15
L'ambiance électrique hérissait les poils de mes bras, mon cœur battait à un rythme bien trop soutenu, cognait dans ma poitrine comme s'il voulait en sortir. Mes pieds fourmillaient de m'être tenu trop longtemps debout, mais pour rien au monde je ne serais resté assis. Le groupe qui jouait sur l'estrade pittoresque méritait ma danse, aussi peu gracieuse fusse-t-elle, rien qu'en signe de reconnaissance. C'était eux qui nous inspiraient quotidiennement, mes sœurs et moi.
Leur son pur, qui laissait transparaître un réel attachement à la musique nous avait tout de suite séduit. Il avait une tonalité presque folk, décalée, et c'était justement ce qui nous plaisait. Cette différence offerte aux critiques sur un plateau d'argent, mais qui n'attirait que les plus douces attentions. Parce qu'ils étaient vrais, ceux-là.
Je balançai mes bras au-dessus de ma tête, fermai totalement mes yeux dans la pénombre, me laissai aller, entraîné par la mélodie. J'étais bien, seul. J'avais besoin de ça pour oublier mon entrevue à la plage, le ressentiment qu'elle avait suscité, la rage même. Il me fallait quelque chose pour détourner mon esprit de sa main sur son ventre. Sinon, je risquais fort de devenir dingue, et il était hors de question de me remettre à boire.
Une main effleura tendrement mes omoplates, aux antipodes avec le hurlement qui bourdonna longuement dans mon tympan gauche.
— Luckyyyy ! Regarde ça !
Pour une fois, je voulais vraiment rester seul. Vraiment. C'était une nécessité, pour éviter de faire quelque chose que je pourrais regretter. Et même ma charmante sœur n'était pas autorisée à pénétrer ma bulle éphémère.
— Pyp's..., soupirai-je, je croyais que tu devais voir America ?
Elle ne me répondit pas, ajoutant à mon agacement, et se concentra plutôt pour gonfler ses joues. Elle ressemblait ainsi à un hamster, ce qui était loin d'être comique. Parce que je ne voulais pas de sa présence, aussi rassurante soit-elle.
Tout à coup, une bulle rose se forma à l'orée de ses lèvres, prenant de l'ampleur progressivement. Inéluctablement. Un frisson me parcourut lorsque je m'identifiai à ce chewing-gum, un être fragile qui se gonflait d'amour jusqu'à l'explosion - la plus violente possible, s'il vous plaît - pour ensuite se transformer en un bout mou, pire qu'une loque. Mais ma sœur continuait vaillamment à souffler, la bulle atteignait des proportions plutôt impressionnantes, sans jamais montrer une quelconque faiblesse.
Je restais bouche-bée face au phénomène, ma sœur accrochée à ce chewing-gum rose, on ne savait plus vraiment qui soufflait pour la survie de qui. Puis l'inévitable survint, un trou se forma dans la fine membrane, l'air s'échappa à la vitesse à laquelle j'aurais dû courir pour la fuir, et le chewing-gum pendît lamentablement entre les lèvres de ma sœur. Elle était maculée de rose, les joues collantes pour des jours.
— Alors là, si ça t'arrache même pas un sourire, je me demande bien ce qui le pourra ! s'exclama une voix à l'accent adorable.
Ce qui le pourra ?
Rien. Rien ne pourrait me sauver.
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