Je me précipite dans la salle de bain pour me regarder. Ai-je bonne mine et vais-je faire bonne impression ? Je ne dois pas perdre cette chance. J'attache mes cheveux bleus en un petit chignon avant de me rendre dans ma nouvelle chambre, ouvrant la penderie pour me trouver des affaires dignes d'un entretien. Alors que je remue dans mes collants, je sens quelque chose passer sur ma main, me faisant faire un bond en arrière.

« - Flipper ! »

Je recule encore d'un pas lorsque la tête de l'animal s'extirpe du tiroir, me fixant longuement. Que va-t-il me faire ? Je n'ose même plus m'approcher de mon dressing et sans Calum dans l'appartement, je ne peux rien faire, seulement le regarder retourner dans le tiroir tranquillement. Prenant mon courage à demain je tire dessus et suis surprise de voir l'animal lové entre mes collants et chaussettes. Sûrement le tiroir des sous-vêtements était hors de sa portée... Nerveuse j'attrape rapidement une paire avant de refermer le tiroir avec la même délicatesse, ce qui ne semble pas chagriner la bestiole, puis j'attrape une robe grise ainsi qu'un blazer.

Je me sens nerveuse. Pire encore que lorsque j'ai trouvé Flipper dans mon tiroir. J'ai peur de tout gâcher. Si je n'ai pas ce boulot je ne pourrais pas faire les études de photographie comme je me l'étais promis. Alors je dois tout donner.

Après avoir enfilé une paire de creepers classiques, j'attrape mon sac et quelques papiers avant de fermer l'appartement et de descendre. En chemin j'envoie un message à Calum, le prévenant pour mon entretien ainsi que pour l'endroit où se trouve son animal de compagnie, lorsque je tombe sur Tipo.

«- Salut -Dis-je en cachant ma nervosité- Tu vas b...

-Pourquoi tu t'es faite belle ?

-Ah parce que sinon tu me trouves moche ? -Dis-je avec sourire en coin-

-Du tout, c'est juste que je trouve ça bizarre.

-Je vais passer un entretien.

-Où ?

-A Pak'N'Save, c'est en bas de la résid...

-Tu es sûre que c'est là que tu vas ?

-Bien-sûr pourquoi ?

-Maman et moi on n'y entre plus dans ce magasin.

-Ah oui et pourquoi ?

-Tu ne me croirais pas -Dit-il avec un sourire narquois-

-Dis toujours, je suis bon public.

-Tu crois aux fantômes ?

-Eh bien -Je déglutis- Non.

-Alors vas-y à ton entretien. »

J'hausse un sourcil et l'observe qui monte les escaliers, me lançant un dernier regard amusé. Après le mythe d'Halloween voilà qu'il veut me faire peur avec des fantômes. Et si il allait me dire quelque chose de vrai ? Je m'arrête un instant, la main sur la clenche et observe mon reflet dans le grand miroir du hall d'entrée. Est-ce possible ?

Non... Je ne dois pas penser à ça !

Je dois penser à mon entretien.

Je redresse la tête et dévie mon regard du miroir, sortant d'un pas décidé en prenant la direction de la supérette. Visiblement à cette heure-ci il n'y a pas grand monde, cela me détend un minimum alors que je passe les grandes portes automatique. Est-ce que demain je franchirais ces portes non pas comme une cliente mais comme une employée ? Je l'espère.

«- Ah mademoiselle Stuart ! -M'appelle la responsable en venant vers moi- Vous êtes finalement venu. Et moi qui pensais que vous déclineriez...

-Je n'allais pas décliner une offre -Dis-je avec un ton professionnel tout en serrant la main qu'elle m'offre-

-Mh bon eh bien suivez-moi dans ce cas. »

Elle s'approche d'une de ses collègues, laquelle se tourne vers moi et m'observe un moment avant d'hocher la tête, prenant le poste de la responsable, laquelle me demande de la suivre. Nous prenons l'allée centrale, comme lorsque j'y suis allé la première fois avec Calum, sauf que tout semble différent. J'avance rapidement et je n'ai pas le temps de prêter attention aux rayons que nous arrivons déjà à la fin du magasin, devant un long rideau de fer.

« -Je vous ai apporté un autre CV et une lettre de recommandation d'un de mes professeurs.

-Ce ne sera pas nécessaire, mais cependant j'admire votre démarche -Me dit-elle avec un petit sourire- Vous semblez réellement intéressée par ce poste. Pourquoi ?

-J'ai besoin d'argent -Dis-je sans filtre-

-Oh bien-sûr, comme tout le monde. »

Après un léger silence je la voix qui appuie sur un bouton dans le recoin d'un mur, faisant se dresser le rideau de fer dans un vacarme épouvantable. Le bruit ne semble même pas réel à tel point que je passe discrètement une main sur une de mes oreilles, faisant mine de passer une mèche en arrière. Je ne voudrais pas passer pour une maniérée, cependant le bruit est vraiment intenable, ça doit déranger plus d'un client. Pourtant, aucun ne s'est retourné vers nous, personne ne semble avoir été dérangé par le bruit. Personne ne s'y intéresse, hormis un garçon au loin, lequel s'est arrêté de ranger les packs de glace.

Ashton.

Son regard est indéchiffrable et automatiquement je retire ma main de mon oreille, comme si je craignais qu'il ne se moque de moi. Sauf qu'il ne sourit même pas, il se contente juste de me fixer avant de finalement reposer son attention sur ses glaces, tandis que je tourne de nouveau ma tête face au rideau à présent levé.

«- Voici la réserve Mademoiselle Stuart. »

C'est immense. Presque aussi grand que le magasin, si bien qu'on pourrait croire qu'il s'agit de son prolongement. Sauf qu'il n'y a pas de rayons, pas de lumière, pas de vie. Tout est grisâtre, poussiéreux et sur des centaines d'étagères s'entassent de lourds cartons et packs en tout genre. Ca me donne le vertige.

Je reste quelques secondes de plus à observer ce curieux décor lorsqu'un petit courant d'air froid traverse mon blazer, me faisant frissonner un bon coup avant de suivre la responsable jusqu'au fond de la réserve où se trouve un grand escalier. En levant la tête je remarque qu'il donne sur une partie de la réserve qui ne comporte pas d'étagères ni de carton mais plutôt de grandes baies vitrées. Plutôt curieuse comme vue. Certains préfèreraient pouvoir observer l'Océan tandis que d'autre préfèrent apparemment observer les employés.

«- Oh c'est Monsieur Clifford-fils.

-Où ça ?

-Là-haut, deuxième fenêtre. Je vous conseille de le saluer si vous voulez une chance de rester ici. A vrai dire, c'est en partie grâce à lui que vous êtes ici aujourd'hui. »

Grâce à lui ? J'entrouvre mes lèvres sous la surprise avant de chercher la deuxième fenêtre des yeux. Un garçon se tient devant, vêtu d'un smoking qui jure avec ses cheveux rouges et noir. Je le reconnais, c'était bien lui qui parlait avec Ashton la dernière fois. Des que nos yeux se croisent je me presse de faire un petit signe de tête en guise de bonjour, auquel il répond par un large sourire appréciateur. Est-ce que je viens de marquer un point ? En tout cas il se recule de la fenêtre, me donnant le loisir de suivre la responsable dont j'ignore encore le prénom.

Bien que la réserve semblait froide et sans vie, je remarque avec soulagement que ce n'est pas le cas des bureaux dont les murs sont d'une teinte chaude et accueillante. Comme tous bureaux, une machine à café et un distributeur se trouvent sur le seuil, séparant deux portes massives dont l'une est entrouverte. Cependant, la responsable s'empresse de pénétrer dans l'autre pièce, me demandant de patienter quelques instants, le temps qu'elle puisse s'entretenir avec le directeur.

D'un naturel curieux, je ne peux m'empêcher de m'approcher de la porte entrouverte d'où provient une forte odeur de parfum masculin, pas déplaisante. Mais enivrante. A peine ai-je penché la tête pour observer que la porte s'ouvre sur le fils du directeur, m'obligeant à reculer d'un pas sous la surprise alors que ses yeux clairs me détaillent de haut en bas, un sourire amical aux lèvres.

«- Tu dois être la nouvelle ? -Me demande-t-il avec un fort accent que je devine étranger à la Nouvelle-Zélande-

-Oui Monsieur -Je bredouille, priant pour qu'il ne tienne pas rigueur de ma curiosité-

-Oh je t'en prie, nous devons avoir le même âge, tu peux me tutoyer et m'appeler Michael. Je ne suis que le fils du patron tu sais. C'est quoi ton nom ?

-Alésia Stuart.

-Tu es française c'est ça ?

-Oui -Dis-je en me détendant face à son sourire amical- Je suis venu jusqu'ici pour trouver du travail.

-Vraiment ? Une telle dévotion mérite d'être récompensée, Alésia. Tu aimerais travailler ici si j'ai bien compris ?

-Oui Mons... Michael.

-Tu apprends vite -Il glousse avant de s'approcher de moi, me surplombant de sa hauteur- je suppose qu'on te mettra en caisse, mais n'hésite pas à me demander si jamais tu veux essayer autre chose, comme les rayons par exemple.

-Je... Je ne pense pas que ce soit une très bonne idée, je ne connais pas le matériel, ni les instructions.

-Ces choses-là s'apprennent, après si la véritable raison concerne un employé en particulier, sache que je suis disposé à remettre certaines personnes à leur place. En tout cas si tu le désires, il y a un poste vacant en rayon, si jamais ça te tente, je pourrais te former un peu un de ces quatre.

-Pour ça il faudrait d'abord que je réussisse l'entretien.

-Qui a parlé d'entretien ? -Il me fait un clin d'oeil avant de murmurer- Mon père se plaint toujours du manque d'effectif alors maintenant qu'il a trouvé quelqu'un, il ne va pas cracher dessus. Non crois-moi, tu peux déjà te préparer mentalement pour demain. Latoya va te former.

-Qui est Latoya ? -Je demande timidement-

-La femme que tu suivais jusque-là et qui, je pense, t'attends dans le bureau de mon père. Veux-tu que je t'accompagne ?

-Je vais me débrouiller, merci Michael.

-Avec plaisir, passe me voir demain histoire de me donner tes impressions. Tu verras, c'est un supermarché plutôt étrange au début, mais quand on s'y intègre bien, on a du mal à s'en détacher. Je te souhaite de t'y plaire. »

Je le remercie et m'apprête à prendre congé lorsqu'il porte ma main à ses lèvres, me faisant monter le feu aux joues. Son sourire s'étire jusqu'aux oreilles avant qu'il ne retourne dans ce qui, je pense, est son bureau personnel, me laissant seule devant la machine à café quelques instants.

Ou en tout cas suffisamment longtemps pour que je n'entende le rideau de fer au loin, le bruit retentissant faiblement dans mes oreilles protégées par l'épaisseur des murs. Vraiment quel bruit étrange. Etant donné que Latoya ne vient pas me chercher et que j'ai bêtement refusé l'aide de Michael, je me retrouve à poireauter devant la machine, préférant faire mine de prendre un café plutôt que de passer pour la potiche qui ne sait où se mettre.

Je vais avoir un job, enfin ! Et dire qu'il m'aura fallut parcourir des kilomètres pour ça, c'est assez inouï. Alors que je me perds dans mes pensées un bip sonore retentit dans mes oreilles, signe que mon café est prêt.

Sauf que lorsque je me penche pour l'attraper, je remarque avec stupeur qu'il a disparu.

«- Merci pour le café. »

A peine ai-je le temps de me retourner que je vois Ashton, mon café dans ses mains. Un sourire narquois nait sur ses lèvres avant que la paroi du gobelet n'y atterrisse. Bon sang j'aurais dû rester avec Michael !

«- Il est dégueulasse mais je m'en contenterais -Dit-il d'un ton serein tout en me fixant- Alors comme ça, tu vas bosser ici ?

-Apparemment -Dis-je sans le regarder-

-T'as fait quoi pour décrocher un contrat aussi vite ? T'as sucé Michael ou quoi ? -Glousse-t-il alors que mon égo vient d'en prendre un coup-

-Je vais t...

-Mademoiselle Stuart ? -Nous interrompt Latoya- Monsieur Clifford voudrait vous voir. Tiens Ashton, que faites-vous là ?

-La nouvelle a tenu à me payer un café, je n'allais pas refuser.

-Mais je n... -Je commence à bouillir, préférant m'éloigner de lui le plus vite possible avant de devenir violente et de perdre toute chance de contrat-

-Retournez travailler Ashton, vous n'aimeriez pas perdre votre emploi si ?

-Oh pourquoi pas, je donnerais volontiers ma place à la nouvelle, elle a l'air si motivée ce serait dommage de laisser passer ça non ? »

Ceci étant dit Latoya lève les yeux au ciel avant de lui claquer la porte à la figure. Peu de temps après le rideau de fer se remet à hurler, me faisant me crisper.

«- Quelque chose vous gêne Mademoiselle Stuart ? -Demande Latoya alors que je m'avance vers Monsieur Clifford-

-Non, il n'y a rien. »

Décidément je me demande si je en suis pas la seule à entendre ce bruit.

~Hello ! Après un long mois d'absence voilà enfin la suite ! Le concours s'est finalement arrêté, faute de jury, ce que je peux comprendre. Je reprendrai donc les updates un peu plus souvent en espérant que cette histoire vous plaira ! Merci en tout cas d'avoir attendu patiemment la suite et de ne pas avoir décroché, j'espère que vous aimerez ce chapitre ! Bonne nuit :)

Kactus