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   Elle poussait le bouchon trop loin, cependant, j'éprouvais du plaisir en constatant qu'on se trouvait sur la même longueur d'onde. Elle m'en voulait et elle m'arracherait la peau avec ses ongles, si l'occasion se présentait. Mais, elle comprenait, et cela me suffisait. Pour jouer le jeu, je me tournai vers Sarah avec un semblant d'espoir. Elle bégaya et sans surprise, renvoya la décision à grands coups de : « On verra ».

— Nous sommes fiancés, glapit-elle.

   Après avoir sautillé dans toute la pièce et donné une accolade à Jennifer, elle trouva que cela ne faisait pas trop réel sans la bague et décida d'aller la chercher. Sans oublier de verrouiller la porte. Jennifer ne perdit pas de temps et m'assuma avec tout ce qui venait de son cœur et de sa main. Entre deux coups d'oreiller et quelques insultes, je lui partageai ce qu'elle savait déjà et essayai de la convaincre.

— Mais on n'a qu'à trouver le bon moment pour lui sauter dessus.

— Et tu crois que c'est en la mettant en colère qu'on le trouvera ? Et bon sang, qu'est-ce qui te prend à vouloir venir aux mains ? À croire que tu es jalouse de Sarah.

   Cela la choqua, ou elle fit semblant.

— Moi, jalouse. Tu rigoles ?

— Alors, comporte-toi bien et fais-moi confiance. J'ai un plan qui peut nous tirer d'ici sans recourir à la force.

   Comme Sarah tardait, je l'expliquai  qu'on le jouera à la mode ninja. Elle semblait vouloir me cracher dessus et son exaspération était plus que visible.

— Et pour les codes ?

   Les codes ! Je lâchai que je les obtiendrais, sans préciser le facteur chance.

— Explique-moi !

— À chaque touche, ça lâche un son différent. Avec le temps, je pense être parvenue à mémoriser la séquence. Reproduire la partition, c'est reproduire le code.

   Elle m'informa que c'était du grand n'importe quoi. Trop tordu, compliqué et hasardeux comme plan. Et elle ne savait pas à quel point. Jamais je n'avais entendu celle de la porte principale. Je ne faisais qu'espérer pour qu'elles soient les mêmes. Peut-être qu'elle avait raison et que je devrais abandonner cette voie-là. Mais comment résilier l'unique solution. Tordue, compliquée et hasardeuse certes, mais diplomatique. Ma profession devait être pour quelque chose. Toujours là à chercher un terrain d'entente qui satisfaisait tout le monde. J'aurais voulu la redemander de me faire confiance, mais Sarah apparut avec sa foutue boîte qui devait valoir une fortune. Elle la mit dans le creux de ses seins et se tordit les lèvres. Jamais je n'avais demandé quelqu'un en mariage. Néanmoins, la propagande hollywoodienne m'implantait quelques éléments indispensables.

   Je la lui arrachai en mettant en sourdine les questions comme : « sais-tu au moins ce que tu fais ? » Ou « pourquoi tant de cinéma ? Tu vas le regretter ». Un genou à terre, j'ouvris la boîte qui cachait l'objet de tant d'effroi. La bague brillait de mille feux. Mes doigts tremblaient désormais et détail gênant, j'avais très grande envie d'aller aux toilettes. La raison pour laquelle ça me stressait autant m'échappait. On dirait que le simple jardinier du château se préparait à demander la princesse en mariage. Respire, calme-toi et soit convaincant (mais pas trop quand même).

   Je révélai la tête vers Sarah qui me tendait ses doigts très manucurés (à prendre comme une insulte). Je parvins à stabiliser l'anneau entre mon index et mon pouce et jeter la boîte près du lit. Mon regard s'attarda sur les pans de sa robe qui flottait, avant de saisir sa main et lui enfiler cette chose une bonne fois pour toutes. Néanmoins, elle la retira et me demanda de recommencer avec une touche de galanterie et de romantisme. Voulait-elle que je l'enfile en le tenant avec ma bouche ? Je décidai tout de même d'utiliser des mots qui faisaient tilt dans le cœur d'une femme amoureuse. Je vantai sa beauté que nulle femme ne possédait, sa douceur qui cachait tant de folie, son intelligence meurtrière et surtout son sens des affaires.

   Sans grande surprise, ça la plu et elle répondit qu'elle acceptait : avec le plus grand bonheur du monde. Ses doigts accaparèrent mes joues avant de me forcer à me relever pour un lavage de gueule mémorable qui ravivait des douleurs oubliées. Les douleurs de ma gueule pétées pour être plus exacte. Toutefois, je la laissai me traiter comme son petit jouet et attendis que sa mâchoire la fasse mal.

— Tu ne sais pas à quel point tu me rends heureuse, chantonna-t-elle en s'accrochant à mon cou comme on le ferait avec un poteau.

— Alors c'est bien. C'est tout ce que je veux. Je veux que tu te sentes bien tout le temps.

   Jusqu'à sombrer dans un sommeil féerique tandis que je tâcherai de filer en douce et partir loin de toi pour toujours. Peut-être pas si loin vue que je serais démangée par une furieuse envie d'intenter un procès que tu ne mériterais que trop bien. Connaissant les juges, malgré leur sérieux exemplaire, ils m'auraient ri au visage. L'affaire prendrait une ampleur médiatique et je deviendrais aussi célèbre que le divorce d'Amber et Jhonny. Il était trop tôt pour spéculer sur ces genres de propos. Pour l'instant, il fallait trouver une ouverture et prier de toute mon âme.

   Elle voulut m'embrasser à nouveau, mais c'était la goutte de trop. Je lui lançai une petite pique vis-à-vis de son geste d'hier soir et la notifiai que ça faisait mal. Elle parut triste, mais ne s'excusa pas. Une manière bien à elle de garder sa fierté et de faire savoir que je l'avais tout de même cherché. Comme tous les coups qu'elle me donnait d'ailleurs.

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