Chapitre 45 : Espoirs brisés

Kou ne sut quelle attitude adopter en voyant la demoiselle si effondrée. Il ne savait lui-même pas comment gérer la nouvelle. Il tenta de la serrer dans ses bras, lui apportant un peu de chaleur dans ce monde devenu soudain si froid. Elle devait se sentir si seule, si désemparée. Il la laissa pleurer, hurler, serrer de ses poings tremblants sa veste.

La nuit se profila et enfin il vit Reiji et Ruki revenir. Ruki aidait Reiji à rester stable sur ses pieds alors que sa tempe saignait abondamment. Ils furent pris de court en trouvant Kou enlaçant Anju ; ils furent d'autant plus surpris en apercevant les objets déposés à leurs pieds.

L'idole raconta alors le parcours de la jeune vampiresse et l'arrivée des trois chauves-souris dans le repaire. Ruki en profita pour s'occuper de la blessure du dernier Sakamaki encore vivant.

Lorsque le récit du blond fut terminé, l'aîné Mukami observa la demoiselle en lâchant un soupir.

« Ne serait-ce pas plus avantageux d'essayer de retrouver Karlheinz ? Il a bien plus d'expérience que nous et a déjà connu la guerre contre les fondateurs. De plus, il n'est peut-être pas au courant de nos pertes.

- Tu comptes faire confiance à une personne qui a abandonné sa famille pour se cacher ? Il est même à l'origine de tout ce qui arrive, il a tué Rhin ! Hurla Kou, oubliant un instant l'être endormi après avoir tant pleuré dans ses bras.

- Vois-tu une autre solution ? Si on ne fait rien, on y passera tous, Anju y compris. Autant j'avais du mal à supporter mes frères, autant je tiens à respecter leur sacrifice. Depuis la mort de Shu, je suis aussi le représentant de la famille Sakamaki, et en l'absence de notre père, je suis aussi le régent, tenta d'expliquer Reiji à Kou.

- Si tu es réellement le régent alors tu devrais essayer de trouver un traité de paix plutôt que d'être sur le champ avec nous. Tu ne règles rien !

- Kou stop ! »

Ruki avait haussé la voix pour couvrir celle de Kou, brisée et désespérée. Lorsque Ruki regarda les yeux de Kou, il vit ce qu'il n'avait jamais vu : la mort. Reiji resta cependant silencieux face à cette provocation du blond.

Anju s'était réveillée et leva la tête de l'épaule de Kou. Elle observa les nouveaux arrivants de ce même regard vide que Ruki venait de déceler chez son petit frère. Ils étaient résignés à mourir. Mais quand l'un voulait au moins protéger ses proches et les innocents, l'autre n'avait plus rien à quoi se raccrocher.

Ruki regarda à nouveau son frère et tenta à nouveau.

« Kou, essayons un dernier coup de poker en allant chercher Karlheinz. Il sait peut-être comment régler tout ça et s'est enfuit pour préparer la résistance. »

L'interpellé n'était absolument pas convaincu. S'il préparait vraiment une forme de résistance, il serait avec eux, ici. Il serait resté aux côtés de ses fils, il aurait prêté son si grand savoir pour la survie de son peuple. Il était même étonné de cet entêtement dont Reiji et Ruki faisaient preuve, pourquoi croyaient-ils encore en ce monstre ? Reiji n'avait-il pas souffert de l'inattention de son père envers lui ? Et Ruki de l'abandon de celui qu'il avait admiré ? Il ne comprenait pas.

Pourtant, cette personne dans ses bras qu'il voulait à tout prix protéger, cette frêle jeune femme qui tremblait en tentant de supporter la mort de son bien aimé, ne méritait-elle pas un dernier espoir ?

Alors, se résignant, il n'offrit qu'un hochement de tête à son ainé.

Anju n'écouta même pas le sujet de discorde. Elle n'avait aucune idée de ce que Kou avait accepté pour elle. Dans sa tête ne résonnait que des pensées confuses provenant des trois personnes dans la pièce, des émotions la submergeaient et la noyaient avec ses propres sentiments. La tête lui tournait et son cœur était écrasé. Les odeurs, les voix, les pleurs, les souvenirs : l'ensemble chaotique formait un patchwork ignoble dans son esprit.

Dans cet enfer, elle aperçut une lumière. Une flamme plus frêle qu'une allumette, un espoir qui la fit à nouveau respirer correctement. Elle n'était pas seule. Elle l'avait presque oublié avec les derniers événements, elle s'en voulait un peu. Ses bras encerclèrent son ventre avec une tendresse infinie. Ayato lui avait fait un cadeau bien plus précieux que n'importe quel testament ne pouvait offrir : une part de lui-même. Même s'il n'en était pas conscient.

Les garçons observèrent la future mère. Ils se firent une promesse silencieuse : lui assurer une vie plus ou moins stable pour l'avenir de son enfant et le sien.

Ils l'avaient déjà trop faite souffrir.

Quelques jours passèrent sans qu'un événement notable ne se produise. Reiji et Ruki établissaient des contacts avec d'anciennes connaissances et tentaient de retrouver la trace de l'ancien roi. Ils pensaient ne jamais pouvoir retrouver sa trace : Karlheinz semblait aussi insaisissable que le vent.

Mais il est bien connu que c'est toujours en pleine impasse que de nouveaux événements se produisent.

Kou avait prévenu Anju lors de son arrivée qu'une armée de chasseurs de vampires rôdait dans les environs, et ce qui devait arriver arriva.

L'armée était en ville. Il n'y avait plus un chat à l'extérieur, alors les soldats firent les maisons une à une. Anju se fit la réflexion que ce n'était en aucun cas une brigade d'anges. Les anges étaient des créatures célestes, lumineuses et douces. Ces êtres avaient une aura si froide que le blanc de leurs ailes et de leurs armures brûlait la rétine.

A la tête de cette cohorte, un chasseur de vampires que Reiji avait déjà contacté auparavant. Lorsque ce dernier s'en rendit compte, il jura dans sa barbe inexistante. Il avait lui-même vendu leur position en prenant contact pour avoir des informations, et le chasseur s'était joué de lui. Car cet homme n'était pas un ange, mais un humain.

« Monsieur Komori... Comme on se retrouve. »

L'homme au chapeau était le seul dépourvu d'ailes et d'armure blanches. Il possédait un imper brun et son couvre-chef dissimulait ses yeux et la partie supérieure de son visage. Il semblait sans vie, et relativement âgé.

« Je vous avais pourtant promis de m'occuper de votre cas quand votre tour viendrait, Reiji Sakamaki. »

A cet instant, Reiji ne broncha pas. Il savait que sa mort l'attendait. Il jeta un œil à Kou, Ruki et Anju derrière lui et leur fit un signe de s'en aller, qu'il retiendrait la troupe aussi longtemps qu'il le pourrait. C'était la première fois que Reiji faisait un acte de sacrifice pour quiconque.

Le trio se résigna à s'enfuir, ils n'avaient pas le choix ou ils mourraient tous les quatre ici et maintenant.

Ils coururent, Kou finit même par porter dans ses bras Anju et ils se téléportèrent aussi loin qu'ils purent.

Ils réapparurent dans une prairie en amont de la ville où ils étaient précédemment.

Ruki tenta d'observer ce qu'il se produisait au loin. Il entendait les cris, c'était insupportable à leurs oreilles.
En se retournant pourtant, il crut s'effondrer sur place.

Karlheinz se tenait devant eux.
Il souriait.
Alors que son dernier fils héritier venait sûrement de succomber.
Il avait perdu ses enfants, les uns après les autres.
Il ne restait que deux de ses fils adoptifs.
Pourtant, il souriait.

« J'ai un marché à vous proposer. »

Tous le regardèrent, ébahis. L'homme qu'ils cherchaient depuis des jours se présentaient devant eux comme une fleur et leur proposait un marché. Rien n'allait.

« Que voulez-vous ? Osa demander Kou, la voix étranglée de colère et de tristesse.

- Anju doit se marier à moi, quant à vous deux, vous me suivrez. En échange, je vous laisserais discuter une dernière fois avec ceux que vous aimez tant : Subaru, Azusa, Shu, Yuma, Kanato, Raito, Ayato et Reiji. »

La première pensée d'Anju fut la réalisation que les vampires qu'elle chérissait n'était peut-être pas mort. La deuxième fut ensuite une pensée sombre, bien plus terrifiante : et s'ils souffraient bien plus que si le trépas les avait emportés ?

« Et oui, vos chauves-souris n'étaient peut-être pas envoyées par eux. »

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