Chapitre 43 ½ : Yuma
Le premier souvenir qui me revenait était l'odeur de brûlé. En ouvrant les yeux, j'avais été confronté au désastre et aux cendres. Des débris me recouvraient, mes vêtements me laissaient partiellement découvert, et surtout, personne n'était à l'horizon. Je n'avais pu que deviner vaguement ce qu'il s'était produit, mais s'il est possible de déduire la situation dans laquelle on se trouve, il est en revanche plus compliqué de trouver son identité.
J'avais dû me relever, marcher malgré mes blessures. J'avais dû errer seul dans les rues sans amis ni proches pour m'aider, sans connaître même mon propre nom. Ma mémoire était un tableau blanc, une toile vierge tâchée de sang.
Comme je n'avais personne vers qui me tourner, un gang de rue me recueillit. J'étais heureux de trouver des gens qui m'acceptaient. Je l'étais bien plus quand, comprenant ma situation, le leader nommé Lucks m'affubla d'un nouveau nom. Ainsi je vécus avec eux dans la rue, sous l'identité de Bear. Lucks était un leader au bon cœur, il fouillait et volait pour récupérer de la nourriture tout en la partageant toujours avec les autres membres de la bande. Nous étions comme une famille, unie dans la poussière et la sueur, dans le sang et les larmes.
Lucks nous partagea ses idéaux et ses rêves : un monde sans classe sociale, un monde dépourvu d'inégalités, où les politiciens et les aristocrates n'étaient pas favorisés. J'avais toujours admiré ses idées et je n'espérais qu'accomplir cette volonté. J'étais encore jeune, mais déjà je comprenais le sacrifice dont notre chef faisait souvent preuve notamment pour payer la nourriture.
Il m'avait déjà expliqué avoir travaillé comme esclave pour gagner un peu d'argent, mais il appelait ça « travailler comme bétail ». Ses histoires étaient fascinantes et je l'écoutais toujours avec la haine du monde.
Et même si je pensais avoir trouvé ma place, le sort décida de s'acharner. Pendant que nous refaisions le monde par nos pensées, une guerre se déroulait et c'est ainsi qu'un jour, des militaires arrivèrent en ville accompagnés de chars et de tanks. Lucks avait été très inquiet mais s'en tenait toujours à ses idéaux, « pas question d'abandonner maintenant ».
En accord avec ses principes, le leader ne flancha pas quand les militaires nous trouvèrent. Nous étions un groupe de rebelles, aussi ils n'eurent aucun remord à tirer sur l'ensemble des adhérents. J'avais vu Lucks tomber devant moi, ce symbole de fierté, cet homme au grand cœur. Les militaires m'avaient épargné, prônant qu'ils m'avaient sauvé. J'avais fini par m'évanouir.
En ouvrant les yeux, j'avais rencontré le plafond gris et froid d'un orphelinat. L'adaptation fut très difficile, certains enfants d'un gang adverse insultaient la mémoire de Lucks et de la bande. Le chagrin m'enserrait encore la gorge à ce moment-là et à la suite d'une altercation avec eux, je finis en salle de punition.
Dans cette cellule froide et morbide, je fis la connaissance d'un petit garçon blond. Ses cheveux couvraient ses yeux dont le bleu ressortait malgré tout entre les mèches et j'avais pu voir que sa peau était parsemée de la même couleur. Malgré notre situation, nous avions sympathisé et peu de temps après je rencontrais également Ruki et Azusa.
L'orphelinat était un enfer, même si je n'étais pas le plus à plaindre. Aussi, tous les quatre nous décidions de préparer un plan pour nous enfuir, Ruki comme chef. Tout était parfaitement calculé et j'avais pu constater l'intelligence de notre leader malgré les soupçons de désaccord avec lui. Je l'avais méprisé pour ses origines, mais il n'en restait pas moins une bonne personne en qui j'avais confiance.
Cette assurance les uns envers les autres nous aida à mettre en place notre projet d'évasion. Mais au moment crucial, l'un des enfants nommé Léo sembla me reconnaître et m'appela par un nom qui m'était étranger. Edgar. Cette conversation m'avait laissé perplexe et je n'avais pas pu comprendre pourquoi, j'avais retrouvé cette peur viscérale qui m'étreignait lorsque je m'étais réveillé sous les décombres, la peur de ne pas se souvenir de soi-même.
Pourtant, le plan devait continuer et c'est ce que Kou fit. Il mit feu à la salle ce qui eut distrait suffisamment les gardes pour nous permettre de nous échapper. Nous avions réussi.
Du moins c'est ce que nous pensions. Ils réussirent à nous traquer et nous ramenèrent après nous avoir abattus. Nous étions condamnés à rester là-bas. Le désespoir nous tendait les bras, notre seule lueur venant de s'éteindre.
Pourtant, alors que nous étions au plus bas, un homme vint à notre rencontre. Cet homme nous proposa une deuxième chance, une vie meilleure. Nous allions perdre notre humanité, mais gagner une demeure, la sécurité, et à nouveau de l'espoir.
Ce même homme me donna un nouveau nom et me présenta les plaisirs gourmands jusque-là interdits comme le sucre. Ma nouvelle vie en tant que Yuma venait de commencer, sous couvert de devoirs particuliers que notre sauveur nous avait confié en nous menant à notre manoir.
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