Chapitre 53: Ce que le sang a recouvert
Avant que Carla et Shin ne disparaissent, Ayato et Anju les stoppèrent en chœur.
« Attendez ! C'est à nous de le faire ! »
Les fondateurs se tournèrent vers eux, d'un air ennuyé.
Kyra, Raito et Kanato approuvèrent d'un signe de test, prêts à les appuyer.
« C'est à nous de nous charger de Karlheinz, c'est ce qui était écrit.
- Une prophétie ? Je n'y crois pas ! Fulmina Shin. Pourquoi vous n'en parleriez que maintenant ?!
- A cause des souvenirs effacés. Nous avons eu notre mémoire modifiée lorsque nous étions enfants, parce que nous avions déjà rencontré Anju et que le veto a été brisé. »
Carla écouta avec attention, suspicieux toutefois de ces propos bancals. Il jeta un regard à Kyra, ne semblant croire qu'en ce qu'elle pourrait lui dire.
« C'est la vérité Carla, j'ai moi-même rencontré Anju quand on était enfant et nous étions proches. Nos souvenirs nous ont été rendus par je ne sais quel moyen tout à l'heure.
- C'est Aiko, la gardienne des âmes. J'ai conclu un pacte avec elle et elle nous a rendu nos souvenirs en échange. »
N'attendant pas de réponse, Ayato et Anju se dirigèrent vers la sortie. Un boucan infernal se faisait entendre dans le reste des Enfers, provoqués par les confrontations entre les différents clans.
Les amants s'enfuyaient aussi vite que possible avec la condition d'Anju, esquivant les silhouettes qui leur faisaient office de reflet dans le miroir, esquivant les familiers et démons libérés, évitant les débris sur leur chemin.
Pendant cette course, rien ne semblait plus avoir d'importance hormis leur objectif.
Pour sortir des Enfers, il fallait emprunter un immense escalier escarpé, et avant cette ascension vertigineuse, Anju se souvint avoir étudié le mythe d'Orphée, qui en s'échappant ne devait pas se retourner vers sa promise sous peine qu'elle soit renvoyée définitivement aux Enfers. Pour ne pas provoquer leur chance alors qu'Hadès était occupé, la jeune femme prévint Ayato de ne pas se retourner ni de lui parler avant d'être retournés dans le monde des humains.
Ils devaient retourner au manoir, puis une fois là-bas, emprunter le raccourci qui mènerait au château. En vainquant Karlheinz, ils mettraient fin aux raisons des querelles et des pourparlers pourraient être mis en place pour satisfaire tout le monde. Du moins c'était l'utopie qu'ils souhaitaient voir.
Ces pensées les occupèrent lors de leur fuite, et tout se passa sans encombre.
Ils arrivèrent au manoir silencieux essoufflés. Ayato se tourna vers Anju un instant, l'air confiant.
« On va y arriver. Prends quelques forces, je vais avoir besoin de boire un peu de ton sang pour me battre. Avec ta force, je peux vaincre mon père. »
Anju hocha la tête et fit comme Ayato lui dit. De son côté, le vampire se prépara également, s'armant d'une arme solide, et tentant de se rappeler de ces cours qu'il avait pris pour manier correctement l'épée.
Sans mentir, il était stressé. Ses frères, les Mukami, Rhin, tous se battaient, il devait se battre lui aussi et mettre un terme à tout ça. Ils avaient pu arriver si loin grâce à Anju, grâce à Rhin, mais aussi grâce à ses frères et aux Mukami qui les avaient aidés tout au long de leurs péripéties, qui avaient soufferts autant qu'eux.
Il souffla un coup, et attendit Anju qui ne tarda pas à revenir.
Il jeta un œil à sa dulcinée et se promit de coûte que coûte la protéger. Elle méritait réellement du repos dans son état. Leur enfant allait naître bientôt.
Ils se dirigèrent alors enfin au château. Main dans la main, ils progressaient de manière sûre dans les couloirs, se souvenant les avoir déjà empruntés en chemin inverse lors de l'épisode de la mort de Rhin. La démone les avait bien manipulés tout de même... Ils en étaient ici aussi à cause d'elle.
En entrant dans la fameuse salle au cœur de laquelle se trouvait le pommier, la porte disparut derrière eux.
Ils aperçurent alors Karlheinz, adossé contre le tronc, les attendant avec sérénité.
En voyant son fils, l'actuel roi laissa un sourire s'étirer.
« Il est temps de mettre un terme à tout cela. »
Ayato se tourna vers Anju, et comme prévu, lui mordit le poignet pour prendre un peu de son sang.
Karlheinz s'approcha d'Ayato, épée en main, le combat allait être féroce.
Le prince brandit alors son épée, s'élançant vers son père sans hésitation. Anju ne vit alors qu'une danse funeste et la mélodie que faisaient les lames en s'entrechoquant fut la seule musique à ses oreilles.
L'angoisse la prenait au ventre, elle voyait des coupures se poser sur les visages, les vêtements, elle les voyait faiblir et tournoyer. L'attente était terrible.
Ayato ne voyait pas les failles dans la garde de son père. A chacun de ses coups suivait une attaque qu'il devait parer. Que devait-il faire ?
Il n'avait jamais eu beaucoup d'expérience dans le maniement des armes... Mais alors qu'il esquivait et tournoyait, un souvenir lui revint.
Il était encore enfant, Shu avait vu à quel point il avait du mal à trouver la motivation de se battre sérieusement, alors lorsque leurs mères eurent le dos tourné, Shu amena Ayato dans un endroit calme. L'aîné était encore d'un naturel joyeux et désinvolte à cette époque, il réussit à motiver Ayato et lui enseigna quelques coups qu'il avait appris.
Même si les frères ne se portaient pas particulièrement dans le cœur à présent et que les conflits entre leurs mères avaient toujours impactés leurs relations, ils avaient gardé de manière secrète quelques interactions plus douces.
Et aujourd'hui, ce souvenir se révéla particulièrement utile car Shu était très habile avec une épée.
Copiant les souvenirs qu'il avait de son frère aîné, Ayato changea du tout au tout ses attaques ce qui déstabilisa son père. On pouvait même apercevoir l'aura de Shu se superposer à celle d'Ayato, et le jeune homme aux cheveux rouges prit cela comme la marque de la présence de son aîné ; Shu était de son côté.
Enfin il put voir un trou dans sa défense ! Profitant de cet effet de surprise, Ayato abattit sa lame qui se plongea dans le flanc du roi. Ce dernier se recula quelque peu, titubant sous la violence du coup, profitant à nouveau de la faiblesse, Ayato planta à nouveau la lame, cette fois en plein cœur.
Il mentirait s'il disait ne pas être effaré par ses propres actions. Anju de son côté avait décidé de détourner les yeux, sentant tout de même l'odeur du sang lui monter au nez.
Karlheinz s'était fait maîtriser en à peine dix secondes pour une seule faute d'inattention. Mais il n'avait pas de regret, son fils avait montré sa force. Son souhait, que les jeunes avaient interprétés comme prophétie, s'était réalisé. La guerre allait cesser et une nouvelle ère allait débuter. Tout irait pour le mieux.
Ayato fit mettre son père à genoux et lui tint la tête par les cheveux, lame sous sa gorge.
« Derniers mots ? »
Pour toute réponse, son père sourit discrètement.
N'attendant pas plus, Ayato trancha la tête du roi.
Karlheinz était désormais mort.
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