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Un grand métis très baraqué referma la porte, sa délicatesse semblait inhumaine face à sa carrure. Aussitôt, je perdis l'attention de la brune sulfureuse qui lui décocha un sourire aguicheur.

Il empoigna son bras avec douceur, mon cœur rata un battement, et il l'entraîna à sa suite sans-même me lancer un regard. Sans en prendre ombrage, je rentrai à mon tour, maîtrisant tant bien que mal les tremblements de mes jambes.

En couple... Elle était en couple.

C'était la première fois qu'elle sortait à nouveau avec quelqu'un, et la sensation brouillait mes sens, me faisait frissonner comme une putain de feuille, me chamboulait les entrailles. Surtout, elle continuait son petit manège vicieux, sans jamais rien me dire.

Après tout, c'était sa spécialité, de ne rien me communiquer.

Une boule d'énergie pure me percuta alors de plein fouet, me sortant de noirs souvenirs. Un feu follet qui savait pardonner, lui.

- Yo ! T'étais canon, Luck ! s'époumona-t-elle.

Je lui adressai mon sourire le plus sincère, ravi qu'elle ait aimé. Ma sœur, Pyper, faisait aussi du mannequinat, et elle savait de quoi elle parlait.

- Merci Pyp's, lui répondis-je calmement, espérant que cela suffirait à réfréner ses ardeurs.

Elle fit demi-tour en sautillant, sa chevelure blond platine flottait sur ses épaules, laissant dans son sillage un effluve de parfum délicat. Je la suivis et nous nous rendîmes rapidement chez une de ses amies qui organisait une fête. Je n'avais pas vraiment la tête à me divertir, surtout après l'avoir vue.

Je me rendis donc sur le balcon qui surplombait le jardin où de jeunes adultes festifs s'en donnaient à cœur joie.

Les nombreux spots illuminaient la nuit désormais noire, à la manière d'un kaléidoscope. Les visages émergeaient furtivement de la foule, l'espace d'un instant, avant de disparaître à nouveau, engloutis. Je me prêtais au jeu de deviner à qui appartenaient ces traits envahis d'ombres, ou au contraire défiant la lumière crue.

Les couples se faisaient et se défaisaient, avec la grâce de danseurs étoiles. Leurs ombres se mouvaient rapidement, à la recherche d'une sœur qui leur tiendrait compagnie. La mienne, je l'avais perdue depuis bien longtemps et je ne donnais aucune chance aux personnes qui auraient tenté de m'approcher.

Plus rien n'avait grâce à mes yeux, désormais. Il ne restait que les petits plaisirs de ma vie, et ma famille.

Je me perdis dans la contemplation de Pyper, qui était montée sur une table et dansait langoureusement. Tous les yeux étaient rivés sur elle, sur ses mouvements gracieux, hypnotiques. Elle ondulait, tout son corps semblait n'être utilisé que pour ensorceler ses admirateurs. Les spots étaient maintenant uniquement dirigés vers elle, et tournoyaient autour de la table où ma sœur était juchée.

Ce curieux balai faisait pleurer mes yeux, ou peut-être était-ce juste elle.

Je lui avais tout donné : mes bras, mon cœur, mon âme entière. Mais elle ne voulait que ce dont elle avait besoin sur l'instant, le reste, elle le repoussait furieusement. Et elle me laissait, prostré, défait, avec des envies d'abandon en tête.

Quelque part, elle se servait de moi, m'utilisait pour arriver à ses fins, de telle sorte que j'étais devenu mon propre ennemi. Je me précipitais dans ses bras pour mieux en être rejeté, toujours.

Je m'asphyxiais moi-même.

Sans pitié, sans relâche.

Avec passion.

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