Chapitre 4 -t2

Malgré l'épuisement qui alourdit leurs corps et leurs esprits, la nuit a été rude pour le couple. Minho, agité plus qu'à l'accoutumée, n'a cessé de bouger, gêné par la douleur lancinante de sa blessure. À chaque mouvement, une onde de souffrance irradie son épaule jusqu'à descendre au long de son bras avant d'atteindre sa main, lui arrachant presque un gémissement qu'il ravale aussitôt. Il refuse d'inquiéter Jisung plus qu'il ne l'est déjà.

Mais ce dernier n'est pas dupe. Allongé à ses côtés, il retient son souffle à chaque soubresaut de son alpha, scrutant son visage dans l'obscurité, cherchant le moindre signe de douleur dissimulée. Malgré la fatigue qui pèse sur ses paupières, il ne parvient pas à s'abandonner au sommeil, trop préoccupé par l'état du châtain .Par moments, il hésite à tendre la main, à caresser sa peau en une tentative de réconfort. Les gestes sont esquissés, suspendus dans l'air, mais il craint d'aggraver sa souffrance. Alors, il se contente d'observer, impuissant, le cœur serré par une inquiétude qu'il ne parvient plus à dissimuler.

Longtemps dans la nuit, il veille sur lui. L'idée de rester inactif lui est insupportable. Alors, dans un silence précautionneux, il se redresse et saisit la gourde d'eau posée à portée de main. À plusieurs reprises, il imbibe un linge avant de le presser contre le front brûlant de Minho. La moiteur de la pièce n'arrange rien ; la chaleur semble s'accrocher à leur peau, rendant chaque souffle plus pesant. Jisung veille, sa main tremblant légèrement sous l'émotion contenue, espérant offrir ne serait-ce qu'un semblant de soulagement à son alpha. Il ne reste cependant pas éveillé toute la nuit. À force de lutter contre le sommeil, celui-ci finit par l'emporter par à-coups, entre deux sursauts d'inquiétude. Ainsi, lorsque l'aîné s'éveille au matin, noiraud dort encore, roulé sur le côté, les traits fatigués.

Minho grimace en bougeant, son corps endolori par la nuit passée sur un sol trop dur. Malgré la raideur de ses muscles et la douleur sourde qui pulse dans son bras, il parvient à s'asseoir, le souffle court. Un instant, il fronce les sourcils, un peu perdu devant cet endroit qui ne lui est pas familier. Mais bien vite, les souvenirs de la veille lui reviennent, se superposant aux images floues de son réveil. Il expire lentement, un soupir pesant quittant ses lèvres, avant de se pencher légèrement pour observer les alentours.

À la lumière du jour, tout semble différent. Moins oppressant. La pénombre de la nuit avait donné aux lieux un aspect sinistre, presque inquiétant, mais maintenant que les premières lueurs matinales filtrent à travers les interstices du bois, l'espace paraît plus vaste, plus tangible. Moins menaçant, peut-être.

Les paupières de l'oméga papillonnent, alourdies par un sommeil trop court et une fatigue écrasante. Son corps proteste lorsqu'il émerge de son inconscience, mais malgré l'engourdissement, son premier réflexe est de se tourner vers Minho.

Il n'est plus là.

Le vide à ses côtés frappe Jisung en plein cœur. Son souffle se bloque, ses muscles se tendent, et en une fraction de seconde, il se redresse précipitamment, les yeux écarquillés. Ses prunelles affolées balayent la pièce à la recherche de son alpha. Il est parti. Disparu. Où est-il ?

— Min... Minho ?

Sa voix tremble, presque étranglée. Maintenant à quatre pattes sur la natte inconfortable, il scrute l'intérieur de la bâtisse, son regard sautant d'un corps endormi à l'autre, mais aucun d'eux n'est celui qu'il cherche. La pression dans sa poitrine enfle, son cœur tambourine contre ses côtes.

D'un mouvement brusque, il se lève et trotte en hâte jusqu'à la porte, grande ouverte, le souffle court et le ventre noué par une angoisse grandissante.

Le souffle encore saccadé par l'angoisse, le noiraud s'arrête sur le seuil, les pieds nus contre le bois râpeux. L'air du matin est plus frais qu'il l'aurait cru, chargé d'une odeur de terre humide et de cendres encore tièdes. Son regard fouille les alentours avec précipitation, cherchant désespérément la silhouette familière.

Et puis, enfin, il l'aperçoit.

Plus loin, entre les tentes et les petites maisons, l'alpha marche lentement, l'allure prudente. Il ne s'est pas enfui, il n'a pas disparu. Il est simplement là, à observer les lieux, le dos droit malgré la douleur qui doit encore tirailler son épaule.

L'angoisse de Jisung se relâche d'un coup, le laissant presque vidé. Ses jambes cessent de trembler alors qu'il expire profondément en fermant les yeux, une main crispée sur l'encadrement de la porte.

Minho, quant à lui, avance parmi les réfugiés endormis ou déjà réveillés. Il capte des murmures discrets, des regards furtifs posés sur lui. Il analyse, enregistre chaque détail du camp, que ce soit la disposition des habitations, les quelques vivres empilés sous des toiles, ou encore les hommes exténués qui veillent au loin. L'endroit est modeste, mais il respire une forme d'organisation rudimentaire.

Il se stoppe un instant, levant la tête vers le ciel pâle du matin. L'aube révèle des visages marqués, des corps amaigris, des bêtas indifférents et des alphas suspicieux aux fragrances marquées. Ce camp est un abri, mais aussi le reflet d'une lutte invisible, celle de tous ceux qui ont fui pour survivre et qui se retrouvent ici dans l'attente d'un laisser passer ou d'un retour au pays. Sort peu enviable pour qui serait un traître, s'étant soulevé contre le gouvernement et la Chine.

Une légère brise soulève ses cheveux, et alors qu'il s'apprête à faire demi-tour, un pressentiment le traverse. Il tourne légèrement la tête... et aperçoit son compagnon, figé à l'entrée de leur abri, le visage encore marqué par l'inquiétude.

Un faible sourire étire ses lèvres.

Il est temps de rentrer.

Le châtain revient lentement vers l'abri, ses pas mesurés, son souffle encore un peu court. Il sent la tension dans son corps, la douleur qui pulse toujours dans sa blessure, mais il l'ignore. L'essentiel est ailleurs.

Lorsqu'il atteint enfin l'entrée, Jisung ne bouge pas. Il l'observe, les traits encore tirés par l'inquiétude. Ses mains tremblent légèrement, comme s'il avait retenu sa respiration trop longtemps. Minho s'arrête devant lui, détaillant son visage avec douceur, tandis que l'oméga l'interroge presque timidement.

— Tu es sorti prendre l'air ?

Sa voix est feutrée, presque hésitante, mais l'angoisse sous-jacente est perceptible. L'aîné hoche la tête, l'ombre d'un sourire aux lèvres.

— Je voulais voir où nous sommes tombés.

Le noiraud baisse alors les yeux, sa mâchoire se contractant imperceptiblement. Il inspire profondément, comme pour calmer les battements erratiques de son cœur, puis finit par se reculer légèrement pour le laisser entrer.

À l'intérieur, l'espace est toujours aussi modeste. La chaleur étouffante de la nuit s'est dissipée, remplacée par une fraîcheur relative. Minho s'installe lentement sur la natte, grimaçant à peine sous l'effort. Jisung ne tarde pas à le rejoindre, s'asseyant face à lui, en tailleur.

Un silence plane, lourd mais pas pesant. L'oméga l'observe, détaillant la moindre tension dans ses traits, cherchant à comprendre s'il souffre plus qu'il ne veut l'admettre. Finalement, il tend la main, ses doigts hésitants effleurant le poignet de son alpha.

— Tu vas bien ?

L'alpha baisse les yeux sur cette main qui frôle la sienne avant de relever son regard vers son compagnon. Il hoche la tête, et finit par offrir un large sourire à son cadet.

— Je vais bien, ne t'en fais pas.

Jisung fronce les sourcils, pas très convaincu, surtout avec la nuit qu'ils ont passé, mais avant qu'il ne puisse poser une autre question, un bruit à l'extérieur attire leur attention. Des voix s'élèvent, des pas résonnent dans la terre battue. L'alpha échange un regard rapide avec lui avant de se redresser, aux aguets.

Quelqu'un approche.

Minho tend l'oreille, attentif au bruit des pas qui s'approchent. Il n'a pas encore eu le temps de bien comprendre l'organisation du camp, mais il sait qu'ils sont des inconnus ici. Il ne veut pas attirer l'attention inutilement. Il va leur falloir faire quelques connaissances afin de ne pas rester ignorants.

Un homme finit par apparaître à l'entrée de la bâtisse. Grand, le visage buriné par les épreuves, il porte des vêtements usés et poussiéreux, comme la plupart des réfugiés ici. Ses yeux sombres se posent immédiatement sur l'aîné, puis glissent vers l'oméga. Finalement la voix rauque de l'homme s'élève.

— Vous êtes nouveaux.

C'est une constatation. Minho ne répond pas immédiatement, évaluant l'attitude de son interlocuteur. Il ne perçoit aucune hostilité, seulement une curiosité prudente.

— Nous sommes arrivés cette nuit, en compagnie d'autres hommes.

L'homme hoche la tête, son regard s'attardant un instant sur la posture raide de Minho. Peut-être a-t-il deviné qu'il est blessé ? En tous cas l'alpha tente de détendre son corps pour palier à l'examen.

— J'm'appelle Gwan. Je m'occupe de répartir les tâches ici. On n'a pas de place pour les bouches inutiles. Vous pourrez bosser, toi, une fois que tu seras en état.

Les derniers mots sont énoncés tout en désignant Minho du menton.

Jisung se tend légèrement, mais son compagnon reste impassible. Il comprend la nécessité de faire fonctionner un camp comme celui-ci, tout le monde doit contribuer. Alors calmement, il hoche la tête et répond d'un ton calme.

— Je comprends.

Gwan croise les bras, détaillant encore les deux hommes.

— Les soldats nous surveillent et nous balancent les tâches à faire. Ils veulent qu'on leur soient utiles. Si vous l'êtes pas, ça sert à rien d'espérer qu'ils vous laissent vous installer. Vous venez d'où ?

L'alpha hésite une fraction de seconde avant de répondre :

— Du Sud. Comme beaucoup ici.

L'homme ne pose pas plus de questions. Peut-être se doute-t-il que personne ici n'aime trop parler de son passé ni évoquer la possible participation à de quelconques révoltes. Il laisse échapper un soupir avant de désigner l'extérieur du camp d'un geste de la tête.

— On mange dans une heure. Les soldats nous apportent à bouffer. Vous f'rez mieux d'en profiter tant qu'y a encore d'quoi.

Sans attendre de réponse, il tourne les talons et s'éloigne, disparaissant parmi les autres réfugiés qui commencent à s'activer.

Minho relâche un souffle discret. À côté de lui, Jisung le scrute, inquiet.

— On va vraiment... travailler avec eux ?

Le châtain esquisse un sourire léger.

— Il semblerait. Ça nous donnera une raison d'être ici, et on évitera de trop attirer l'attention. Puis ce ne serait pas très malin de ne pas montrer qu'on y met du notre.

L'oméga pince les lèvres mais ne proteste pas. Il sait que son compagnon a raison. Pourtant, il ne peut s'empêcher de ressentir une certaine appréhension.

Pour l'instant, ils sont en sécurité. Mais pour combien de temps ?

Le camp s'active peu à peu. Minho observe en silence, accoudé à un poteau de bois qui soutient l'entrée de la bâtisse. Autour de lui, les réfugiés commencent déjà à s'activer et à travailler leurs besognes. Tout semble rôdé, chacun semble savoir ce qu'il doit faire. Seuls les nouveaux arrivants restent dans l'attente qu'on leur confie un rôle. Un détail toutefois vient ennuyer le châtain. Il n'a pas croisé un seul oméga depuis qu'il est levé. Des bêtas. Des alphas. Mais aucun oméga. Ce qui ne le rassure pas du tout quant à la sécurité de son compagnon.

Un bruissement plus loin attire son attention. Des hommes en uniforme approchent, portant de grandes caisses sur leurs épaules. Le châtain les détaille rapidement tout en se débarrassant de ses mèches qui lui tombent devant les yeux d'un geste nonchalant. Des soldats, probablement ceux qui gèrent la distribution de vivres et le maintien de l'ordre. Derrière eux, quelques réfugiés s'amassent déjà, habitués à ce rituel quotidien.

Jisung sort enfin de la bâtisse, l'air encore endormi après avoir terminé un peu sa nuit, mais il est tout de même alerte. Il suit le regard de son aîné et comprend immédiatement. A voix basse, il questionne, même si c'est plus rhétorique qu'autre chose.

— Ce sont eux qui apportent la nourriture ?

Minho hoche la tête.

— Ça en a tout l'air.

Les soldats s'installent près d'une charrette, déposant les caisses avant d'ouvrir l'une d'elles. L'un d'eux, un homme d'âge mûr au port rigide, lève la voix pour s'adresser aux réfugiés rassemblés.

— Un par un, pas de bousculade.

Le ton est ferme, mais sans hostilité. Il a l'habitude. Un autre soldat se met à distribuer des portions de riz et de bouillon, pendant que deux autres scrutent la foule, attentifs à l'état des hommes présents.

— Si l'un d'entre vous est malade ou blessé, qu'il se manifeste. Nous ne permettront pas qu'une épidémie débute ici.

Noiraud jette un coup d'œil inquiet à son compagnon. Il sait que sa blessure est encore douloureuse et qu'il devrait demander de quoi se faire soigner même s'il va lui déposer le reste de leur onguent dans la journée.

— Tu devrais leur dire...

Mais le châtain secoue doucement la tête.

— Je vais bien.

Jisung fronce les sourcils mais n'insiste pas. Il sait que son alpha n'aime pas attirer l'attention sur lui. Pourtant, lorsque les soldats commencent à s'approcher pour vérifier l'état des réfugiés, il sent son cœur se serrer.

Un des militaires, un homme plus jeune que les autres, finit par poser les yeux sur eux. Son regard glisse rapidement sur le brun, avant de s'attarder sur Minho. Avec un sourire qui n'en est pas vraiment un, il lance, le ton calme.

— Toi, t'as une sale tête.

Ce dernier se redresse légèrement, gardant son expression impassible.

— Juste fatigué.

Le soldat hausse un sourcil mais ne commente pas.

— Les blessés peuvent aller à l'infirmerie. Le médecin s'en occupe.

L'oméga lance un regard appuyé à son compagnon, silencieusement suppliant.

Minho tient bon pourtant. Il ne compte pas dire quoi que ce soit, et ce, malgré les demandes silencieuses ou non de son lié, ce qui fait bien rager ce dernier. Quand le soldat s'éloigne, surveillant l'état des autres réfugiés, Jisung donne un coup bien senti aux côtes de son compagnon.

— A quoi tu joues ?

L'alpha esquisse un sourire en coin.

— Ça t'aurait arrangé de te retrouver tout seul ?

Jisung lève les yeux au ciel mais ne répond pas. Il est soulagé, au fond, mais l'inquiétude grandit en son sein et il ne sait pas combien de temps ils vont pouvoir tenir si son alpha ne se fait pas soigner. Il essaye de n'en rien montrer, mais l'angoisse le ronge petit à petit, et il n'arrive pas à faire passer cette boule qui lui oppresse la poitrine.

— Je n'ai pas envie que tu meurs maintenant.

Le regard de l'alpha est dur quand il se tourne vers son lié, alors qu'ils avancent dans la file pour avoir leur ration du jour.

— Non, Jisung. Si je vais me faire soigner, on sera séparé et tu seras à la merci des alphas ici, ou des soldats. Je ne veux pas qu'ils nous séparent comme ils voulaient le faire hier. On doit rester ensemble.

Le noiraud serre les lèvres, visiblement frustré par la ténacité de son compagnon. Mais il sait qu'il n'est pas du genre à céder facilement.

— C'est ridicule, tu es blessé. Tu ne peux pas ignorer ça éternellement.

Minho soupire et se redresse un peu plus, cherchant à ne pas paraître trop affaibli.

— Ça attendra. On n'a pas d'autre choix que de rester ici, et je veux qu'on garde notre place. Plus on se fait discret, mieux c'est.

Jisung reste silencieux, les yeux rivés sur le châtain, mais il finit par hocher la tête, bien qu'il ne soit toujours pas convaincu. Il sait que son alpha a raison, mais cela ne fait qu'ajouter à son angoisse.

En attendant, les soldats poursuivent leur distribution, et la scène reprend son cours. Les hommes reçoivent leurs rations de riz et de bouillon, la routine de survie qui reprend son cours, et Minho fait de son mieux pour jouer son rôle : celui du réfugié ordinaire, bien qu'il porte en lui la douleur de la blessure qu'il refuse de montrer.



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Bon, au moins ils sont toujours ensemble XD

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