Chapitre 42: L'ombre de la mort
Kou n'avait jamais fait confiance à personne. Sûrement à cause de son passé, pensa-t-il, mais il n'empêche qu'il avait fini par déroger à sa règle. Tout d'abord en rencontrant ceux qui devinrent ses frères. Ruki, Yuma et Azusa. Le blond ne pouvait nier l'attachement qu'il avait pour eux, il se sentait bien et enfin en mesure de s'abandonner à la liberté avec eux.
Mais il avait toujours été suspicieux du reste du monde. Expérimentant de lui-même la devise du « donnant-donnant », il en avait fait sa raison d'être : devenant parfois un être froid et cruel quand ses intérêts étaient délaissés, ou mielleux et doucereux lorsqu'il espérait quelque chose en retour ; un vrai lunatique.
Après les aventures avec Rhin et Anju, l'idole avait commencé à s'interroger sur l'intérêt qu'il portait réellement aux autres, notamment aux Sakamaki. S'il était tout à fait honnête, Kou ne nierait pas s'amuser lorsque Raito et lui se défiaient, ou lorsqu'il embêtait Subaru avec son côté « tsundere ».
Pourtant... Ces souvenirs laissaient à Kou un goût amer alors que le benjamin Sakamaki venait de tomber au combat. Et seule sa conscience savait à quel point il s'en voulait !
Cela faisait désormais quelques semaines que les vampires avaient été projetés dans un univers nouveau : une guerre. Tout était allé vite, trop vite. Les différents peuples s'étaient soulevés, les démons et les anges avaient attaqué, il avait fallu se battre.
Les souvenirs des armes, de la douleur, des larmes revenaient de façon trop violente pour Kou qui souffrait encore des cauchemars de son enfance. Etonnamment, Subaru avait témoigné un soutien silencieux.
S'étant retranchés tous les dix dans des chambres de fortunes - espérant grapiller un peu de sommeil entre les différentes rondes pour échapper aux attaques surprises – ils avaient dû partager des lits et des espaces communs.
Subaru dormait peu, et souvent il assistait aux cauchemars de Kou et Azusa. Le blond parlait et geignait dans son sommeil, il s'était nombre de fois réveillé avec une crise de panique que Subaru avait su calmer. Le garçon aux cheveux blancs agissait parfois comme un grand frère avec ses ainés, ce qui faisait sourire le blond. Azusa aussi se sentait apaisé par cette compréhension et cette sollicitude, bien qu'elles soient dissimulées sous un masque de colère envers le monde.
Le trio avait su se rapprocher, couvé par les regards protecteurs des autres membres de leur fratrie respective.
Mais la guerre n'avait rien de belle. Le sang nappait la terre, le ciel se drapait d'un gris terne et morne, la pluie parfois versait les larmes retenues des combattants qui oubliaient parfois sous la violence la raison de leur combat.
C'était un jour comme ils en avaient déjà connu des dizaines à présent, Kou s'était dévoué pour aller chercher ceux qui avaient besoin d'aide – son empathie d'ancien-humain revenant parfois le torturer. Il avait juré à Subaru et Azusa qu'il reviendrait vite, qu'il ne manquerait pas une occasion de leur chanter sa dernière chanson ou d'aller embêter Raito. Comme toujours, le jeune homme aux yeux bleus avait un sourire plaqué sur le visage alors même que la peur lui tiraillait le ventre. Il avait un mauvais pressentiment.
Refusant de céder à cette impression, il s'était hâté, avait cherché des rescapés, des alliés. Il avait évité une embuscade, maîtrisé un démon, échappé à un ange. Puis il était revenu à son point de rendez-vous avec ses deux compères. Mais n'avait trouvé que du sang. Et ô comme il connaissait ces odeurs. Il y avait eu comme une explosion et Kou avait aperçu des cheveux blancs, des morceaux de chair qu'il ne voulait pas identifier, des morceaux d'habits qu'il ne connaissait que trop bien, et au loin, des démons qui regardaient en riant cette scène d'horreur.
Quand il avait dû l'annoncer aux autres, Kou fut incapable de prouver la mort des garçons. Il refusait de croire que ces morceaux de chair, ces bouts de vêtements, cette touffe blanche appartenaient à Subaru. Et encore plus, il refusait de croire qu'Azusa avait péri avec lui alors qu'il n'y avait que l'odeur de son sang imprégnant le sol.
Pourtant, les yeux vides de Raito, le silence de Shuu et Reiji, la colère d'Ayato, le regard de Kanato avaient suffi pour annoncer la mort à la jeune femme éloignée.
Et il avait fallu d'autant plus de courage à Ruki et Yuma pour convaincre Kou d'envoyer une deuxième chauve-souris deux jours plus tard, portant la seule chose qu'ils avaient trouvé appartenant à Azusa.
C'est ainsi que Shin vit apparaître le mammifère voler au-dessus du château. Il était sceptique sur cette guerre, bien qu'un guerrier dans l'âme et souhaitant rejoindre les vaillants combattants, il s'avouait ne pas tout à fait en comprendre les enjeux. Rien n'avait de sens pour lui, mais il préférait se taire quand il voyait le regard vitreux qu'arborait la demoiselle qui vivait pour le moment avec eux. Il avait essayé de la distraire mais avait vite compris que le simple fait de porter un enfant lui rappelait constamment ce qu'il se passait au-delà des murs et des forêts. C'est pourquoi il ne tarda pas à aller la chercher directement elle, sans chercher à voir les nouvelles qui étaient annoncées.
Bientôt à nouveau comme l'avant-veille s'étaient réunis les quatre habitants, et à nouveau les mains tremblantes s'étaient emparées de l'objet accroché à la patte de la chauve-souris.
A cet instant, il avait semblé à Shin qu'une ombre veillait sur eux, les regardait sombrer peu à peu, tapie dans les ténèbres et accueillant à bras ouverts l'être sanglotant dans les bras de sa belle-sœur. Il avait cru voir la mort en personne.
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