C - Chevalier

Au début je voulais faire "C - Cigarette" et puis... mon cerveau a sorti ça. :) Enjoy !




Il était une fois...

...une belle région entourée de lacs, de rivières, abordant de douces collines verdoyantes et agréables à arpenter les longs jours d'été mais redoutable l'hiver, lorsque le temps rigoureux faisait geler les cours d'eau et enveloppait la contrée de Det-Roi sous une épaisse couche de neige.

Un jeune voyageur imprudent en fit les frais. Il eut la sottise des'engager sur les routes et fut surpris par les chutes de neige exceptionnelles pour un mois de novembre alors qu'il ne portait qu'un pardessus de cuir usé qui ne le protégeait pas le moins du monde du froid mordant. Grognant et maudissant le temps exécrable, il fut néanmoins soulagé lorsqu'il consulta sa carte. Il ne se trouvait qu'à quelques lieues de la principale ville de la contrée. Il y trouverait bien un coin à peu près sec pour passer la nuit.

Ragaillardi,le voyageur prit le chemin de cette cité. Il avançait activement dans la poudreuse quand il entendit quelque chose derrière lui. Il n'eut même pas le temps de se retourner qu'il fut copieusement arrosé de neige.

En effet, un magnifique destrier venait de le dépasser au grand galop sans même ralentir. Le voyageur, outré, chassa d'un revers de la main la neige qui lui était atterri dans la figure avant de se mettre à hurler sur l'impoli, qui s'était arrêté quelques mètres plus loin pour s'enquérir de l'état du marcheur :

-Putain de bordel de merde ! Qu'est ce qui va pas chez vous ? Vous avez pété un câble pour galoper plein cul alors qu'il y a autant de neige ? Vous auriez pu me tuer avec votre bête !

Le voyageur aurait pu continuer à gueuler encore longtemps s'il n'avait pas levé les yeux vers le cavalier. Un chevalier. Il venait d'insulter un putain de chevalier... et à en croire le symbole -un rond parfait coupé en deux endroits et qui semblait tournoyer- qui ornait son plastron et sa cape, l'homme était également un chevalier au service du seigneur de la région. L'homme jeta un regard plus glacial encore que la neige environnante au voyageur et ne dit mot. Visiblement offensé et se jugeant trop noble pour adresser la parole à un simple voyageur, il fit faire demi tour d'un simple mouvement de hanche à sa monture. Une petite pression de la jambe, et il fut reparti au grand galop, disparu aussi vite qu'il était apparu.

Gavin– car tel était le nom du voyageur – mit une dizaine de secondes à recommencer à bouger. Lorsqu'il avait croisé le regard glacial de l'homme à cheval, il avait senti un frisson lui descende dans la colonne vertébrale et il avait eu le sentiment de se trouver exactement là où le Destin avait désiré le placer en cet instant précis. Puis il soupira. Rester planté là, dans la neige serait tout sauf productif, et il ferait mieux de rejoindre la cité avant la nuit s'il ne voulait pas mourir congelé. Il n'avait plus qu'à oublier l'existence de ce chevalier.

.....................


Il arriva juste à temps dans la cité, l'obscurité commençant doucement à envahir les routes. Les habitants lui indiquèrent le chemin à suivre jusqu'au château du seigneur qui apparemment, était un jeune homme cultivé et curieux qui accueillait les voyageurs comme ses propres amis. Gavin avait de la chance, beaucoup de chance.Il avait entendu que certains nobles dirigeants du Nord étaient souvent plus cléments quand les intempéries mettaient en danger aventuriers et voyageur mais il avait toujours cru que cela constituait des légendes idiotes racontées par des gens n'ayant jamais mis les pieds dans ces contrées. Curieux, il se rendit tout de même en direction de l'immense bâtisse qui dominait la ville.

Il passa les lourdes portes du château et se sentit légèrement perdu ; la forteresse était plutôt grande et malgré l'heure tardive, encore beaucoup de petites gens s'activaient dans la cour inférieure qu'il venait de pénétrer. Son air égaré dût se voir car un homme, grand et solide, aux cheveux grisonnants s'approcha du jeune homme :

-Perdu fiston ? Oh... un voyageur... vous devez venir pour le seigneur Stern n'est ce pas ? Vous arrivez au bon moment, l'hiver commence à l'ennuyer et la neige l'empêche de sortir du château.

-Qui êtes vous ? Vous me voulez quoi déjà ? On m'a juste dit que je pourrais crécher ici pour la nuit...

-Capitaine Anderson, mais tout le monde m'appelle Hank. Maître chien du seigneur Stern et chef officieux de sa garde vu que la plupart d'entre eux sont des bras cassés. Je parie que vous avez réussi à entrer ici comme dans un moulin... soupira l'homme, qui était en effet flanqué d'un énorme chien à l'air bienveillant d'une race que Gavin n'avait jamais vue. Le garde reprit : Vous êtes chanceux. Tous les seigneurs n'ouvrent pas leurs portes ainsi aux voyageurs, surtout quand l'hiver commence aussi tôt.

Il fit signe à Gavin de le suivre et ce dernier ne se fit pas prier. Ce petit seigneur offrait le gîte et le couvert aux voyageurs, dans un château chauffé par les temps qui courraient ? C'était noël avant l'heure...

Il suivit le capitaine à l'intérieur de la bâtisse jusqu'à une pièce qui contrastait avec les couloirs froids et gris : d'une belle taille, la salle était enrichie de tapisseries anciennes et un feu ronflait bruyamment dans l'immense cheminée. La Cour du seigneur était réunie : servantes, plusieurs tisseuses qui brodaient une nouvelle tapisserie, quelques chevaliers accompagnés d'enfants qui étaient dans doute leurs pages, des musiciens et des chanteuses, une femme mystérieuse coiffée de tresses qui jetait un regard mauvais au nouveaux venus, et plusieurs autres personnes qui semblaient faire partie de l'entourage du seigneur.

La chose qui étonna le plus le voyageur fut le seigneur en question :il était jeune, plus jeune que lui d'au moins plusieurs années.Souriant, il semblait apprécié de sa cour et de son peuple. Il ne croulait pas sous les bijoux et les tenues riches et fragiles :il semblait parfaitement à son aise et se leva en voyant les nouveaux venus :

-Hank,enfin ! Nous t'attendions impatiemment mon ami ! Ton absence lors de ces soirées se fait sentir ! Qui nous ramènes tu ? Un voyageur ?

Les yeux bruns du seigneur brillaient d'excitation alors que la femme mystérieuse prit la parole :

-Connor...nous avons déjà discuté. Nous ne pouvons pas accueillir le moindre voyageur qui se présente à notre porte ! Et celui-ci nem'inspire pas confiance...

-Allons Amanda, avez vous vu ce froid dehors ? Le laisser à nos portes reviendrait à le tuer ! Installez vous ! Voyageur ? Aventurier ? Qu'on lui rapporte de quoi manger ! Je nourris mes hôtes avant de leur demander de me raconter leurs aventures ! Monsieur... ?

-Les deux... je suis Gavin Reed, sire... mais je...

Gavin se prit un coup de coude de la part du capitaine Anderson qui murmura de manière à ce que seul le voyageur entende :

-N'ose même pas refuser... donne lui ce qu'il te demande, fiston.

Le regard perçant que lui lança le capitaine le convainquit de ne pas faire de vagues. Après tout, il pouvait bien parler de ses quelques aventures si cela pouvait plaire au jeune noble qui lui offrait une place chauffée et un refuge au milieu de cet enfer glacé.

Entonnement,la soirée fut plus agréable que prévu. Le seigneur Connor était d'une agréable compagnie et sa Cour était distrayante. Après s'être sustenté, Gavin fut prié de conter son histoire... malgré quelques réticences, il lâcha rapidement qu'il s'était légèrement perdu et qu'il avait été chanceux d'arriver dans la contrée de Det-Roi. La Cour ne sembla pas s'offusquer de ses piètres talents de conteur... sauf la mystérieuse Amanda, mais le capitaine lui intima de ne ne pas prêter attention à elle. Le étoiles brillaient fort dans le ciel quand le seigneur Connor se mit à son tour à raconter avec passion quelques aventures qu'il avait eues avant de prendre la responsabilité du trône de la contrée. La Cour semblait avoir déjà entendu cette histoire des centaines de fois mais écoutait toujours aussi attentivement le jeune noble :

-...alors,j'ordonnai à mes compagnons de rester en arrière. Le chevalier Daniel n'était de toute évidence dans un grand émoi... le seigneur Phillips me faisait confiance pour réussir à le calmer et la vie de sa petite fille en dépendait. Je tirai mon arme et me préparai à faire face au chevalier, seul, prêt à échanger ma vie contre celle de l'enfant, quand tout à coup-...

Une porte avait violemment claqué ce qui fit sursauter une bonne partie de l'assemblée. Des bruits de pas retentirent et une haute silhouette finit par se présenter dans la douce lumière que diffusait la cheminée. Le seigneur Connor sauta sur ses pieds, un grand sourire affiché sur le visage et s'adressa au nouveau venu :

-Mon cher frère ! Approche et réchauffe toi ! On dit que tu es parti tout le jour malgré ce temps épouvantable... aide moi donc à finir de conter cette histoire ! Te souviens-tu de lorsque nous étions jeunes et insouciants et que nous parcourrions le monde ?

Gavin sentit sa respiration se bloquer d'un coup. Ces cheveux ébène, ce regard de glace, ce visage noble, cette tunique aux couleurs de l'étendard de la contrée et cette épée qui pendait à sa hanche... aucun doute, il s'agissait là du chevalier qu'il avait croisé en chemin ! Mais loin du rustre qu'il avait imaginé, il avait devant lui un noble, qui devait avoir le même âge que le seigneur Connor, et -il fallait bien l'avouer- qui était affreusement attirant par dessus le marché.

Les joues de Gavin se tintèrent de rouge. Le chevalier le fixait du regard et avait de toute évidence reconnu le voyageur. Il pouvait dire adieu à la place chaude et confortable qu'il avait trouvé pour la nuit, il allait le dénoncer, et on ne le laisserait même pas dormir dans les écuries avec les bêtes... insulter un des chevaliers -et accessoirement le frère- du seigneur de la région.Bravo Gavin, brillant ! Des hommes allaient au cachot et étaient pendus publiquement pour moins que ça !

Mais...à sa grande surprise, le jeune homme ne dit rien. Il n'adressa même pas la parole à Gavin. Il se contenta de s'installer aux côtés de son frère et soupira.

-Tu devais encore raconter tes aventures chez le seigneur Phillips...parlons plutôt de ta rencontre avec sire Manfred !

-Markus est un ami ! Se défendit le seigneur.

-Un ami que tu as essayé d'arrêter lors de ta première rencontre alors qu'il se battait pour reprendre le pouvoir dans sa contrée ! Répliqua le chevalier.

Le voyageur se sentit presque défaillir. La voix profonde le l'homme aux yeux bleus avait eu raison de lui. La cour semblait aussi surprise, et à en croire les murmures que Gavin parvint à déchiffrer, le chevalier ne participait que rarement aux veillées nocturnes qu'affectionnait son frère et que le simple fait qu'il y prenne la parole relevait presque du miracle.

Le seigneur et le chevalier racontèrent ensemble plusieurs histoires où il était question de révoltions, le combats héroïques et de voyages fantastiques. Le jeune voyageur écoutait, avide, et à chaque nouvel exploit que racontait le chevalier, il semblait fixer quelques secondes de trop l'étranger, comme pour l'impressionner,comme s'il n'étaient qu'eux deux dans la pièce.

La douce magie du moment prit fin alors que la cheminée était presque éteinte et que les enfants présents s'étaient endormis depuis longtemps déjà. Serviteurs et musiciens rejoignirent leurs quartiers et la Cour se dissipa. Gavin, soudain mué d'un élan de bravoure, se leva et chercha du regard le chevalier. Mais ce dernier semblait s'être évaporé... il se résigna. Après tout, il n'était qu'un voyageur minable, rien qui pourrait intéresser le chevalier au glorieux passé. Mieux valait prendre du repos et repartir au plus vite, aussi, il héla une jeune servante qui lui donna la direction d'une ancienne chambre d'écuyer que le seigneur Stern avait apparemment ordonné qu'on prépare pour le voyageur.

Le problème était que, si Gavin savait parfaitement se repérer sur les chemins du royaume, il en était bien autrement dans un château désormais silencieux et peu éclairé. Au détour d'un couloir, il entendit des voix et se cacha dans une alcôve formée par le mur,dans l'ombre. Deux voix, masculines. Il reconnut vite le timbre du capitaine Anderson et du seigneur Connor. Que faisaient-ils dans les couloirs ?

-Allons Connor, allez vous coucher maintenant... la veillée a duré plus longtemps que prévu. Grognait le soldat.

-Voyons Hank... as tu vu l'humeur de mon frère ? Je ne l'avais pas vu ainsi depuis des années... depuis que je suis sur le trône a vrai dire.

-Il me semblait que le sire Conan était parfaitement heureux depuis que vous êtes à la tête de notre contrée...

-Malheureusement,soupira le noble, il n'est plus le même depuis. L'aventure lui manque. Il est un chevalier, après tout. La vie de château l'ennuie et c'est pour cela qu'on ne le voit parfois pas des jours durant. Il dit qu'il refuse de me laisser seul ici mais la vérité est qu'il ne peut partir en solitaire. Il a besoin de quelqu'un avec lui sur les routes... pensez vous que Gavin Reed pourrait faire l'affaire ?

-Pardon ?!Répondit un peu trop fort le capitaine.

-Voyons...nous avons bien tous senti l'alchimie entre mon frère et ce voyageur ! Nous avons assisté à une de ces rencontres dont parlent les légendes mon cher Hank ! Les forces comme le destin et une vieille magie sont à l'œuvre et ont décidé que ces deux là devaient se croiser ! Un voyageur perdu et un chevalier quel'ennui tue à petit feu... magnifique non ?

-Vous lisez trop d'aventures romanesques, sire ! Répliqua le capitaine en rigolant.

Les voix s'éloignèrent et le voyageur se remit à respirer. Alors comme ça, le chevalier s'appelait Conan. C'était un beau nom, cela lui seyait à merveille. Tout à ses pensées, il reprit son chemin et le remarqua pas la silhouette qui lui barrait la route à la sortie de sa cachette dans laquelle il fonça le nez en avant.

Il redressa la tête mais au fond de lui, il savait déjà qu'il allait croiser un regard glacé qui lui semblait déjà si familier.

Cependant,quelque chose était différent. Le chevalier souriait. Pas un des sourires nostalgiques qu'il avait en contant ses aventures ni un sourire poli qu'il affichait en public. Un véritable sourire,sincère et si lumineux qu'il aurait pu faire fondre la neige qui enveloppait le château.

-Sire Conan... bafouilla le voyageur, soudain démuni.

-Monsieur le voyageur... répondit le chevalier, l'air sûr de lui. Vous semblez perdu. Dois-je vous accompagner à votre chambre ?

Gavin bredouilla quelque chose qui semblait s'apparenter à un «oui »tremblotant et suivit le noble le long des couloirs. Il remarqua quel'autre était plus grand que lui, et de près, il semblait encore plus solidement bâti, sans doute grâce à son entraînement de chevalier.

-Alors...alors on raconte que vous vous ennuyez ? Que l'aventure vous manque ? Lança le voyageur d'une petite voix, désirant briser l'épais silence qui s'était installé.

-Qui vous a raconté de pareilles âneries ? Répondit brutalement le grand brun, avant de se radoucir. C'est faux... la vie de château est différente, voilà tout.

Cela sonnait faux. Affreusement faux aux oreilles du voyageur.

-Pourquoi vous disparaissez donc pendant des jours entiers du château en plein hiver si ce n'était pour chercher un peu d'adrénaline ?

-Parce que... vous n'avez pas à poser ce genre de question, étranger ! Claqua brutalement la voix du prince.

Gavin ne se démonta pas pour deux sous. Il avait vu, pendant ses voyages,des commandants hurler sur leurs hommes, des capitaines maltraiter leurs matelots et des marchands houspiller leurs apprentis. Au contraire, le haussement de ton lui fit oublier le titre que portait l'homme face à lui et il répliqua, tout aussi froidement :

-A l'avenir, essayez de ne pas renverser un innocent sur la route.Ouais, un étranger, c'est pas trop grave, mais je pense pas que votre cher frère serait toujours aussi bienveillant avec vous si vous aviez failli tuer un des enfants de cette contrée.

Le coup fut fatal, et le chevalier Conan entrouvrit la bouche sous le choc. Jamais quelqu'un, un quasi inconnu qui plus est, ne lui avait tenu tête ainsi. Il sentit en lui monter cette sensation, cette accélération du pouls, celle qui ressentait quand, lancé dans ses aventures, il ne savait pas de quoi serait composé le lendemain.

 Il le ressentit depuis la première fois depuis longtemps... le frisson de l'aventure.

Mais diable, qui était donc ce voyageur qui venait tout bousculer dans sa vie qu'il croyait désormais rangée et routinière ?

-Votre chambre est au bout du couloir, voyageur. Si vous avez besoin de quelque chose, demandez à me voir... vous êtes l'invité de mon frère après tout. Souffla le prince, soudainement plus calme.

Gavin hocha la tête et tourna les talons. Il avait réussi à offenser le même noble deux fois dans la même journée... on s'approchait d'un record. Il poussait la lourde porte de bois de la chambre lorsqu'il entendit à nouveau la voix du noble :

-A ce propos... je ne connais pas votre nom, monsieur le voyageur...

-Reed. Gavin Reed.

-Ravi d'avoir fait votre rencontre, voyageur Reed.


.........................


La neige persista longtemps sur la contrée de Det-Roi, et le seigneur refusa que Gavin reprenne les routes tant que celles-ci ne seraient pas praticables. Alors, le voyageur décida de rester quelques jours de plus. Les jours se transformèrent en semaines. Les semaines en mois. L'étranger -qui n'en était plus un- avait fini par prendre ses habitudes.

En fait, la cour était  surprise de constater que le mystérieux voyageur et le beau chevalier et frère du seigneur se trouvaient souvent en des places semblables.

Gavin recruté de force par le capitaine Anderson pour aider à entretenir le chenil et à nourrir les bêtes qui passaient l'hiver au château ? Vous pouviez être sûrs de trouver le chevalier dans les écuries voisines.

Conan s'entraînant à l'épée sous les murailles du château ? Vous trouveriez probablement le voyageur en train de flâner dans cette aire du bâtiment.

Une ronde nocturne organisée car  la rumeur courrait qu'un gang de brigands sévissait en ville ?Les deux se couvraient mutuellement leurs arrières dans les ruelles sombres.

Une soirée au coin du feu ou tout le château était réuni ? Évidemment que le noble et le voyageur y prenaient part, alors que leu nature les aurait poussé à fuir ce genre d'ambiance beaucoup trop courtoise pour eux.

Il y avait aussi les jours où les serviteurs du château apprenaient à éviter certains couloirs d'où on entendait raisonner les remarques acerbes des joutes verbales plutôt violentes auxquelles se livraient les deux hommes lorsqu'ils étaient en désaccord. Ces jours là, on murmurait sur leur passage en voyant leurs airs sombres et résignés et l'ambiance orageuse régnait sur le château jusqu'à ce qu'on les voie à nouveau se fréquenter comme si de rien était.

Mais, si l'entourage du seigneur Stern pouvait être curieux quant à cette nouvelle amitié naissante et complètement improbable, jamais ils n'eurent vent de leurs longues discussions nocturnes, au détour d'un couloir, en haut d'une tour ou dans la chambre prêtée au voyageur.

Discussions au cours desquelles le chevalier acceptait de partager ses aventures les plus sombres,celles où il était parfois obligé de prendre des décisions terribles, de choisir un camp et de se battre contre ses doutes, pour montrer qui il était réellement. C'était seulement dans ces moments là qu'il confessait son ennui à rester coincé dans cette contrée et à quel point les routes lui manquaient.

En retour, Gavin lui raconta d'où il venait : fils bâtard d'une famille de marchands, il avait grandi dans l'ombre de son demi frère à la tête d'un empire économique tendis qu'il avait été jeté sur les routes pour tenter de gagner son pain. Il avait vu et côtoyé énormément de gens différents mais jamais il n'avait réussi à se fixer à un seul endroit pour construire une vie. Les soirs les plus sombres, il racontait les bagarres de rue qu'il avait connu, et les sombres histoires qui entouraient les cicatrices qui habillaient son corps,notamment celle qui ornait l'arrête de son nez et qui était le mauvais souvenir d'une soirée alcoolisée ayant mal tourné.

Cela pouvait paraître idiot, improbable, impossible, mais le voyageur et le chevalier s'étaient rapprochés au point de devenir amis intimes. Rien de plus,évidemment. Imaginez donc les rumeurs qui auraient couru dans le château si on avait appris que le frère du seigneur se faisait courtiser par un voyageur. Heureusement que l'un et l'autre ne mettaient que rarement les pieds aux cuisines, car ils auraient vu et entendu les servantes glousser entre elles dès que l'une contait qu'elle avait vu les deux aventuriers dans l'âme ensemble au détour d'un couloir...

.....................


Le printemps avait fini par arriver. Un matin ensoleillé, le prince Conan se leva. Tout était normal, et pourtant, quelque chose clochait.

Il vaqua à ses occupations, tentant d'ignorer ce sentiment persistant.Il s'entraîna dans la cour basse du château, comme à son habitude,puis déjeuna avant de faire sa ronde habituelle sans les jardins sans pouvoir se défaire de cette désagréable sensation. Quelque chose... semblait manquer. Une présence semblait s'être évaporée.Lorsqu'il fit ce constat, il fut saisi d'effroi. Son voyageur... où était donc passé son petit voyageur ?

Il traversa le château en quatrième vitesse, monta les escaliers en courant presque et entra dans la chambre du jeune homme à la cicatrice sans frapper. Le choc le figea. C'était comme si la chambre n'avait jamais été habitée. Les draps avaient été changés et la fenêtre ouverte. Aucune trace, aucune affaire du voyageur... même sa douce odeur avait disparu. Paniqué, il ressortit dans le couloir et trouva la première servante,l'assaillant avec sa délicatesse légendaire et lui demandant ce qui était arrivé à la chambre du voyageur.

-Messire, répondit la pauvre jeune fille en tremblotant, Monsieur le voyageur est parti, aux premières lueurs de l'aube ce matin ! Il n'avait que maigre bagage sur l'épaule, en partant à pied du château... On dit qu'il a fait ses adieux au seigneur votre frère hier soir... vous n'étiez pas au courant ?

Il la lâcha et se précipita vers le bureau privé de son frère,désespéré et effrayé qu'il s'agisse là d'une sombre vérité.

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On n'avait jamais entendu le chevalier Conan hurler aussi fort, et encore moins à l'encontre de son frère qu'il chérissait tant.

Lorsqu'il eut cessé de briser ses cordes vocales sur le seigneur,celui-ci prit la parole :

-Gavin est un voyageur. Le retenir ici serait revenu à le rendre malheureux. Est-ce ton but cher frère ? Le départ a été difficile pour lui aussi... sa décision de ne pas t'en informer est compréhensible. Il ne voulait ni te décevoir, si se disputer avec toi avant de partir.

-Mais toi mon frère ! Toi tu aurais pu me le dire ! Qu'attendais tu bon dieu ?

-Que tu te rendes enfin compte que ce voyageur a bien plus de valeur à tes yeux que tu veux bien l'admettre ! Enfin Conan ! C'est ta chance! Fonce, rejoins le !

-Connor ! Je ne peux pas te laisser ici, seul ! S'exclama le jeune homme.

-Crois moi, j'ai tout un château qui veille sur moi ! Tu dois repartir à l'aventure, avec lui ! C'est votre destinée voyons ! Avoue le, mon frère, que tu meurs d'envie de t'envoler sur les routes en sa compagnie !

-Je...

-Avoue!

-Oui! Oui, je l'aurais à coup sûr accompagné s'il me l'avait demandé! Mais je ne sais même pas par quelle fichue route il est parti !

Le seigneur adressa un regard pétillant de malice à son frère à l'entente de cette confession et répondit :

-Il est parti au Sud. Ton cheval est prêt, tu ne mettras que quelques heures à le rejoindre, si mes calculs sont exacts.

Le chevalier n'avait même pas écouté la fin de la déclaration de son frère pour tourner les talons et filer en courant. En deux temps trois mouvements, il fut prêt à partir et sauta souplement à cheval pour quitter la ville au grand galop, filant comme une flèche vers le Sud.

Du haut de sa fenêtre, le seigneur Connor Stern riait de bon cœur,voyant la silhouette à cheval disparaître au loin.

-Qu'est ce qui vous amuse autant, messire ? Demanda le capitaine Anderson.

-Oh...je me disais juste que nous ne manquerons pas d'histoires d'aventures et d'amours galants lors de nos réunions au coin du feu durant le prochain hiver ! Répondit il, heureux que son frère ait repris le goût de la vie et de l'amour grâce à ce voyageur sorti de nulle part.




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