Chapitre 21

C'était plutôt rare pour JungKook de demander un verre au bar plutôt que d'être celui qui le servait. Quelques heures plus tôt il avait mis un terme à sa relation avec TaeHyung et bien qu'il était persuadé qu'il s'agissait-là d'une bonne chose, il ne pouvait s'empêcher de le regretter déjà. Le regard larmoyant du blond avait été pour lui insupportable à voir, ne pouvant s'empêcher de se sentir coupable de toute la tristesse de son ex petit-ami (même ça, c'était douloureux à admettre...). Ce dernier ne lui avait jamais directement dit que tout était de sa faute mais c'est ce que lui n'avait pas pu s'empêcher de se mettre en tête. Après tout, les parents du garçon n'en avaient que pour BoGum et ne voulaient même pas entendre parler de lui. Il s'était senti désemparé et avait pensé que peut-être, s'il laissait TaeHyung partir, alors au moins l'un d'eux deux serait heureux, même si ce n'était pas lui.

Le barman n'avait même pas eu la force de se rendre au travail ce soir, n'ayant plus goût à rien. Il avait rapidement expliqué la situation à JiMin et HoSeok et, bien évidemment, ses deux amis avaient accepté de gérer le service à sa place. Bien sûr il s'était fait traiter de grand idiot et de sombre crétin, mais dans le fond il l'avait peut-être un peu mérité. Il avait pensé faire ce qui était le mieux pour TaeHyung mais même le principal concerné n'avait pas semblé du même avis que lui. Bon sang, TaeHyung... Le jeune homme lui avait dit qu'il l'aimait mais lui n'avait rien fait en retour. Il n'avait pas même accordé un regard dans sa direction, il avait tellement foiré.

« Bonsoir, prononça un homme en prenant place sur le tabouret à côté du sien. Je prendrais juste une limonade s'il vous plait, je dois conduire jusque chez moi après et vous savez ce que les statistiques disent : les accidents les plus courants arrivent sur les trajets les plus régulièrement effectués ! »

Le noiraud ne put retenir un pouffement, le rire un peu amer, en entendant la réplique du nouvel arrivant. Ça lui rappela la nuit où TaeHyung l'avait mis en garde sur les risques de la conduite en étant fatigué, et s'il se souvenait bien c'était le jour de leur premier baiser. Il se doutait que ce serait un peu comme ça au début, qu'il aurait l'impression d'entendre ou de revoir le blond partout, mais il n'imaginait pas que ça irait jusqu'à ce point. Les simples paroles d'un inconnu lui rappelaient le garçon.

Enfin, toujours est-il que l'homme assit à côté de lui avait tourné la tête dans sa direction afin de l'observer avec surprise.

« J'avais un... Ami qui disait ça aussi, expliqua-t-il en faisant tourner le contenu du verre qu'il tenait dans sa main, comme hypnotisé

- Vraiment ? Il doit être très sage alors, répondit l'homme, visiblement amusé. Qu'est-ce que vous buvez, vous ?

- Du jus de pomme, je conduis pour rentrer également.

- Vous êtes plus responsable que ce que j'imaginais. »

Un sourire en coin, un peu triste, étira ses lèvres alors qu'il acceptait le fait que l'homme à ses côtés venait d'avouer avoir porté un jugement sur sa personne. Il en avait l'habitude, vraiment, et puis il voulait bien admettre qu'en voyant un homme assit à un bar, sa veste en cuir reposant sur le dossier de son tabouret et la peau sombre d'encre, on pouvait avoir du mal à se dire que le liquide un peu jaunâtre qui composait son verre était du jus de pomme. Mais il n'avait pas été d'humeur à se torcher ce soir, il était déjà suffisamment ravagé pour en plus rajouter l'alcool.

C'est pour cette raison que c'est sans aucune animosité qu'il releva la tête vers son camarade, découvrant un homme d'âge mûr, grisonnant, probablement père de famille voire même grand-père. Ce dernier ne lui semblait pas hostile, bien au contraire, même si l'homme n'avait pas l'air très souriant ses yeux étaient a contrario très expressifs.

« C'est les tatouages qui vous font dire ça ? Demanda-t-il alors. Ils font cet effet à tout le monde.

- Pourquoi vous enfermer seul dans un bar, avec une mine si sombre, si c'est pour simplement boire du jus de pomme ? Demanda à son tour l'homme en désignant tout ce qui les entourait.

- C'est juste que là où j'habite, tout semble me rappeler cet ami et j'ai besoin de m'éloigner un peu de tout ça. Et puis, je veux pas voir les regards plein de pitié de mes proches, alors cet endroit m'a paru être un bon compromis.

- Parlez-moi de votre ami, enfin, si vous le voulez ? Proposa l'homme, l'air d'avoir de réelles bonnes intentions. Je ne suis pas forcément la meilleure épaule sur laquelle pleurer, mais j'ai une très bonne oreille et je suis prêt à vous écouter. Comment est-il ? »

JungKook n'était pas vraiment du genre à s'étaler sur sa vie privée, sur ses sentiments, et encore moins auprès d'inconnus, mais peut-être que parler à quelqu'un lui ferait effectivement du bien. Certes il prenait le risque d'être jugé mais en cet instant ça n'avait plus vraiment d'importance. Cet homme ne le connaissait pas et avait donc un regard totalement neutre sur tout ce qu'il lui dirait. Peut-être que c'est tout ce dont il avait besoin, une oreille attentive pour écouter tout ce qu'il avait à dire, et emporter avec elle tous les souvenirs de cette relation qui ne verrait jamais de lendemain. Alors il parla.

« Il est... Incroyable, vraiment, et tellement surprenant, avoua-t-il. Quand je pense qu'il va faire quelque chose, il fait voler en éclats tout ce que je pense savoir de lui et fait l'exact opposé. La première fois que je l'ai vu, au bord d'une autoroute, je croyais qu'il était quelqu'un de coincé et c'est en apprenant à le connaître que je me suis rendu compte à quel point il avait l'esprit ouvert, à quel point lui et moi on était pareils. Je veux dire, tous les deux on renvoie une certaine image de nous qui n'est absolument pas la réalité, et pourtant pas même dès les premiers instants il m'a jugé une seule seconde. Il est la personne la plus extraordinaire que j'ai jamais rencontré.

- Vous l'aimez ? Demanda l'homme mais même venant de lui, ça semblait être une affirmation, alors il hocha tristement la tête.

- Oui...

- Et vous le lui avez dit ?

- Non, je... Il n'avait pas réellement d'explications. J'aurai aimé, mais ça n'aurait qu'empiré les choses.

- Qu'est-ce qu'il s'est passé ? »

De nouveau, le noiraud eut un rire amer, lui-même se rendait compte à quel point l'excuse pour son comportement était ridicule. Il n'était vraiment qu'un idiot...

« Je l'ai laissé partir, ses parents me détestent, osa-t-il dire.

- Vraiment, vous les avez rencontrés ?

- Non, enfin je les ai vus vite fait de loin une fois, mais c'est ce qu'il m'a dit. Vous savez, les clichés ont la vie dure et je crois qu'ils acceptaient même pas qu'on puisse être de simples amis alors plus...

- Mais lui, est-ce qu'il vous aimait aussi ? L'homme semblait bien désireux d'avoir le fin mot de cette histoire.

- Je sais pas. C'est ce qu'il a dit alors je crois oui, enfin j'espère en tout cas, même si ça n'aidera en rien la situation. »

L'homme à ses côtés hochait la tête d'un air entendu, les lèvres légèrement recourbées en un sourire se voulant probablement compatissant. Il avait probablement pitié pour lui, lui aussi, mais au moins le quinquagénaire n'aurait pas à subir ça plus longtemps puisque son téléphone venait de sonner.

Le concerné le sortit de la poche de sa veste en s'excusant et prit connaissance de ce qui s'affichait sur son écran avant de le remettre à sa place.

« Ah, le devoir m'appelle, je vais devoir vous quitter, expliqua l'homme avant de terminer sa boisson. Si je peux juste me permettre de vous donner un conseil, c'est de ne pas renoncer aussi facilement, il a probablement plus besoin de vous que vous ne le croyez. Vous savez, étant moi-même marié à la même femme depuis plus de vingt ans, je peux vous assurer que la belle-famille c'est le cadet de vos soucis à côté de tous les obstacles qui se dresseront devant vous. Le tout c'est de savoir reconnaître la vraie valeur des choses et de s'y accrocher lorsque ça vaut vraiment le coup. Alors si ce garçon en vaut vraiment la peine, trouvez-le, dites-lui ce que vous ressentez et prouvez à sa famille que vous n'êtes pas celui qu'ils croient. L'erreur est humaine.

- Wow, je... Merci. Vraiment. »

JungKook était sincère, il était reconnaissant. Cet homme, ce parfait inconnu, lui avait apporté un réel réconfort. C'était bon, de pouvoir se confier, de libérer ce qu'on a sur le cœur sans se sentir jugé. Les proches, même s'ils souhaitent se montrer le plus impartial possible, ont toujours un avis sur les choses, mais pas cet homme. Lui l'avait écouté, n'avait émis aucun jugement et finalement lui avait juste donné un conseil.

Les deux s'adressèrent un signe de tête en guise d'au revoir et l'homme se leva. Ce dernier paya sa consommation mais se retourna une dernière fois vers le noiraud avant de s'en aller.

« Ah, et je suis désolé, de vous avoir jugé sans vous connaître, déclara l'homme et il se contenta de lui sourire en retour.

- Vous en faites pas, ça m'arrive tout le temps, je suppose que je le cherche un peu en ne changeant pas. »

L'inconnu quitta enfin les lieux et JungKook se retrouva de nouveau seul avec son verre, à noyer son chagrin dans du jus de pomme. Et il réfléchit. Sérieusement, il repensa au conseil que lui avait offert l'homme un peu plus tôt et il se demanda si effectivement, il ne lui restait pas encore une chance. Il avait refoulé TaeHyung sans réellement chercher une solution, sans attraper le taureau par les cornes, à savoir les parents du blond. Alors c'est ce qu'il allait faire. Prit d'un regain de courage, il allait aller confronter les parents de l'ancien fleuriste et leur prouver qu'il était digne de leur fils et alors, si TaeHyung voulait bien encore de lui, ils iraient ensemble de l'avant.

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