2 ~ Planes and Starbucks
Mélina est chez moi depuis la nouvelle de mon transfert de dossier à Sydney. Elle n’a pas arrêté d’insister pour m’accompagner, quitte à envoyer un mail de désistement à Manchester. Mais et s’il lui arrivait le même problème qu’à moi en choisissant Sydney ? Si j’avais pris la dernière place ? Elle se retrouverait alors sans rien, c’est hors de question. Cette mise à niveau ne dure pas un an à proprement parlé, on sera vite réunies et puis, qu’on se le dise, un jour où l’autre on se serait forcément séparées, elle préfèrerait entrer à Ghibli tandis que moi j’ai toujours eût un faible pour Disney-Pixar. Alors que ce soit demain ou dans un an, ça revient au même
"- Sydney est une très grande ville, comment vas-tu trouver l'Université ?
- Ils m’ont dit que quelqu’un viendrait me chercher à l’aéroport. Tout est prévu.
- Et l’avion ? – Je fais une grimace- Vingt-quatre heures d’avion ça n’est pas rien, surtout pour toi Lou. »
Je marmonne un vague ‘je sais…’. Au fond elle a raison, j’ai toujours eût la phobie de l’avion, rien que pour un trajet d’une heure je suis obligée de prendre des décontractants si je ne veux pas faire une crise d’hystérie à bord. Alors vingt-quatre heures ? Il faudra que je pense à regarder la posologie de mes comprimés, quitte à en prendre un peu plus… Je regarde la pendule dans ma chambre, quatorze heures, afin de clore la conversation sur Sydney je lui propose un après-midi shopping, sûrement le dernier avant nos départs respectifs la semaine prochaine.
*
Mélina et moi entrons dans l’aéroport bondé de touristes en cette fin de mois d’août, tous se retournent vers nous et nous lancent des regards appuyés. Je sais, ni Mel et moi encore moins, n’avons une couleur de cheveux conventionnelle. Ses cheveux sont longs et pourpres, à la limite du fuschia, tandis que moi ils sont bruns des racines jusqu’aux oreilles, puis vert d’eau pour finir sur un bleu électrique aux pointes. Qui ne se retournerait pas sur nos looks bizarres ?
Je regarde le panneau d’affichage, nous devons nous présenter aux contrôles puis attendre qu’on nous dise d’embarquer. Je soutiens tant bien que mal ma grosse valise, partir un an à l’étranger ce n’est pas rien et c’est là que l’expression ‘partir avec sa maison sur le dos’ prend tout son sens, à ça près que je ne porte pas ma valise sur mon dos et heureusement d’ailleurs. Un appel retentit et mon estomac semble se retourner. A ce moment-là ce n’est pas vraiment l’appréhension du voyage qui me donne la nausée, mais plutôt de savoir que c’est le moment de quitter ma meilleure amie, celle avec qui j’ai surmonté les quatre année d’école d’art et avec qui je me voyais déjà faire le tour de Manchester, bras dessus, bras dessous. Aucune de nous n’ose faire le premier pas jusqu’au deuxième appel. Bon là je commence à angoisser pour le voyage.
« - Ne drague pas trop – Me dit-elle avec un petit rire forcé-
- Moi, draguer ? Jamais, tu sais que ça n’est pas mon style… - Un silence s’impose entre nous- Prend soin de toi Mel, on se verra sur skype ?
- Je croyais que tu n’avais pas skype ?
- Je l’ai téléchargé exprès pour te voir. »
A ces mots je vois son visage se déformer sous l’affluence des larmes, machinalement je la prends dans mes bras. Je n’aime pas la voir pleurer, c’est trop douloureux. Je lui murmure qu’on se reverra, qu’elle n’a pas à s’en faire, que ça passera vite. Mais au fond c’est aussi à moi que je dis ça, à moi qui retiens mes larmes avec acharnement. On s’échange une dernière étreinte, un baiser sur le front puis chacune part de son côté, le cœur lourd. Les vigils me fouillent, inspectent ma valise et me laisse la déposer pour partir en soute. Je garde avec moi mon sac en toile ‘Red Hot Chili Peppers’ dans lequel se trouvent des affaires de dessins et mes comprimés. Il va m’en falloir beaucoup. Vingt minutes plus tard je suis installée, j’envoie un dernier message à Mel, puis à mes parents avant de l’éteindre. Un sentiment étrange m’envahi à ce moment, comme si je venais de couper l’unique lien avec ma vie actuelle et que je me dirigeai à présent vers un futur totalement flou, loin de mes amis et ma famille. L’avion est prêt à décoller, j’avale rapidement mes comprimés – plus que la limite- mais c’est ça ou bien les hôtesses seront obligées de me ligoter. Je ferme les yeux en sentant l’appareil trembler au démarrage, mon corps est parcouru de frissons et je laisse couler une unique larme, la dernière avant que l’avion ne décolle et que j’imagine –je ne veux pas regarder- mon ancien pays disparaitre au-dessous de moi. Sydney me voilà.
*
Vingt-quatre putains d’heures. Non mais il faut être malade ! Ce que je suis actuellement, au premier sens du terme. J’ai un peu forcé la dose sur les comprimés et je me sens toute engourdie, j’ai la tête qui tourne et la nausée. Une hôtesse passe à côté de moi et m’annonce que nous arrivons dans une vingtaine de minutes, je soupire et essaye de prendre une respiration normale. Vingt minutes ce n’est rien comparé à l’enfer que je viens de vivre. J’ose regarder par le hublot, en bas je distingue la surface brillante de l’eau sur laquelle commence à descendre un soleil brulant, comme c’est beau. L’appareil perd de l’altitude, je m’enfonce dans mon siège comme un enfant dans Space Mountains, de peur de s’envoler dans un looping. Sauf que là il n’y a pas de raison pour que l’avion fasse un looping. Je ferme les yeux et rapidement une annonce parcourt les hauts-parleurs.
« Bienvenue à Sydney, la température extérieure est de 30° et il est actuellement 16h30. Nous vous remercions d’avoir choisi la compagnie … »
Oui bon ça va moi je veux sortir d’ici ! Je me détache et sors la première, prise d’adrénaline. J’ai horreur de l’avion. Une fois à l’extérieur la chaleur semble m’oppresser de toute part et j’ai du mal à respirer normalement. Voilà que je quitte la France à 8 heures, la veille, avec 10° à peine et je me retrouve, en fin d’après-midi avec le triple au thermostat. Toujours un peu droguée par mes comprimées je rentre dans l’aéroport de Sydney où sont censés m’attendre ma valise et mon guide. Par chance ma valise est là, je la prends en remerciant le ciel qu’elle ne se soit pas égarée – comme ça arrive souvent aux autres mais le jour où ça te tombe dessus, tu pleures- puis je tourne la tête pour essayer de trouver mon sauveur. Au loin, parmi une foule compacte se trouve des gens munis de pancartes sur lesquels sont inscrits des noms, je m’avance et discerne le mien dans les mains d’un garçon à peine plus vieux que moi, les cheveux noirs gominés et le regard un peu stressé par autant de monde autour de lui. Je m’approche et il fait une drôle de tête en me voyant. Quoi ils n’ont jamais vu de cheveux colorés ici aussi ou quoi ?
« - Al-ou-wet ? – Demande-t-il en appuyant chaque syllabe avec force-
- Oui c’est moi –Répondé-je en anglais-
- Oh je suis Joshua Benson, en 3e année à l’Université de Sydney. Enchanté ! – Il me tend sa main que je sers doucement- tu as fait bon voyage ? Si je parle trop vite dis-le moi, j’ai l’habitude d’échanger avec les français.
- Euh non ça va j’ai compris, merci. Oui ça s’est bien passé, mais c’était beaucoup trop long… »
Il rigole et me dit quelque chose d’inaudible, je souris néanmoins pour lui faire plaisir. C’est quoi cet accent ? Je lui emboite le pas alors que nous sortons de l’enceinte blindée de monde ; au dehors la chaleur me retombe dessus comme un poids mais de façon moins violente qu’à la sortie de l’avion. L’Université n’est pas loin alors nous allons prendre le bus puis marcher un moment, pour que je puisse me familiariser avec les lieux. Tandis que nous prenons le bus j’en profite pour le regarder, il est à peine plus grand que moi et sa mine enjouée me fait oublier le pauvre garçon stressé par la foule de tout à l’heure. Il est plutôt pas mal, cela dit je m’attendais à autre chose, on m’a tellement rabâché les oreilles avec la beauté Australienne, mais –je regarde un peu autour de moi ainsi qu’au dehors du bus – j’ai bien peur que ce ne soit qu’un mythe. Je suis déçue. « Ne drague pas trop » Oh ne t’en fais pas pour ça Mel. D’ailleurs tu dois être arrivée depuis longtemps. Je soupire.
*
Le bus s’arrête et je descends après Joshua. « Veux-tu que je porte ta valise ? » me demande-t-il avec le sourire typique du bon samaritain prêt à faire une bonne action. Je le remercie et décline l’offre, je préfère la garder avec moi, même si elle commence à me peser. Sur le chemin je remarque qu’il y a beaucoup de parcs avec des aires de pique-nique et des bancs autour de multiples fontaines. C’est magnifique.
« - Les logements pour étudiants sont juste derrière ce parc – Me dit Joshua- c’est très facile d’accès tu verras.
- En tout cas c’est le genre d’endroit qui motive pour sortir – dis-je dans un anglais approximatif, toujours un peu gazée par mes comprimés-
- Oui, tu y croiseras beaucoup d’étudiants. »
Sûrement, mais je préfère être dans mon coin, en France il n’y avait que Mélina avec qui je passais le plus clair de mon temps, mais en dehors de ça, j’ai toujours été quelqu’un de réservée et peu sociable, toujours à la recherche d’un petit coin pour profiter de la tranquillité de la solitude. Alors que l’on débouche sur une grande place commerçante, où fourmillent des tas d’étudiants, reconnaissables à leurs uniformes scolaires pour la plupart, j’aperçois une enseigne verte, ornée d’une sirène.
« - Oh un Starbucks ! – Dis-je en français-
- Oui, nous sommes à Sydney et dans la zone universitaire, c’est normal qu’il y en ai un. Tu n’en as pas chez toi ?
- Il y en a à Paris –dis-je- mais moi j’habite dans le sud et il n’y en a pas.
- Alors allons-y dans ce cas ! »
Je souris grandement pour la première fois depuis que j’ai quitté la France. Nous entrons dans l’immense enceinte vitrée et je suis Joshua jusqu’aux caisses. N’étant encore pas très à l’aise avec l’accent Australien et la vitesse à laquelle ils parlent, je laisse mon guide commander pour moi après la lui avoir soufflée. Nous prenons place à une petite table pour deux au calme, excentrée de sorte à ce que je puisse laisser ma valise sans encombrer le passage. Je bois avec plaisir ma boisson, je n’aime pas le café mais ici c’est différent. Alors que j’entame une discussion avec Josh – Il préfère que je l’appelle comme ça- j’aperçois du coin de l’œil deux garçons qui s’approchent de notre table. Les places se sont vidées autour de nous, ils vont sûrement se mettre là, mais force est de constater que ce n’est pas le cas et ils se plantent devant notre table.
« - Oh tiens mais c’est Joshua ! – Lance un blondinet bouclé dont les cheveux en batailles sont ornés d’un bandana- quelle bonne surprise, je ne pensais pas revoir ta salle petite gueule de fayot avant la rentrée. – Son visage, pourtant charmant, se déforme en un sourire triomphant face à la mine déconfite de Josh- et tu n’es pas seul apparemment – Ses yeux verts se posent sur moi, je détourne le regard- c’est ta petite amie Joshua ? Pourquoi tu ne nous la présentes pas ?
- Jolie coupe de cheveux Peacock – m’adresse le garçon qui se tient derrière le bouclé, Peacock ? Un paon ? Est-ce qu’il se moque de moi ? Et lui je pourrais en dire autant avec sa coupe couleur vert pomme-
- Elle est muette ta chérie Joshua ? – Enchaine le bouclé dont je sens le regard sur moi, je commence à sérieusement bouillonner et comprends pourquoi ils sont venu ici-
- D…Dégage Ashton, on vient juste boire un café avant d’aller sur le campus.
- Que je dégage ? Non mais tu m’as pris pour qui petit con ? – Il rit et la pomme transgénique rigole à son tour-
- Qu’est-ce que tu veux ? – Dit Josh d’une petite voix-
- C’est simple, que toi et Miss Peacock vous dégagiez d’ici.
- Mais il y a d’autres tables…
- C’est celle-là que je veux – Dit-il en posant son index sur notre table. Voyant que Josh est sur le point de céder, je pose mon gobelet presque vide et fait face à ce Ashton- un problème ?
- Oui, allez vous asseoir ailleurs, toi et ta pomme. – Dis-je en montrant son ami d’un signe de tête-
- Pardon ? – Il rigole- Attends est-ce que tu peux me la refaire ? C’était quoi cet accent ? T’es pas d’ici toi ! –Son ami imite mon accent, prenant un air bête- Blague à part chérie, si je te demande de virer, tu vires c’est compris ? Ou peut-être faut-il te le dire dans une autre langue ? »
Pour seule réponse je finis de siroter mon café, puis soudain prise d’adrénaline – Café et médicaments ce n’est pas bon- je leur montre mon majeur, sur lequel ils peuvent admirer mon magnifique Anneaux Unique du Seigneur des Anneaux. Apparemment j’ai eu tors car je vois Josh se liquéfier face à moi et descendre de sa chaise pour prendre ma valise. Il me fait signe de le suivre, ce que je fais. Mais avant : je finis mon café, retire le couvercle du mug et renverse malencontreusement quelques goûtes de ma boisson sur la table. Enfin, tout le monde se doutera que je l’ai fait exprès.
« - Voila Ashton. – Dis-je en souriant- bonne fin d’après-midi à toi et à –Je parle en français- Pomme-pomme.
- Je m’appelle Michael – Me dit la pomme en esquissant un sourire en coin- Peacock. »
Si le dit Michael vient d’esquisser un sourire, Ashton lui est sur le point de se ruer sur moi et me déverser sa boisson fumante au visage. Mal à l’aise je sors rapidement et retrouve Josh un peu plus loin, la mine contrariée.
« - Tu les connais d’où ? – Je demande-
- De l’Université… Tu n’aurais pas dût faire ça tu sais…
- Pourquoi ?
- Là ce n’était qu’Ashton et Michael, mais d’habitude ils sont plus nombreux.
- Oh je ne pensais pas que c’était une bande. Je croyais que ce n’était que deux petits cons venu t’embêter. Je suis désolée. »
Il sourit un peu plus naturellement en m’assurant que ce n’est rien et qu’il avait apprécié de voir Ashton se faire rembarrer. ‘ C’est la première fois qu’une fille lui tient tête’. A vrai dire c’était la première fois que je tenais tête à un garçon aussi, je suis plutôt du genre timide, toujours à éviter les conflits. Je remets ça sur le compte du café mêlé aux médicaments et au décalage horaire. Vraiment je commence bien mon année ici, j’espère que Mel a eût une meilleure arrivée que moi.
~
Arrivée d'Ashton et Michael :)
K.
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