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   Mes sensations restaient incohérentes. Tantôt chaud, tantôt froid. Je riais sans raison valable. Et des fois, l'envie de chialer explosait en moi sans pouvoir comprendre pourquoi. Mon corps vibrait et se baignait dans ce qui pourrait être ma sueur. Mais j'en ressentais tellement que le doute s'invitait dans mes devinettes. Je venais de me réveiller, mais la perplexité grandissait, car je ne me rappelais pas quand je m'étais endormie. Malgré toute ma concentration et ma volonté, la réponse migrait loin de la lumière. Une migraine monstrueuse fit ensuite son apparition. Cela palpitait et donnait l'impression que quelque chose s'agitait à l'intérieur. Pourquoi ma tête me faisait-elle si mal ? Et pourquoi le monde n'arrêtait-il pas de danser ?

   Mon désespoir grandissait et des tas d'hypothèses fusaient dans ma tête. Si cela se trouve, j'avais perdu la mémoire. Alors pourquoi je savais que je m'appelais Apollo Malcolm, que j'étais avocat dans un grand cabinet de Londres et que mon premier jeu vidéo était un Gameboy color ? Incohérent tout ça. J'ignorais pourquoi, mais la meilleure solution était de rétablir mon calme à grande goulée d'oxygène. Je devais baisser mon taux d'adrénaline et retrouver un état normal. L'éternité s'écroula avant de pouvoir percevoir un poil d'amélioration. Ma tête restait douloureuse, mais mon corps se relaxait peu à peu.

   Un sourire frôla mes lèvres et une force sortie de nulle part m'accapara. Elle était si puissante qu'elle m'aida à... ouvrir les yeux. Une lumière me brûla à un point où je me résignai à baisser les paupières, pour recommencer avec prudence. Cela gardait le même résultat, mais après plusieurs tentatives, je m'habituai à la lumière de l'ampoule qui pendait au plafond. Un plafond ? J'essayai de me lever du lit quand des pressions se firent sentir sur mes poignets. Et pour la première fois, je remarquai les menottes qui retenaient mes mains. La panique m'envahit et affecta les battements de mon cœur. De grosses gouttes de sueur perlaient désormais sur mon front et glissaient sur mes joues. Une peur à l'état brut. Un mauvais pressentiment s'agitait devant mon nez néanmoins, la cause m'échappait.

   Calme-toi. Il y avait une explication rationnelle à tout ça. Je détaillais la pièce qui ne me rassurait en rien. Elle paraissait beaucoup trop petite et trop simple pour une chambre d'hôtel. Sans décoration et sans meuble, le lit à lui seul occupait une bonne partie de l'espace. Les murs recouverts d'une couche de peinture marron semblaient m'envoyer des portraits pour me tenir compagnie. Et il n'y avait qu'une petite fenêtre protégée par des barres de fer. La pièce condensait une étrange odeur qu'on ne trouvait que dans celles fermées depuis longtemps. Il y avait bel et bien une porte en bois à quelques pas, mais elle semblait si vieille.

   Un nom traversa mon esprit : Sarah. Et en moins de temps qu'il fallait pour le dire à voix haute. Ma panique dupliqua. La salle devint plus petite et son ton neutre s'accentuait de plus en plus. Tout tournait comme un ballon de soccer, ce qui remontait une envie de vomir, mais j'essayai de garder le cap. Je me trouvais dans une chambre inconnue, les mains prisonnières. Elle était peut-être pour quelque chose.

   Répétant pour la troisième fois cette pensée dans ma tête, un bruit crépitant résonna dans la pièce et attira mon regard. La porte se mit à bouger si lentement que je me mettais à désirer la personne qui se trouvait derrière. Deux magnifiques jambes apparurent. Elles émanaient d'une sensibilité et d'une perfection qui donnaient envie de laisser traîner un doigt. Le corps qui les accompagnait reposait dans un mini short rose et un tee-shirt arborant un graffiti de paix. Aucun doute possible sur cette beauté et ce style enfantin.

   Sarah !

   Elle se laissa glisser dans la pièce tandis que son regard enflammé se projetait sur moi. Et du sourire qu'elle affichait en balançant ses mèches blondes... N'en parlons pas. En temps normal, je devrais être en train de lui rendre son sourire et'd'envoyer des baisers à distance. Cependant, le cadre et cette faiblesse qui se faisait sentir m'en empêchaient. Elle prit tout le temps du monde à me fusiller du regard dont'l'intensité augmentait à mesure que le silence prenait place. Tendu, j'entendais les battements de mon cœur. Après une minute à espérer qu'elle entame la conversation, je'm'armai de force pour murmurer.

— Pourquoi ses menottes ?

   Sa bouche ne lâcha aucun son. Elle préféra graver un sourire beaucoup plus étiré et mettre une de ses mains sur mon torse. Étrangement, je'n'y trouvai pas la douceur habituelle.

— Parce qu'il le faut.

— C'est quoi ces bêtises ? Si c'est une blague, ce n'est pas drôle du tout.

   Les formes des lignes de son front me glacèrent les plats du pied.

— Je n'ai jamais dit que c'en était une.

   Comprendre un mot qui sortait de sa bouche se dévoila être une tâche difficile. À moins que je ne voulusse pas. Ma situation restait délicate pour tout remettre en question.

— Tu m'as menotté avec deux menottes, lâchai-je comme argument. Et où sommes-nous ?

— Tu m'as dit que tu m'aimais, chuchota-t-elle en me regardant dans le blanc des yeux.

— Et c'est pour ça que tu m'as menotté ?

— Kidnappé aussi.

   Le ton joueur sur lequel elle parla me fit rire. Un rire franc qui comblait la pièce. J'espérais qu'elle soit contaminée à son tour afin d'avoir la confirmation qu'elle jouait la comédie. Mais cet air neutre qu'elle gardait me fit douter jusqu'à me forcer à fermer ma gueule. Ça ne pouvait être qu'une blague. Pas vrai ?

— Où est-ce qu'on est ?

— Ça n'a pas la moindre importance.

   Quoi ? Elle pesait trop ses mots pour ne pas penser qu'elle disait vrai. Le pire, ça se lisait dans ses yeux. Un tsunami de question m'envahit dès que j'ouvris la porte à cette réalité : elle l'avait vraiment fait ? Pourquoi ? Devrais-je m'inquiéter ? Et tant d'autres qui se chevauchaient entre eux. À chaque fois que l'une restait sans réponse, c'est-à-dire toutes, une autre suivant la logique se formait et tombait dans mon estomac sur le point d'exploser.

— C'est quoi ces conneries ? Bien sûr que ça a une foutue importance.

   Ses yeux verts scrutèrent le fond de mon âme jusqu'à devenir agaçant. Je savais bien que la colère ne menait souvent à aucun résultat. Lorsqu'on se trouvait dans des situations délicates, il valait mieux se concentrer sur sa respiration durant quelques secondes, de quoi calmer ses nerfs, pour ensuite réfléchir de manière posée à la meilleure action à mettre en place. Voilà l'une des meilleures leçons apprises grâce à ma profession. Mais le hic, je vivais ces situations au second rôle. Un simple avocat, plus ou moins compétant qui constatait des faits, et cherchait des failles pour pouvoir tendre une corde à mon client. Là, le premier rôle m'appartenait.

— Ne t'énerve pas. Je t'expliquerai tout ça un peu plus tard, finit-elle par répondre en mimant de s'en aller.

— Ne me dis pas que tu vas me laisser dans cette chambre ?

— T'inquiètes pas, tu es avec moi maintenant.

— Sale pute, libère-moi tout de suite !

   Son regard se tacha d'une lueur haineuse tandis que son visage naviguait dans un océan de colère. Elle déposa l'une de ses mains au beau milieu de mon torse et s'amusa à insérer ses ongles dans ma chair. La douleur ne se pointa pas, mais je sentais qu'elles laisseraient des cicatrices.

— Cette insulte possède un drôle d'accent, tu ne trouves pas ? Peut-être parce qu'elle sort de la bouche de l'homme qui a pris ma virginité.

   Trop dur d'admettre la vérité, je la bouclai. Elle arrêta la progression de ses ongles pour me caresser, avant de me faire une bise sur le front. Bordel ! Dans quel pétrin suis-je tombé ? Ses gestes qui différaient comme le chaud et le froid ne me disaient rien qui vaille. Elle finit par se lever et prit la direction de la sortie sous mon regard impuissant.

   S'arrêtant au niveau du chambranle, elle se tourna et dit :

— Tu m'appartiendras à tout prix.

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