1819. Lerici, domaine de Katerina et Danielo.
Je regardais mon reflet dans le miroir. Agata et Maria finirent de raccorder mes cheveux en un chignon qui donnait un effet légèrement décoiffé, avec deux ou trois mèches laissées sur le devant. Cette coiffure rendait mon buste plus fin et ma carrure plus élancée. Mon visage ainsi dégagé, Maria apporta deux longues boucles d'oreilles avec des saphirs incrustés dessus. Ma poitrine était mise en avant dans ce bustier qui me serrait fortement. Sans oublier le corset qui m'empêchait presque de respirer. Mais le résultat étant très satisfaisant, je ne m'en plaignais pas. Le vert de mes yeux était mis en valeur par le bleu roi de ma robe ainsi que celui de mes boucles d'oreilles.
Je fus alors interrompue par mon époux qui rentra dans mes quartiers sans prendre la peine de s'annoncer. D'une humeur massacrante, il s'arrêta quelques mètres devant moi. Puis sans aucune once d'amabilité, il s'écria qu'il partait à la hâte quatre jours à Napoli afin de soigner un comte atteint de la variole. Cela faisait longtemps qu'il n'avait pas agit ainsi. Habituellement, il était seulement froid et distant. Cette affaire devait beaucoup le préoccuper vu son niveau d'agressivité.
Son annonce ne me fit ni chaud ni froid. Sa présence ne m'importait plus. Cependant, être seule dans cette immense demeure me rendait toujours triste. Tant d'espace vide représentait alors mon cœur qui était finalement bel et bien exempt de tous sentiments.
Face à mon manque de réaction, il s'en alla aussi vite qu'il était rentré. Je ne souhaitais pas le suivre de peur d'aggraver sa colère. Je me contentais de le regarder, à travers la fenêtre de ma chambre, mettre ses valises remplies d'instruments et de fioles dans une calèche, pour finalement s'installer sur un siège non loin du cocher. Je le vis prendre la route promptement. Je me sentis soudainement comme libérée d'un poids imposant.
Je pris alors ma plume et de l'encre. Je commençai à écrire à Giulia en prenant le plus de plaisir à lui raconter que pendant quatre jours je ne serai plus la même femme. Je ne serai plus mariée à un homme. En effet, je ne serai plus une épouse, mais tout simplement une femme. Je pensais déjà aux folles idées et envies que j'avais envie de réaliser pendant l'absence de Danielo. Tant d'émotions me submergeaient. J'avais terriblement envie de changer mes habitudes, de me libérer de toutes contraintes et d'être véritablement la femme que j'étais, au moins le temps d'un long week-end. Je donnai ensuite la lettre à Maria pour qu'elle aille la déposer au messager du domaine.
— Madame Katerina, m'interpella Agata lorsqu'elle me croisa dans les couloirs, Monsieur Milo désire savoir où est passé son ami. Monsieur est rentré de la chasse et s'est inquiété en découvrant le cabinet vide. Voulez-vous que je lui dise ou souhaitez-vous lui parler car je n'ai pas tous les détails ?
Je fus surprise par la présence de cet homme attrayant que je pensais parti avec mon époux. Cela faisait déjà un mois qu'il était arrivé au château. Je refusais toujours ses avances et ses propositions. Cependant, je sentais qu'il commençait à se lasser de ce début d'affliction presque à sens unique. Il n'était pas venu me voir depuis plusieurs jours déjà. Il avait très certainement abandonner toute idée me concernant. C'est alors, en pensant à lui et aux moments que j'aurais pu vivre avec, que je fus étonnamment confiante. Prise d'un sentiment de liberté, je m'avançai vers la vieille dame et lui dis :
— Merci Agata mais ce n'est plus nécessaire, je vais briser la distance entre cet homme et moi. Je crois que je dois me faire pardonner pour mes manières plus que déplacées fondées sur une peur irrationnelle.
Elle sourit avec bienveillance, se recula ensuite, me laissant ainsi quitter mes appartements.
Je descendis les escaliers pour arriver au salon. Je pris alors une veste de la même couleur que ma robe et la mise par dessus. Elle était serrée et cintrée, ce qui affina ma taille. J'avais une envie soudaine de faire les choses que je n'avais pas pu depuis longtemps. Je sortis de la grande demeure pour rejoindre les écuries. Je demandai finalement au garçon d'atteler deux chevaux pour une balade. Ce qu'il fit silencieusement.
Lorsqu'il eut fini, il me demanda si je désirais autre chose et je lui donnai une autre requête. Après avoir entendu cette dernière, il s'en alla précipitamment. Cependant je fus surprise de le revoir, une vingtaine de minutes plus tard, tout seul.
— Monsieur Milo souhaite vous répondre qu'il refuse cette balade à cheval en votre compagnie, aussi agréable pourrait-elle être. Souhaitez-vous encore sortir Madame?
Frustrée et ma fierté blessée, je montai sur mon cheval sans attendre l'aide du valet. Je partis alors sans lui répondre tant mon esprit était troublé. J'étais déçue, mais cela n'allait pas m'empêcher de passer un bon moment.
Je commençai à galoper en dehors du domaine. Passant d'abord à travers les bois, je rejoignis ensuite le bord de mer. Sentir le vent se heurter contre ma peau me procurait une merveilleuse sensation de liberté. L'air salé remplissait mes narines et je me sentis, malgré l'événement passé, sincèrement heureuse. Je criai et fis sortir de mes poumons toute la frustration, la colère, la peine que j'avais gardées durant des mois. Mon ancienne vie, ma soeur, mes parents me manquaient tellement.
Cela faisait depuis au moins une année que je n'avais pas été dans cet état d'euphorie. Je fus plus que ravie également d'aller ensuite dans l'eau avec mon cheval tout en l'arrosant. Il jouait avec moi tendrement. Ce moment était doux et je regardai alors le soleil se rapprocher très doucement de la mer, laissant autour de lui de magnifiques couleurs vives. Je pouvais enfin profiter pleinement de chaque instant sans me préoccuper de la réalité factuelle.
Il devait être dix-neuf heures environ. Mon ventre me faisait ainsi comprendre qu'il désirait être comblé, alors je décidai de rentrer au château. Préoccupée, je pensais au dîner de ce soir. Il n'y aura donc que deux couverts. Sans grande conviction, je grimpai sur mon cheval avec mes vêtements trempés, et, dès lors, j'entamai le chemin du retour.
J'allais me changer en découvrant que la table était déjà mise et le dîner préparé. Je me dépêchai alors en grimpant à toutes vitesses les marches et me déshabillai rapidement une fois arrivée dans ma chambre. Je mis une nuisette et enfilai une légère robe par dessus afin d'être le plus à l'aise possible.
Je descendis les marches et mon odorat fut en alerte : l'odeur des lasagnes d'Agata me fit tout à coup presser le pas. Je me retrouvai alors devant lui. Milo s'avança près de moi et au moment où je me rapprochai de lui pour le saluer, il me contourna pour aller s'installer à table.
Déçue mais amusée par sa réaction, je repris mes esprits et m'installai également, face à lui en bout de table. Le repas se passa dans un silence glacial, une certaine tension régnait dans la pièce. Il semblait en colère ou sûrement vexé par ce revirement soudain de situation. Ou peut-être avais-je tort ? Il m'ignorait simplement comme je l'avais fait depuis un certain temps déjà. Je n'osais m'attirer ses foudres alors je ne cherchai pas à engager la conversation. Après tout, je l'avais rejeté pendant un mois. Et puis d'un coup, guidée par une pure insouciance, un élan de liberté et sûrement égoïstement, j'avais fini par montrer de l'intérêt pour sa personne. Mais pourquoi son humeur distante me pesait autant ? J'avais tant envie qu'il continue, égoïstement, de s'intéresser à moi, de me parler avec la même curiosité et complicité qu'au début, qu'il me propose de sortir avec lui, comme avant... Cette envie s'était développée avec le fait qu'il me fuyait comme je l'avais fait plus tôt. Je ne savais plus comment agir raisonnablement.
Quand j'eus fini mon délicieux repas, je me levai et m'enfuis sans un mot dans mes appartements.
Environ une heure plus tard, quelqu'un frappa à la porte de ma chambre. Allongée sur mon lit, je ne désirais pas me lever alors je criai, en espérant être entendue, que cette dernière n'était pas fermée à clef. Cependant, je n'entendis rien. Aucun pas qui se rapprochait de moi. Seulement un son comme un glissement de papier.
Intriguée, je me levai et m'approchai de l'entrée de ma chambre pour découvrir une petite lettre pliée. Curieuse de savoir qui m'avait envoyée le mot, j'ouvris rapidement la porte mais ne trouvai personne dans le couloir. Ni à gauche, ni à droite. Personne ne répondît non plus lorsque je demandai s'il y avait quelqu'un. Je fermai ensuite cette dernière à clef et m'assis sur mon bureau afin de lire attentivement ces écrits.
2055. Lerici, maison de Katerina.
« J'aurais voulu garder cette lettre avec moi car elle annonçât le début de la première passion qui s'est emparée de mon corps et de mon âme.
À ton avis, mon chat, qu'y avait-il de si important sur ce papier ?
Et qui a bien pu l'écrire ? »
~~~
alexia
Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top