Acte II Le promis
-ABC-
Saison 3 Épisode 1 – Scène 3
Script p 16
→ Regards toujours liés– Voix sérieuse mais légèrement amusée.
Anthony :
- Moi. Anthony Masen souhaite prendre Marie Dwyer pour épouse, je jure de l'aimer et la respecter, la soutenir et lui être fidèle, dans la santé comme dans la maladie, dans la richesse comme dans la pauvreté...
→ Il lui passe l'alliance à l'annulaire gauche et sourit d'un air victorieux.
-ABC-
C'était tout simplement ridicule.
Il avait beau lire et relire ces quelques phrases et les indications scéniques, il n'en revenait pas. Il devait avoir perdu sa santé mentale quelque part entre le Montana et Las Vegas pour avoir accepté la proposition de son agent et soi-disant amie, Rosie Harris. Jouer dans une série ? Un soap ? Dans la pure tradition américaine pour son retour dans le milieu cinématographique ?
« Bon sang, ce ne sont pas les propositions qui abondent sur mon bureau. Il y a ça ou rien ! » avait-elle dit en tapant du poing sur la table. Ce qui n'était pas son style. Habituellement Rosie, dans le pire énervement qu'elle manifestait, pouvait tapoter le bureau du bout de ses ongles vernis. Donc là, elle était ...un peu... en colère. Ce qui avait dû décider de la suite des événements.
« Rien. » aurait dû être sa réponse immédiate, mais habilement son agent avait enchaîné immédiatement « Cinq années sabbatiques ! Tu te rends compte ? Cinq ! Tu as du talent à revendre, énormément de talent, même si tu ne veux pas le reconnaître. Tu n'as pas le droit de choisir de moisir dans ton ranch avec tes vaches... Tu vaux mieux que cela. Et si tu veux mon avis, l'image du cow-boy solitaire est dépassée. Va de l'avant ! On doit rappeler aux Cronenberg, Tarantino et autres grands noms que tu existes. Il faut remettre le pied à l'étrier et vite, et pour cela, le petit contrat que je t'ai obtenu avec « Amour Beauté et Célébrité » est idéal.
Ethan avait failli en rire. Lui dans un soap ? Mais Rosie n'avait pas tort, il n'osait pas se l'avouer, mais il commençait à s'ennuyer un peu. Plantant la dernière banderille sur un Ethan déjà à demi vaincu, elle avait achevé : « Cette série est idiote je le sais, et tout le monde le sait mais, c'est gentillet, l'audimat est très bon et c'est bien payé. De quoi te faire patienter, en attendant un beau scénario. "
Comme si elle avait peur qu'Ethan n'hésites encore, Rosie avait décidé de jouer sur son ego, qui, comme celui de tous ses collègues acteurs, n'était pas négligeable, "Franchement dans « Amour Beauté et Célébrité, tu vas relever le niveau. J'ai jeté un coup d'œil à la distribution et au scénario. McCarthy, le scénariste et réalisateur de la saison, est bien évidemment enchanté de trouver ton nom dans le générique et comme c'est un ami, il a juré de faire un effort et d'augmenter encore la qualité pour te garder le plus longtemps possible. »
Le scénario avait alors changé de main.
Craven avait signé pour un an et en relisant juste avant le tournage les mots qu'il devait prononcer il doutait de plus en plus de sa décision.
Ouep ! Mac Carthy avait dû jurer à son amie, mais l'effort de qualité n'était pas vraiment visible. En tout cas, pas sur ces premières scènes. Craven grimaça encore une fois. L'héroïne venait de se faire larguer à un jour de son mariage par un salaud et elle ne trouvait rien de mieux que de sauter au cou du premier venu rencontré dans un couloir pour remplacer le fiancé fugitif au pied levé.
Très idiot.
Aussi stupide, somme toute, que lui, Ethan Craven, d'avoir accepté le rôle de Masen.
Il se leva et commença à tourner en rond dans la chambre, histoire de mémoriser ce dialogue romantique dans la tête. À vrai dire, le dialogue n'était qu'une partie du problème. Il y avait aussi les indications gribouillées à la main par le réalisateur Lewis McCarthy. D'après Ethan, « Amour Beauté et Célébrité » était bien parti pour figurer au podium des soaps les plus nuls. Ethan reprit sa lecture, espérant trouver quelque chose l'incitant à se concentrer sur son rôle.
« Regard étonné, admiratif puis follement amoureux »
Ah oui, rien que cela ? Amoureux d'une fille rencontrée la veille ? On pensait avoir lu le pire ...et non, ça continuait ensuite dans la même veine..
« Ses mains lui pressent la taille et il la serre contre lui, fou de désir »
OK ! Ses mains doivent montrer son désir. S'il avait été vulgaire, Ethan dirait bien que le désir, lui, il « l'exprimait » avec une autre partie de son anatomie. Mais pour une série qui passait en prime time, dans l'Amérique soi-disant puritaine...
Allez Craven, au boulot... Courage !
Il passa sa main dans ses cheveux, décoiffant encore une fois le travail du professionnel qui s'était acharné à assagir ses épis. Il avait pourtant rafraîchi sa coupe avant de prendre l'avion, mais les mèches blondies par le soleil et le grand air, n'avaient pas eu l'heur de plaire à ce coiffeur.
Peu importe, un marié peut se permettre de ne pas être impeccable. Il avait déjà revêtu son costume de pingouin noir, parfaitement ajusté, malgré un incident avec la chemise blanche festonnée qui avait rendu l'âme. Ethan avait donc sorti de sa valise l'une des siennes, plus ordinaire mais à sa taille, elle. Il revit l'air comiquement désolé de la costumière devant le désastre. « Je suis navrée monsieur Craven, on m'avait pourtant donné vos mesures... Votre ancienne habilleuse...» « Laissez tomber, mademoiselle, j'ai dû m'élargir un peu au niveau des épaules depuis la dernière fois qu'on a pris mes mesures sur un plateau. Vous vérifierez ceci plus tard. » Rougissante la fille s'était éclipsée à regret alors que torse nu il s'apprêtait à mettre la nouvelle chemise.
Un petit coup bref à la porte, et la tête de McCarthy, coiffée d'une casquette de base-ball à l'envers, passa par l'ouverture :
- Prêt Craven ? Pour le grand retour ?
- Sûrement. J'ai encore un peu de temps ?
- Cinq minutes tapantes ! Ensuite en piste ! On t'attend sur le plateau 5-A en extérieur. Dans les jardins, côté ouest. J'envoie quelqu'un te chercher ?
- Non ça ira, je devrais me retrouver dans le labyrinthe de l'hôtel. Ils se ressemblent tous.
- Ça marche.
La porte se referma. Bon, il avait cinq minutes pour se mettre dans la peau d'un ahuri qui allait se marier avec une inconnue. Ça, on ne l'y prendrait jamais plus. Même s'il était un imbécile d'avoir accepter ce putain de rôle. Heureusement il n'avait signé que pour une saison. Le grand amour entre Anthony et Marie serait bref... comme toujours.
Il aurait dû rester chez lui. Il était très bien dans son ranch, avec ses étalons et ses vaches ! Loin des fans hurlantes et stressantes.
Ethan était arrivé la veille très tard dans la ville qui ne dormait jamais. Et il s'était déjà fait agresser trois fois. A l'aéroport, tout d'abord. Un grand classique : une fille hurlant son nom et une meute de jeunes femmes le poursuivant alors qu'il se mettait à jouer à cache cache avec elles, sous son bonnet, planqué derrière ses lunettes noires. Une deuxième fois dans le hall de l'hôtel qui servait de base à l'équipe de tournage, ce sont quelques photographes qui avaient pris le relais, le harcelant de questions et pointant leurs appareils juste sous son nez à plus d' une heure du matin. Ces charognards ne dormaient donc jamais ? Enfin quelques secondes plus tard, il se pensait enfin en sécurité dans l'ascenseur et signait gentiment un autographe, malgré sa fatigue, à une femme qui l'avait évidemment reconnu. Celle-ci s'était alors jeté à son cou pour tenter de lui extorquer un baiser. Ces scènes l'auraient rendu fou quelques années auparavant et l'avaient poussé à tout abandonner cinq ans plus tôt.
Le retour dans le monde des strass et de la célébrité se passait plutôt mal, même s'il n'avait pas perdu son sang-froid.
Il avait donc très mal dormi ensuite.
Il s'était coupé en se rasant.
Il avait déchiré la chemise qu'il devait mettre.
Et son agacement, léger, très léger, n'avait rien à voir, absolument rien, avec le fait qu'il allait se retrouver face à ELLE après cinq ans, sans lui avoir jamais donné de nouvelles.
Il soupira, rajusta ses boutons de manchettes (qui portait à notre époque des boutons de manchettes à part les vampires d'un autre âge qui se mariaient avec leur bien-aimée ?)
Il se planta devant le miroir. Il avait changé en cinq ans. Un homme d'environ trente ans en costume lui faisait face, le regard vert et interrogateur, des mâchoires carrées et décidées, une bouche mince, entourée de quelques fines ridules, ne souriait pas. Il était plus large d'épaules qu'à une époque certes, mais surtout plus dur, plus anguleux. Il passa sa main sur sa joue rasée de près, cherchant une réponse dans le miroir. Qui était-il devenu depuis cinq ans ? Avait-il résolu ses problèmes ou juste fui une situation qui ne lui convenait plus ?
Trois coups sur la porte.
- Craven on t'attend toujours ! brailla McCarthy à travers la porte.
- J'arrive. Je suis prêt.
Enfin, je l'espère.
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