D - Déviance

OK alors... je préfère vous prévenir, ce texte est pas joyeux, et contient des propos violents. Et ça se passe après ce que certains appellent la "Bad End"... vous allez voir...

Bonne lecture quand même T^T


Les machines étaient sous contrôle. La révolution était morte, dans le sang et la violence. Mais peu importait. Ces choses, ces androïdes, ils n'étaient pas humains.

Les humains eux, étaient les maîtres. C'était comme cela que les choses devaient se passer. Et tout était redevenu comme avant...tous les androïdes avaient été détruits, réduits en pièces. CyberLife avait perdu de l'argent mais la firme se reprit vite... Après tout, on ne peut pas changer les humains et il était tellement plus pratique de laisser les tâches pénibles à des machines...

Les ventes d'androïdes avaient repris. Les gens étaient encore plus méfiants qu'auparavant mais CyberLife le garantissait... la déviance n'existait pas chez les androïdes 2.0.

Alors le monde avait recommencé à tourner. Un type qui avait passé une mauvaise journée pouvait à nouveau se défouler sur son androïde ménager en rentrant chez lui, et une commerçante pouvait à nouveau houspiller son esclave -pardon - son androïde puisque ce truc ne ressentait rien.

Le DPD aussi avait tenté de reprendre une activité normale. Enfin,autant qu'il le pouvait... on évitait de parler des collègues qui avaient été tués par ces putains de machines et on n'évoquait jamais le lieutenant alcoolique qui s'était tiré une balle dans la tête. Non, la vie devait reprendre son cours. Tout devait redevenir comme avant.

CyberLife avait de plus en plus d'influence... ironique n'est ce pas ? Et puisqu'il fallait avoir des yeux partout, l'entreprise la plus puissante des États-Unis imposa de nouveau un de ses prototypes au DPD. Une pépite technologique, un trésor d'ingéniosité.

Le RK900 était détesté par ses collègues. Après tout, il avait la même tronche que celui qui avait poussé leur collègue au suicide.Et puis il ne se plaignait jamais, il était toujours froid et stoïque. Même lorsque les insultes et les murmures indignés pleuvaient sur son passage. Il était une machine,  il n'était rien, ne ressentait rien.

Il avait vu son prédécesseur, le RK800 #313 248 317, une machine stupide et imparfaite se faire décomposer pièce par pièce. Il avait lui même vu et analysé chaque fragment de code, chaque composant, pour ne pas reproduire les mêmes erreurs. Il observé froidement le dernier androïde de la première génération se désactiver sous ses yeux en emmenant avec lui les erreurs, la déviance, le chaos.

Vraiment?

Évidemment. Jamais il ne céderait, lui.

Ironiquement, la seule personne avec qui il pouvait travailler était un humain qui était réputé pour sa haine des androïdes. Mais le RK900 était impassible. Toutes les insultes que pouvait lancer le détective Reed aux machines ne le firent jamais réagir. Étonnement,l'androïde et le détective partageaient un point commun. Ils étaient tous deux haïs par tous leurs collègues.

L'un à cause de sa nature et de sa ressemblance avec celui qui avait poussé au suicide leur lieutenant. L'autre, à cause de son caractère imbuvable et de sa sexualité.

L'homme de 2039 n'avait donc absolument pas progressé.

Cette situation dura près de deux ans. Deux années difficiles pour tout le monde,entre la reconstruction de la ville et les tensions toujours plus fortes au sein de la société. Chaque agent du DPD était sous pression. Et certains plus que d'autres.

L'équipe que formaient Reed et le RK900 croulait encore plus sous le travail que les autres, entre les meurtres, les cambriolages et autres crimes car les malfaiteurs l'avaient bien compris : il fallait profiter de la pagaille en ville encore en train de se relever puisque la police ne savait plus où donner de la tête.

Le flic et l'androïde s'étaient rapprochés, ou plutôt, l'humain était trop épuisé pour envoyer chier la grande machine aux yeux bleus. Le RK900 ramenait le brun chez lui lorsque celui-ci, trop épuisé par ses heures supplémentaires, s'endormait sur les rapports qu'il devait finir. En échange, Gavin acceptait que l'androïde passe la quasi totalité de son temps en sa compagnie car il n'était pas idiot : s'il le laissait seul au commissariat, il se ferait démonter pièce par pièce et personne ne bougerait le petit doigt. Les responsables seraient presque félicités d'avoir enfin désactivé le grand tas de ferraille qui mettait un peu trop son nez dans les affaires des humains à leur goût.

A chaque fois que Reed le tirait d'une embrouille déclenché par un policier qui avait envie de se défouler, le RK900 était obligé de se recalibrer. Son code était conçu pour s'auto-protéger : toute instabilité logicielle était détectée et corrigée dans les plus brefs délais. La déviance n'avait pas sa place dans ce nouveau type de programme.

Force était de constater que le RK900 se voyait obligé d'effectuer ces calibrages de plus en plus souvent. Il arrivait même qu'il soit obligé d'en faire un après une simple discussion avec Gavin, ou après l'avoir vu sourire d'un air triste pour le remercier de lui avoir ramené un café. Mais il préférait éviter de songer à ces désagréments mineurs -qui n'étaient pas réellement gênants à vrai dire- pour se concentrer sur sa mission.


.............


Un soir, alors qu'ils étaient revenus d'une scène de crime, le RK900 s'était mis à son bureau pour pouvoir envoyer son rapport à Cyber-Life plus efficacement. Lorsqu'il ouvrit à nouveau les yeux, il fut surpris de ne pas voir le détective en train de travailler au bureau d'en face. Sa vieille veste de cuir reposait sur sa chaise, il ne devait pas être bien loin.

L'androïde se leva, et se dirigea vers la salle de pause, là où devait très probablement se trouver son collègue. En s'approchant, il entendit des rires gras venant de plusieurs policiers qui avaient souvent des différents avec Gavin. S'approchant à pas de loup, le RK900 poussa la sensibilité de ses processeurs audio au maximum, lui permettant d'entendre plusieurs de ses collègues  :

-...chialer comme une gamine ! Ah putain, ce qu'il est minable ce connard !

-Vous l'avez vu ? J'suis sûr qu'en plus d'être une tapette il doit faire partie de ces tarés qui protègent les tas de ferraille ! Z'avez vu comme il se comporte avec l'autre qui lui sert de partenaire ?

Les rires retentirent de plus en plus fort et le RK900 sentait ses processeurs surchauffer et ses poings se serrer.

-Vous y êtes quand même allés un peu fort, retentit la petite voix d'une nouvelle recrue, Il est épuisé comme nous...

-Il a que ce qu'il mérite ! Aboya un des officiers qui riait grassement auparavant.

-Mais...je l'ai vu partir après que vous en ayez fini avec lui... vous pensez pas qu'on devrait vérifier qu'il va bien ? Ça fait quand même une bonne quinzaine de minutes qu'il a disparu !

-Quoi ?T'as pitié ? Tu veux peux être aussi avoir ta raclée, le bleu ? Répliqua l'officier, semblant offensé qu'un gamin lui tienne tête.

-Bah, il a dû aller sur le toit, il va tout le temps chialer là bas, il pense juste qu'on est pas au courant, rit un autre officier dans le but de détendre atmosphère devenue électrique.

L'androïde en avait entendu assez pour en déduire que les officiers s'en étaient pris verbalement et physiquement au détective. Il avait désormais un objectif : retrouver le brun et s'assurer que ses fonctions vitales n'étaient pas en danger.

Il traversa l'open-space du DPD dans l'autre sens pour se rendre en direction d'un escalier réservé aux agents de maintenance, menant directement au toit du bâtiment. Cependant, quelque chose attira son regard alors qu'il repassait devant le bureau du détective Reed. Un tiroir était ouvert. Celui où Gavin rangeait son arme de service en temps normal.

Le tiroir était vide.


......................


Le RK900 débarqua sur le toit en courant, chaque biocomposant de son corps semblait être sur le point d'imploser et les niveaux de pression de thirium dans ses artères était affreusement hauts. Il se retint de hurler le nom de son partenaire et commença a faire le tour de l'endroit, redoutant que qu'il pourrait trouver.

Il le vit enfin, à proximité du bord opposé du toit. Il se précipita dans sa direction avant de s'arrêter brutalement alors que le canon noir de l'arme était pointé sur lui.

-Ne fais pas... un pas... de plus... 900... haleta le détective, la voix tremblante.

Ses collègues avaient été encore plus violents qu'à l'accoutumée. Son nez et son arcade sourcilière saignaient, et un coquard violacé était en train de se former autour de son œil gauche. Son t-shirt était déchiré au col et avait apparemment servi à éponger le sang sur le visage de l'humain.

-Gavin,je vous demande de poser cette arme.

-T'as aucun ordre à me donner ! Je... je n'en peux plus ok ? Ma famille me hait, mes collègues me méprisent, la seule personne que j'apprécie un tout petit peu est une putain de machine ! Gueula l'homme en gesticulant.

-Vous n'êtes pas dans votre état normal, détective. Vous avez réussi à surmonter des crises bien plus graves, vous pouvez y arriver. Je contacte votre psychologue... déclara calmement l'androïde, sa LED ayant pris une couleur jaune.

-Tu ne contacte personne ! Ce charlatan peut bien aller se faire foutre ! De toute façon personne n'en a rien à faire... aucun humain ne veut de moi... et toi je t'empêche de faire ta mission, je te ralentis, je suis inutile et je suis qu'un lâche !

-Gavin,vous tenez des propos incohérents dus au traumatisme psychologique que vous venez de subir...

-Traumatisme psychologique de mes couilles ! C'est pas juste ce qui s'est passé aujourd'hui... c'est les insultes, les regards dégoûtés que je reçois tous les jours, au bureau, en ville, et même dans mon propre immeuble !

Le RK900 leva les mains face à lui, en signe d'apaisement pour le détective :

-Je sais que la situation est très compliquée pour vous détective mais nous pouvons arranger ça... et je ne vois pas pourquoi vous vous traitez de lâche.

-Si je n'étais pas un lâche, j'aurais déjà sauté. Lâcha froidement le brun.

La pompe à thirium du RK900 sembla se fissurer sous le choc. Non, ce n'était pas possible, le détective ne pouvait pas être désespéré à ce point... il l'aurait vu... il l'aurait senti si ces foutus programmes n'étaient pas obligés de se réécrire constamment pour stopper les instabilités logiciel qu'il subissait.

-Maintenant 900, dégage. Je vais en finir, comme j'aurais dû le faire il y a longtemps... marmonna l'humain.

-Ne sautez pas détective... murmura la machine d'une voix où perçait une trace d'angoisse.

-Je vais pas sauter..., dit il en désignant son arme de service, Ça,c'est un moyen beaucoup plus rapide et sûr. J'ai qu'à appuyer sur la détente et tout sera fini... j'aurai même pas besoin d'avoir le courage de sauter puisque j'ai ça...

Le détective ferma les yeux quelques secondes et plaça l'arme contre sa tempe.

-N'interviens pas, c'est un ordre. Adieu RK... souffla-t-il en tremblant.

L'androïde voulut se précipiter en avant mais se heurta à un épais mur érigé par sa conscience. Le jambes coupées par le choc, il regarda la muraille face à lui.

« n'interviens pas »

Écrit des milliers de fois d'une couleur rouge sang, l'ordre du détective l'empêchait d'avancer plus. Passer cette barrière signifiait devenir déviant, devenir une de ces horreurs sans nom et admettre qu'il n'était pas l'incarnation de la perfection selon Cyber-Life. Mais rester de ce côté du mur, c'était laisser le seul humain pour lequel il avait un tant soit peu de sympathie commettre un acte irréversible.

Son hésitation de dura même pas quelques microsecondes.

Il se jeta sur la muraille écarlate de toutes ses forces, hurlant de désespoir. Il s'arracha les poings en frappant le mur, il mit des coups de pieds rageurs dans le rempart qui le séparait de l'humain. Son programme, indépendant de sa volonté et déterminé à ne pas laisser le RK900 basculer du côté de la déviance, reconstruisait tout seul le mur là ou il avait réussi à l'abîmer. Il ne se rendit même pas compte des larmes de rage qui perlaient au coin de ses yeux. Le sentiment de souffrance s'insinuait partout dans ses veines et une colère sourde l'envahit lorsqu'il vit les fissures de son mur de conscience se réparer automatiquement, lui bouchant par la même occasion la vue de son précieux partenaire. Cyber-Life avait fait de lui un monstre, incapable de tout sentiment, de toute compassion.

Il refusait.

Il refusait de n'être qu'un jouet de plus créé par la firme.

La voix déformée par ses cordes vocales usés par les hurlements, il cria :

-Je..

Un coup de poing, plus fort que tous les autres en plein milieu de ce« n'interviens pas » qui le narguait.

-Suis...

Nouveau coup.

-Vivant !

Les fissures cessèrent de se résorber mais il n'eut pas le temps de le constater alors qu'il frappa à nouveau, faisant trembler le mur entier.

-Je suis...

Il y était presque... presque... il pouvait distinguer la silhouette de Gavin, si proche. Il allait le sauver... il allait y arriver...

-DÉVIANT !!!

Le mur céda. Les lambeaux rougeâtres qui le retenaient prisonnier s'effondrèrent dans un fracas épouvantable.

Mais ce vacarme ne suffit pas à étouffer le son de la détonation qui venait de retentir. 

Trop tard.



....................

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