13

          Les pavés défilaient sous mes foulées qui parvenaient à me propulser toujours plus loin, vers le bord de la mer. Des gouttelettes de sueur dégringolaient le long de mon torse brillant sous le soleil, formant des taches sombres à intervalle régulier sur le trottoir. Ses rayons n'étaient pas cachés par une quelconque masse d'eau condensée, ce qui les rendait d'autant plus brûlants.

         J'avais l'impression de suffoquer à force de respirer l'air chaud et lourd, je sentais le sang battre violemment dans mes tempes en accord avec les pulsations de mon cœur sollicité. Je n'avais pas couru ainsi, en pleine chaleur, depuis longtemps et je regrettais de n'avoir pas attendu le soir pour sortir. Le souffle court, je dus bientôt ralentir la cadence pour me contenter de marcher, et déviai ma trajectoire vers l'étendue émeraude.

          Des enfants y courraient en projetant allègrement de grandes gerbes d'eau salée, insensibles aux adultes qu'ils éclaboussaient. Sans hésiter un instant, je m'engouffrai dans les vagues, ravi par leur fraîcheur bienfaisante. Bercé par le roulis, caressé par les courants glacés, la surface de ma peau picotait douloureusement à cause de la différence de température. Pourtant, je ne ressentais pas le froid, à l'intérieur, et plongeai ma tête sous l'eau.

          Aussitôt, tous les bruits parasites s'estompèrent, ne subsista que l'écho sourd des vagues s'écrasant contre le sable. Je ressortis dès que mes poumons commencèrent à brûler pour inspirer une goulée d'air salvatrice.

          Je retournai sur le sable, tout dégoulinant, la peau à vif a cause du sel et du soleil. Elle me démangeait, mes yeux peinaient à rester ouverts et mes cheveux pendaient mollement sur mon front. Pourtant, j'avais la sensation que mon chaos intérieur était resté sous la mer, me permettant d'avoir les pensées claires.

          J'entamai ma remontée afin de rejoindre le chemin, déplorant mon envie trop pressante de me rafraîchir. Dans ma précipitation, j'avais en effet omis d'enlever mes baskets, qui produisaient maintenant un affreux bruit de succion à chaque pas. Mon corps n'était plus qu'une cascade d'eau salée, qui coulait sur le sable sans discontinuer et le marquait d'une trace sombre.

           Je soupirai, ce footing était décidément raté... C'est alors qu'une silhouette en contre-jour attira mon regard. Aussitôt, les battements de mon cœur accélérèrent, autant que lorsque je courais ; peut-être même plus.

          Mes yeux ne parvenaient pas à rester ouverts face à cette vision qui finit de me glacer tout entier. Mais le pire, c'était ce bras brun enroulé autour de sa taille, appartenant au métis de l'autre soir. Mes genoux se mirent à trembler, et je dus inspirer puis expirer plusieurs fois pour me calmer. Envolée, ma délicate quiétude. Ne restait plus que le trou noir de mes émotions, attirant en son sein toute ma raison. La réduisant à néant.

          Mon impulsivité, mêlée à une jalousie mordante et dévastatrice me firent avancer d'un pas, puis parcourir la distance qui nous séparait. Lorsqu'elle m'aperçut, son immense sourire se transforma en un rictus vainqueur. Bien sûr, elle adorait ce jeu malsain, même à deux pas de ce mec.

          De son mec.

          Qui n'était plus moi.

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