64 ~ The white bed (Luke)

« - Tu en penses quoi toi ? –Me demande Michael alors que je passe ma nuit chez lui-

- De ?

- Peacock.

- Tu n’as que ce mot-là à la bouche Mike tu me désespères ! –Dis-je en poussant un grognement, enfouissant ma tête dans l’oreiller-

- Pour une fois que je retrouve l’envie de m’approcher d’une fille, tu devrais être fier de moi.

- Je ne t’ai jamais empêché de t’approcher d’une fille, c’est toi qui t’es renfermé après le décès de Melo.

Je l’aimais Luke et je ne voulais plus me lier d’amitié avec qui que ce soit, encore moins si c’était une fille. J’ai trop souffert de sa perte je…

- Je ne l’aime pas –Dis-je en lui coupant la parole-

-  Pardon ?

- Ta Peacock là, je ne l’aime pas.

- Ah... Pourtant vous vous ressemblez elle et toi, elle n’est pas du genre à se laisser faire.

- C’est bien pour ça que je ne l’aime pas Mike –Dis-je en me retournant pour lui faire face-

- Elle n’est pas méchante tu sais, au contraire je crois qu’elle n’est pas très à l’aise ici et qu'elle a un peu peur d’être seule.

- Et j’en ai rien à branler, je ne veux pas qu’elle m’approche, c’est tout. Plus elle restera éloignée de moi et mieux ce sera, à chaque fois que je la vois j’ai envie de lui faire du mal. C'est physique !

- T’es sûr qu’il n’y a pas autre chose ? –Me demande-t-il avec sérieux-

- Que veux-tu qu’il y ait d’autre ?

- Tu lui en veux inconsciemment de te rappeler Melo non ?

- D’où tu sors des idées pareilles ? –Je soupire et me remet dos à lui- Elle ne lui ressemble pas !

- Tu sais j’ai passé mon après-midi avec elle aujourd’hui, pour réviser l'oral de français de demain.

- J’en suis ravi.

- Et je suis sûr que tu pourrais bien t’entendre avec elle.

- Je t’ai dit que je ne veux pas m’en approcher.

- Je ne te demande pas de te lier d’amitié avec elle, juste d’apprendre à la connaitre.

- Tu t’es pris d’amitié pour elle ou quoi ?

- Non c’est juste qu’elle me fait un peu pitié et elle me rappelle Melo lors de ses premiers jours à l’école primaire. Tu te souviens comment elle était paniquée ? Elle était toute seule et elle avait trop peur d’aller vers les autres.

- Oui et après  tu es venu l’emmerder, comme avec cette pauvre fille d’ailleurs. En fait c’est ça, tu es le gros lourd de service qui vient coller aux pompes des jeunes filles paumées.

- Eh je ne suis pas gros ! –Dit-il en enroulant la couette autour de son corps-

- Mais tu es abonné aux filles paumées. –Je ricane-

- Oui bon ça va… Mais Peacock me fait un peu de peine, c’est la seule du groupe des français qui ne fait aucun effort pour réellement s’intégrer. Déjà que les français sont les moins causant des étrangers.

- Et bien raison de plus pour la laisser tranquille, elle veut sûrement rester au calme et elle n’a pas besoin qu’un garçon aux cheveux vert douteux la prenne en pitié et la harcèle. –Je soupire-

- Elle ne va quand même pas passer un an toute seule la pauvre ! 

- Bon je ne sais pas ce que tu essayes de me faire dire, mais si tu veux sympathiser avec elle et devenir son nouveau soutien, n’attends pas que je t’en donne la permission ou quoi que ce soit, t’es assez grand pour aller vers qui tu veux.

- Mais si tu la détestes comment je vais…

- Je préfère la voir avec toi qu’avec Benson de toute façon, sans compter que toi au moins tu sais comment la tenir éloignée de moi, ce sera parfait pour elle et pour moi. Et puis, ce n’est pas parce que tu traînes avec elle que je vais te détester, tu es mon meilleur ami Mike.

- Tu verras, je réussirai à vous faire sympathiser tous les deux -Dit-il en soupirant-

- Essaye toujours.

- Au fait, elle m’a demandé s’il était possible que tu oublies l’histoire avec Ash, tu sais en art, quand il lui a détruit son dessin.

- Elle t’a demandé ça ? Non mais elle s’est prise pour qui ? –Dis-je en me redressant vivement-

- C’est moi qui lui ai dit que je t’en parlerai, c’est tout.

- Hors de question, il faut qu’elle comprenne que c’est moi qui commande et pas elle.

- Mais Luke…

- En plus elle te manipule !

- Elle ne m’a pas manipulé, c’est juste qu’elle a peur de toi et qu'elle veut être tranquille.

- Peur de moi ? A la bonne heure, c’est le but recherché alors non je n’arrêterai pas.

- Luke arrête de faire le mec méchant, tu sais aussi bien que moi que t’es pas comme ça en réalité.

- Je n’étais pas comme ça, mais maintenant j’ai un rôle à jouer, pour ma propre protection.

- Tu ne peux pas redevenir l’ancien Luke au moins quelques temps ?

- Je me demande bien ce qu’elle a de si spécial cette fille pour que tu me demandes un truc pareil.

- Rien c’est juste que tu peux au moins la laisser respirer un peu, juste quelques jours et ensuite tu reprendras ton fichu rôle.

- Et pourquoi je le ferais ?

- Fais le pour moi, je suis sûr qu’elle n’est pas aussi problématique que tu ne le penses.

- Très bien, mais qu’elle ne pense pas qu’on soit amis. »

        Il hoche la tête et je lève les yeux au ciel avant de me nicher dans les couvertures. Je ne veux pas devenir ami avec Camden, on serait en constant conflit et chaque confrontation me ramènerait en arrière. Je ne veux pas, je voulais oublier et continuer ma vie tranquillement, mais cette fille allait tout gâcher, je me devais de m’en tenir éloigné.

*

        Plus les semaines passent et plus je prends plaisir à embêter Peacock. Michael dit qu’elle m’obsède mais moi je trouve juste ça marrant d’avoir un souffre-douleur. Chaque fois que je la vois qui baisse ses yeux devant moi je me met à sourire, satisfait de mon emprise sur elle. A croire qu’à force de jouer le rôle du salaud j’ai fini par le devenir totalement. J’ai remarqué qu’elle était très complexée par son corps alors je m’amuse à la critiquer là-dessus, bien qu’au fond j’étais obligé de m’avouer que son corps était plaisant et qu’elle n’avait pas à complexer, dommage qu’elle s’obstine à se cacher. A côté Sashane exhibe fièrement son corps et ça en devient lassant, une partie de jambe en l’air c’est tout ce qui semble avoir de la valeur à ses yeux. En ce jeudi matin je remarque avec une légère déception que mon souffre-douleur n’est pas présent. C'est un cours d'art, comment peut-elle louper ça ?

« - Elle dessine dehors –Me dit Calum d'une voix posée-

- Pardon ?

- Camden, tu la cherches non ?

- Pas du tout ! –Dis-je en sentant mes joues chauffer doucement- Qu’est-ce qu’elle fabrique dehors ?

- A ton avis –Dit-il en levant les yeux au ciel- moi non plus je n’aurais pas aimé qu’on me ruine un dessin ou qu'on me fasse un portrait glauque. »

        J’hausse les sourcils pour montrer que je m’en moque. C’est vrai que de nous quatre Cal est le mieux placé pour comprendre les sentiments d’un artiste. Mais de là à aller dessiner dehors, je trouve ça un peu exagéré. Je me balade dans la classe à la recherche de portrait à faire, mais personne ne m’intéresse. Je dessine vite fait Michael en prenant soin de rater la couleur de ses cheveux puis je porte mon attention par la fenêtre. Elle est là en bas, assise sur un banc pile sous la fenêtre. C’est l’endroit rêvé pour lui balancer un truc à la tête. Même si j’ai plus ou moins promis à Michael que je ne l’embêterai plus, je ne peux pas m’en empêcher. Pourquoi ? Je n’en sais rien.

        Cependant je ne fais rien et reste là à l’observer, ses mains sont rougies par la fraîcheur du matin et elle est obligée de les frotter. Vraiment quelle idiote, elle pourrait revenir en classe, au chaud et trouver mieux à dessiner qu’un putain de couple, mais non au lieu de ça elle reste en bas. Ce n’est pas une Hemmings mais visiblement les Camden doivent avoir une fierté colossale eux aussi. Je me pose contre la fenêtre et entreprend de dessiner sans trop réfléchir, à la base je voulais faire le portrait de Melody, qui pour moi est le seul visage qui mérite d’être dessiné tellement il était beau, mais force est de constater que je mélange ses traits avec ceux de la française. Je grimace, mais finalement ça rend bien. Je regarde en coin, vérifiant que personne ne m’observe et j’ajoute un peu de couleur, dont du vert et du bleu pour les cheveux et un peu de gris pour ses yeux. Je suis assez fier de moi, je souris en coin et détache la feuille avant d’en faire une boule et de la lancer par la fenêtre que je referme aussitôt pour ne pas qu'elle puisse voir de qui vient le dessin. Je n’allais pas lui faire un avion, c’est trop cliché et puis je ne l’apprécie pas, mon esprit s’est juste égaré quelques temps sur son visage alors qu’à la base je voulais faire celui de Melody. En fait elle m’a épargné la douleur de me représenter ma sœur. Peut-être que cette fille peut m’aider finalement ?

*

        Dernier cours de sport avant le week-end, un bon petit match de foot devrait me détendre. Alors que je me rends sur le terrain je remarque que l’annexe est prise par les premières années, ce qui fait que Camden est obligée de rester dans le gymnase à jouer au foot. Je l’observe qui reste collée au français, je n’arrive pas à me souvenir son nom, Charly ? Non... Non son prénom est trop compliqué. Jusque-là elle a montré qu’elle excellait en art et en badminton mais aujourd’hui c’est moi qui vais lui montrer qui est le champion en foot. Alors que les matchs commencent je suis obligé de constater qu’elle ne se débrouille pas trop mal. Y-a-t-il quelque chose en quoi elle soit nulle à part dans le relationnel ? Je me donne à fond lors du deuxième match lorsqu’elle se pose sur un banc face à nous et nous regarde jouer, je veux l’impressionner et je sais que Michael aussi, mais pas dans le même but que moi. Je manque de vigilance et son pote marque, la faisant applaudir et faire de grands gestes dans sa direction. Michael est vexé et je me contente de lui lancer un regard assassin, ce n’est pas ça que je voulais. Je suis sûr qu’elle fait ça pour nous provoquer.

        A la fin de l’heure les équipes sont mixtes et Mike et moi sommes sur le terrain opposé à celui de Camden. Heureusement sinon je l’aurais réduite en bouillie. Je ne supporte pas de la voir marquer et se faire applaudir par les gens de la classe. Oui je suis jaloux. Je la vois qui marque un autre but et égalise, ce qui provoque l’hystérie des filles et des applaudissements des garçons. Elle se contente de sourire timidement, alors qu’elle pourrait se venter, se pavaner comme l’aurait fait Sashane. Non cette fille est trop humble et ça me dégoute. Je la regarde qui se replace en souriant et tout s’enchaine rapidement. Je reçois le ballon dans mes pieds, le sifflet retenti et je tire d’un coup sec en direction de Camden qui s’effondre au sol lorsque le ballon percute de plein fouet l’arrière de son crâne, faisant virevolter ses cheveux bleutés et verts sous l'impact.

Bien fait, je la déteste.

*

« Je n’ai pas fait exprès –Dis-je d’un air faussement désolé à mon professeur de sport-

- Je confirme –Ajoute mon meilleur ami à côté-

- Hemmings je vous ai vu tirer !

- J’étais énervé d’avoir perdu, j’ai tiré dans le vide, je ne voulais pas toucher cette jeune fille.

- Vous auriez pu la tuer ! –Beugle-t-il-

- Je m’en excuse ce n’était pas mon but –Dis-je d’une petite voix, au fond je n’ai qu’une envie, lui dire qu’un ballon pareil ne peut tuer personne, mais je veux être innocenté alors..-

- Ce n’est pas à moi qu’il faut présenter des excuses.

- Comment ça ?

- Allez donc voir votre camarade, elle est à l’infirmerie. »

        J’hoche la tête et pars en direction de l’infirmerie d’un pas las. Je n’ai pas envie de la voir parce qu’au fond je m’en veux un peu d’avoir tiré. Même si Michael a confirmé ma version des faits je sais très bien qu’il ne cautionne pas mon geste lui non plus. Je ne sais pas ce qu’il m’a pris, j’étais énervé, jaloux et j’avais qu’une envie, voir s’évanouir de ses lèvres ce sourire innocent. Je ne peux pas la détester si elle devient trop gentille. Alors que j’entre dans l’infirmerie vide, je la discerne au loin, allongée dans un des lits blancs, faisant ressortir la couleur de ses cheveux. Mon cœur se serre un instant, me ramenant quatre ans en arrière lorsque j’avais vu le corps immobile de ma petite sœur dans un lit immaculé, identique à celui qui se trouve sous mes yeux. Ce lit qui avait été la dernière chose qui avait touché son corps en vie, le lit dans lequel elle souffrait. Je mords ma lèvre, aujourd’hui, une fois encore, j’ai envoyé quelqu’un dans un lit blanc et même si elle ne va pas en mourir je ne peux m’empêcher d’avoir des remords. Je me mets à sa hauteur et la regarde silencieusement. Elle a une mine affreuse, sa peau d’habitude proche de la porcelaine tire sur le jaune cireux et ses lèvres ressortent plus rouges qu’à la normale. Je ne l’ai pas loupée. Alors que je pense qu’elle dort je vois ses sourcils se froncer et son visage se contracter, sûrement dû à la douleur. Je m’en veux mais je ne veux rien laisser transparaitre.

« - Je sais que tu ne dors pas Camden. »

        Elle se réveille en sursaut et ses iris gris se posent sur les miens. Je peux lire la douleur dans ses yeux mais je me contente de l’ignorer, même si ça me fait de la peine. Je ne veux pas lui avouer, je ne veux pas me l’avouer non plus. Je lui présente mes excuses et m’assois au bord de son lit.

« - Tu voulais me tuer ? –Me demande-t-elle avec un certain malaise-

- Oh non, je m’amuse bien avec toi alors pourquoi tout gâcher ? –Dis-je en lui faisant mon plus beau sourire carnassier-

- Vu comme ça j’aurais préféré que ce ballon me tue. »

        Elle se retourne dos à moi et je ne peux que l’en remercier car à ce moment-là mon visage se décompose. Non je ne veux pas tuer quelqu’un d’autre, pas quelqu’un d’aussi innocent. Je reste là silencieux à regarder son corps trembler sous la douleur. C’est vraiment moi qui ai fait ça ? Pourquoi ne pleure-t-elle pas ? Elle sait que je l’ai fait exprès, que j’aime lui faire du mal. Alors pourquoi elle fait sa fière et se tait alors qu’elle pourrait se soumettre enfin, ce qui me motiverait à arrêter son calvaire ?

« - Tu m’énerves Camden »

        Oui elle m’énerve car je sais que jamais elle ne se soumettra, comme Melody elle va me tenir tête. Pourquoi faut-il que je l’identifie à elle ? Pourquoi ai-je cette envie de me montrer supérieur à elle alors que je pourrais tout simplement l’ignorer et la laisser vivre sa vie ? Je ne me comprends pas et elle ne me comprend pas non plus. Alors que nous commençons à nous disputer je soulève son drap et détaille son corps pour la déstabiliser, mais à ma grande surprise elle ne bouge pas. Pourquoi me tiens-tu tête bon sang, ça ne nous apportera rien de bon.

« - En attendant tu n’as pas une si grosse queue que ça –Me dit-elle, me faisant ouvrir grands mes yeux-

- Et qu’est-ce que t’en sais ?

- Quand tu es en slim, ça n’a pas fière allure, tandis que Michael… »

        Mauvaise idée Camden chérie. Je l’attrape par les cheveux, aveuglé par ma colère. Je suis venu m'excuser, certes. Mais je ne veux pas qu’elle s’imagine pouvoir me critiquer et me prendre de haut comme ça. J’appuis à l’endroit même de sa douleur alors qu’elle plante ses ongles dans mon bras. Elle me fait mal, mais je ne lâcherais pas. Je ne sais pas pourquoi je réagis comme ça, avant je n’étais pas aussi brutal avec les filles. Alors pourquoi je l'étais avec celle-ci ? Je lui décolle une gifle et remet le drap à temps quand Katia arrive dans la pièce, je souris. Elle c’est ce que j’appelle une fille soumise, je n’ai pas à avoir peur d’elle, je sais que quoi que je dise elle me croira et m’obéira. Ridicule. J’embrasse la tempe de Camden sur un coup de tête et je rejoins la belle infirmière pour lui proposer de sortir ce soir. Je regarde de temps à autre la fille que je déteste à présent plus que tout au monde, elle est surprise et gênée de me voir aussi proche de cette femme. Car oui Katia est une femme tandis que Camden, à mes yeux, reste une gamine pleurnicharde et bornée. Comme Melody.

« - Rétablis-toi bien, Alouette. »

        Je crois bien que c’est la première fois que je dis son nom, ce qui me fait sourire. Elle me regarde d’un œil mauvais, pensant que je me moque d’elle alors qu’au fond je souhaite vraiment qu’elle se rétablisse. Avec qui je vais me disputer pendant la semaine si elle n’est pas là pour répondre à mes petits piques ?

Et puis sans compter que la dernière fois que j’avais vu un lit blanc, c’est un corps sans vie qui en était sorti, là je suis, malgré-moi, soulagé de savoir que je reverrai cette fille aux cheveux étranges.

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