Chapitre 7

Trois jours.

Peut-être quatre ou cinq ?

Combien de temps ça dure ces fichues périodes auxquelles ils sont tous confrontés un jour ou l'autre? Il ne le sait même pas... Peut-être serait-il sage de se renseigner un peu, après tout, il devra subir ces moments lui également, alors autant être mis aux faits et la curiosité le démange trop pour attendre ce moment où Minho va pouvoir se manifester auprès de lui de nouveau... Quel délais interminable...

Allongé en étoile sur son lit imposant, à regarder le plafond de sa chambre, Jisung attend sagement l'heure de son cours. Il a autant envie d'y aller que de se pendre, mais il est hors de question pour lui de sortir de cette pièce, ne voulant pas du tout être pris à parti par son paternel. La rude leçon de l'autre jour a bien suffit, sa cuisse le fait toujours souffrir un peu, sa peau porte encore les stigmates des coups reçus et il ne souhaite pas réitérer l'expérience, du moins pas dans l'immédiat et s'il peut l'éviter il le fera... Si sa grande langue veut bien se faire sage.

Le tic tac de la pendule l'hypnotiserait presque, mais n'ayant plus sa nourrice pour venir le quérir à la bonne heure, même s'il rêvasse, il regarde le positionnement des aiguilles de temps à autre afin de ne pas se mettre en retard. Qu'est-ce qu'il aimerait voir Minho maintenant... Mais aller le déranger actuellement ne ferait que l'ennuyer et c'est tout ce que Jisung ne souhaite pas.

Un nouveau coup d'œil sur la pendule lui indique qu'il est bientôt l'heure d'aller à l'abattoir avec ce fichu précepteur qui va encore lui annoncer lui apprendre le chinois. Mais le garçon s'y refuse... Il ne veut pas être marié avec l'un d'eux et veut réellement choisir sa promise. Les mariages arrangés sont de vieilles coutumes, à ses yeux, et il faut commencer à passer outre. Dépité, il soupire et lève une main molle qu'il passe dans sa tignasse folle. Un léger parfum vient lui chatouiller le nez et avec un sourcil haussé, il porte le poignet à son nez. Le sourire qui naît en sentant cette douce fragrance émaner de lui est absolument radieux. Ça y est ! Son parfum s'est déclaré ! Sous peu il va donc pouvoir se présenter ! Goulûment il inspire sa propre senteur, essayant de savoir ce qu'elle est. Une belle odeur de... Musc blanc... Poudrée et ronde, chaleureuse et rassurante.

- Oh non !

Il s'est redressé immédiatement.

- Non non non, c'est...

Le poignet collé à son nez, il inspire de nouveau... Ce parfum est si... Oméga...

- Non ! Mais non !

Maintenant debout, il s'agite et secoue ses membres comme si cela allait permettre au parfum de se transformer en quelque chose de plus alpha. Mais les deux poignets collés à son nez, il ne peut que se déclaré vaincu. Ah moins que ce soit la senteur d'un Alpha plein de douceur et pas très... Alpha. Il se refuse à ce qu'il a l'impression de deviner maintenant, et frotte vivement ses poignets l'un contre l'autre dans l'espoir que tout ceci ne soit qu'une illusion. La fragrance est encore légère, elle peut changer, c'est certain, elle va s'affirmer et changer un peu afin de faire de lui ce qu'il doit être.

- Non, non il faut que tu sois alpha, il le faut, pas un Oméga, non non, non s'il te plaît...

Il se voit maintenant déjà vendu et détenu comme un simple objet de collection, pire encore si c'est à une famille chinoise. Et son Père, que va-t-il dire ? Non c'est impossible, depuis sa plus tendre enfance, il s'est fait à l'idée d'être né dans la bonne catégorie, sa nourrice lui a affirmé tout au long de sa vie qu'il serait digne de sa lignée. Ce parfum qu'il dégage ne peut-être que le départ d'un autre plus puissant. Oui c'est même certain. Après tout Chan et Changbin ont un parfum fort d'épices et de cuir, il n'y a pas de raison... Et Minho... Il l'a senti hier. Ce parfum...

Le jeune homme est soudain ailleurs, réalisant combien il a apprécié le parfum de l'immortelle qui émanait de son aîné. Ce léger mélange de rose et de camomille, tout en ayant ce côté piquant d'épices et rassurant du miel. Quelques coups peu délicats sont frappés à sa porte et le tirent vivement de ses pensées.

- Maître, c'est l'heure de votre cours.

- Oh je... Oui je viens.

Secouant sa tête, Jisung tente de retrouver un peu son calme et essaye de ne pas songer à ce qu'il deviendra, il le verra bien en temps et en heure. Le parfum ne veut rien dire. Peut-être qu'il sera un alpha délicat, dont la fragrance rappelle la délicatesse des omégas sans qu'il en soit un. Certains alpha peuvent avoir des odeurs douces après tout...

- Maître, votre cours.

- Oh, oui !

Décidément, il est retombé dans ses pensées sans même s'en rendre compte. Arrangeant sa vesture, le gamin rejoint la porte et s'engouffre dans le couloir à la suite du valet de son père. Tout en avançant, le jeune observe l'homme qui le conduit... C'est un Bêta. Comme sa nourrice l'était. Comme la plupart des domestiques de la demeure d'ailleurs. Les Omégas ne sont pas bien nombreux au regard de la population, et ceux qu'ils ont vu l'autre jour en forêt venaient peut-être de loin... Alors s'ils ne sont pas nombreux, ça ne peut pas tomber sur lui.. Si ? Avisant son professeur, Jisung hésite à lui poser ses questions. Après tout, n'est-il pas le mieux placé pour y répondre ? Mais il n'a pas l'air très affable ce jour, aussi le jeune s'installe face à lui et essaye de se montrer un peu attentif à ce qu'il tente de lui apprendre.

En vain.

Jisung se perd dans la contemplation de l'homme qui lui fait face,une main soutenant son menton. Il a beau voir les lèvres de l'homme bouger, c'est comme s'il ne comprenait pas un traître mot de ce qui en sort. Alors il relève le regard pour détailler le nez, rond et gros, agrémenté de quelques tâches rougeaudes de roséole qui lui donnent à penser, peut-être à tord et en se basant sur une idée toute faite, que son professeur aime l'alcool plus que de raison. Ses yeux se lèvent encore, pour détailler ceux de son hôte, petits et porcins... Lui qui essaye de voir la beauté dans chaque chose, il a bien du mal à en trouver chez le précepteur...

- Monsieur Han, vous m'avez entendu ?

Jisung papillonne des paupières et se redresse soudainement.

- Oui ! Oui bien sûr, je suis toute ouïe.

- Alors répondez à ma question.

- ...

L'homme pianote des doigts sur sa table, l'air agacé et en colère.

- Je...

- Je vais devoir en parler à votre Père, jeune homme. Cela ne peut plus durer ainsi. Vous n'en faites qu'à votre tête et vous n'écoutez rien.

- Non ! Non je vous en prie non !

Jisung sent la panique le gagner aux mots de son professeur, et joint ses deux mains en prière devant lui, suppliant presque que ce dernier ne dise rien.

- Je vous jure je vais m'améliorer ! S'il vous plait ne dites rien à mon Pè...

- Me dire quoi ?

Coupé en milieu de sa tirade, Jisung se tourne en direction de la porte, à l'aune de son professeur qui se lève pour s'incliner en gage de respect, ce que fait le jeune dans la foulée, et peut-être un peu trop profondément pour être honnête, ou du moins, trop pour ne pas paraître suspect.

- Monsieur, Monsieur votre fils semble avoir la tête ailleurs en ce moment et lui apprendre quelque chose semble vain.

Jisung tourne vivement la tête en direction de ce traître qui le vend comme un rien, et même si ce dernier ne voit rien, le gamin lui adresse un regard qui en dit long sur ce qu'il ressent à l'heure actuelle, mais il revient vite à son Père et s'incline de nouveau mille fois, appréhendant grandement sa réaction et la punition pouvant découler de son manque d'assiduité.

- Je suis sincèrement désolé, je... Cela ne se reproduira plus, je vais apprendre sincèrement et avec cœur à parler... Chi... Chinois afin que...

Non, il ne peut se résoudre à terminer sa phrase, non il ne fera pas cela pour satisfaire la moindre famille avec qui il pourrait potentiellement être lié. Il s'y refuse.

- Afin que... Ma culture soit complète et que je puisse vous faire honneur dans le futur si jamais nous devions de nouveau avoir des hôtes de cette culture sous notre toit.

- Oh mais ce sera le cas Jisung. Donc j'espère bien que tu vas te mettre à travailler sérieusement. Crois moi tu vas réellement en avoir besoin.

Son Père s'est approché, et c'est avec force qu'il empoigne l'une de ses épaules tandis qu'il lui souffle ces quelques mots à quelques centimètres à peine de son visage. Jisung se retient de geindre, mais il ne peut retenir une grimace douloureuse et à la trop grande proximité, sa tête rentre dans ses épaules alors qu'un frisson le saisit. Il n'a qu'une hâte : aller se cacher au fond de sa chambre afin de ne pas se retrouver en compagnie de son géniteur, sous peine de devoir tâter de nouveau de sa canne. Cet homme l'effraie réellement. Plus encore depuis qu'il s'est prit la raclée de sa vie alors qu'il ne s'y attendait pas un instant. Et son odeur de tabac le dérange fortement, plus que de raison même. Comme si d'un seul coup ce parfum était devenu signe de menace. Repensant à sa propre fragrance, il réalise combien il ne fera jamais le poids face à cet homme qui l'a fait apparaître sur terre...

Ce dernier s'est enfin détourné du jeune, qui se permet de se détendre un instant et de respirer puissamment. Monsieur Han s'adresse alors au précepteur et Jisung tend l'oreille afin de savoir à quelle sauce il sera mangé.

- Dans une quinzaine de jours, je vais devoir partir à la Capitale. Le gouvernement appelle tous les Alpha à rejoindre les rangs au cas où cela se corse avec les envahisseurs. Cela ne devrait pas durer une éternité, mais au cas où, je compte sur vous pour poursuivre les cours avec ce gamin. Il doit savoir parler Chinois, même s'il faut que vous l'attachiez à cette chaise à lui faire avaler vos ouvrages par le gosier.

Jisung n'a pas beaucoup prêté attention aux paroles de son géniteur, à l'exception du fait que les Alphas étaient appelés à monter à la Capitale. Son cœur fait alors un bond magistrale dans sa poitrine, au point qu'elle devient douloureuse, et il s'est vivement tourné en direction de la porte pour prendre ses jambes à son cou, quitte à devoir re-goûter de la canne. Ce qui ne manquera pas arriver, il en est persuadé. Mais si les Alpha sont appelés, qu'en est-il de Minho qui vient juste de se présenter, et Chan ? Et Changbin ? Ils sont encore jeunes ! Il n'y a pas de raison, si ? Dix sept, Minho a dix sept ans, mais va sur ses dix huit. Chan les a déjà atteint, et Binnie est à peine plus jeune que Minho.

Le jeune homme court au travers du bois, sur le chemin qu'il connaît sur le bout des doigts. Néanmoins, faute d'attention, il heurte brusquement une branche qu'il a l'habitude d'esquiver pourtant. Cela ne l'arrête pas pour autant malgré la douleur qui bat sur sa pommette. Il savait bien qu'il aurait dû arrêter de faire son feignant et la couper, cette fichue branche qui s'est amusée à lui fouetter le visage.

- MINHO !

Essoufflé, Jisung arrive au Hanok de son aîné, tant pis pour ses ruts, il espère juste que son ami est dans une bonne passe à cette heure.

- MINHO !

Le Très Haut soit loué, ce dernier lui ouvre le panneau de sa pièce à lui, et il ne paraît pas mal en point. Afin de ne pas le déranger plus que de raison, et ne pas tenter le diable, le gamin reste toutefois à distance raisonnable même s'il crève d'envie de se jeter dans son giron réconfortant.

- Jisung ? Qu'est-ce qui t'arrive ?

- Minho, tu... Est-ce que le gouvernement t'a appelé toi ? Est-ce que tu vas partir à la capitale aussi ?

Minho reste interdit l'espace d'un instant, surpris de la panique dans laquelle se trouve le plus jeune. Il n'en fait pas cas plus longtemps et regrette de préférer conserver la distance entre eux.

- Excuse moi si je ne m'approche pas trop... La période n'est pas fini même si c'est moindre qu'avant. Tu tombes bien au moins sinon je n'aurai pas pu venir te trouver.

- Minho, répond moi s'il te plait... Tu dois partir ?

Jisung semble tellement en proie à la panique que l'aîné fait tout de même quelques pas dans sa direction tout en secouant la tête et en tendant une main au devant de lui afin de le rasséréner.

- Hannie, calme toi, je ne vais pas monter à la capitale, pour l'instant il n'y a que ceux qui ont plus de dix huit ans qui doivent le faire. Si jamais ça se corse alors ceux qui auront été présentés et qui auront plus de seize ans devront y aller, mais pour l'instant, ne t'en fais pas, je reste avec toi.

- Mais Chan va devoir y aller alors !

- Oui sans doutes. Avec son Père et le mien.

- Et le mien...

Jisung, en parti soulagé, sauf pour Chan, se laisse tomber au sol et essaye de retrouver un semblant de souffle, et il s'excuse presque, conscient d'avoir dérangé son ainé, peut-être pour pas grands choses à ses yeux, mais de soulagement et de frustration de ne pas pouvoir approcher davantage pour se fondre dans les bras de Minho, les larmes lui montent, et ruissellent sans qu'il arrive à les retenir. Les poings sur les yeux, à tenter de faire tarir la source de ces flots, essayant tant bien que mal de retenir les sanglots qui cherchent à s'échapper, Hannie se met à parler, parler.

- J'ai eu si peur que tu t'en ailles... Je voulais pas... Je veux pas que tu partes... Je veux que tu restes avec moi, c'est dangereux, je sais pas ce que je ferai sans toi, je veux ...

- Hannie... Hannie, calme toi, je ne pars pas, je reste là.

Sa voix est si douce, si réconfortante... Cela ne fait qu'amener plus de larmes. C'est un torrent que le jeune essaye de contenir en vain. Il pleure sans cesse, en se rendant compte qu'il y a peut-être aussi le manque de sa nourrice... L'injustice de la punition reçue l'autre jour. L'idée même que Minho doive s'en aller en le laissant là, seul, petit sauvageon perdu dans la solitude...

- Hannie... Je...

Rhaa et lui qui ne sait pas s'il est sûr pour son protéger de s'approcher... Mais qu'à cela ne tienne, tant pis, il saura se contenir au besoin. De toutes manières Hannie ne s'est pas encore présenté. Quittant le pas de la pièce dans laquelle il se réfugiait, Minho rejoint Jisung lentement, et avec une douceur infinie, s'assoit auprès de lui pour venir le prendre au creux de ses bras. Le nez dans le cou de son cadet, il inspire le doux parfum qui émane de lui, et le berce tendrement afin de faire cesser ces pleurs qui lui déchirent le cœur. Jisung est si solaire habituellement, le voir ainsi est douloureux.

- Je suis là. Je serai là tout le temps.

Jisung accueille Minho avec force et s'agrippe à son hanbok comme si sa vie en dépendait. Fusionner est impossible, mais se rapprocher plus qu'il ne l'est l'est tout autant, et il pleure tout son saoul dans les bras de son ami, s'accrochant désespérément à lui.

- J'ai eu peur Minho... J'ai eu tellement peur quand il a dit ça...

- Tu as le droit d'avoir peur. Mais je serai là. Hé... Je serai là, et pas lui du coup.

Les sourcils de Jisung se haussent et il se recule un peu afin de regarder Minho, l'air surpris. Mais oui c'est vrai ça... Et en le réalisant, derrière ses larmes, Jisung rit. Il rit de bon cœur et enroule ses bras autour du cou de son aîné, avant de cacher le nez dans son cou. La senteur du plus vieux est forte, mais Hannie se surprend à l'apprécier plus que de raison, et se permet même de rapprocher son nez de la glande odorante qui se trouve juste là, au dessus de son trapèze.

- On sera ensemble, pendant qu'il ne sera pas là.

Oui, c'est rassurant et l'idée de ne pas avoir son géniteur auprès de lui pour une durée indéterminée lui fait déjà entrevoir une liberté dont il compte bien profiter. Puis son père absent, c'est un potentiel mariage d'autant plus reculé. Pas de punition. Il sera maître en sa demeure.

Du bruit dans leur dos les fait se retourner subitement et se détacher un peu. Si Minho sert les dents, Jisung se décompose. Le valet de son Père...

- Monsieur, votre Père m'envoie vous chercher...

-Je...

- Vas-y.

Jisung observe Minho, qui lui conseille de rentrer sans attendre, et qui se remet debout avant de se reculer vers sa chambre.

- Il faut que tu y ailles Hannie, et je vais terminer ce que j'ai à faire. Je viendrai te chercher quand ce sera terminé d'accord ? Et ne t'en fais pas, je reste avec toi, toujours. D'accord ?

Le gamin regrette déjà le contact de son aîné, et regarde de temps à autre le valet qui paraît l'attendre. Il ne veut pas rentrer, sachant déjà ce qui l'attend, surtout si son Père l'a fait chercher. Mais pour Minho et ne pas qu'il s'inquiète, Jisung veut se montrer fort malgré le moment de faiblesse qui l'a prit jusque là. Du poing, il efface les larmes qui ont inondé ses joues rondes, et il se relève la tête haute. Il sourit tendrement à Minho, et avec un soupir résigné suit le valet qui a déjà initié quelques pas vers chez eux. Le jeune se retourne toutefois en direction de son ami, et le salue une dernière fois. Plus que quelques jours et ils se retrouveront comme d'habitude. Et dans une quinzaine, ils seront tranquilles et pourront se voir comme ils le souhaitent.


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Oupsi, j'étais occupée!

J'aime cette histoire. Elle m'inspire. Je ne sais pas pourquoi.

J'espère qu'elle vous plait?

A très vite!

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