2 ~ Son of a Boss
Je laisse ma tête basculer vers l'arrière à mesure que les embruns viennent chatouiller mon visage. Cette odeur de sel, ce bruit de vagues qui s'échouent les unes contre les autres, cette sensation que provoque le sable autour de mes doigts lorsque je creuse de petits trous à l'intérieur et le soleil qui réchauffe ma peau fatiguée. Je me sens comme en vacances, loin des soucis.
«- Je me souviens quand tu m'écrivais et que tu parlais de ta maison, tu disais que tu n'étais pas loin de l'Océan, mais jamais je ne l'aurais imaginé aussi proche, presque en bas de chez toi.
-Oh c'est parce que j'ai déménagé depuis, avant j'habitais à Palmerston, c'était un peu plus reculé de l'Océan que Wellington –Il laisse échapper un petit rire-
-Quoi ?
-Tu te souviens des lettres que je t'envoyais quand on était petits ?
-Bien-sûr ! Etant originaire d'une ville bien loin de la mer ou de tout autre paysage naturel, tes descriptions me faisaient rêver ! Je crois d'ailleurs que c'est pour ça que je t'ai gardé comme correspondant.
-Parce que je te faisais rêver ? –Il sourit en coin-
-Non parce que tu semblais différent de moi et je me disais que peut-être tu avais des choses à m'apprendre.
-Et donc verdict, t'ai-je appris des choses ?
-Beaucoup –Je souris à mon tour avant de redresser la tête pour fixer les vagues- Comme par exemple être plus sensible aux choses qui m'entourent.
-Le conseil ridicule et naïf d'un gosse de neuf ans –Il soupire- Cependant, je pense qu'ici tu auras plus de choses auxquelles être sensible, sans vouloir dénigrer Paris.
-Je suis du même avis –J'hoche la tête- En tout cas il n'y a rien de mieux que de vivre juste à côté de l'Océan. Dès que tu as envie de sortir, tu vas te baigner ou juste marcher dans le sable.
-Mh sûrement –Il hausse les épaules-
-Attends, ne me dis pas que tu ne viens jamais ici ?
-Tout juste Sia –Il ricane tandis que je grogne- Je passe beaucoup de temps à étudier et me promener tout seul dans le sable n'est pas réellement ce qui m'enchante le plus tu sais.
-C'est ça que tu entendais quand tu m'as dit que tu avais besoin de compagnie ?
-En partie oui. Au moins maintenant j'aurais une raison d'aller plus loin que la supérette. »
J'acquiesce et pose à nouveau ma tête contre mon gilet, observant le ciel changer de couleur au-dessus de nous. Il fait chaud mais pourtant en une seconde un sentiment me tenaille. C'est rapide, comme un éclair. Je vois juste passer dans ma tête des iris bruns et froids, puis je frissonne, resserrant mes mains autour de mes bras. Je ne suis pas du genre à chercher les ennuis ni à répondre lorsque je sens un conflit monter, mais avec un peu de recul je me dis que j'aurais dû répondre à ce Ashton. Si il a cru m'intimider, il a tort. Il n'est que vendeur dans ce magasin je présume, alors son avis n'a que peu d'importance.
Cependant je n'ai rien dit et je crois que je ne dirais rien devant lui. Pourquoi ? Tout simplement parce qu'il a l'air drôlement étrange. Ses yeux étaient si glacials, rien de bon n'émanait de lui et je pense que j'aurais préféré qu'il soit aussi muet que Calum l'imaginait. Je déglutis et observe finalement le brun qui s'est redressé, un petit calepin à la main.
«- C'est quoi ? –Je demande- Tu dessines la vue ?
-Décidément nous sommes bien différents Sia –Il sourit en coin avant de me tendre son calepin- Ce n'est pas pour dessiner mais un bloc note sur lequel j'ai commencé non pas un poème mais une liste de course, j'aimerais simplement que tu ajoutes les choses que tu aimes.
-Désolée de te décevoir Monsieur le Non-Romantique, mais je ne connais pas les produits d'ici.
-Très bien alors je t'expliquerai une fois qu'on y sera.
-Est-ce qu'on va aller au supermarché qui est en bas de chez toi ?
-Peut-être. Pourquoi, tu ne veux plus y aller ? –Il lève un sourcil, apparemment mon visage est tendu et de manière lisible- C'est Ashton qui t'a effrayée ou quoi ?
-Quoi ? Pas du tout je... Juste que si je le croise à nouveau je ne serais pas aussi gentille que tout à l'heure.
-Bien ! Etant donné que la perspective de te voir 'pas gentille' m'intrigue, allons-y. »
Il se lève le premier et m'aide à me redresser avant de murmurer 'Ne crois pas que cet acte de galanterie fait de moi un romantique Sia'. Je lève les yeux au ciel et frotte mon gilet avant de le suivre jusque chez lui où nous prenons de quoi payer.
«- La vie est-elle chère ici ? –Je demande curieuse alors que nous reprenons le même chemin que tout à l'heure-
-Plutôt oui, mais j'ai des bourses étudiantes. Elles me permettent de payer mon loyer et avec ce qui reste, je fais quelques courses.
-Tu n'as aucun autre revenu ?
-Mon père m'envoie un peu d'argent de temps en temps, mais comme ces derniers temps je me suis un peu disputé avec ma sœur et lui, il ne m'envoie rien. Donc je fais avec ce qu'il me reste et dernièrement j'ai reçu une petite prime par mon université.
-Une prime ?
-C'est une petite somme versée uniquement aux meilleurs élèves des sections universitaires, dans mon cas c'est la Prime Chimiste.
-Ce qui veut donc dire que tu es un bon élève ?
-Premier de ma promo –Il enfoui ses mains dans ses poches- Je tiens à garder mon rang, pour garder la prime qui mine de rien m'est d'une grande aide parfois.
-Je comprends, mais tu ne m'as jamais parlé de cette prime.
-Oh je ne pense pas que parler argent soit un thème agréable entre des personnes qui n'ont qu'un lien épistolaire. Du moins ce que je veux dire par là c'est que je ne voyais pas l'intérêt de te parler de ça surtout que tu me disais toi avoir du mal à trouver du boulot et donc de l'argent, pour tes études.
-C'est gentil à toi. »
Il m'accorde un léger signe de tête avant que je ne remarque l'endroit où nous nous trouvons. Le chemin jusqu'à la supérette a été plus rapide que ce que j'imaginais. Nous prenons un caddie à l'entrée du magasin avant de pénétrer dans celui-ci.
L'air frais nous assaille et je sens ma peau être envahie par la chair de poule. Jusque-là rien de différent avec les supermarchés français, bien que je pense que là-bas il fait moins chaud à l'extérieur et que le contraste entre les deux températures est moins violent. Je suis donc Calum dans les rayons et écoute attentivement ses choix en matière de marque, qualité... Tout ce dont je pourrais me souvenir pour venir faire les courses moi-même un jour. A mesure que nous avançons je retrouve quelques marques internationales que je montre du doigt avec amusement, notamment au rayon des glaces.
«- Est-ce qu'il y a des glaces spécifiques en Nouvelle-Zélande ?
-Pas du tout –Glousse le basané avant d'attraper une boite de Snickers- Tu en as de ces idées.
-Je me renseigne ! Imagine si je suis prise à travailler ici, il va bien falloir que je sache deux ou trois trucs.
-Et imagine si tu n'es pas prise ? –Je me retourne pour trouver Ashton face à moi, un carton de glaces à la main-
-C'est quoi ton pr...
-Alésia c'est rien, on va continuer nos courses.
-Non Calum ! –Je retire ma main de celle du basané et fais face au bouclé qui me dépasse de beaucoup, un timide sourire en coin sur ses lèvres- C'est quoi ton problème ? Pourquoi est-ce que je ne pourrais pas être acceptée ici hein ? –A ces paroles plusieurs têtes se tournent vers moi-
-Parce que t'es moche.
-Qu...
-Alésia viens les glaces vont fondre ! »
Je reste sur le cul, n'ayant aucune phrase à riposter. De toute façon que pourrais-je répondre à ça ? Je lance un dernier regard de braise à l'autre enflure avant de suivre Calum qui se dépêche de nous amener dans un autre rayon.
«- J'aurais dû lui faire bouffer ses glaces ! –Je grogne en français-
-A quoi ça t'avançait de lui parler ? –Soupire Calum sans comprendre ma première phrase-
-Mais tu as vu comment il me parle ?
-Si tu voulais avoir une chance de travailler ici c'est fichu.
-Pourquoi ? Ashton a du pouvoir ici ?
-Non, mais juste derrière-lui il y avait le fils du patron.
-Quoi ? Je ne l'ai pas vu ! C'est qu.. »
Je commence à retourner en direction du rayon surgelé lorsqu'un énorme paquet de croquettes atterrit dans mes bras. Je le maintiens fermement et me tourne vers Calum sans comprendre. Il va sans dire que ce dernier ne veut pas que j'y retourne, du moins c'est ce que je lis dans son air sévère. Ai-je vraiment bousillé mes chances en répondant à Monsieur le gros con d'Ashton ?
«- T'as un animal de compagnie ?
-En quelque sorte –Il sourit en coin avant de reprendre sa liste- Bon tu promets d'arrêter les bêtises et de me suivre ?
-Ouais –Je marmonne- C'est quoi cet animal qui est en quelque sorte de compagnie ?
-Tu verras bien. »
Je lève les yeux au ciel et finis par le suivre. En sortant du rayon je me tourne vers celui des glaces, sauf qu'il n'y a plus personne.
Ni Ashton, ni le fils du propriétaire.
*
Alors que Calum dépose les articles à la caisse, je m'éclipse un court instant, prenant la direction de ce qui semble être l'accueil. Je travaille mon meilleur anglais dans ma tête et m'approche d'une femme entre deux ages.
«- Je peux vous aider mademoiselle ?
-Euh oui... J'aurais voulu savoir si vous recrutiez du personnel.
-Du personnel ? – Elle semble hésitante- Mh non nous ne prenons plus personne, nous avons notre effectif.
-Vraiment ? Même pour des remplacements ?
-J'ai déjà ce qu'il faut. Je suis désolée mais il vous faudra chercher ailleurs qu'ici.
-Pourtant on m'a dit que vous recherchiez.
-Qui vous a dit ça ?
-Un ami à moi.
-C'est vrai nous recrutons, mais... Seulement parmi les personnes qui sont âgées d'au moins 40 ans et je doute que vous ayez 40 ans.
-S'il-vous-plait j'ai absolument besoin d'un travail –La supplié-je alors que je vois Calum s'approcher-
-Je ne peux rien pour vous... Je suis navrée. »
Je baisse la tête tristement et malgré tout lui donne mon cv que j'avais pris avec mon porte-monnaie chez Calum. Elle observe l'enveloppe et la range dans un tiroir avant de prendre congé. Au moins elle ne l'a pas jetée.
Je finis par rejoindre le basané sans un mot. Voilà déjà mon premier échec alors que je viens tout juste d'arriver... En sortant je croise de nouveau Ashton. Il est tout le temps en pause ou quoi ?! En tout cas je ne sais pas si il sourit ou s'il me juge, mais je n'aime pas son regard. Il finit sa cigarette et la lance au niveau de mes pieds avant de s'entretenir avec un garçon de la même taille que lui, arborant de superbes cheveux noirs et rouges. Bon déjà je remarque qu'ici ils ne jugent pas à la coupe de cheveux ni à l'attitude, ça change de chez moi. Alors que je continue de l'observer il finit par porter son regard sur moi, m'accordant un agréable sourire suivit d'un signe de la main alors qu'Ashton lui, semble se renfrogner.
«- C'est lui le fils du patron -Me fait sursauter Calum- Michael Gordon Clifford, premier de sa promo.
-En quoi est-ce qu'il étudie ? En coiffure ? –Je glousse-
-Loin de là, c'est le meilleur élève de l'Université de Marketing. »
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