34 ~ The cliff

                  

"-Je te trouve bien silencieuse bébé –Commence Ashton après un long silence-

-J'ai peur de ce qui est à venir.

-Oh si ce n'est que ça ! –Il s'allonge dans l'herbe et croise ses bras sous sa tête- Tu devrais plutôt réfléchir à ton camp.

-Tout ce que je veux c'est sortir indemne de ce truc et rentrer chez moi.

-Ca c'est le discours d'une petite fille faible.

-Pardon ?

-Tu veux savoir quelque chose ?

-Non, je m'en fiche de ce que tu as à me dire.

-Parfait, raison de plus pour continuer –Il sourit en coin et ferme les yeux- Je t'apprécie.

-Pas moi.

-Un jour je t'ai dit que jamais on ne pourrait être de bons amis toi et moi parce que nous sommes tous les deux des dominants.

-Je me souviens que tu as dit ça dans un contexte sexuel et non amical.

-Je vois que tu as bonne mémoire en ce qui concerne ce genre de contexte.

-Je vois que tu t'éloignes de la conversation.

-Bien, il est vrai que je le pensais à ce moment-là, mais à vrai dire, j'apprécie ton caractère. Je pense que je t'aurais réellement détesté si tu avais été une véritable cruche, ou une faible. En fait, je ne me serais pas du tout intéressée à toi. Mais tu es bien plus forte que ça et crois-le ou non, mais ça me faisait plaisir de me confronter à quelqu'un comme toi.

-C'est une déclaration d'amour ?

-Prends ça comme tu veux, tout ce que je souhaite c'est ne plus t'entendre te plaindre comme une pauvre fille malheureuse. Tu sais de quoi tu es capable et tu ne m'as pas déçu jusqu'à aujourd'hui alors continue d'être celle que tu es, même si pour cela tu dois porter cette ignoble écharpe Poufsouffle.

-Je ne suis pas aussi forte que tu le dis.

-En tout cas tu l'es plus que moi –Il ouvre les yeux et m'observe- Tu peux te moquer de moi, c'est l'occasion.

-Je n'en ai pas envie.

-Et pourquoi ?

-Car je sais ce qu'il adviendra de toi si je continue à être aussi forte que le dis.

-Je ne te laisserai pas m'avoir si facilement.

-Je ne veux pas te tuer –Dis-je dans un souffle pour ne pas qu'il m'entende-

-Pourquoi ? –Je sursaute et cache nerveusement mes joues devenues rouges derrière mes mèches bleues- Je t'ai entendu Alésia, tu as dit ne pas vouloir me tuer, pourquoi ?

-Car je ne suis pas un assassin comme tu l'as dit tout à l'heure. C'est Julianna qui est à l'origine de toutes ces morts, pour elle je ne suis qu'une attache, une résidence temporaire qu'elle quittera à l'instant où elle me sentira différente d'elle.

-Si tu ne me tues pas, elle te tuera ?

-Tu comprends maintenant pourquoi j'aimerais rentrer chez moi, quitte à ce qu'elle me tue, autant que je sois dans ma famille.

-Sans doute, je n'ai jamais vraiment eu de famille –Il soupire et se redresse finalement, passant ses mains dans ses cheveux aux reflets dorés- Moi si je dois crever, ce sera dans mon coin, je n'ai pas peur de la solitude, ni de la mort.

-Non tu as peur de l'eau. »

Il hausse un sourcil et m'observe. Je pensais que ça le ferait rire et finalement je me trouve stupide, jusqu'à ce qu'il ne fasse un petit sourire en coin et ne se redresse. Je l'imite, encore un peu mal à l'aise, avant de frotter son dos sans aucune douceur.

«- Heureusement que tu n'es pas masseuse.

-J'enlève l'herbe de ton dos.

-Ce n'est pas parce que j'ai dit que je n'avais pas de famille qu'il faut que tu te comportes comme ma mère Stuart –Il ricane avant de passer une main dans mes cheveux d'une manière étrange- Mais je ne serais pas contre un petit massage un de ces quatre, les rayons me broient le dos.

-Tu l'as dit toi-même, je ne suis pas masseuse. »

Une fois rentrés, je ressens à nouveau ce poids sur mes épaules, comme si les regards et les murmures étaient revenus en bloc sur moi. Pas étonnant que j'ai cette sensation, au beau milieu de la réserve se trouve Ruby, occupée à parler avec un gars des rayons. Dès qu'elle me voit arriver son sourire s'élargit. Pas le genre de sourire qui annonce qu'une personne est contente de vous voir. Non, c'est un sourire malsain. Je serre les poings et l'ignore, pire encore lorsque je vois Ashton ralentir l'allure pour aller avec elle. Je m'arrête et tourne la tête, regrettant vite cet acte en voyant la main d'Irwin tenter une approche bien trop flagrante avec le fessier proéminent de la blondasse. Le pauvre employé de rayon bat en retraite, conscient d'être devenu la troisième roue d'un carrosse lubrique et m'adresse un regard étrange avant de partir. Derrière moi le rideau de fer pousse son habituel cri, ce cri si semblable à celui de Luke qu'il me rend encore plus malade qu'avant, tandis que je reste statufiée au milieu de la réserve. Qu'est-ce que j'attends au juste ?

« - Tu veux nous rejoindre ou quoi ? –S'amuse Ashton d'une voix narquoise alors qu'il palpe à nouveau ma collègue-

-J'attends surtout que tu me rejoignes pour aller bosser.

-Je t'ai déjà dit que je n'ai aucun boulot pour toi, occupe-toi.

-Si tu veux il y a les toilettes des clients à aller nettoyer –Se tourne Ruby, l'air faussement innocent- Ca devrait t'occuper non ?

-C'est une idée –Dit le bouclé pensif alors que je sens le rouge me monter aux joues- T'en penses quoi Laidron ? Tu serais tranquille.

-Latoya et Ermione veulent l'éloigner des caisses, après tout je les comprends ! Les clients ne voudront plus venir en apprenant qu'ils se font servir par une criminelle.

-Je te demande pardon ? –Dis-je les dents serrées-

-Oh pardon, tu nous as entendus ? –Demande Ruby-

-Répete-moi ça ? –Je m'approche lentement de la blonde, les yeux rivés sur les siens-

-Je disais que personne ne veut avoir à travailler avec une criminelle comme toi. N'est-ce pas Ash ? -Ce dernier fait oui de la tête-

-Une criminelle ?

-D'abord l'explosion de la bibliothèque et maintenant tu essayes de braquer le magasin, le seul endroit qui ai bien voulu de toi, pauvre petite française sans emploi.

-Tu sais ce qu'elle te dit la française sans emploi ? De bien faire gaffe à ne plus croiser mon chemin de trop près.

-C'est une menace ?

-C'est un conseil de française.

-Tu penses me faire peur Alésia Stuart ?

-Si j'étais toi je fermerai ma gueule ! –Dis-je maintenant assez proche d'elle pour lire l'appréhension dans ses yeux alors qu'Ashton nous sépare-

-Tu as raison de continuer comme ça Stuart, tu es filmée par des caméras en ce moment même et j'imagine qu'ils peuvent t'entendre. Tu ne fais que leur tendre le bâton pour te faire battre.

-C'est bon Ruby laisse-là aller bosser –Rumine Ashton à qui je lance un regard de fureur-

-Tu as raison, elle sera bien plus à sa place dans les toilettes. Eh bien quoi tu attends de recevoir un ordre officiel ? Va nettoyer les toilettes, taularde.

-La seule raison pour laquelle je m'approcherais de ces chiottes ce sera pour y mettre ta tête dedans. »

Alors que Ruby est sur le point de pousser un cri de mécontentement, le bouclé m'écarte brusquement et me pousse loin d'eux, m'adressant un regard de colère ne voulant signifier qu'une chose 'Dégage'. Vexée, je lui offre une vue imprenable sur mon majeur fièrement dressé et me retire, prenant volontairement la direction des locaux supérieurs plutôt que du magasin.

«- J'espère qu'ils vont la virer ! –Dit Ruby que j'arrive à entendre en m'éloignant-

-Sûrement, les caméras ne mentent pas. »

J'aimerais hurler, faire ressortir cette rage semblable à une boule de feu qui est en train de se nourrir de mes émotions et de grandir en moi. Je tourne une dernière fois la tête, folle de rage, apercevant Ruby sortir une cigarette et son briquet, proposant au bouclé de sortir prendre une deuxième pause.

«- Ce sera mieux qu'avec la française.

-Tu sais c'est excitant aussi les criminelles –S'amuse Irwin-

-Ne lui donne pas raison.

-Jamais, je ne suis pas aussi stupide, je voulais juste jouer un peu. »

Ruby me lance un dernier regard amusé avant de pincer sa cigarette entre ses lèvres et d'activer la flamme de son briquet. C'est lorsqu'elle est sur le point de sortir que tout se précipite. Je vois blanc l'espace d'un instant, sûrement un afflux de colère bien trop soudain, avant qu'un cri ne me ramène à la réalité. Ce n'est pas Luke, c'est un cri de fille. Je cligne des yeux et remarque ma main crispée vers l'avant, seul mon poignet s'active et lorsque je dirige mon regard dans la direction vers laquelle pointe ma main, j'aperçois une énorme boule de feu s'élever du briquet de Ruby, la manquant de peu. Irwin est stupéfait et son premier réflexe est de pousser la blonde à l'extérieur avant de gérer la boule de feu avec ses mains. Je baisse la mienne et me retire, sans même exprimer le moindre sentiment, sans même répondre au cri d'Irwin qui m'appelle. J'ai laissé mon pouvoir s'exprimer.

Dans l'escalier qui mène aux bureaux il y a du raffut. Et pour cause, la boule de feu était si importante qu'elle a déclenché les détecteurs de fumée et l'alarme incendie. Tout le monde semble se précipiter dehors, sauf moi qui continue à monter, ignorant les jets d'eau glacée qui proviennent du plafond. D'avoir puisé ainsi dans mon pouvoir me rend bien trop étrange, comme dans un état second. C'est comme si j'étais vide, un vide impossible à combler tant il est trop profond. Une fois là-haut j'hésite à me rendre en salle de pause, mais le bruit de l'alarme me fait changer d'avis. Non j'ai un autre endroit en tête. Je soupire et après avoir regardé derrière moi, je m'engouffre dans le passage le plus sombre de Pak'N'Save, le couloir condamné. Il y fait aussi froid que la première fois où je l'avais pris, mais au moins il n'y a pas d'eau et le bruit des alarmes est diffus, me donnant l'impression d'être ailleurs. Je me laisse glisser le long d'un mur et y fais reposer ma tête fiévreuse. Si seulement je pouvais oublier ce qui venait de se passer, mais tout reste dans ma tête, aussi bien les images que les sons. J'avais pourtant passé quelques bonnes minutes avec le bouclé, mais finalement, même si l'on est alliés par 'nature', je ne dois jamais oublier que le Feu et le Phoenix sont des ennemis jurés. Je grogne et frappe le sol de mon poing avant de fixer le néant du couloir. Si je ne parviens pas à être innocentée, comment vais-je bien faire pour ensuite rentrer chez moi ? Le père d'Irwin m'inculpera et j'irais croupir en prison, rompant ma promesse de retour auprès de Théo.

Et dire que j'étais simplement venu chercher du boulot, pour mes études... Pôle Emploi aurait été moins risqué. Je m'autorise un sourire en coin avant de frotter mes yeux épuisés, tout ceci est allé trop loin et je regrette de ne pas pouvoir faire marche arrière, je regrette d'être le Phoenix tout simplement.

*

Je me suis assoupie. Lorsque je me redresse l'alarme ne fait plus aucun bruit et il semblerait que les jets d'eau se soient coupés également. Je me redresse et prends le risque de sortir, j'ignore dans quel état je suis, je sens juste que mes cheveux sont encore humides et que je dois avoir la trace du bitume contre ma joue après un petit somme bien mérité. De toute façon il n'y a personne pour me voir, les couloirs sont déserts et seuls les bureaux ont l'air d'être témoins d'un peu de vie, notamment celui de Monsieur Clifford, visiblement en pleine dispute avec son fils. Ils ignorent que je suis là, de toute façon qu'est-ce que je gagnerais à me montrer maintenant ? Je serais sans doute virée. Je laisse mes épaules s'abaisser de fatigue et cherche à m'en aller lorsque la porte du bureau s'ouvre sur Michael, ce dernier ouvre grand les yeux en me voyant et me fait signe de me cacher alors qu'il continue de jurer contre son père, claquant la porte de son bureau.

J'aurais préféré ne croiser personne, mais pourtant je suis dans la salle de pause, à attendre que les secondes passent lorsque Michael entre sans même se donner la peine de frapper, deux gobelets d'eau à la main. Il me regarde un moment, puis se décide à fermer la pièce à clé avant de prendre un siège face à moi et de me détailler.

« -Tu vas me faire passer un interrogatoire ? –Je demande nerveuse-

- Bien qu'effectivement j'aimerais savoir ce qui vous a amenés Luke et toi à venir clandestinement dans la réserve en pleine nuit, je suis dans le marketing, pas dans la police.

-Pourtant ta façon d'agir te trahit, tu as des questions à me poser.

-Effectivement, mais à l'inverse de ce que tu imagines, je ne t'accuse de rien.

-J'ai pénétré par effraction dans la réserve.

-Permets-moi de rectifier, tu as suivi Luke, lequel est entré par effraction dans la réserve.

-Personne ne peut le voir.

-Moi je le peux –Il hausse les épaules- Et c'est pour ça que j'essaie de te sortir de là.

-Pourquoi tu fais ça ?

-J'ai passé beaucoup de temps avec Calum, lors de notre workshop et il ne s'est pas passé un jour sans qu'il ne me parle de toi et des lettres que vous échangiez avant de vous rencontrer en chair et en os.

-Il t'a parlé de ça ? –Dis-je avec un faible sourire-

-Je l'envie. J'ai jamais eu de relation aussi fusionnelle et pour cause, je suis dans le marketing... J'ai le sens des réalités et ce sens fait s'écrouler en moi toute aspiration à la beauté ou à l'émotion. Depuis petit je suis comme ça, je n'ai jamais vraiment aimé mes parents, je ne comprenais pas pourquoi on me demandait de les mettre sur un piédestal alors qu'ils n'en étaient pas forcément plus méritants que d'autres. Je.... Je ne suis pas du genre à m'attacher aux gens et je t'avoue que j'ai du mal à comprendre comment les autres font... Et Calum lui, il s'est affairé à me faire comprendre votre relation, il m'a fait comprendre qui tu étais.

-Il y a des choses qu'il ignore de moi.

-On a tous nos petits secrets et je pense qu'il est utile de les garder ainsi, trop se dévoiler pourrait nous exposer à tellement de souffrances –Il passe ses mains dans ses cheveux rouges à peine mouillés avant de les poser à plat sur la table- Calum n'aimerait pas que tu souffres.

-Est-ce que c'est pour lui que tu essayes de me sortir d'affaire ?

-Effectivement, mais je le fais aussi pour toi, pour que tu ne puisses pas perdre de vue ton objectif. Tu n'es pas venu ici pour finir accusée de choses que tu n'as pas commises, tu es venu ici avec un but, un réel projet d'avenir et ce serait trop bête de tout arrêter ici. Je n'ai jamais vu tes clichés, mais je suis sûr que tu ferais une bonne photographe et ce n'est pas en croupissant en prison que tu le deviendras.

-Je te remercie, même si le mot est faible comparé à ce que tu essayes de faire pour moi, je te nais à te le dire.

-Luke et moi allons te tirer d'affaire.

-Et ensuite ?

-Quoi ? –Il demande surpris-

-Presque la totalité du magasin est au courant pour cette histoire et celle de la bibliothèque. Je suis mal vue ici désormais et ce même si j'arrive à m'en sortir encore une fois. Les gens parlent dans mon dos, mes collègues trouvent ça suspect.

-Je ne pense pas que tu sois obligée d'appeler collègues des filles qui te méprisent et que tu méprises en retour.

-Quoi qu'il en soit rien ne sera plus comme avant, j'aurais beau me tenir à carreau, éviter de nouveaux ennuis, jamais rien ne me fera oublié ce que j'ai entendu dans mon dos ou ce que j'ai vu. Jamais on ne me regardera plus comme avant.

-Le regard des autres compte-t-il vraiment autant pour toi ?

-J'ose croire que j'avais des amis ici et j'aurais aimé ne pas les perdre aussi bêtement.

-Tu ne perdras pas tes amis, ceux qui ont foi en toi se démerderont plutôt à t'aider qu'à t'incriminer.

-Ruby m'a traitée de criminelle.

-Ruby était une amie à toi ?

-Non, mais je la vois souvent.

-Alors qu'est-ce que tu en as à foutre d'elle ? D'ici quelques mois tu seras rentrée chez toi et elle ne sera plus qu'un mauvais souvenir.

-C'est vrai –Dis-je en ravalant ma fierté-

-Tu ne peux pas avoir que des amis, mais disons qu'une fois que tu as trouvé les vrais, fais en sorte de ne pas les perdre.

-Je m'en souviendrais. Au fait, sais-tu quelle caméra de surveillance nous a filmés Luke et moi ?

-Oui, aucune.

-Je ne plaisante pas Michael.

-Et moi non plus, là est le problème et c'est bien là-dessus que je compte jouer.

-Dis-moi tout ce que tu sais.

-La vidéo que mon père a trouvé ce matin ne provenait d'aucune caméra du magasin, elle été stockée sur une clé USB inconnue laquelle était directement branchée sur l'ordinateur.

-Je ne suis pas sûre de comprendre, on m'a dit que j'ai été filmée, avec Luke, dans la réserve.

-Oui mais en dehors de mon père et moi, personne n'a vu le contenu de la vidéo, personne n'a vu qu'il s'agissait en réalité d'une vidéo amateur. C'est là-dessus que tu vas pouvoir compter pour être sauvée Sia, hier soir il n'y avait pas que toi et Luke, il y avait quelqu'un d'autre.

-C'est insensé, il n'y avait que nous !

-Crois-moi il vaudrait mieux pour toi que tu fasses ce que je vais te dire de faire. Cette putain de vidéo a été prise depuis un téléphone, par quelqu'un d'autre, quelqu'un qui vous espionnait. J'ai dit à mon père que c'était cette personne qui t'avait faite entrer, ou bien qui t'avait forcée à entrer et que tu n'y étais pour rien. Après tout tu n'as rien volé et cette vidéo confirme clairement que tu n'étais pas seule.

-Pourtant il n'y avait personne Michael !

-Tu sais, il n'y a pas que Luke qui ait la capacité de disparaître à sa guise.

-Tu veux dire.... Qu'il y avait un autre fantôme avec nous ?

-Oui et visiblement un fantôme qui a une dent contre toi.

-Est-ce qu'il y a une chance pour que ton père puisse croire en cette version ?

-Si tu joues le jeu alors oui, si jamais il t'interroge, dis-lui clairement que tu étais sortie avec un gars des rayons hier soir, que vous aviez un peu trop fumé et que vous avez voulu revenir au magasin pour y récupérer des affaires.

-Il ne gobera pas ça !

-Sauf si tu y mets du tiens.

-Et si il me demande qui était ce gars en question ?

-Tu n'auras qu'à dire que c'était Ashton.

-Hors de question ! -Je réponds avec colère, perdant mon sang-froid-

-Pourtant c'est la meilleure chose à faire, vous vous entendez de mieux en mieux et tout ce que vous aurez à faire c'est vous excuser. Vous n'avez rien volé, rien endommagé, mon père vous pardonnera.

-Je refuse d'impliquer ce con d'Ashton.

-Ce con d'Ashton a essayé de te venir en aide la dernière fois après l'explosion.

-Oui et il a failli tout faire foirer !

-Alésia il faut que tu comprennes que c'est le seul moyen de te disculper.

-Ton père n'est pas stupide ! Il sait que je déteste Ashton !

-C'est pour ça que tu diras avoir fumé, que t'étais consciente de rien.

- Bref passons, cette vidéo n'avait pas de son ? Car si il y en avait, ça pourrait contredire mon témoignage.

-Le son était de mauvaise qualité, un peu comme l'image d'ailleurs. Les fantômes provoquent parfois des réactions bizarres sur les objets numériques.

-J'ai vu ça –Dis-je en repensant à la photo que j'avais prise de Grey Atlantis et où les fantômes avaient créé une texture poussiéreuse sur l'écran-

-Donc sans une bande son correcte, un mensonge peut tenir la route Sia.

-Et si Ashton refuse de coopérer ?

-Luke ne lui laissera pas le choix.

- Et si moi je refuse de coopérer ?

- Tu sais que c'est pour ton bien, tu n'es pas stupide.

- Hm... Bon au moins ça pourrait résoudre ce problème-là, il ne restera plus qu'à savoir qui nous a filmés et comment je réussirai à regarder mes collègues dans les yeux dorénavant.

-Pense juste à ne pas perdre des yeux ce qui est important. »

J'acquiesce et après avoir réfléchi, je suis le rougeâtre jusqu'au bureau de son père. Ce dernier me regarde avec des yeux ronds, sûrement qu'il ne s'attendait pas à me voir débarquer et finalement je me réjouis d'avoir aussi mauvaise mine, ce qui peut donner raison à mon mensonge concernant une éventuelle soirée à fumer. A ma grande surprise, Mr Clifford ne me rigole pas à la figure, il n'hausse pas le ton non plus et je crois que c'est bien plus frustrant un tel silence qu'un bon gros savon. Michael semble confiant et je me dois de me fier à lui si je veux être confiante également, même si je ne suis absolument pas ravie de me retrouver dans une énième histoire à problèmes avec Irwin, l'important c'est que je m'en sorte.

*

Pantelante, je prends congé de Mr Clifford, accompagnée de Michael qui ne peut s'empêcher de sourire. Enfin je suis tranquille, après avoir finalement essuyé un savon pendant plusieurs minutes quant au respect du règlement et à la dangerosité de fumer des produits illicites, j'ai finalement été pardonnée. Si seulement il savait la vérité. Je ris jaune et suis Michael dans les couloirs vides, arrivant dans la réserve dont le sol est encore couvert d'une file pellicule d'eau.

« -Tout le monde a décampé ? –Je demande d'une voix sans teint-

-Oui mais ce n'est pas pour la raison à laquelle tu penses.

-Ah ?

-J'ignore où tu étais passée tout ce temps, mais au dehors ça a bien changé.

-Comment ça ?

-Il s'est mis à pleuvoir.

-Alors nous y sommes –Dis-je le cœur battant- Les inondations vont commencer ?

-Par endroits les lacs ont déjà débordés, certains ont pu rentrer chez eux avant que ça ne se gâte de trop. Toi tu as de la chance, l'appartement de Calum n'est pas sur une zone inondable.

-Donc j'imagine que ma journée est terminée ?

-Passe quand-même voir Latoya, pour la rassurer et puis tu pourras partir.

-Très bien –Je frotte mes mains contre mon pantalon et jette quelques regards en biais à Michael- Je ne sais pas comment te remercier.

-Un simple merci me convient.

-Pourtant ce n'est pas suffisant.

-Alors disons un simple merci, couronné par un petit déjeuner ensemble demain matin avant l'ouverture, car oui le magasin sera quand même ouvert Miss.

-Je l'avais bien compris –Dis-je avec un air faussement abattu avant d'hocher la tête- Va pour un petit déjeuner.

-Rentre bien Sia et surtout sois prudente.

-Ce ne sont que des gouttes d'eau, je ne suis pas en sucre.

-Je pensais plutôt au fantôme d'hier soir, il voulait réellement te mettre dans la merde et je ne pense pas que ce soit une bonne chose d'avoir un fantôme à dos. Un ennemi vivant c'est déjà chiant, mais un ennemi mort c'est bien au-delà.

-Je méditerai là-dessus. »

Nous échangeons une étreinte que je veux la plus honnête possible avant que je ne retrouve Latoya dans le local, elle est occupée avec de la paperasse et semble soulagée en me voyant. Je lui explique brièvement la situation lorsqu'un coup de tonnerre fait disjoncter les éclairages, nous plongeant dans un noir dérangeant, seulement brisé par la lumières des écrans qui brillent faiblement.

«- Veux-tu que je te ramène ? –Me propose Latoya d'une voix faiblarde-

-Non ça ira, je suis juste à côté.

-Fais attention à toi Sia.

-Toi aussi et merci encore pour m'avoir mise hors des caisses aujourd'hui. »

Je vois à la lumière de son téléphone qu'elle sourit et après avoir enfilé mon manteau et enroulé fermement mon écharpe, je me décide enfin à sortir, débarquant dans une toute autre dimension. Il fait sombre, pas nuit car en vérité il n'est pas si tard que ça, mais c'est assez noir pour ne pas voir assez loin. De plus la pluie tombe si drue que le paysage face à moi me parait totalement distordu, irréel. Le vent souffle par bourasques et il me semble loin le moment de calme au soleil à jouer avec les flammes d'Ashton. Je me demande comment il se sent avec toute cette pluie.

«- J'espère que tu chies bien dans ton froc Irwin ! »

Fort heureusement pour moi, le bruit de la pluie combiné au vent et au tonnerre est si fort que mon cri de colère s'évanouit au travers. Je suis encore bien trop remontée contre lui. Je le déteste, comment ai-je bien pu croire qu'il pouvait être sympa ? C'est un manipulateur, rien de plus. Je lutte contre le vent et entreprends de rentrer lorsqu'une sensation me rend à nouveau mal à l'aise. Ce n'est pas la boule de feu, c'est autre chose. Je déglutis et tourne la tête, comme guidée par mes sens. Au loin je vois quelqu'un, une silhouette que je reconnais et que je suis surprise de croiser ici à cette heure et surtout par un temps pareil. Je regarde un instant vers l'appartement de Calum et fini par suivre la silhouette, qui devient plus nette à mesure que j'avance, me laissant apercevoir les cheveux bouclés de Caitlin. Elle marche bizarrement, luttant contre le vent certes, mais il y a quelque chose qui cloche. Elle titube. Les filles m'ont dit qu'elle était malade, mais comment en être sûre ?

« -Caitlin ? »

Les bruits sont bien trop forts et même en criant elle ne m'entends pas, je dois donc accélérer le pas avant de reculer face à une bourrasque bien plus violente que les autres. Cette bourrasque ne signifie qu'une chose, nous approchons des falaises qui bordent la côte et l'Océan. Je reconnais la brume qui s'épaissit, signe que nous sommes sur le territoire de l'eau et j'ai beau crier le nom de Caitlin, cette dernière ne semble toujours pas m'entendre. Elle continue d'avancer, mais vers où ? Que cherche-t-elle et surtout que fait-elle ici par ce temps ?! Je tente de la rattraper lorsqu'un bruit s'ajoute au capharnaüm déjà intenable. C'est l'alarme de Grey Atlantis, elle sonne et semble me transpercer. Ce soir il n'y aura pas que Grey Atlantis qui sera sous l'eau et à cette pensée je me sens mal, nous devons partir d'ici.

La brume se fait plus épaisse encore et j'ai du mal à discerner Caitlin, comment cela se fait-il que je n'arrive pas à la rattraper ? Même quand j'ai l'impression d'accélérer le pas, je n'arrive pas à me rapprocher suffisamment d'elle pour l'arrêter. Autour de moi les ombres se sont misent à danser, à onduler contre mes oreilles cotonneuses, elles murmurent mon nom mais je n'y prête pas attention, je dois m'occuper de Caitlin. Elle aussi est entourée d'ombres, elle se laisse guider et mon cœur vrille de manière si soudaine que j'ai l'impression d'avoir été touchée par la foudre. Je sais vers où elle se dirige ! Je crie de plus belle et me mets à courir, du moins j'essaye. Je ne suis pas dans mon état normal, ce n'est pas possible !

«- CAITLIN ARRÊTE TOI ! »

Je vois déjà face à elle le précipice qui l'attend. Je l'imagine au travers de la brume et je refuse de voir ma collègue se jeter de la falaise, je refuse ! Je puise dans mes dernières forces, poussant un cri de rage avant de me propulser sur la brune dont j'attrape enfin le poignet. La sensation est étrange, les bruits sont diffus, le sol se dérobe et face à moi Caitlin tourne la tête, me laissant voir un visage flou, semblable à de la fumée noire, avant de disparaître totalement. C'était un piège et à peine ai-je le temps de le comprendre que je sens mon corps devenir aussi lourd que du plomb, tombant à pic dans le néant d'une eau noire et glaciale.

« Tu es à moi maintenant »

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