Chapitre 34: La dague en argent
La lune était haute dans le ciel et les plus téméraires restaient à l'intérieur. Ce n'était pas n'importe quelle lune. C'était la lune de sang.
La particularité de celle-ci était que les vampires s'y sentaient vulnérables, ou plutôt, les sangs-purs s'y sentaient vulnérables. C'était moins vrai pour les « impurs » comme les Mukami, qui n'étaient que peu affectés par les changements lunaires et qui pouvaient tout aussi bien vivre en plein jour, ils en avaient l'habitude en tant qu'ex-humains.
S'il voulait se respecter, le benjamin de la famille Sakamaki resterait à l'intérieur. La plupart de ses frères était d'une humeur massacrante et heureusement pour eux, la seule « humaine » du manoir était férocement gardée. Du moins c'est ce qu'ils pensaient jusqu'à ce qu'ils sentent l'odeur du sang et celle d'Anju changer. Mais ils se doutaient que cela finirait par arriver, et ayant vu l'état de la jeune femme, la plupart des habitants devaient se dire que c'était la meilleure solution. A présent elle devait être en train de se changer en vampire elle aussi. La beauté éternelle d'une poupée, ses yeux changeants souligneraient sûrement son anormalité enivrante.
Pourtant, cela ne faisait que torturer d'autant plus le vampire aux cheveux blancs. A présent dans les allées de rose, il s'était à nouveau laissé assoiffer, refusant de boire du sang, ce goût qu'il voulait ignorer.
La douleur d'une nouvelle pulsion le fit tomber au sol. Une main sur sa gorge, l'autre sur son cœur, il se rappela la dernière fois que cela lui était arrivé. Il était au château, il revenait de voir sa mère. L'humaine qui vivait alors avec eux en tant que mariée sacrificielle était Yui, une adolescente de dix-sept ans qui n'avait pas eu d'autres choix après que son père adoptif, chasseur de vampires, l'avait abandonnée ici par suite d'une sordide affaire.
En le voyant étendu et souffrant dans les allées du château, elle s'était inquiétée. Elle s'inquiétait toujours. Quoi qu'il ait pu en dire à l'époque, il l'avait aimée.
Subaru, contrairement à ses frères, détestait être un vampire. Il détestait même sa propre existence. Comment pouvait-il être autrement quand même sa propre mère semblait le voir comme un monstre ? Sa pauvre mère qui avait été conduite à la folie par sa faute, par sa présence. Non... c'était aussi la faute de son père ! Ce crétin...Il le ferait douiller, ça c'était sûr !
La pulsion forçait Subaru à rester au sol et souffrir. Il n'avait que deux possibilités : attendre jusqu'à la prochaine crise, ou se procurer du sang immédiatement. La deuxième solution semblait inenvisageable étant donné qu'il n'avait pas même assez de force pour se redresser.
Alors une fois de plus il se résigna.
Son environnement était embrouillé, les sons, les lumières, tout semblait se confondre.
« ...a ? H.. ! ..u ...entends ? »
Relevant la tête du mieux qu'il pouvait, Subaru distingua une silhouette penchée vers lui. Sentant la douleur qui lui enserrait gorge et cœur s'apaiser peu à peu, il put se concentrer à nouveau sur son environnement.
« Hey ! Bordel tu m'écoutes ? T'es conscient au moins ? »
Une jeune femme, dont il ne vit au début que les tatouages argentés, semblait lui tendre la main.
« Bah mon vieux, t'as pas l'air en forme. T'as besoin de sang ? »
Rhin l'observait curieusement, considérant son expression crispée et dégoûtée dès qu'elle eut prononcé le mot 'sang'.
« Fous moi la paix... »
Ayant eu peine à articuler ces simples mots, Subaru lâcha un grognement de douleur. Sa voix était rauque, brisée.
La démone eut un rire sans joie.
« Comme si j'allais t'écouter. Debout. Ou si tu peux pas accepte mon sang. Je vais pas attendre trois plombes alors grouille-toi. »
Voyant l'incapacité du plus jeune à se mouvoir, la fille d'Hadès se coupa le poignet et le lui tendit.
« T'as pas intérêt à refuser, c'est un honneur que je te fais. »
Voyant le sang ainsi présenté devant lui, Subaru rompit sa propre promesse et attrapa la main de la brune. Il s'y accrocha aussi fort qu'il put, buvant tout en essayant de se maîtriser. Il détestait cette part de lui.
« Lâche toi, c'est pas comme si j'avais la fragilité d'un humain. Je me casse pas si facilement moi. »
Le temps s'écoula. Subaru finit par lâcher le poignet et ses yeux se fermèrent un instant.
« La vache, t'es vraiment faible. T'as pas l'air d'avoir bu depuis des lustres et même maintenant t'es encore plus pâle que la normale. Bon je vais t'aider à te relever. T'as intérêt à être reconnaissant quand t'iras mieux ! »
Agissant un peu comme Ayato dans sa mauvaise foi, Rhin releva d'un bras Subaru, passant son bras au-dessus de ses épaules et le remettant sur ses deux pieds.
Pourtant quelques instants après, Subaru se dégagea brutalement. Le geste était si brusque qu'un tintement métallique se fit entendre.
Les deux regardèrent à leurs pieds, surpris.
« Hm ? C'est quoi cette dague ? »
Alors que Rhin se penchait pour la récupérer, Subaru la récupéra à toute vitesse.
« Un objet important pour moi. »
Les deux se toisèrent. Rhin considéra également le retour de la force de la tête blanche face à elle.
De son côté, Subaru se battait contre lui-même. Sur un coup de tête, il tendit la main tenant la dague à Rhin.
« Prends-la et garde-la. Mais laisse moi te dire la raison. Tu n'as pas intérêt à y redire quoi que ce soit. »
Rhin pencha la tête sur le côté, tout ouïe mais également intriguée. Elle prit sans hésiter l'arme blanche.
« Comme tu le sais, les armes en argent peuvent tuer les vampires de sang pur. Garde-la et tue-moi n'importe quand si tu le veux. Mais si je deviens un monstre sanguinaire, n'hésite pas. Je laisse ce pouvoir entre tes mains. Fais-en bon usage. »
Sans un mot de plus, le plus jeune s'était volatilisé. C'était une marque de confiance qu'il espérait ne jamais regretter. Cette arme qui l'avait accompagnée depuis qu'il était jeune, qui lui avait apportée tant de souffrances... Elle était désormais entre ses mains.
Rhin n'avait rien trouvé à redire et se contenta de considérer la dague dans ses mains. Elle se disait qu'elle n'en aurait pas eu besoin pour le tuer si elle le voulait vraiment étant donné ses origines, mais un sourire effleura ses lèvres.
« He, c'est la lune qui le rend si romantique ? C'est la marque des vampires de vouloir être tué par l'être aimé. »
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