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   Je penchai la tête pour voir ses cheveux noirs et sa mâchoire ferme. Qu'elle était belle ! J'avais bien envie de sucer chaque recoin de son corps. Ne mets pas plus d'huile sur le feu. Mon sommeil fut agité. Dans les moments d'émergences, je me prélassais du contact avec Jennifer qui dormait. Mes doigts parcouraient avec prudence ses bras comme s'ils étaient jonchés de mine. Ces dernières risquaient d'exploser à tout moment, ce qui me ferait passer un sale quart d'heure. Je pratiquai cette activité durant une éternité, mais je finis par m'en dormir. À mon réveil, Jennifer était déjà réveillée. Ses yeux fixaient le plafond et ne voulaient pas le lâcher. Ils semblaient rouges, comme si elle venait de pleurer, mais je ne voulais pas m'attarder sur ce détail.

   Sûr de ne pas la brusquer, je la saluai. Elle prit tout son temps pour dénier me répondre.

— Salut !

   Je ne demandai pas plus et me levai du lit en voulant m'étirer. Mais les menottes me rappelèrent d'y aller mollo. Les yeux de Jennifer fixaient toujours le plafond avec cette insistance qui me donnait la sensation d'être invisible. La voir comme ça me calcinait le cœur.

— Ça va ? finis-je par demander.

— Bien sûr, pourquoi cela n'irait pas ? Tout roule comme sur des roulettes.

   Je me rappelai la peur d'hier soir. Non, impossible que Sarah puisse être derrière la porte, une oreille plaquée sur la paroi, en attente d'un mot mal placé. Malgré tout, je préférai ne pas courir le risque et me rapprocha de Jennifer pour parler dans des murmures.

—  Il ne faut pas t'en faire. On va sortir d'ici.

   Elle mit ses yeux dans les miens. Elle avait bel et bien pleuré.

— Tu sembles être sûr de toi ? Compréhensible, après tout, c'est toi qu'on appelle mon bijou.

   Sa voix s'amplifiait. Cela qui me força à la toucher pour la baissée, mais elle me poussa et hurla de ne pas la toucher. Devant tant d'émotions, je restai muet à observer sa poitrine qui gonflait.

— D'accord, mais calme-toi. Ça m'étonne, je ne pensais pas que tu t'étais attaché à moi à ce point-là.

   L'incompréhension se lit sur son visage avant de pouffer de rire. Ce geste me laissa vaseux. Quelle blague avais-je lâché pour avoir cet effet-là ? Mon humour n'était pas si mauvais.

— Quoi ? Tu crois que ces larmes sont pour toi ? Vous les hommes, vous pensez que tout vous tourne autour ?

Un éclair me frappa en pleine poitrine et l'air de la pièce s'alourdit. Ce retournement de situation me retourna les esprits et quelque chose m'échappa. Mais je n'arrivai pas à savoir quoi.

— Oh ! D'accord, d'accord. Comme tu pleurais, je pensais juste que c'était à cause de moi et de Sarah.

— Arrête de penser.

— Alors pourquoi tu pleures ?

   Elle souffla trois coups.

— Tu es con ? On est enfermé ici, par le grand pouvoir d'une cinglée avec un pistolet chargé et tu me demandes pourquoi ?

   Elle avait raison. Le fait de m'être habitué à la situation me troublait la vue. Ce n'était pas un jeu. On ne pouvait se permettre de traiter quelqu'un comme un vulgaire chien. J'aurais voulu lui promettre encore une fois que rien ne l'arriverait et qu'elle pourra très vite retourner dans son pays pour faire ce que bon lui semble. J'aurais voulu lui dire qu'elle allait pouvoir déguster de la pizza en regardant un coucher de soleil magnifique. Cliché certes, mais ce serait parfait comme cadre. Mais ce serait comme lui donner une autre balle à la cuisse. Non, il faudrait quelque chose de plus subtil, mais d'assez profond pour toucher son âme et assez vrai pour ne pas paraître comme un beau parleur.

— Écoute Jennifer, je ne la laisserais pas te faire du mal. Tu peux me croire.

— Bien sûr.

   Je préférai oublier toute l'ironie dans sa phrase. Et comme un enfant fasciné, je restai accroupi près du lit à tanguer mon regard tantôt sur Jennifer, tantôt sur quelque chose d'invisible. Quand mes pieds me firent mal, je me levai pour faire les cent pas dans la pièce avant de finir par m'appuyer sur le lit. Bordel ! C'était d'un ennui mortel d'être prisonnier. Même la présence de Jennifer ne changeait rien. Le temps se dilatait jusqu'à disparaître. Ma montre me manquait tant.

   Sarah apparut dans la pièce plus rayonnante que jamais. Elle portait un peignoir sur la tête et m'offrit encore un de ses foutus sourires. Pour la forme et pour la flatter, je mimai sa gestuelle et lui mis un petit accent sur sa bonne humeur. C'est dernier temps, il était vrai que son paradis semblait se trouver dans cette maison, séquestrant et en gavant de pizza l'amour de sa vie. Mais à cet instant, quelque chose différait dans son regard. De la joie réelle pouvant être touchée avec les doigts. Elle soutenait sur son dos un costume protégé par du sachet plastique et une petite boîte noire à la main. Elle me fit la bise, salua Jennifer comme si jamais de la vie, elle ne lui avait tiré dessus et s'assit. J'essayai de deviner ce qui se passait dans sa tête, mais je bloquai. Pas par manque d'inspiration, au contraire. Sa folie permettait tant d'hypothèse que je me perdais. Un costume ? Pour faire quoi ?

— Ce soir mon petit Apo, tu vas te faire beau, lâcha-t-elle en me déshabillant du regard.

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