Alors c'est à ça que je ressemblais ? Vu de haut je découvre mon corps allongé dans une marre d'argent, couvert de filaments violets et sans vie. Mes cheveux bleus sont ternes, mon visage figé et une telle vision me rend mal à l'aise. Me voir morte n'est pas ce que j'aurais souhaité.

Je ne sais même pas ce que je fais encore là.

Je flotte au-dessus du cimetière, au sol je découvre le corps de Michael mais Calum a disparu. Je ne ressens rien, seulement un vide, quelque chose d'inhumain que je ne peux pas combler car j'ai l'impression de ne plus être humaine. Je ne suis rien qui soit vivant, je flotte parmi les morts et on ne me voit pas.

Pourtant moi je me vois, en volant au-dessus de Grey Atlantis. Je vois une forme noire, semblable à un oiseau, d'un noir profond, derrière lequel dansent de longues flammes noires. La pluie s'est arrêtée, tout comme le temps. Tout est figé, grisâtre et je survole ce monde comme le premier Phoenix l'a survolé avant de le réduire en cendre.

Suis-je là pour ça ? Est-ce ma dernière mission ? Détruire le monde d'aujourd'hui pour en créer un meilleur. Je sens que le Phoenix a sa volonté propre, il vole vers le Temple, mais en chemin nous survolons une plaine calcinée et c'est là que je le vois.

Ashton, gisant au sol.

Quelque chose brille au-dessus de lui, une lueur blanche et non loin d'eux, une lueur bleue. Bien que tout soit figé, je comprends qu'il s'agit des âmes vivantes et plus particulièrement l'Air et l'Eau. Ashton lui est comme Michael ou même moi, rien ne brille en nous.

Car nous sommes morts.

Le Phoenix continue sa route et petit à petit Ashton s'éloigne de ma vue.

Mais pas de mon esprit.

Bien que je ne ressente rien, les visions d'Ashton dans ma tête commencent à me rendre étrange. Le Phoenix n'en a que faire, mais au-delà de notre lien surnatuel, Ashton était aussi mon petit ami. Et ça, bien que le Phoenix semble l'ignorer, ça comptait pour moi.

Des images défilent dans ma tête, le visage d'Ashton sous sa capuche me dénigrant du regard, ses mauvaises paroles, ses moqueries, tout ce mal qu'il m'a fait mais dans ses yeux je vois un feu brûler, un feu qui nous animait tous les deux.

Mon cœur pulse, ou du moins quelque chose électrise l'oiseau en plein vol et je pers de l'altitude.

Puis je me retrouve à nouveau dans ma tête, le baiser d'Ashton à Carmin's crescent, le feu qui m'a consummée et ce lien entre nous. Notre pouvoir commun.

Son amitié.

Son amour.

Je revois ses lèvres se poser sur les miennes, son corps contre le mien, nos caresses, notre fusion et toujours ce même regard, ce quelque chose qui m'a maintenue debout.

Un autre battement me fait perdre de l'altitude et bien que jusque-là je suivais la volonté du Phoenix, j'arrive à tourner la tête. Je fais violence et réussis même à dévier la trajectoire programmée de l'oiseau de feu, revenant en arrière.

Je suis morte mais quelque chose en moi a encore assez de force et de volonté pour gouverner le Phoenix. Je vole jusqu'à Ashton et vois mon ombre gigantesque au-dessus de lui.

Je ne peux toucher le sol, alors je reste en suspension au-dessus de son visage paisible. Je crois que j'aimerais le toucher, c'est assez bizarre car je suis morte et en même temps mes anciens sentiments reviennent et tentent de surgir.

Mais un oiseau ne peut embrasser un humain.

Je sens que le pouvoir du Phoenix tente de me retirer d'Ashton et je n'ai que peu de temps. Je ne sais pas ce que ça signifie, mais alors que je sens mon corps s'envoler à nouveau, je plante mes griffes dans le poitrail d'Ashton et pousse un hurlement avant de créer une énorme boule de flammes noires.

Et de tout faire exploser.

«- ASHTON ! »

Je me redresse mais sens que je ne vole plus. Je suis lourde, épuisée, nauséeuse.

Je me sens humaine.

Je passe ma langue sur mes lèvres irritées et ouvre les yeux sur une surface blanche et close, me donnant un mal de crâne effroyable.

Je grogne et passe mes mains devant mes yeux.

Ce ne sont plus les griffes de tout à l'heure, ce sont mes mains à moi, pâles et légèrement violacées, mais rien à voir avec mon corps que je survolais les yeux fermés.

Je les plaque contre mon visage et chacun de mes sens m'agresse, comme s'ils remarchaient pour la première fois depuis des années.

«- Tu es enfin réveillée Sia ! »

Je sursaute et pousse un cri, pas préparée à ce genre de surprise, avant de croiser le regard fatigué d'un petit garçon. Je fronce les sourcils et il me faut quelques instants pour que la brume dans ma tête s'évapore, me laissant reconnaitre mon petit cousin.

«- T...Théodore ?

-J'ai eu peur que tu ne te réveilles jamais... Mes amis fantômes m'ont dit qu'ils n'arrivaient pas à te sauver... Mais tout à l'heure tu... Tu as poussé un grognement et les lumières ont grésillé au point d'exploser... Puis... Tu as ouvert les yeux !

-Est-ce qu'on est morts ?

-Non, on est vivants Sia –Dit-il en se balançant d'avant en arrière- On... On a réussi !

-Réussi quoi ?

-A rentrer –Dit-il d'une petite voix-

-A rentrer où ?

-A la maison. »

J'hausse un sourcil mais je n'ai pas le temps de le questionner qu'un vertige me cloue contre mon oreiller, mes acouphènes devenant stridents. Je ne comprends pas ce qu'il se passe, où est Caitlin ? Et Ashton, ne l'ai-je pas sauvé ? Pourquoi suis-je en vie alors que dans cette vision je... J'étais morte et sacrifiais mon dernier espoir de vie pour lui ?

«- Alésia ! »

La porte s'est ouverte à la volée et je sursaute de plus belle, mon visage prenant une mine d'incompréhension à la vue de mes parents. Que font-ils ici ? Sont-ils venus en apprenant que j'étais presque morte ? Et suis-je bien vivante au moins ?

« -Oh ma chérie tu es enfin réveillée ! –Bredouille ma mère en prenant mon visage dans ses mains- On a eu si peur, tu... Tu ne te réveillais pas, ton cœur a chuté et les médecins allaient te débrancher quand.... Quand ton cœur a recommencé à battre. T...Tout ce temps dans le coma, on ne savait pas si tu étais sauvée ou non... Théo n'aurait jamais dû avoir à voir ça mais il a insisté.

-Tout ce temps ? Mais je... Je ne comprends pas. Tout à l'heure j'étais... C'était réel ! J'étais éveillée.

-Tu viens seulement d'ouvrir les yeux Alésia –Murmure mon père ne tenant ma main-

-C'est comme après ton accident de voiture avec ta grand-mère... On te croyait morte mais... C'est un miracle !

-Depuis combien de temps suis-je dans le coma ? –Je demande, perplexe-

-Depuis deux semaines, l'hôpital de Wellington t'a transférée ici après deux jours passés là-bas.

-Ici ? Où ça... Où est-ce qu...

-Tu es en France ma chérie, à Paris, à la maison.

-Et... Ashton ? –Je demande tremblante- Et Luke et Calum ?!

-Ecoute ma chérie je pense qu'il vaut mieux ne plus reparler de ça, il s'est passé des choses inexplicables quand tu étais à Wellington et ton accident dans ce cimetière s'est révélé particulièrement étrange, sans compter qu'il y avait un autre garçon décédé avec toi... Les autorités s'interrogent et il est probable que tu sois mise en examen une fois sortie de l'hôpital.

-Alors Michael est...

-Oui –Murmure Théodore- Quand il est mort je me suis.... Réveillé.

-Est-ce que tu as pu voir Ashton ? Il y avait un oiseau au-dessus de lui, un énorme oiseau de feu, le Phoenix !

-J...Je n'ai rien vu –Balbutie Théodore alors que mes parents se regardent-

-Et... Et Luke ?

-Luke a disparu... Il a voulu vous trouver Michael, Calum et toi mais... Il n'avait plus assez de forces et Ashton était mourant... Caitlin a voulu aider, mais... Luke s'est écroulé et il.... Il a disparu.

-Non –Dis-je nerveuse- Non c'est impossible.

-J...Je dis ce que j'ai vu –Tremble Théodore alors que je serre mes poings, faisant grésiller les lumières- Qu...Qu'est-ce que tu fais avec ton pouvoir ?

-Je n'ai plus de pouvoir, je l'ai sacrifié pour sauver Calum... Mais j'imagine que s'il n'est pas là avec vous, c'est que je l'ai...

-Peu importe ce que tu as fait, tu es en vie –Me réconforte ma mère-

-J'aurais préféré qu'eux soient en vie. C'était ce que je voulais, mon dernier souhait en tant que Phoenix –Dis-je en sentant les larmes perler toutes seules- Mais je n'ai pas été assez forte.

-L...L'argent ne t'a pas tuée, tu.... Tu es forte Sia ! –Couine Théodore peu rassuré- Tu as sauvé Caitlin, moi... Et la Terre entière. Tu es mon héroïne. »

D'épaisses larmes dévalent mes joues alors que je tends mes bras pour qu'il vienne s'y blottir. En cet instant je me sens détruite, rongée par la culpabilité et j'en viens à regretter cette sensation de ne plus rien ressentir que j'avais quand je volais au-dessus de Wellington.

Finalement ce n'était qu'un rêve. J'étais dans le coma depuis des semaines, je ne pouvais pas être à Wellington tout à l'heure. Je n'ai pas pu sauver Ashton.

*

Après quelques examens et des questions embarrassantes au sujet de Wellington, j'ai pu quitter l'hôpital, faisant comme si j'avais tout oublié. A ma sortie j'ai effectivement constaté que j'étais à Paris. Le bruit, les voitures, la ville, les odeurs de pollution, les embouteillages.

Rien à voir avec ma petite vie tranquille à Wellington.

Je me place à l'arrière de la voiture et fais semblant de dormir pour éviter les questions de mes parents. En vrai je n'arrête pas de cogiter, de penser à Ashton et plus les minutes passent et plus son visage devient flou dans ma tête, comme si je commençais à l'oublier. Je serre fermement la rampe de la portière, mais ça ne m'aide en rien. Au contraire ça me ramène à la réalité.

Je suis de retour chez moi, comme une sorte de case départ, mais après une partie dévastatrice.

*

Je suis sur mon lit, dans une chambre que j'ai quittée pendant des mois et qui ne m'est plus du tout familière. Rien ici ne m'est plus familier et je donnerais tout pour retourner à Wellington, mais mes parents me l'interdisent.

Ce qu'il s'est passé là-bas m'a changée à jamais et pour rien au monde ils ne veulent me perdre une troisième fois. J'ai l'impression que finalement, j'ai perdu mes meilleurs amis, mais j'ai retrouvé ma famille. Ma mère, qui avant ne me parlait que peu, me répète qu'elle m'aime.

Mon père me dit que je suis forte et qu'il est fier de moi.

Théo me dit que je suis son héroïne.

Mais moi je me dis que je ne suis qu'une merde.

Assise là sur mon lit, à fixer mon mur comme une aliénée. Parfois je me réveille dans la nuit après avoir fait des cauchemars et je fais des choses sans m'en rendre compte.

Hier soir j'ai dessiné le portrait d'Ashton, couvert de flammes.

Les yeux clos.

Inconsciemment j'essaye de garder un souvenir du garçon que j'ai aimé alors que je n'arrive plus à le voir quand mes yeux sont ouverts.

*

Un jour, je me lève et vais fouiller dans mon bureau avec précision, ressortant des lettres. Je veux me prouver que ce n'était pas un rêve, que mon passé était vrai. Alors je les ouvre les unes après les autres, déchiffrant l'écriture primitive d'un jeune Calum Hood tout excité à l'idée d'avoir une correspondante française au nom imprononçable. Il rêvait de me voir un jour, de passer du temps avec moi peu importe le pays car enfin il avait trouvé une vraie amie. Je ne sais plus ce que je lui répondais, je n'ai pas fait de photocopie de mes lettres, mais je sais que moi aussi j'ai toujours vu Calum comme étant mon seul et véritable ami, peu importe la distance. Mon rêve était de le rencontrer en chair et en os et j'avais été si heureuse d'aller à Wellington.

Tout avait si bien commencé et si j'avais su que ça finirait ainsi, j'aurais fait demi-tour.

Je me lève à nouveau et m'assois devant mon bureau, commençant à écrire une lettre, pour Calum. C'est avec chagrin que j'écris son adresse au dos, celle qui a été la mienne pendant un moment, avant de donner la lettre à ma mère.

Elle m'a souri et m'a dit qu'elle la posterait.

Mais elle ne le fera pas.

Elle sait que Calum est mort et qu'une fois la lettre postée, elle me sera automatiquement renvoyée.

Mais elle fait semblant de les poster, pour me donner de l'espoir.

En vérité, elle les cache dans sa chambre et je finis moi-même par les brûler.

Je ne lui en veux pas, j'ai la chance d'avoir encore une mère à la différence d'Ashton, Théo ou encore Michael et j'ai compris à quel point je devais en être consciente. Donc je ne veux plus me disputer avec elle.

*

Pour ne pas que je passe mes journées seule à la maison, mes parents ont pu trouver un arrangement avec mon médecin et la faculté de Lettre Moderne de Paris pour que je puisse réintégrer une section. Je n'y connais personne et ça m'arrange, personne ne me dit « Oh tu as changé ! » ou encore « Tu ne nous avais pas dit que tu partais à Wellington pour payer tes études ? ». Non, les gens me regardent bizarrement car je suis semblable à un fantôme.

A la différence que tout le monde me voit.

Je suis encore un Këhua.

Certaines filles viennent me parler et je me fais quelques amis.

Lors d'une soirée je bois jusqu'à me rendre saoule. Je suis avec des élèves de ma classe dont un garçon à qui je plais. Il est très gentil, discret et doux. Il reste avec moi de peur qu'il ne m'arrive quelque chose et après un ultime verre, mes lèvres sont scellées aux siennes.

Je devrais essayer de vivre une relation normale, de me changer les idées.

Mais quand j'ouvre les yeux, je vois le visage d'Ashton et je me mets à hurler avant de m'enfuir.

Je suis complétement ivre et au bout de quelques mètres je tombe à terre, en larmes. Mes doigts tirent nerveusement l'herbe sous mon visage et soudain une idée me vient. Je fige ma main au-dessus du sol et ferme les yeux.

Mais rien ne se passe.

Ah si, je me mets à vomir.

Comme une pitoyable petite sotte, humaine et totalement inutile.

Je ne contrôle plus la Terre.

*

J'ai passé du temps à m'excuser auprès de ce garçon, Simon. Il a été très gentil et n'a pas voulu me brusquer alors il a gardé ses sentiments pour lui et a tenu à me protéger. Petit à petit c'est lui qui m'a aidé à me remettre, mais jamais plus je n'ai pu l'embrasser. Ashton était toujours présent dans mon esprit.

Un soir il m'a invitée chez lui, nous avons regardé quelques films devant sa cheminée et quand il ne regardait pas vers moi, je fixais les flammes et faisais discrètement bouger mon poignet.

Mais les flammes ne bougeaient pas.

Je ne les commandais plus.

Je ne contrôlais plus le Feu.

*

Bien que je sois redevenu une fille tout à fait banale, je passe du temps à aider Théodore à contrôler son pouvoir de l'Eau. Aujourd'hui il le maitrise plutôt bien et je souris en le voyant créer de petites volutes à la surface d'un lac. Mes pouvoirs me manquent. Mais c'était soit mes pouvoirs, soit la vie.

Et finalement je veux continuer à vivre, car je sais que je peux aider mon cousin.

Nous finissons notre petite ballade et je laisse Théo aller prendre un bain, bien trop content à l'idée de pouvoir créer des vagues avec ses mains. Je le défends d'inonder la salle de bain avant de rejoindre ma chambre et de l'écouter au cas ou quelque chose tourne mal. Mais il semble s'amuser. In chantonne et j'entends les clapotis de l'eau. Finalement cet Elément lui convient maintenant que Michael n'est plus là pour le contrôler.

Michael. Ma gorge se serre à cette pensée, je l'avais totalement oublié. Lui aussi est mort, j'ai remporté cette foutue Guerre des Êtres Suprêmes et tout ça pour quoi ? Pour finir à moitié folle et totalement banale. La gloire n'a pas toujours la même forme selon les combats menés.

J'espère au moins qu'il repose en paix.

Comme les autres.

Je mords ma lèvre et ouvre mon ordinateur, appuyant sur le bouton pour l'allumer sauf que rien ne se passe. Je soupire et recommence, sentant la colère m'envahir. Ce n'est pas le moment, j'ai un exposé à faire pour la fac. Mais alors que je m'apprête à recommencer, une lueur blanche traverse l'écran.

J'ai déjà vu ça quelque part.

Je déglutis et fixe l'écran, devenu blanc.

« Sia. »

Mon corps tout entier semble exploser et je n'entends bientôt plus Théo qui joue dans son bain mais cette voix. Cette voix qui m'appelle et qui est en train de me rendre folle. Je tremble de tous mes membre, mes larmes coulant toutes seules.

«- C...Calum... »

En une fraction de seconde l'écran redevient noir et je sens mon cœur s'arrêter. Puis mon ordinateur s'allume, me laissant pantelante et traumatisée. Ai-je rêvé ?

*

Le soir venu, j'attends que mes parents soient couchés ainsi que Théo pour aller prendre ma douche. Dans le miroir je vois mon ancienne cicatrice devenue blanche et rapidement je vais sous l'eau. Au début c'est vague, puis ça se concrétise.

J'entends une voix m'appeler.

Je coupe l'eau et m'extirpe de la douche après m'être enroulée dans mon peignoir. Je suis la voix, effrayée, avant de faire face à mon miroir. Ils sont là, Julianna et Calum.

Tous deux nimbés de flammes noires.

Je me cramponne à mon lavabo et dois prendre sur moi pour ne pas hurler.

J'arrose mon visage mais quand je redresse la tête, ils sont toujours là.

« -Tu es pitoyable –Soupire Julianna- Mais au moins tu n'as pas fait la connerie que je pensais que tu ferais.

-C...Ce n'est pas réel.

-Détrompe-toi, je sais que tu as fait des efforts ces derniers temps pour oublier qui tu étais, mais tu ne pourras jamais y arriver.

-P...Pourquoi, je n'ai plus aucun pouvoir de toute façon...

-C'est vrai, pourtant il t'en reste encore un.

-L'argent a détruit le Phoenix, tu n'es pas réelle et Calum est .... Mort.

-Ah les humains, toujours aussi cons ! –Grogne Julianna avant de faire passer son bras au travers du miroir pour venir l'enrouler autour de ma gorge- Tu penses toujours que tu rêves ?

-C...C'est impossible –Dis-je en titubant-

-Bien que tu n'en ai plus l'air à présent, tu as été le Phoenix le plus puissant Alésia, en te sacrifiant tu ne m'as non pas tuée mais libérée. J'ai quitté ton corps en effet, mais comme je t'avais expliqué, le Phoenix n'en fait qu'à sa tête. J'aurais pu retourner dans ton corps, mais bon si c'était pour que tu me rejoues une scène tragique, j'ai préféré miser sur une valeur sûre.

-Je ne te comprends pas.

-Calum est un peu moins fort que toi, mais il est sexy –Dit-elle en le regardant en coin- Il me plait.

-Q...Quel est le rapport avec moi ?

-Tu n'es pas sexy, je trouve que tu as pris du ventre –Sourit Julianna alors que je fronce les sourcils-

-Ok ce n'est pas réel –Dis-je en cachant mon ventre-

-Si ça l'est et tu n'es vraiment pas sexy, mais tu es très puissante et je te devais bien un petit quelque chose pour tout ce que je t'ai fait subir. »

J'hausse un sourcil et en un rien de temps, les lumières se mettent à grésiller, la salle de bain tremble comme s'il y avait un tremblement de terre et le miroir se fissure. Je ne peux pas sortir, la poignée prend feu et je me retrouve coincée dans ma salle de bain comme à l'époque chez Calum.

Ma cicatrice, qui jusque-là me donnait l'impression d'avoir disparu, se remet à me brûler et je me mets à hurler de douleur. Je n'avais plus rien ressenti de tel depuis des mois et je me contorsionne au sol alors que quelqu'un tambourine à ma porte. Au-dessus de moi Julianna est sorti du miroir sous la forme d'une fumée noire, laquelle traverse ma peau et disparait.

Les lumières explosent et la porte s'ouvre avec fracas au moment où je perds connaissance.

*

«- Sia ? »

Je sursaute et reprends conscience sur mon lit, entourée de mes parents et de Théo, vêtus de leurs pyjamas et les yeux encore gonflés du sommeil dont je les ai tirés. Ils pensent que j'ai fait un malaise et sont prêts à appeler le médecin, mais ce dernier ne trouvera rien. Je vais bien.

J'attends qu'ils aient quitté ma chambre pour inspecter ma salle de bain et constate que rien n'a bougé. J'ai un pincement au cœur, c'était un rêve. Julianna n'existe plus, j'ai détruit le Phoenix avec l'argent et Calum est mort. Pourquoi mon cerveau me transmet-il des messages pareils ? Vais-je finir tarée ? Je retourne sur mon lit et vais envoyer un messager à Simon lorsqu'une main presse fermement ma bouche, calfeutrant mon cri.

« -Sia calme-toi ! C'est moi !

-N...Non c'est... Tu ne peux pas être réel !

-Pourtant c'est moi, calme-toi, je t'en prie calme toi ! »

Je m'extirpe de cette pression étrange et fais face à Calum, ses yeux craintifs de peur que je ne me mette à hurler. Mais je n'en ai pas la forme, je suis tétanisée, effrayée par ce que mon cerveau veut me faire voir.

«- Sia je suis réel, je t'en prie reste calme et écoute-moi.

-Tu es... Mort ! Je t'ai tué !

-Non tu m'as libéré, j'étais déjà mort quand j'étais la Relique d'Argent et tu l'as enlevée de mon corps, tu t'es suicidée pour me libérer et Julianna a voulu te récompenser.

-Me récompenser ? C'est... C'est une putain de blague !

-Je t'en prie écoute-moi ! Si je suis encore de ce monde c'est grâce à elle ! J'aurais dû disparaitre totalement, mais elle m'a sauvé.

-Comment ?

-Quand elle a quitté ton corps.... Elle a... Elle a pris possession du mien.

-Quoi ?! Tu es... Le Phoenix ?

-Non je suis juste... Sa Relique, ta Relique.

-Je ne comprends rien !

-Elle était la Relique du Phoenix, en se sacrifiant ta Grand-Mère est restée de ce monde, elle vivait à travers toi et c'était elle le Phoenix, Julianna n'était que liée à elle. Quand tu as aspiré l'argent, Julianna a quitté ton corps pour protéger le pouvoir, mais le vrai Phoenix était toujours en toi, il a lutté. Tu ne te demndes pas comment tu peux être encore en vie ?

-J...Je n'en ai aucune idée.

-Ta grand-mère a survécu à l'argent et toi aussi, à vous deux vous formez le Phoenix le plus puissant et Julianna est toujours liée à vous, elle devait retourner dans ton corps mais... Comme elle a reconnu ton geste pour me sauver, elle a voulu te faire plaisir et s'est introduite en moi. Je suis ta Relique Sia, tu es encore le Phoenix.

-Je ne contrôle plus le feu !

-Car ce pouvoir ne te revenait pas totalement, c'était le pouvoir d'Ashton, toi tu as le pouvoir d'aspirer les êtres et les choses et tu m'as aspiré, je suis ta Relique et je fais partie de toi maintenant. Nous sommes... Liés ! »

Je reste sans voix un moment avant de me jeter au cou fantomatique de mon meilleur ami. Comme j'aurais aimé le savoir vivant pour de vrai, serrer son vrai corps plutôt que son fantôme... Mais ce qui compte c'est qu'il soit là et que je ne rêve pas. Je le serre avec force sans rien ressentir de très concret et je sens à nouveau quelque chose brûler en moi. Le Relique du Phoenix est de nouveau dans mon corps et tout comme Luke était la Relique d'Ashton, aujourd'hui c'est Calum mon pouvoir. Je pensais l'avoir tué, mais notre lien l'a sauvé.

Et je n'ai jamais été aussi heureuse depuis ma sortie de coma.

*

Bien que je devrais être à la fac, je passe mon temps à la maison avec Calum et Théo. Mes parents ne voient pas Calum, c'est n fantôme, mais peu importe, je me sens heureuse. Nous passons nos soirées à parler, à s'excuser et j'ai l'impression de le retrouver comme avant, à peu de choses près.

Il me parle de Wellington, il s'est beaucoup rapproché de Cailtin et cette dernière aimerait me revoir pour s'excuser également, mais ce qui me dérange... C'est qu'il ne mentionne ni Ashton, ni Luke, ni Michael. Et je sais que cette appréhension se lit sur mon visage car il caresse ma joue de son pouce.

«- Excuse-moi Calum, je suis ravie de te retrouver et de parler de Wellington, ça faisait si longtemps que ça n'était pas arrivé, mes parent refusaient... Mais finalement je me rends compte que ça me fait du mal. Ashton...Me manque.

-Je suis désolé.

-Tu crois que.... Tu pourrais m'amener là-bas ?

-A Wellington ?

-Oui, j'aimerais... Faire mon deuil.

-Je ne sais pas si Julianna sera ok.

-Julianna n'est plus dans mon corps, je fais ce que je veux.

-Ouais mais elle est dans le mien maintenant –Dit-il gêné- Wow c'est bizarre de dire un truc pareil.

-Bienvenue dans ce qui a été mon monde –Dis-je avec un demi sourire- Mais s'il-te-plait Calum, tu peux me faire me téléporter.

-Et tes parents ?

-Je vais trouver une excuse.

-Bien, mais pas longtemps, deux jours maximum. »

J'hoche la tête avant de prendre mon téléphone en main et d'appeler Simon.

*

Je remercie encore une fois mon camarade qui a accepté de me couvrir, je lui ai dit que je devais aller régler certains problèmes durant quelques jours et il a accepté de dire à mes parents que j'étais partie en week-end avec lui. J'embrasse sa joue et annonce le mensonge à mes parents, faisant mon sac et embrassant la joue de Théo avant de sortir avec hâte. Théo sait que je mens, il a vu Calum partir avec moi, mais à présent il est grand et il joue le jeu, pour m'aider.

Comme il a bien grandi, mon petit trésor.

C'est une fois loin de la vue de mes parents que je donne la main à Calum et après un signe de tête approbateur, il nous téléporte.

La sensation est presque pire que la première fois où Luke m'avait fait me téléporter avec lui et je remercie le basané de nous avoir fait atterrir chez lui car je cours vomir dans notre salle de bain.

«- Woh tu as mauvaise mine ! »

Je sursaute et sens les mains de quelqu'un tenir mes cheveux alors que je vomis avec honte. En me tournant je discerne Caitlin, un petit sourire triste sur ses lèvres. Elle vit désormais ici.

Mon ancienne chambre est restée telle qu'elle était mais la chambre de Calum est à présent un mélange d'affaires à lui et à Cailtin. Flipper a trouvé un réconfort dans le linge de mon ancienne collègue et je me demande même si il n'arrive pas à voir son maitre. Les animaux ont bien un sixième sens, alors pourquoi pas ce furet pervers.

*

Bien que Caitlin passe son temps à s'excuser, je dois avouer que je ne lui en veut pas, elle a été manipulée, un peu comme chacun de nous et si vraiment j'avais voulu lui faire du mal, je ne lui aurais pas sauvé la vie ce jour où Michael et moi nous sommes affrontés.

Je suis contente de la revoir.

Je sais que je ne rêve pas.

Et la savoir auprès de Calum me fait chaud au cœur.

Elle m'apprend qu'après que je sois partie, tout a changé, mais personne ne m'en a voulu. Elle s'est occupé de Tipo et a pris en charge la reconstruction du Temple. Après la mort des Clifford fils et père, c'est Latoya et Ermione qui ont repris Pak'N'Save, sans poser de question et Caitlin y travaille toujours, avec les sœurs Kewards et Shauna qui pleure toujours la mort de Ruby.

Quand on y pense, le nombre de morts dans ce magasin est affolant, Michael, Monsieur Clifford, Ruby, Mariann, Sybill, Luke... Et Ashton. Je me demande comment les filles ont pu reprendre cet endroit, mais apparemment, elles ont réussi à passer au-dessus.

C'est peut-être moi qui suis trop sentimentale.

*

« -Cailtin ?

-Oui Sia ?

-Est-ce que par hasard tu sais où Ashton a été enterré ? –Je demande nerveusement alors qu'elle devient blême-

-Il a été incinéré –Dit-il tremblante- Je suis désolée Sia.

-Le feu par le feu –Dis-je en essayant de faire de l'humour pour cacher mon chagrin- Et où sont ses cendres ?

-A Carmin's Crescent, mais le nouveau Maire de la ville a mis cette zone en travaux, tu ne pourras pas y accéder.

-Décidément, je ne pourrais pas faire mon deuil –Dis-je avec un petit rire avant de fondre en larmes-

-Sia je suis vraiment désolée...

-Je l'aimais, je n'aurais pas dû le laisser m'accompagner...

-Tu ne pouvais pas savoir.

-Si ! La Prophétie disait que le Feu allait mourir et maintenant c'est un mioche je ne sais où qui porte le pouvoir de mon petit ami ! J'aurais dû l'écarter !

-Tu l'as aimé jusqu'au bout, c'est tout ce qu'il voulait, tu le sais.

-J'aurais aimé qu'il n'y ai pas de bout et qu'il se tienne à mes côtés en ce moment même.

-Je suis désolée. »

*

Je n'arrive pas à dormir. Demain je repars avec Calum pour Paris où mon pseudo week-end sera fini. Je penserais à remercier Simon. Mais pour le moment je pense à autre chose. Je sais que Caitlin m'a dit de ne pas y aller, mais je m'en moque. Alors qu'elle dort dans les bras de Calum, je me poste à ma fenêtre et ferme les yeux. Je me concentre un moment avant de me jeter dans le vide.

Rasant de près le sol et m'envolant silencieusement dans les airs.

Comme avant.

Prenant la direction de Carmin's Crescent.

Le site est effectivement en travaux et de belles maisons ont vu le jour depuis que je suis partie, ne me donnant aucune chance de croire que les cendres d'Ashton soient encore ici. Je descends sur le sol et regarde ce site silencieux. Je ne sais pas comment il aurait réagi en voyant ça, en voyant son ancienne maison totalement rasée pour laisser place à un nouveau pavillon. Je déglutis et prépare à m'en aller, murmurant un dernier Je t'aime et laissant tomber une larme au sol avant de m'élever.

*

Comme dans mon rêve lors de mon coma, j'ère dans le ciel étoilé, mais sans but. Je vole au-dessus de Grey Atlantis et je vois mon reflet, je suis une humaine avec des ailes, je suis Alésia.

Le vent souffle contre mes cheveux et je ferme les yeux pour en profiter. Je me sens bien, hormis le fait que je n'ai pas pu dire au revoir à Ashton. Ce sera ma plus grande blessure, à jamais.

Et alors que je vole au-dessus des plaines, je passe non loin du mobilhome d'Ashton, dans l'ancien jardin de son père.

Avant de tomber en chute libre.

Le mobilhome, il est allumé !

Je manque de m'écraser au sol avant de me rattraper de justesse, le cœur battant.

Qui occupe l'ancien mobilhome d'Ashton ?

Je tremble et prends sur moi, venant frapper à la porte.

Je me sens mal, mais pourquoi ? C'est quelqu'un d'autre, un inconnu.

La porte s'ouvre sur cet inconnu.

Un sweat à capuche sur des ondulations coupées courtes, des yeux verts sans aucune émotion.

Je ris nerveusement.

«- C'est une blague. »

Ashton est devant moi.

Je craque, c'est impossible.

Il continue de me regarder alors que je sens mon souffle me manquer. C'est impossible.

« -A...Ashton ? –Il fronce les sourcils et me lance un regard mauvais, comme avant-

- On se connait ? »