Chapitre 4: Ayato, pourquoi moi ?

Lorsque les ténèbres se dissipèrent de mon esprit ébranlé, j'ouvris les yeux. Je m'étais préparée à affronter la vive lumière du soleil, ou plus douce de la lune, mais je me retrouvais seulement baignée dans la noirceur. M'interrogeant sur le pourquoi, je tentais de me mouvoir. Je compris alors que j'étais étriquée dans un espace clos, une légère odeur de ferraille piquait mon odorat. Je tentais de sortir de cette espace en poussant mes mains vers l'avant, mais n'y parvenant pas, je me mis à paniquer. Le froid se dispersait dans mon dos, comme si j'étais collée à un coussin réfrigéré. Je tentais de hurler, mais une main couvrit ma bouche avant que je ne crie. Un mouvement près de mon oreille me fit comprendre la position dans laquelle j'étais.

« Tu es enfin réveillée, chichinashi. »

Il se risqua à enlever sa main de ma bouche pour me laisser parler.

« Où je suis ??? Pourquoi tu me tiens comme ça ??? Et puis même pourquoi je suis collée à toi dans un endroit clos ??? »

Il ricana sans réelle joie. C'en était presque effrayant, enfin ça l'aurait été s'il ne s'était pas dit « Qu'elle est chiante avec toutes ces questions débiles ».

« Nous sommes dans ma chambre, plus précisément dans mon 'lit' : une vierge de fer réaménagée plus confortablement. J'ai eu la gentillesse de t'emmener ici pour que tu te reposes. Remercie le grand et honorable Ore-sama ! »

Je restai quelques secondes dans le silence avant de déclarer :

« Ayato-sama va se faire foutre. »

Je tentai une nouvelle fois de me dégager de cet instrument de torture- et de l'emprise d'Ayato- en vain.

D'un geste coléreux, il essaya de me mordre mais d'un geste maladroit je lui donnai un coup de tête en arrière. Surpris, il baissa sa garde un instant, me laissant le plaisir de déguerpir fissa. Je me précipitai hors de sa chambre et me ruai vers la mienne.

Restant quelques instants dos à la porte, je repris une respiration normale et patientai pour voir si Ayato allait à nouveau s'immiscer dans mon espace personnel. Au bout d'une dizaine de minutes, toujours rien, alors je pris l'initiative d'aller me laver.

L'eau ruisselant sur ma peau, le savon lavant mes pensées complexes, je soupirai d'un air las. Cette situation me fatiguait. Sortant de l'eau, m'enroulant dans une serviette, je passai devant le miroir et mon regard se porta sur les traces de morsure et la trace violacée qui les bordait. Mon teint pâle les faisait d'autant plus ressortir, les couleurs marquaient mon corps, contrastant avec cet air cadavérique.

Ces marques me faisaient encore plus passer pour un monstre.

« Merde ! J'en ai marre de faire gentiment ce qu'on attend de moi et de me brider ! »

Je balançai mon poing dans l'image que me reflétait la surface. Ma main me lançait, je l'abaissai et regardais la fissure que j'avais faite au miroir.

Je restai un instant debout sans plus bouger. La tension accumulée toutes ses années semblait remonter et devenir difficile à gérer ces derniers temps. Il faut dire que ma situation était totalement chamboulée.

Un soupir quitta à nouveau mes lèvres. Une chaude sensation parcourant mon poing me fit réagir. Je baissai les yeux et vis que j'avais vraisemblablement ouvert mes phalanges.

Un bruit de claquement de porte juste derrière moi me fit tourner la tête. Je tombai nez à nez avec Ayato.

« Bah tiens, je me demandais quand tu allais venir toi. Tu as dû être attiré par mon sang et ça a achevé de te convaincre de venir, je me trompe ? »

Il lâcha un « tch » entre ses dents, déçu que je lui gâche le plaisir de me surprendre. Puis alors qu'il allait s'approcher davantage de moi pour profiter de mon sang, il s'aperçut de ma « tenue ».

Son regard se perdit un instant et, alors que je n'avais plus entendu de pensées depuis le début de la journée, j'entendis les idées déplacées qu'il eut et qu'il tenta de réprimer. Je ressentis son conflit intérieur et, sans le montrer, cela me procura un frisson de peur, de savoir qu'il était à mi-chemin entre la bête assoiffée de sang et le pervers sadique. Pourtant il semblait y avoir cette lueur de sagesse, ou je ne sais quoi en lui, qui le poussa à ne rien faire, se contentant de laisser ses joues s'empourprer.

L'envie de profiter de la situation me prit, quitte à provoquer une réaction néfaste pour moi. Je préférais réagir que d'à nouveau jouer gentiment la biche effarouchée. Je devais commencer à perdre la raison.

« Ayato, t'es puceau ? »

Sa réaction ne se fit pas attendre, il me fixa dans les yeux d'un air froid et décontenancé.
Cela me fit doucement rire.

Je savais que j'allais le regretter.

Avant qu'il n'agisse, j'attrapai vivement mes vêtements à ma gauche sur le petit meuble et fonçai hors de la salle de bain. Je m'habillai en chemin, par chance je ne rencontrais pas l'un ou l'autre des frères, et je courrai au salon.

Une chose est sûre, j'allais être en bonne condition physique ici à force de courir ! Enfin, hormis l'anémie.

Arrivée dans la « pièce de vie » - quelle ironie pour des vampires qui ne sont pas en vie, et même encore plus froid entre eux que leur température corporelle- je vis Reiji, assis tranquillement en train de lire.
Mon entrée en scène le déconcentra dans son instant paisible.

« Tiens, bonsoir.
- Bonsoir Reiji. »

J'étais toujours quelque peu étonnée du contraste de politesse entre Reiji et ses frères. Bien que froid, et relativement tranchant dans ses propos, il mettait toujours les formes.

Reiji me fixa d'un œil, ses pensées me guidèrent pour me souvenir que l'on devait reparler de « l'incident » de la veille. Je ne savais pas comment expliquer le nœud qu'était devenu peu à peu ma vie, encore moins comment dissimuler mes pouvoirs tout en donnant une justification cohérente à ce qu'il s'était passé.

Je m'assis sur le canapé en face de lui, cherchant toujours mes mots. Du coin de l'œil, je perçus Ayato arriver, s'étant apparemment remis de ses précédentes émotions contradictoires, apparemment dominé par la colère de s'être ainsi laissé avoir.
Je reportais mon attention sur Reiji, chaque chose en son temps.

« Désolée de vous avoir dérangé, je sais que c'est peu dire pour des vampires perturbés dans leur bourgeoisie, mais tout de même. Cette histoire est bien compliquée et j'ignore si j'ai vraiment envie de vous la partager. Je n'ai pas de réelles raisons de le faire car vous n'avez rien fait pour que j'accède à cette curiosité, et prétendre s'inquiéter pour moi serait juste risible, me décidai-je finalement à déclarer. »

Reiji m'écouta, toujours avec cette distance presque oppressante qu'il mettait entre nos conditions.

« Non seulement tu ne m'apprends rien sur la situation qui a lieu dans notre demeure, mais en plus tu nous prends de haut. J'ignore si tu es sotte ou mal éduquée, mais il va falloir y remédier.
- Je ne suis ni l'un, ni l'autre, j'ai seulement un caractère différent de monsieur-pète-plus-haut-que-son-cul. Mon état ne concerne que moi, le fait que je vive dans ce manoir ne te donne pas un passe-droit sur le savoir de la vie privée.
- Bah alors Reiji, tu te retrouves avec une effrontée ? Tu nous as déjà remis à notre place pour moins que ça. »

Ayato se délectait de la tension naissante. Non seulement curieux, d'après ce que j'entendais dans ses pensées, mais aussi blessé dans son égo, il n'hésitait pas à remettre de l'huile sur le feu pour assouvir son désir de nuire et son avidité d'informations.

« Ayato, je n'ai pas besoin que tu viennes t'immiscer dans une conversation pour me dire ce que je dois faire.
- Ouais ouais, sinon Raito a déjà réuni des infos intéressantes sur elles.
- Pardon ? »

Je craignais le pire sur ce que Raito avait pu trouver. Comment avait-il pu être aussi rapide à réunir des informations qui étaient censées être cachées ? Je sentais mes yeux me piquer.

« Qu'a-t-il trouvé de si « intéressant » ? Questionna Reiji en remontant d'un doigt la monture de ses lunettes.
- Maintenant tu prêtes attention à ce que je dis ? Mouais, j'sais pas si j'ai envie de te le dire. »

Pour une fois que leurs querelles me sauvaient la mise.

« Que veux-tu ?
- Passe moi une de tes potions, enfin je choisirai laquelle bien sûr. »

Reiji soupira, « cela n'est pas cher payé après tout » pensa-t-il.

« Très bien. Alors que sais-tu ?
- Je suis toujours là vous savez ?
- D'après Raito, elle n'est pas tout à fait humaine. »

Non seulement ils m'ignoraient mais en plus, Ayato se délectait de ma stupéfaction. Mes yeux me piquaient de plus en plus, pas bon signe.

« Vraiment ? Cela n'explique pas grand-chose, tout en rendant compréhensible certaines situations.
- Bon j'ai compris ! Hier, un pouvoir s'est éveillé à moi et ça m'a fait un mal de chien ! Satisfaits ?! »

Ayato ricana, victorieux de ce petit jeu qu'il avait lui-même instauré pour se venger. Reiji sembla réfléchir. Il garda son air détaché, ce qui m'impressionna d'autant plus. Son sang-froid était à rude épreuve.

Excédée par le comportement de plus en plus grotesque d'Ayato, j'allais exploser quand Raito fit son apparition- au sens littéral du terme.

« Hellooo ! Oh Bitch-chan, tes yeux sont d'une couleur magnifique ! Ce ciel orageux qui semble se déchaîner dans ton regard, ahhh ça ne me laisse pas indifférent.
- Franchement, la ferme baka ça vaut mieux. »

L'air moqueur d'Ayato s'intensifia face à ma réaction prévisible, en revanche, il parut toujours aussi dégoûté par l'attitude de son frère. Il préféra l'ignorer, et se concentra sur mes yeux.

« Je m'attendais à plus impressionnant quand tu m'en as parlé Raito.
- Fufu, à quoi t'attendais-tu ? A ce qu'elle t'ensorcelle~ ? Mais enfin ce n'est pas une enchanteresse. En revanche, c'est une voyeuse qui espionne nos pensées les plus intimes.
- Pardon ? »

Reiji prit part à la conversation à la suite de la révélation de Raito. J'étais plus qu'étonnée qu'il sache cela alors que je n'en avais jamais parlé.

« Ce nouveau pouvoir qui s'est déclenché à notre contact, lui permet de lire nos pensées. Apparemment cela ne lui plait pas beaucoup et elle n'assume pas fufu. »

Comme son frère, Raito se délectait de voir mon visage se décomposer.

Reiji mit fin à la pression que les jumeaux me mettaient par une simple phrase.

« Ce sera à surveiller, ne t'avise pas d'espionner nos pensées et apprends rapidement à bloquer ce pouvoir ou nous t'y contraindrons. »

J'hochai la tête gravement, pas par obéissance mais plutôt par détermination, bien sûr que j'allais apprendre à maîtriser ce pouvoir pour qu'il ne me nuise pas, en revanche je me fiche qu'il leur nuise.

Ce sujet étant clos, je décidai à présent de régler mes comptes avec Ayato.

« Tu as l'air de t'être bien remis de tes émotions le rouge.
- Ahhh ? De quoi parles-tu Bitch-chan ?
- Damare ! »

Ayato recommença à s'agiter en grognant de mécontentement, cherchant apparemment une façon de me faire payer sa gêne.
Je décidai de jouer un peu tant que j'étais en position de force.

« Disons qu'Ayato semble découvrir l'anatomie féminine et agit comme un adolescent prépubère.
- Fufu, cela ne m'étonne pas de lui ! Ayato-kun, tu es gêné ?
- Il est venu en sentant l'odeur de mon sang après que je me sois blessée tout à l'heure. Sauf que j'étais en serviette, il n'avait vraiment jamais vu de fille à moitié à poil ?
- Il n'a jamais été intime avec une fille.
- Oï je suis là !
- Oh pardon je t'avais oublié le rouge. »

C'était à mon tour de me délecter de ses réactions. Raito semblait amusé de mon humour et de ma manière de retourner les situations.
Ayato quant à lui, était à nouveau en colère.

« N'en venez pas aux mains, ça serait fatiguant et je serai obligé de bouger, grommela Shuu qui visiblement était affalé au sol au fond du salon. »

Reiji soupira, accablé par la réaction de Shuu.

« Pour en revenir aux faits, je n'étais en rien gêné ou choqué ! Seulement surpris !
- Mon cul te surprend ? Je vais prendre ça bien. »

Raito explosa de rire et au loin je surpris même Shuu esquisser un sourire. Reiji, de plus en plus excédé, finit par quitter les lieux.

« Stop aux grossièretés. Au vu de l'heure, je vous conseille d'aller vous préparer en vitesse. Nous partons au lycée dans dix minutes.
- Reiji, la voix de la sagesse.
- Et du balai coincé dans le postérieur... »

J'avais murmuré mes paroles, me laissant beaucoup plus aller à présent par rapport à hier. Taper dans mon miroir semblait m'avoir fait relâcher un peu la pression.

Reiji me foudroya du regard, mais se reprit bien vite.

« Je n'aurai même pas à te punir, le karma se charge de toi à ma place. Je vais éclairer ta lanterne : étant des créatures de la nuit, nous allons donc au lycée à des horaires nocturnes. Or étant donné que tu vis avec nous à présent, tu dois te conformer à nos normes. Nous avons étudié ton dossier scolaire, nous savons donc que tu as été renvoyée de ton précédent lycée, et que tu allais entrer en deuxième année. Au vu de tes résultats, un simple rattrapage par mes soins de la fin de ton année de premier grade suffit au directeur pour te faire passer en deuxième année. Tu seras donc dans la classe d'Ayato et Kanato. »

Sa dernière phrase eut l'effet d'une bombe. Ayato et moi réagîmes au quart de tour.

« PARDON ???
- Non seulement je dois me choper l'hystérique au quotidien mais en plus maintenant je vais devoir surveiller la poche de sang toute plate sur patte ???
- Vous n'avez pas le choix, c'est ainsi. Dépêchez-vous d'aller vous préparer. Anju, ton uniforme est sur ton lit. »

Sur ces mots, il partit finir de se préparer. Contraints, nous dûmes nous aussi partir dans nos chambres, aux risques de nous attirer les foudres- ou les fouets au vu de ses pensées- de Reiji.

L'heure suivante passa très vite. Une fois prêts, nous montâmes dans une limousine simple mais classieuse, montrant ostensiblement aux autres l'importance de la lignée des Sakamaki. Nous fûmes arrivés une vingtaine de minutes plus tard, après un silence pesant pendant tout le trajet.
A peine sortis de la voiture, les vampires s'étaient évaporés les uns après les autres, me laissant seule et perdue dans l'inconnu.

Je dus passer à la scolarité pour expliquer ma situation délicate, afin qu'on me remette mon emploi du temps et qu'on me conduise au cours du début de la nuit.

Tous ces changements me fatiguaient grandement. Si je n'avais pas encore montré de signe de fatigue, c'était bien parce que je n'en avais pas eu le temps. Même mon esprit débordé n'arrivait pas à se concentrer sur les bribes de pensées des étudiants autour. Heureusement.

La dame qui m'avait gentiment expliqué toute la procédure de transfert que l'on m'avait visiblement épargnée, me conduisit à ma classe. Après avoir toqué brièvement, nous entrâmes et je détaillai les élèves qui semblaient reconnaissant de la distraction à leur cours ennuyeux. J'aperçus Kanato devant, bien droit sur sa chaise, puis au fond une tête rouge semblait dormir sur son pupitre. La responsable pédagogique qui m'avait prise en charge m'introduisit à la classe comme la petite nouvelle, et le professeur me laissa me présenter. Gênée par tant d'attention, je sentis mes joues chauffer et je balbutiai quelques mots.

« Bon...bonsoir... Je suis Anju Itadashi, j'espère que vous me traiterez bien... »

Je m'inclinai puis filai à la place que le professeur me désigna, avant de m'apercevoir avec désolément que je n'étais pas bien loin d'Ayato, au fond de la classe.

A peine la sonnerie résonna que je sentis une main me tirer avec puissance dans le couloir. Je n'eus pas le temps de réagir que je me retrouvai bloquée contre le mur d'un couloir déserté des étudiants. Face à moi, le rouge.

A peine mes pauvres neurones remis en marche, la stupidité de mes réflexions futiles revint à l'assaut.

« Pourquoi me bloque-t-on toujours contre un mur ? Pourquoi toujours les murs ? Pensai-je. »

Mais une question bien plus importante, que je n'eus le temps d'arrêter puisqu'Ayato s'approchait déjà pour me mordre, passa mes lèvres.

« Ayato, pourquoi moi ? »

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