partie iv

L'adresse que Joshua avait donné à Holly la mena dans une zone industrielle située au nord de la ville, au-delà de la rivière. L'endroit était désaffecté et paraissait suspendu dans le temps, vestige de brique et d'acier, baigné qu'il était des rayons du soleil couchant.

Un lieu idéal pour que des vampires y installent leur nid.

Joshua l'attendait dans un entrepôt désaffecté. Il était seul, ce qui ne surprit pas réellement Holly, et vêtu de noir de la tête aux pieds. Sa lame d'argent était glissée dans un fourreau sur la jambe de son pantalon et il portait deux armes à feu dans des holsters à sa ceinture.

Il était prêt à la bataille.

— Tu es venue, déclara Joshua en guise de bonjour.

Holly avait longuement hésité. Venir ou ne pas venir ? D'un côté, elle savait que cette mission était au mieux un prétexte pour la distraire, au pire un piège aux conséquences terribles. Mais de l'autre, elle ne pouvait nier sa curiosité.

L'incident chez Simon avait fini par la convaincre. Le jeune homme, qui avait fini par appeler la police comme demandé par Holly, avait dû se battre avec ses parents pour les convaincre de ne pas quitter la ville.

Pas tout de suite, du moins.

En tout cas, une chose était certaine.

Une menace bien réelle pesait sur l'adolescent, et Holly était persuadée que la réponse à ce mystère était détenue par Joshua.

Elle n'avait guère d'autre choix que de rentrer dans son jeu, tout en priant pour que le plan qu'elle avait élaboré ne s'effondre pas comme un château de cartes.

— Je suis venue, confirma Holly. Et maintenant ?

— On se planque et on attend.

Joshua la mena sur le toit de l'entrepôt. Il s'agissait du plus grand bâtiment de la zone, et la vue sur les environs était dégagée. Holly ignora le vent glacial qui se levait en même temps que la nuit tombait.

— Où se cachent-ils ? demanda la jeune femme.

Joshua pointa du doigt un autre entrepôt, situé à une centaine de mètres. C'était le seul dont les vitres étaient encore intactes, quoique recouvertes d'une couche de saleté assez épaisse pour bloquer le soleil.

Attaquer des vampires la nuit pouvait paraître idiot. Après tout, ils étaient des monstres nocturnes, des prédateurs adaptés à la chasse dans l'obscurité la plus totale. Mais il y avait une raison.

Le soleil, en plus de les brûler, les rendait fous, encore plus furieux et agressifs que d'ordinaire. C'était une sorte de cadeau de la nature pour compenser leur unique faiblesse. Comme s'ils en avaient besoin.

Holly et Joshua s'allongèrent sur le toit pour patienter les prochaines heures. Le vent avait forci, et Holly sentait le froid s'insinuer sous ses vêtements. Elle l'ignora.

À la place, elle sortit discrètement son téléphone et envoya le message qu'elle avait préparé pour Simon.

Préparez-vous à partir.

Holly glissa le téléphone dans sa poche et jeta un coup d'œil en coin à Joshua.

Qui sera le premier à planter un couteau dans le dos du second ?

*

Holly se rappellerait toujours sa première leçon avec Elijah.

— Tu ne peux faire confiance à personne.

Ils se trouvaient alors dans le bureau du chasseur, là où auraient lieu toutes leurs leçons ne nécessitant pas d'effort physique dans le futur. L'hiver faisait rage, et Holly ne cessait de penser aux conditions qui l'avaient menée chez Elijah.

— Même à toi ?

— Surtout à moi. Tu ne sais pas de quoi l'avenir est fait.

Holly n'avait pas saisi ce que Elijah avait essayé de lui dire ce jour-là. Elle avait pensé qu'il exagérait, qu'il était de l'école du « mieux vaut prévenir que guérir ».

Ce n'était que quelques années plus tard qu'elle avait enfin compris.

Il était alors trop tard pour se protéger de la vérité.

Holly avait perdu sa famille. Elle avait perdu sa famille d'accueil. Elle avait perdu Elijah, mort en la protégeant d'un danger qu'il s'était juré d'éliminer. Elle avait perdu son innocence, du moins le peu qui lui restait, en arrivant chez Joshua. Elle avait perdu foi en la communauté des chasseurs. Elle avait perdu sa vocation en refusant d'éliminer Simon. Elle avait perdu sa deuxième chance quand Joshua l'avait retrouvée.

Que restait-il de Holly si ce n'était l'absence de ce qui faisait d'elle une personne ?

*

Joshua et Holly retrouvèrent leurs vieilles habitudes dès que Joshua donna le feu vert à l'assaut. Le chasseur ouvrait la marche, Holly sur ses talons, leurs lames dégainées.

L'intérieur de l'entrepôt où les vampires avaient fait leur nid était un immense espace vide. Un sol de béton, un toit d'acier, de lourdes poutres de métal supportant la structure, et trois monstres qui se mirent à siffler comme des félins enragés quand ils aperçurent les chasseurs se faufiler dans leur repère.

Tout comme lors de son bref affrontement contre Joshua, l'esprit de Holly se vida de toute pensée inutile dès que le premier vampire se jeta sur elle.

Il ne restait de la place que pour la mort.

Le vampire qui l'avait prise pour cible était rapide, mais pas autant que certains de ses congénères, probablement affaibli par sa faim.

Dommage que cette dernière le rendait encore plus agressif.

Holly perdait du terrain à chaque seconde qui s'écoulait sans qu'elle ne puisse enfoncer sa lame dans le cœur de son adversaire. Elle s'épuisait, contrairement au vampire, qui pouvait continuer à se battre avec autant de ferveur jusqu'au lever du soleil.

Dans un dernier effort, Holly plongea sur le côté, passant sans le bras tendu du vampire. Elle profita de l'ouverture pour asséner un puissant coup de pied dans son genou. Le vampire trébucha et Holly l'entraîna au sol.

Avant qu'il ne puisse renverser la situation, Holly le poignarda.

Sa lame s'enfonça dans la cage thoracique du monstre comme dans du beurre. Holly tint bon tandis que sa victime se cambrait sous son poids avec un hurlement strident, tentant de se dégager de l'argent qui la brûlait de l'intérieur.

Le vampire se tut définitivement lorsque sa lame plongea enfin dans son cœur.

Holly prit une seconde pour respirer. Son cœur battait la chamade, et elle prenait enfin conscience des blessures que le vampire lui avait infligées. Elle était restée éloignée de ses crocs, mais elle n'avait su éviter ses griffes, qui avaient déchiré sa manche et la peau sensible de sa joue.

La jeune femme voulut toucher la plaie, mais elle s'interrompit en voyant le sang qui recouvrait sa main, jaillissant de l'endroit où sa lame était encore plantée.

Voilà une idée reçue, que les vampires ne saignaient pas.

Ils saignaient comme les hommes qu'ils avaient été.

Distraite par la vision qui s'offrait à elle, elle n'entendit pas l'autre vampire s'approcher. Ce fut sa première erreur.

La seconde fut d'avoir lâché sa lame.

Holly ne put rien faire lorsque le vampire l'attrapa par les cheveux pour la tirer en arrière. Un cri de surprise lui échappa, un bref appel à l'aide, mais seuls les grognements affamés du monstre lui répondirent.

Soit Joshua était occupé avec son adversaire, soit il avait abandonné Holly.

Car la troisième possibilité, qui était qu'il avait succombé au combat, était tout bonnement impossible. Insupportable. Inimaginable.

Holly s'arc-bouta contre le vampire, fit glisser ses ongles courts contre sa peau, mais elle eut beau le griffer, cela n'eut pour effet que de lui faire resserrer sa prise.

Elle ne put rien faire d'autre que hurler lorsque ses dents se plantèrent dans sa gorge.

Certains vampires mordaient pour blesser. D'autres se laissaient emporter par la frénésie du combat, et lâchaient prises dès qu'ils avaient compris qu'ils avaient gagné.

Puis il y avait ceux qui mordaient pour tuer.

Holly succomba à la douleur.

*

Holly n'avait pas pu enterrer sa famille.

Non pas que les vampires avaient laissé quelque chose à inhumer.

Non pas que les chasseurs l'auraient autorisé à faire autre chose que les brûler dans le même brasier que celui destiné aux monstres.

Holly avait vu passer les articles et les reportages qui parlaient de ce que les journalistes avaient nommé le massacre de Noël. Une famille brutalement assassinée le soir du réveillon, clamaient les gros titres.

Même si on ne lui avait jamais parlé en détail de ce qui était arrivé à ses parents, ses oncles et ses cousins, tout était disponible sur Internet, et il ne lui avait fallu qu'une recherche pour assouvir sa curiosité morbide.

Holly n'avait plus jamais tapé son nom dans la barre de recherche.

Au fil des années, la jeune femme s'était souvent demandé comment la nuit se serait terminée si un chasseur s'était trouvé à proximité. Si la communauté avait repéré le nid avant que les vampires ne décident d'attaquer sa maison, si elle n'avait pas failli dans son unique mission.

Peut-être que quelqu'un d'autre qu'elle aurait pu survivre. Peut-être qu'elle n'aurait pas eu à aller en famille d'accueil, chez Elijah puis chez Joshua. Peut-être qu'elle n'aurait pas eu besoin de renier à tout ce qui avait fait d'elle une adolescente ordinaire au profit d'une vie faite d'argent et de sang.

Peut-être qu'elle aurait pu oublier. Être heureuse.

Mais tout cela n'était que des vœux pieux. Car la réalité, celle que Holly ne pouvait pas quitter, était la suivante.

Elle était seule.

*

Le vampire finit par lâcher Holly.

La jeune femme sentit ses genoux heurter le sol avant qu'elle ne s'écroule dans la poussière. Le choc fut suffisant pour la tirer du tourbillon de ténèbres qui menaçait de l'emporter de plus en plus loin. Un feulement résonna dans son dos, accompagné d'un gargouillis humide.

Quelque chose tomba à ses côtés.

Holly puisa dans ses dernières forces pour ouvrir les yeux. Sa vision était trouble, et sa tête lui tournait, mais pas assez pour qu'elle ne voit pas une silhouette se pencher vers elle, ses traits familiers malgré le sang qui les recouvrait.

Sa dernière pensée avant de plonger dans les ténèbres fut que Joshua avait remporté la victoire d'un combat qu'il n'avait même pas conscience de mener.

*

Un apprenti était mort lors de la dernière mission organisée par Joshua.

Cela avait été la première fois depuis son arrivée chez Elijah et dans le monde des chasseurs que Holly avait été confrontée directement à la mort. Bien sûr, elle avait entendu les rumeurs, les noms des chasseurs tombés au combat que son mentor murmurait une fois la nuit tombée, les épitaphes des victimes dans les journaux, les lames soigneusement préservées dans leurs fourreaux en mémoire d'un frère d'arme perdu.

La mort était la seule constante à la vie d'un chasseur.

Mais contempler la chaise vide autour de la table du petit-déjeuner avait bien plus choqué Holly que le sang qui s'était incrusté sous ses ongles.

Il y avait quelqu'un d'assis là la veille. Un garçon à peine plus âgé qu'elle, bien vivant, qui avait suivi la même routine qu'elle. Le même entraînement. La même vie.

Et il n'était plus là.

Joshua n'avait pas commenté sur sa disparition. Il n'y avait pas eu de prière, ni de discours à son honneur, rien d'autre qu'une promesse de voir leurs heures d'entraînement doubler.

— L'un d'entre vous est mort car il n'était pas prêt à affronter le danger qui rôde là-dehors. Et s'il n'était pas à la hauteur, c'est uniquement de ma faute pour ne pas l'avoir correctement préparé, avait répondu Joshua quand un apprenti avait osé lui demander des explications.

Personne n'avait osé le contredire.

Et alors que Joshua les faisait courir encore plus loin, encore plus rapidement, qu'il augmentait la cadence de leurs affrontements au corps à corps, qu'il les forçait à tirer vingt fois dans le mille au lieu de dix avant d'aller se coucher, une seule pensée accaparait l'esprit de Holly.

Mieux valait cet apprenti qu'elle.

*

Un mouvement régulier tira Holly de sa torpeur.

Elle était allongée sur quelque chose de confortable. Elle bougea la tête et une douleur vive se réveilla dans sa joue quand sa plaie se rouvrit. Holly n'y prêta pas attention et tenta de comprendre où elle se trouvait.

Elle était dans une voiture. Allongée sur la banquette arrière, pour être plus précise. Une couverture qui sentait la terre et l'humidité la couvrait des épaules aux pieds.

Quand Holly leva la tête avec difficulté, un vertige la prit. Elle serra les dents et l'ignora pour continuer à observer ses environs.

Ses yeux croisèrent ceux de Joshua dans le rétroviseur.

Le chasseur la fixa un instant avant de se tourner à nouveau vers la route. Holly contempla son dos en silence pendant une seconde, puis une deuxième, avant de rendre les armes.

Elle se rallongea et ferma à nouveau les yeux.

Sa vie était désormais entre les mains de Joshua.

Et elle n'avait plus assez de force pour s'en révolter.

*

La vie avait fait de Holly une insomniaque.

Dormir était devenu de plus en plus compliqué au fil des années. Elle passait des heures à fixer le plafond, les yeux ouverts, et quand le sommeil finissait par la trouver, elle plongeait dans des cauchemars qui la réveillaient en sursaut.

Parfois, elle cessait juste de se battre. Elle se levait et trouvait quelque chose pour s'occuper, n'importe quoi pour ne pas penser au lit vide qu'elle laissait derrière elle. Quand elle vivait encore chez Elijah, elle quittait sa chambre sur la pointe des pieds et s'infiltrait dans le bureau de son mentor, où elle passait plusieurs heures à feuilleter les nombreux ouvrages qu'il conservait sur ses étagères.

Holly n'avait pu se débarrasser de cette mauvaise habitude en arrivant chez Joshua.

Non pas qu'il y avait un quelconque bureau dans lequel s'introduire. L'espace de travail de Joshua se trouvait dans sa chambre, qui était un endroit où Holly n'avait jamais mis les pieds pendant la durée de son entraînement. Il n'y avait pas non plus de livre.

La cabane de Joshua n'était pas un endroit propice à l'évasion.

La jeune femme se contentait alors du salon, se blottissant au plus près de la cheminée où brûlaient encore quelques cendres pour se réchauffer.

La première fois que Joshua l'avait surprise dans cette position, Holly s'était tendue. Qu'allait-il dire ? Que faisait-il debout à cette heure ?

Ils avaient échangé un regard dans la pénombre, et Holly n'avait pu s'empêcher de remarquer les ombres sous les yeux de son mentor. Il avait l'air épuisé.

Il l'était probablement.

Holly n'avait ressenti aucune pitié pour lui. S'il ne dormait pas malgré sa fatigue apparente, c'était probablement pour une bonne raison.

Peut-être qu'il était hanté par ses propres fantômes.

Holly savait ce que cela faisait.

Joshua avait fini par secouer la tête et s'éloigner, estimant que disputer son apprentie à deux heures du matin n'était pas une activité qui valait la peine. Holly l'avait observé sortir par la porte d'entrée.

Quand la jeune femme avait enfin senti la fatigue s'abattre sur elle, embrouillant ses pensées et alourdissant ses paupières, elle avait décidé qu'était venue l'heure d'essayer de dormir. Elle était retournée se coucher, non sans jamais un dernier coup d'œil par la fenêtre.

Joshua montait la garde sur le porche.

Cette routine s'était répétée pendant plus d'un an. Holly restait à côté de la cheminée, Joshua allait prendre l'air, et tous deux affrontaient seuls leurs démons intérieurs.

Jusqu'au jour où ils avaient décidé que c'était un combat mieux mené à deux.

*

Quand Holly se réveilla à nouveau, elle était dans un lit.

Pendant un bref instant, elle se crut de retour chez Joshua, dans les Adirondacks. Un simple coup d'œil à ses environs la détrompa.

Elle se trouvait dans une chambre inconnue. Un motel, probablement, à en croire la décoration passée et la kitchenette. Il y avait deux lits, et celui dans lequel elle ne reposait pas avait été défait, comme si quelqu'un y avait dormi récemment.

Il n'y avait pas d'horloge, mais à en croire la lumière qui filtrait à travers les rideaux tirés devant les fenêtres, le soleil était en train de se coucher.

Holly sentit son estomac se tordre quand elle se rendit compte qu'elle avait été inconsciente pendant au moins une journée complète.

Mais au moins elle était encore en vie.

Dans un sale état, mais en vie.

Outre la fatigue et les vertiges qui ne semblaient pas vouloir la quitter de sitôt, Holly ne pouvait ignorer la douleur qui habitait chaque cellule de son corps. Tous ses muscles étaient tendus, prêts à se rompre au moindre mouvement brusque, et les draps rêches du motel irritaient sa peau recouverte d'ecchymoses et de coupures.

Ce fut à ce moment que Holly remarqua qu'elle était nue.

Enfin, pas tout à fait. On lui avait permis de conserver ses sous-vêtements à défaut de sa décence, mais cela ne l'empêchait pas de se sentir vulnérable.

Holly remonta par réflexe la couverture jusqu'à ses épaules. Un pincement dans son coude la força à baisser les yeux.

Une perfusion avait été installée à côté de son lit.

Elle ne put s'empêcher d'effleurer du bout des doigts l'aiguille maintenue en place par un pansement. Elle ne connaissait qu'une personne qui...

— Si j'étais toi, j'éviterais d'y toucher.

Holly n'avait pas entendu Joshua entrer.

Le chasseur referma la porte derrière lui et déposa un sac en papier sur la petite table d'appoint. Une odeur de graisse parvint aux narines de Holly et son estomac se mit à gronder en même temps qu'une vague de nausée l'envahissait.

Elle détourna le regard vers la fenêtre pour ne pas vomir.

Un verre d'eau apparut dans son champ de vision.

— Bois, lui recommanda Joshua. Ça fera passer la nausée. Et tu dois manger quelque chose, histoire de reprendre des forces.

— C'était si grave que ça ? croassa Holly.

Les quelques morts heurtèrent sa gorge, et elle accepta avec soulagement la boisson que son mentor lui tendait.

— Il t'a salement mordue. Ça va cicatriser, et ça ne sera pas joli. Mais il n'y a pas d'infection. Tu as aussi perdu beaucoup de sang, mais pas assez pour que tu sois réellement en danger. Je t'ai donné une transfusion.

— Dois-je m'inquiéter de l'endroit où tu as bien pu trouver du sang ?

Joshua ne répondit pas et Holly laissa tomber. Les chasseurs avaient leurs contacts, et ce n'était pas la première fois que Joshua procédait à une transfusion sanguine.

— Où sommes-nous ?

— Un motel à l'extérieur de la ville.

— Tu n'aurais pas pu me ramener chez moi ?

— Et devoir expliquer à tes voisins ce qu'un homme inconnu faisait avec une leur voisine inconsciente et blessée dans ses bras ?

Holly reconnut que sa question avait été stupide. Elle vida son verre et se cala à nouveau contre son oreiller. Une douleur sourde pulsait dans son cou, pas assez agonisante pour la déranger, mais juste assez cuisante pour lui rappeler pourquoi elle se trouvait ici.

— Je t'avais dit que je n'avais plus le niveau, soupira-t-elle.

— De quoi parles-tu ?

— Du vampire.

— Tu l'as éliminé.

— Non, pas lui. L'autre, tu sais, celui qui a essayé de me vider de mon sang ? J'ai été trop distraite, pas assez attentive, et...

— Et je l'ai laissé m'échapper.

Holly cligna des paupières, surprise d'avoir été interrompue.

— Pardon ?

— C'est ma faute. J'étais censé l'éliminer.

— Tu étais face à deux vampires, Joshua...

— Ça ne m'a jamais posé de problème.

Holly le croyait. Il était dangereux d'affronter plusieurs vampires à la fois, mais s'il y avait bien un chasseur qui en était capable, c'était Joshua.

Alors pourquoi pas cette fois ? Pourquoi n'avait-il pas pu les tuer avant que l'un d'eux ne se jette sur Holly ?

Avait-il envisagé la possibilité de laisser Holly succomber à un accident durant cette mission, avant de ressentir des remords et de lui venir en aide ? Non, ça ne lui ressemblait pas.

Il n'y avait qu'une manière de le savoir.

— Pourquoi m'as-tu sauvée ? Pourquoi ne pas me laisser mourir ?

Holly tourna la tête pour regarder Joshua en face. Son expression resta impassible.

— Parce que je n'ai jamais eu aucun désir de te voir souffrir, Holly.

— Mensonge.

— Je n'ai toujours eu que tes intérêts à cœur.

Les mots de Joshua sonnaient creux, et ils allumèrent un feu en Holly, une braise qui brûlait depuis deux ans en elle.

— Même quand tu laissais les autres apprentis se défouler sur moi ? Même quand tu fermais les yeux quand ils proposaient des plans de plus en plus ridicules pour me mettre en danger ?

— Je t'ai protégée.

— Oh, arrête ton hypocrisie.

— Et toi, arrête de croire que tu sais tout, que tu aurais mieux agi à ma place, claqua Joshua.

C'était la première fois que Joshua s'emportait ainsi contre elle, et elle était assez surprise pour ne pas répondre tout de suite. Cela laissa le temps à Joshua de se reprendre.

— Mon rôle n'était pas de te dorloter, mais de te donner les armes pour que tu puisses te protéger seule, continua-t-il.

— Même si cela signifiait me faire du mal ?

Joshua hésita.

— Oui.

Holly pencha la tête pour considérer Joshua. Il s'était changé, avait troqué sa tenue de chasse pour un jeans et un T-shirt qui exposait ses bras recouverts de cicatrice. Ses cheveux s'étaient échappés de leur élastique et retombaient en mèches sombres sur son front, effleurant ses yeux noirs.

Il avait l'air humain.

Car c'était ce qu'il était, n'est-ce pas ? Pas une créature divine, ni un monstre invincible.

Juste un homme.

— Est-ce que ça en valait la peine ? demanda Holly.

Cette fois, Joshua n'eut aucune hésitation.

— Oui.

*

Holly se força à avaler quelques bouchées de la soupe que Joshua lui avait apportée. Une fois son estomac plus ou moins plein, elle alluma la télévision et changea de chaîne jusqu'à tomber sur une vieille série qu'elle avait l'habitude de regarder quand elle était adolescente. Joshua était ressorti sans lui dire où il allait, et Holly en profita pour consulter son téléphone.

La batterie était presque vide, et il y avait un message non lu dans sa boîte de réception.

tout va bien

Soulagée, elle éteignit son téléphone. Contacter Simon aurait été trop dangereux, surtout ici.

Alors elle se cala contre son oreiller et se concentra sur la télévision. Elle n'avait rien de mieux à faire que d'attendre. Joshua lui avait retiré sa perfusion, mais elle se sentait encore trop faible pour tenter quoi que ce soit d'autre qu'un aller-retour aux toilettes.

Elle s'assoupit sans s'en rendre compte.

*

Il faisait nuit quand Holly ouvrit à nouveau les yeux.

Elle se sentait mieux. Sa tête était plus claire, et si sa gorge restait douloureuse, elle pouvait facilement l'ignorer. Quand elle s'assit au bord du lit, son corps ne protesta pas autant que quelques heures plus tôt.

La chambre était plongée dans l'obscurité. La télévision s'était éteinte, et la seule lumière venait d'un lampadaire dans la rue. Holly tâtonna jusqu'à trouver l'interrupteur de sa lampe de chevet.

Elle était seule. Elle ignorait quand Joshua était parti, ni quand il comptait revenir.

Elle ne pouvait qu'imaginer les raisons de son absence. Peut-être qu'il était parti chasser d'autres vampires – peu probable. Peut-être qu'il patrouillait les environs – ça n'étonnerait pas Holly, il n'avait jamais été très à l'aise en-dehors de sa cabane. Peut-être qu'il avait un rendez-vous secret avec ses complices – bingo.

Holly aurait tout donné pour voir leurs têtes quand ils avaient découvert l'appartement vide de Simon.

Son plan avait été simple. Un poil trop simple à son goût, mais elle n'avait eu guère le choix. Tout reposait sur la très grande probabilité que la mission organisée par Joshua n'était qu'un stratagème pour distraire Holly de la protection de Simon. Ainsi, les chasseurs auraient eu le champ libre pour terminer la mission que Holly n'avait jamais pu achever, huit mois plus tôt.

Enfin, c'était ce qui aurait pu se passer si Simon était resté en ville. L'adolescent avait dû se battre avec ses parents pour qu'ils ne l'emmènent pas manu militari à New-York se cacher avec le reste de leur famille. Holly l'avait convaincu que la meilleure chose à faire était d'attendre.

Attendre que les chasseurs soient prêts à passer à l'action. Attendre que Holly soit distraite avec Joshua, de l'autre côté de la ville.

Attendre le dernier instant pour se volatiliser.

Les chasseurs étaient d'excellents combattants, et de compétents traqueurs. Holly n'avait aucun doute qu'ils retrouveraient la trace de Simon en temps voulu, mais ce ne serait pas avant plusieurs jours, ni plusieurs semaines. Après tout, New-York était une grande ville.

Et Holly s'occuperait d'eux avant même qu'ils n'y mettent les pieds.

Du moins, cela avait été son plan avant de tomber dans les mains d'un vampire et d'être assez blessée pour être clouée au lit plusieurs jours sous l'étroite surveillance de Joshua.

Elle devait partir. Pas tout de suite, mais aussi tôt que possible. Et si elle pouvait trouver un moyen de dissuader Joshua de la suivre, ce serait encore mieux.

Mais avant de se creuser la tête pour trouver une solution, elle devait d'abord prendre une douche.

Holly n'avait pas d'habits de rechange, au contraire de Joshua, qui avait apporté avec lui un sac rempli de vêtements propres. Elle lui emprunta un boxer ainsi qu'un jogging et un T-shirt avant de s'enfermer dans la salle de bains.

Elle grimaça quand elle croisa son reflet dans le miroir.

Holly n'avait jamais été très bronzée, mais elle était désormais carrément livide – les conséquences terribles d'un manque d'exposition au soleil et d'une grosse perte de sang. Ses yeux étaient cernés, et ses lèvres gercées. Quant à sa joue, elle était légèrement enflée autour de la griffure que le vampire lui avait infligée.

Cela laisserait probablement une cicatrice.

Encore une.

Et en parlant de cicatrices...

Holly décolla avec délicatesse le pansement qui recouvrait sa nuque. Joshua n'avait pas menti : la plaie qui se cachait en-dessous n'était pas jolie. Mais elle avait au moins commencé à se refermer, ce qui était un bon signe.

Elle la désinfecta avec la trousse de secours que Joshua avait laissée sur le comptoir, ses gestes mécaniques et rôdés par l'habitude.

Holly se déshabilla ensuite lentement, laissant ses muscles se déplier et ses articulations protester, ignorant le miroir qui lui renvoyait une image précise de tous les bleus qui parsemaient son corps.

La douche lui fit un bien fou, même si le ballon d'eau chaude se vida avant qu'elle ne termine de nettoyer ses cheveux, emmêlés à cause de la saleté et du sang séché qui avait imprégnés les mèches, la forçant à rester sous le jet d'eau glacé.

Quand elle ressortit de la salle de bains, pieds nus et les cheveux encore humides, Joshua l'attendait à la petite table. Son poids faisait grincer la chaise pliable sur laquelle il était assis. Il n'avait pas allumé d'autre lumière que la lampe de chevet, et Holly ne pouvait que deviner son expression impassible.

— Bien dormi ? demanda-t-il.

— Comme un mort, répondit Holly.

Elle alla chercher son verre d'eau pour le remplir au robinet. Joshua déclina quand elle lui proposa de le servir.

— Je ne crois pas que je t'ai remercié de m'avoir sauvée, reprit-elle après s'être désaltérée. Donc merci. J'aimerais dire que tu n'étais pas obligé, mais ce serait un mensonge, donc je vais m'abstenir.

— Pourquoi ?

— Parce que je n'aime pas mentir si je n'y suis pas obligée.

— Non, pourquoi je n'aurais pas été obligé de te sauver.

Holly ne put retenir un ricanement.

— Encore ce même sujet ? On ne fait que tourner en rond.

— À cause de toi.

— Si ça te fait plaisir de le penser, j'assume la responsabilité.

Un silence, puis :

— Pourquoi ? répéta Joshua.

— Parce que tu n'es plus mon mentor ? Parce que tu n'as jamais été du genre à venir en aide aux plus démunis ? Parce que la seule raison pour laquelle tu as débarqué à Pittsburgh est de foutre en l'air la vie que je m'étais reconstruite ? Choisis l'explication que tu préfères, elles sont toutes vraies.

Avant que Joshua ne puisse lui répondre, son téléphone se mit à sonner.

Holly ne manqua pas la façon dont Joshua hésita. Elle abandonna son verre vide et s'approcha de son ancien mentor.

— Vas-y, réponds.

— Ça peut attendre.

— Je suis sûre qu'ils ont grandement besoin de toi.

— Tu ne sais pas de quoi tu parles.

— J'en sais probablement plus que tu ne le crois.

La sonnerie s'interrompit et le silence revint, seulement entrecoupé par leurs respirations. Holly pouvait entendre son cœur battre à tout rompre dans ses oreilles. Elle sentait l'adrénaline monter en elle, comme si elle se préparait à un combat.

Elle observa Joshua, et il en fit de même. Le chasseur était appuyé contre le dossier de sa chaise, les jambes étendues devant lui. Holly enjamba sa cheville et la mâchoire de Joshua se crispa, sa cicatrice se tendit tandis que ses yeux se plissaient.

Le téléphone sonna à nouveau. Holly ne bougea pas, et Joshua finit par décrocher.

La jeune femme eut beau tendre l'oreille, elle n'entendit rien d'autre qu'une voix inintelligible. Joshua ne la quittait pas du regard tandis qu'il écoutait son interlocuteur.

— Aucune trace, tu dis ? fit-il.

L'imagination de Holly s'emballa aussitôt. Parlaient-ils de Simon ?

— Continuez à chercher dans le coin, il ne doit pas être loin. Je viens en renfort.

Joshua raccrocha. Il empocha son téléphone et recula sa chaise pour se lever.

Il ne doit pas partir.

Voici l'unique pensée qui traversa l'esprit de Holly, et la raison pour laquelle elle agit sans plus réfléchir.

Joshua resta immobile quand elle l'embrassa.

Le baiser ne dura guère longtemps, juste une pression de leurs lèvres, avant que Holly ne recule. Dans l'éclairage limité, elle ne put s'empêcher de remarquer à quel point les yeux de Joshua étaient sombres, comme une nuit d'orage.

Elle l'embrassa à nouveau, et il réagit enfin. Ses lèvres s'entrouvrirent et Holly se dressa sur la pointe des pieds pour approfondir le baiser. Un son à mi-chemin entre le gémissement et le soupir lui échappa quand une main de Joshua se mit à courir le long de son dos, effleurant ses côtes avant de se poser sur sa nuque.

Holly hoqueta de douleur quand les doigts de Joshua s'entremêlèrent dans ses cheveux avant de les tirer violemment.

— Je sais ce que tu essayes de faire, murmura-t-il.

— Est-ce que ça fonctionne ? demanda-t-elle.

Pour toute réponse, Joshua raffermit sa prise sur ses cheveux et saisit à nouveau ses lèvres, son téléphone oublié.

Holly avait eu raison de se préparer à un combat, car c'était ce que Joshua menait en l'attirant contre lui. Il n'y avait aucune délicatesse dans la façon dont il la touchait, lui volait son souffle, s'assurait qu'elle ne puisse pas penser à autre chose que lui. Ses dents effleurèrent une fois sa lèvre inférieure, avant de s'y planter et de mordre.

Leur prochain baiser avait le goûter du sang.

Elle adorait cela.

Une petite part d'elle savait que ce n'était pas normal. Que les choses n'étaient pas censées se dérouler ainsi. Qu'elle devrait reculer, mettre de la distance entre eux, interrompre ce qu'ils faisaient avant qu'ils n'aillent trop loin.

C'est un meurtrier. Un chasseur sans cœur.

Holly ne valait pas mieux.

C'est ton mentor ! Ton professeur. Il n'est pas censé se comporter comme cela avec toi.

Trop tard. Ils avaient brouillé cette ligne deux ans plus tôt, ce fameux soir de leur première sortie au bar de chasseurs.

Puis de nombreuses fois par la suite, jusqu'à ce que la jeune femme tourne le dos aux chasseurs.

Holly essaya de répondre aux assauts de Joshua, attrapant ses épaules, y plantant ses ongles jusqu'à lui arracher un grognement. Quand Joshua interrompit leur baiser pour reprendre son souffle, Holly en profita pour le saisir par l'avant de son T-shirt, lui intimant tacitement de bouger.

Joshua comprit aussitôt ce qu'elle voulait.

Holly eut un vertige quand son dos toucha les draps défaits du second lit. Elle avait à peine vu Joshua bouger, la saisir par la taille, et la pousser sur le matelas. Elle n'eut pas le temps de réagir, car le chasseur profita de sa surprise pour la rejoindre sur le lit.

Holly dut retenir un frisson d'excitation en voyant la silhouette élancée de Joshua projeter son ombre sur elle quand il s'allongea contre elle.

C'était ce qu'elle voulait. Ce qu'elle avait voulu pendant des années, des mois, des jours, depuis le retour de Joshua dans sa vie, mais qu'elle n'avait pas su reconnaître.

— Je ne te pensais pas capable d'un tel stratagème, fit remarquer Joshua.

Holly mit quelques instants à répondre. Non pas parce qu'elle ne souhaitait pas adresser le sujet, mais plutôt parce que Joshua avait plongé la tête dans son cou – du côté que le vampire avait épargné – pour y déposer une série de baisers brûlants.

— De ?

— Utiliser le sexe pour me distraire.

— C'est que tu me connais bien mal.

— Je commence à m'en rendre compte.

Holly ne parvint pas à retenir le gémissement qui lui échappa quand les dents de Joshua se plantèrent dans son cou. Elles ne percèrent pas la peau, mais elles n'avaient pas besoin de faire couler le sang pour faire mal.

— Où est passée mon obéissante apprentie ? demanda Joshua après avoir relâché sa prise.

Un rire essoufflé échappa à Holly.

— Elle n'a jamais existé. Ce n'était pas de l'obéissance, mais de la peur.

Joshua se redressa sur un coude, et Holly dut se retenir pour ne pas le supplier de revenir contre elle. Elle était surprise de la façon dont elle avait besoin de sentir son poids contre elle, comme s'il était l'ancre qui l'empêchait de dériver.

— Tu n'as pas peur de moi ?

— Si. Tu me terrifies. Mais pas autant que...

— Que quoi ?

Holly serra les dents, consciente qu'elle s'était montrée honnête, trop honnête.

— Cesse de parler, ordonna-t-elle.

Joshua accepta de laisser tomber son interrogatoire, préférant se concentrer sur la main qu'il avait glissée sous le T-shirt de Holly. La jeune femme se cambra contre sa paume quand ses doigts effleurèrent sa poitrine.

Elle ne se souvenait pas d'avoir été un jour aussi sensible avec Joshua. C'était comme si chaque endroit qu'il touchait, chaque centimètre de son corps qu'il explorait, s'embrasait à son contact.

La pensée qu'elle ait plus besoin de ce moment avec Joshua que l'inverse lui traversa l'esprit, et elle s'efforça de la chasser pour se concentrer sur ce que son mentor avait en réserve pour elle.

Joshua était un amant excellent. Non pas que Holly avait eu l'occasion de le comparer avec d'autres hommes, mais la façon dont il parvint à la déshabiller sans même qu'elle ne le remarque était la preuve de son talent.

Quand Holly s'en rendit compte, elle se mit à tirer sur son T-shirt pour le convaincre d'en faire de même. Elle n'aimait pas être la seule nue, la sensation qui accompagnait cette position de faiblesse, de vulnérabilité, tandis que Joshua restait habillé. Elle savait que c'était ce qu'il préférait, mais c'était l'une des choses qu'elle refusait de lui céder.

Il fit mine de résister, lui volant un baiser, avant de finir par s'exécuter, se redressant sur ses genoux pour se débarrasser de ses vêtements.

Holly ne détourna pas les yeux.

Joshua était un homme attirant, il n'y avait aucun doute. En plus de son beau visage, il était grand et athlétique, avec des muscles nés de la chasse et d'un entraînement rigoureux. Holly savait l'apprécier, même si ce n'était pas ce qui l'attirait le plus.

Pas quand il avait toutes ces cicatrices.

Holly trouvait un plaisir certain à tracer du bout des doigts les marques argentées. Se montrant courageuse, elle poussa Joshua et le convainquit de se coucher à ses côtés, avant de passer une jambe par-dessus ses cuisses et de le chevaucher.

Elle inspira profondément pour calmer l'euphorie qui l'envahit. Il était si rare pour Joshua de la laisser prendre le dessus qu'elle se sentait toute chose. Ce qu'elle s'apprêtait à faire n'allait pas l'aider à reprendre ses esprits, mais elle espérait que cela permettrait à Joshua de perdre autant le contrôle qu'elle.

Ce fut au tour de Joshua de gémir quand la bouche de Holly se posa dans son cou, avant de descendre le long de sa nuque, explorant ses clavicules et son torse. Elle s'arrêta sur chaque cicatrice, chaque plaie, chaque ecchymose, y déposant un baiser, avant de passer au suivant.

C'était ce qui s'approchait le plus d'une prière pour Holly.

La patience de Joshua atteignit ses limites quand Holly fit glisser sa main entre ses jambes.

— Assez, grogna Joshua.

Un mouvement de hanche et Holly se retrouva de retour à la case départ. Elle ne protesta pas.

— Que veux-tu de moi ? souffla Joshua.

— N'est-ce pas évident ?

Il secoua la tête, et Holly ne répondit pas. Elle se contenta d'écarter les jambes et de poser une main au creux de ses reins, l'encourageant à s'allonger pleinement contre elle. Elle hoqueta quand il se pressa contre elle.

Ils savaient tous les deux que ce n'était pas la véritable réponse de Holly. Le sexe avec Joshua, aussi agréable était-il, n'était jamais un acte de pure bonté. Il servait toujours un autre objectif.

Un moyen pour Joshua de rappeler à Holly qu'il était là pour elle, toujours. Un moyen pour Holly de réconforter Joshua après une mission catastrophique, de lui faire oublier le sang qui recouvrait encore ses mains. Une façon de s'assurer que Holly comprenne bien quelle était sa place – à ses côtés, sous lui.

Holly avait beau avoir l'impression d'être en contrôle, elle savait pertinemment que ce genre de moment était un équilibre fragile, et qu'il suffisait d'un simple geste pour briser la balance.

Joshua était plus âgé, plus expérimenté, plus aguerri qu'elle. Il n'avait rien à perdre, tout à gagner.

Holly ne pouvait pas en dire autant.

Alors elle renversa la tête en arrière et se laissa aller au plaisir que Joshua déchaînait sur son corps.

Peut-être donnait-elle l'impression d'avoir perdu cette bataille, mais la guerre était loin d'être terminée.

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