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   Du sang combla ma bouche. J'en ressentais une rage si folle que ma voix coinçait dans ma gorge. Là, à regarder Sarah qui appréciait les résultats de son acte. Cette fois, elle resta fidèle à elle-même et ne s'excusa pas. Elle me sermonna un monologue à propos de ses foutus sentiments, mais ses boutades m'importaient peu. Tout ce qui naissait de sa bouche m'importait peu. Je préférai attendre le point final pour qu'elle puisse aller me coffrer. Elle ne me donna même pas un petit glaçon pour nettoyer la blessure. Quand elle me clôtura dans la chambre où Jennifer faisait semblant de ne pas me voir, j'aboyai toute ma rage et mon épuisement.

   Jennifer finit par se lever pour me regarder avec des yeux nostalgiques. Ce regard, pourtant, n'eut pas l'effet qu'elle aurait pu avoir il y a quelques heures. Parce que là, maintenant, j'étais une bête sauvage qui laissait libre cours à son instinct. Ce dernier me dit de déchirer ce foutu costard qui me grattait, mais les menottes m'en empêchèrent. Ce qui me mit plus en rogne. Alors je cognais la porte de toutes mes forces jusqu'à m'épuiser et finir le cul sur le sol froid. Des larmes bousculèrent mes paupières et me prirent de court. Non, il ne fallait pas pleurer. Cela ne faisait pas mal à ce point-là. Jennifer ne devait pas penser que le karma me rendait la monnaie de ma pièce. J'enfouis mon visage entre mes jambes. J'avais besoin de disparaître, de me désintégrer. Et quoi de mieux que l'obscurité qui s'apparentait à ces désirs. Pour la première fois, le petit interrupteur au-dessus de la porte retint mon attention. Je la descendis et les ténèbres engloutirent la pièce.

   Je ne pleurai pas longtemps. Deux minutes plus tard, je me sentais bien et ressentais cette fierté quand on avait fait ce qu'il fallait. Souvent, la vérité était dure à entendre, mais elle seule, valait la peine. Je rejoignis le lit en demandant à Jennifer de se pousser un peu. Le poids de mon corps se révéla trop lourd pour moi et la nuit s'annonçait épique pour moi. Essayer de dormir avec un costard dans une chambre d'une petite fenêtre en plein été pour voir.

— Cela ne me regarde pas, entama Jennifer au moment où je m'y attendais le moins. Mais qu'est-ce qui s'est passé ?

— Oh, comme ça, tu as eu peur pour moi ? Ça me touche beaucoup.

— Ne me fais pas regretter de t'avoir adressé la parole s'il te plaît.

   J'hésitai entre sortir une autre blague marrante ou reprendre le sérieux et le ton sombre que méritait le dialogue.

— Il s'est passé que j'ai refusé de devenir fiancé et que j'ai dit la vérité. On dit qu'elle fait mal, ce n'est pas faux.

   L'intérêt de Jennifer grimpa des sommets. Je lui sortis alors tous les petits détails du dîner romantique avec Sarah. Les bougies, les pétales, ses plats de boîtes de conserve, sa demande, tout... Une fois arriver à : « et elle vint me remettre dans ce trou » le silence reprit ses droits, assurant à l'obscurité cet aspect apaisant et dangereux.

— Tu es qu'un connard en fait dit Jennifer.

— Comment ça ?

— Pourquoi prendre tout ce risque si tu savais qu'elle pouvait te tuer ?

   En fin de compte, elle s'inquiétait pour moi. Et cela me fit plus de mal que de bien. Je ne méritais pas autant.

— Il fallait sortir mes quatre vérités. J'ai couché avec elle, c'était un fait, mais...

   Je bougeais pour me coller à Jennifer, de manière à penser que c'était par inadvertance. Impossible de dire si cela me fit sentir bien, mais cela me donna la force de poursuivre.

— Mon cœur était déjà pris. En tout cas, j'y croyais. Donc tu vois, tu as mille fois raison. Je suis qu'un connard. Désolé Jenn.

   Les états seconds et moi ne fondions plus qu'un dans cette maison. J'étais si pris dans mon racontar que j'avais oublié la douleur de ma lèvre fendue. Elle ne tarda pas de me le rappeler et me força à la fermer. Jennifer ne répondit rien et laissa Morphée m'emporter avec tous mes soucis. Contre toute attente, mon sommeil fut paisible. Pas de cauchemar. Pas de réveil subit... Même la chaleur n'arriva pas à m'inquiéter. Quand j'ouvris les yeux le lendemain, je me sentais bien. Bien sûr, mes lèvres enflées reprirent le flambeau en chantonnant : « n'oublie pas ta situation. » Un peu dans les vapes, je ne remarquai pas le lit vide et le regard prononcé que Jennifer me lançait, appuyé au coin du mur. Sa voix finit par émerger.

— Bon, j'espère que tu ne vas pas te mettre à chialer. Sinon, c'est moi qui te tue.

   Je m'appuyai sur le lit en lui disant qu'un bonjour aurait été bien mieux et qu'elle ne devrait pas trop abuser de sa jambe.

— Tu vas m'épargner tes précieux conseils. Je ne vais pas aussi mal que ça.

   Je souriais à cette réponse.

— Écoute Apollo, si on reste ici, on va finir par y passer.

   Sa voix effaça ma bonne humeur et m'amena à adopter une posture plus sérieuse. La crainte se lisait sur son visage et elle avait raison. Je n'en doutais plus désormais.

— Oui je sais.

— Il va falloir faire quelque chose pour sortir d'ici. Es-tu avec moi ?

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