Chapitre 50 ½ : Kanato

Mes poupées et mes peluches étaient les seules amies qui valaient la peine. Elles aimaient le silence, le calme, mais étaient aussi assez animées. Mes confidentes, mes proches alliées.

Raito et moi avions plus de liberté qu'Ayato, comme nous étions les cadets. Pourtant, contrairement à mon benjamin, je ne recevais pas d'attention de la part de notre mère.
Je préférais même éviter notre demi-sœur, Kyra. Elle non plus n'était pas bien aimée, mais je me fichais quelque peu de son sort à vrai dire.

L'un des enfants était éduqué en tant qu'héritier, l'autre attirant par sa beauté, et le troisième était le canard boiteux, le laissé pour compte.

Je voulais de l'attention, qu'on me regarde un peu. Mère, pourquoi ne me regardiez-vous pas ?

Parlant toujours à mes confidentes, j'élaborais les plus sournois stratagèmes- ou les plus désespérés- pour attirer son attention.

Je me mutilais, je faisais scandale. Mais encore et toujours, son attention était portée ailleurs, sur ses amants, sur ses autres enfants.

Pourtant, elle appréciait mon chant. Elle me demandait de venir chanter auprès d'elle, et comme j'aimais ma mère j'étais assez obéissant pour m'exécuter. Elle portait enfin son regard sur moi à cet instant.

J'étais son « petit oiseau chantant », et les notes de Scarborough Fair s'élevaient dans les airs.
Je n'aimais pourtant pas l'effet que cela lui produisait et son manque d'intérêt pour moi en dehors de ma voix. Elle me faisait chanter des heures durant, je ne devais pas m'arrêter, du moins pas tant que mes cordes vocales ne saignaient pas.
J'étais souvent invité lors de ses rencontres avec l'un ou l'autre des hommes qu'elle invitait, à cause de l'effet que mon chant lui procurait, je devais entonner différents airs, impassible, le regard ailleurs.

Un jour, elle reçut un ourson en peluche de l'un de ses amants. Je fus au comble de la joie quand elle me le tendit, et naquit une belle amitié avec Teddy.

Je me souvenais également de son approbation pour les poupées de cire que je confectionnais. Elle m'encourageait en ce sens, cela m'avait rendu heureux, aussi je continuais à transformer ces personnes en éternelles décorations. Souvent, les amants qu'elle jetait servaient de matière première. Elle était débarrassée, et je pouvais procéder à mon art.

Mais tout cet équilibre précaire s'est rompu.
Ayato, qui en avait eu assez de tous ces mauvais traitements, avait élaboré un plan pour tuer notre mère. Ce plan nécessitait que l'on soit tous les trois actifs, mais sans s'être concertés. Sûrement une compréhension fraternelle allant au-delà des mots.

Il la poignarda et but de son sang. Notre mère, choquée de cette rébellion, s'échappa vers la salle de musique rejoindre Raito pour qu'il la protège. Mais le benjamin a seulement usé de ses charmes pour finalement la pousser du balcon. De ce qu'il n'arrêtait pas de répéter, il a dû voir ça comme un ultime acte d'amour, une pensée du genre « si je ne peux pas t'avoir, personne ne t'aura » lui avait sûrement traversé l'esprit.

Quant à moi, alors que j'étais dans le jardin, je vis son corps étendu par terre. Elle était déjà inerte, et je décidais donc de brûler ce qu'il restait d'elle avant de mettre ses cendres dans le Teddy qu'elle m'avait offert.

Ainsi, j'avais enfin ma mère pour moi seul. Toujours près de moi, où que j'aille et quoi que je fasse, personne ne volait plus son attention.

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