Chapitre 10 : René
J'ai eu la sensation que j'allais regretter cette soirée lorsqu'elle a commencé à parler de mon connard de père, mais finalement les choses s'arrangent. Elle semble avoir compris par elle-même que ce n'était pas un sujet à aborder et tant mieux !
Nous parlons de tout et de rien et je dois avouer qu'elle est de meilleure compagnie que je ne veux bien l'admettre. Je ne prends jamais le temps de discuter avec les femmes que je mets dans mon lit. À quoi bon ? Elles partent au petit matin.
Je ne fais plus le gentil avec les filles, en premier lieu parce que, malgré ce qu'elles disent, elles aiment les connards. Dans un second temps, tout simplement, pour ne pas souffrir. Si je m'accroche, elle peut prendre le dessus sur moi et il en est hors de question. Alors que la serveuse amène nos plats, je la vois hésiter puis se lancer :
— Euh... Je voulais te dire un truc...
Pourquoi tergiverse-t-elle autant ? Elle me regarde et elle est encore plus rouge qu'une tomate. Qu'est-ce qui peut la mettre aussi mal à l'aise ? Elle reprend tout bas, si bien que je dois tendre l'oreille :
— Tu dois avoir l'habitude que les autres couchent rapidement. Vu ce que t'as dit à la fille à la soirée, tu es sûrement du genre, bonjour, on couche, au revoir... Mais je ne suis pas comme ça. Je suis encore vierge.
Elle baisse la tête et ne me regarde pas. Prostrée ainsi sur sa chaise, on dirait une enfant qu'on vient de gronder et cela me touche. Je repousse cet élan de tendresse et lui dis simplement :
— Et ? Ce n'est pas grave, ne t'inquiète pas. On ira à ton rythme.
Je ne pense pas un traître mot de ce que je lui raconte, mais je ne peux pas lui sortir « je m'en fous, je te veux dans mon lit cette nuit ». En commençant ce petit jeu, je savais que je ne pourrais pas la baiser le premier soir, mais on ne sait jamais.
En lui faisant croire au prince charmant, j'arriverai plus rapidement à mes fins. Et pouvoir lui retirer sa virginité et la modeler à mes goûts pour qu'elle fasse ce que j'aime sera jouissif pour moi. . À la fin de cette réflexion, je m'insulte mentalement de salaud, je critique mon paternel mais je ne suis pas mieux au final. Enfin si, moi je ne tabasse pas les femmes.
Penser à lui m'irrite et je ne suis, de nouveau, plus d'humeur à discuter de la pluie et du beau temps. Elle semble le remarquer car elle s'arrête et me regarde attentivement. Je n'ai qu'une envie : l'envoyer chier et lui demander quel est son problème. Mais avant qu'un son ne sorte de ma bouche, elle me dit calmement :
— Ça va ? Tu n'aimes pas ce que tu as commandé ?
Elle doit bien se douter que ce n'est pas ça, mais une nouvelle fois elle évite de me forcer à parler d'un truc dont je n'ai pas envie. Je décide de jouer franc jeu et de lui répondre :
— Si ça va, je pensais à mon géniteur. Et ça a tendance à m'énerver !
Elle fronce les sourcils l'espace d'un instant puis plonge ses yeux dans les miens et me demande :
— Pourquoi tu ne l'aime pas ?
Je ne m'attendais pas à ce genre de question. Je hausse les épaules et réponds simplement :
— Je l'aime pas, c'est tout. C'est le pire des connards qu'il soit.
Elle acquiesce mais ne dit rien. Elle va sûrement penser que je suis un pauvre gamin faible qui pleure parce que son papa lui a pas offert le dernier jouet sorti, la réalité est bien plus dure. Elle se tait et mange pendant plusieurs minutes avant de reprendre :
— T'as déjà voyagé ? Moi je rêverai de visiter la France.
— Si on peut dire ça comme ça, j'ai fait un échange scolaire quand j'étais au collège. Notre village est jumelé avec une ville française du nom de Brou et tous les deux ans, il y a un échange. L'un d'eux vient chez nous et puis pendant une semaine nous y allons.
Elle semble contente car elle continue de poser des questions sur ce sujet. Je suis satisfait, au moins on ne parle pas de mon père.
— C'était bien ?
— Ouais. Enfin le mec sur qui j'étais tombé ne faisait pas grand-chose alors j'ai pas pu en voir autant que je voulais. En une semaine, on a seulement été voir un parc qui s'appelle « France miniature ». Tu ne l'as pas fait toi ?
— Non, mes parents ne pouvaient pas recevoir un jeune au moment où ça se faisait, dit-elle morose.
— T'as pas raté grand-chose, c'est la campagne Brou. Enfin, c'est pas comme si Frankenberg était une grande ville.
— Je suis pas d'ici, je viens de Berlin de base. Et l'échange se faisait avec Tourcoing, une ville dans le nord.
— D'accord. Qui sait ? Tu pourras toujours y aller en vacances plus tard. Mais du coup pourquoi tu es venue ici ?
Jamais je ne serais venu m'enterrer dans ce village paumé si j'avais la possibilité de vivre dans la capitale.
— Avec Maria on a trouvé un patron pour faire un Fachhochschuldiplom1 en alternance ici. Il nous avait dit qu'il nous garderait, mais il ne l'a pas fait.
— Ah. Et dans quel domaine ?
— Secrétariat, comptabilité.
Lorsqu'elle me dit ça, je pense directement à la boîte de mon père. C'est moi qui suis obligé de jouer les réceptionnistes, alors s'il pouvait l'embaucher je serais tranquille et pourrais réellement me concentrer sur la mécanique.
Mais à quoi je pense ? Depuis quand je fais en sorte qu'une fille bosse avec moi ? On sait tous que ça ne peut apporter que des problèmes. Le jour où j'en ai marre je fais comment ? Alors que je me prends la tête pour savoir si oui ou non, je devrais parler d'elle à mon père, je l'entends répéter mon prénom, sans pour autant redescendre de mon nuage.
— René ? .... René ?
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