Chapitre 32 - t2

Il est tôt en ce matin d'avril. Le vent doux balaye les graviers de l'allée, et soulève une poussière fine que la lumière du soleil naissant fait scintiller. Jisung se tient là, le nez en l'air à observer les cerisiers en fleurs qui s'épanouissent au dessus de lui.

Ils vont partir. Ils vont retrouver leur pays, celui qu'ils n'auraient jamais dû quitter. La voiture les attend à la sortie du domaine. A l'intérieur, la nourrice installe le bébé, bien emmitouflé dans des couvertures douces et Minho, lui, descend les dernières marches de pierre qui le séparent de son oméga. Ce dernier jette un regard derrière lui en refermant son manteau, et son regard dévie sur tout ce qui l'entoure, comme pour s'imprégner des lieux une dernière fois. Ici, il n'était pas prisonnier. Ici, il était soigné, il était quelqu'un. Juste un homme avec une existence réelle et pas juste un oméga qui ne vaut rien.

Le général se tient là, seul et droit dans son uniforme sobre et seyant. A ses côtés, aucun garde ni soldat. Malgré l'apparence soignée et solennelle, ce n'est pas un un moment militaire. C'est un instant intime.

L'alpha se saisit délicatement de la main de son compagnon, et il les entraîne en direction du soldat. Chacun se penche profondément bas, à l'aune du respect qu'ils portent à cet homme qui les a aidé, qui les a accompagné durant ces quelques semaines. Il laisse un silence s'installer, et lorsqu'il se redresse, il se penche à son tour avant de se redresser et de leur sourire. Sa voix est posée quand il s'adresse à eux.

— Vous rentrez enfin chez vous.

Noiraud baisse le nez. Le plus vieux, lui, reste droit, les mains jointes devant lui dans un respect silencieux. L'homme poursuit,

— Le pays que vous allez retrouver ne sera pas celui que vous avez quitté, mais c'est le votre. Vous avez résisté, vous avez survécu et protégé ce qu'on tentait de vous arracher... Ce ne sera pas forcément simple, mais vous êtes forts. Et vous rentrez debout, la tête haute. J'ai vu vos nuits sans sommeil. Vos silences. Votre manière de ne pas mourir, même quand tout autour de vous voulait que vous cédiez.

S'il dédie la fin de sa tirade au jeune homme mal en point qu'on lui a offert comme s'il ne s'agissait que d'un vulgaire objet, il se tourne ensuite vers Minho.

— Et j'ai vu l'amour que vous lui portiez. Même enterré sous la douleur, il était là. Visible. Je n'ai fait que m'effacer devant cela.

Un silence. Puis il soupire, longuement.

— Il y a dans ce départ une forme de paix. Mais aussi... une solitude. Le Japon n'a pas été clément pour vous. Mais votre présence m'a rendu meilleur. Vous êtes des jeunes hommes bons, même dans le pire. Cela restera ici, avec moi.

Jisung, les yeux un peu brillants, s'avance alors. Lentement, sans précipitation. Il semble hésiter, mais quand il est assez près, il ouvre les bras pour venir enlacer son sauveur. Le général a un imperceptible mouvement de recul, peu habitué à ce qu'on lui fasse de telles démonstrations de tendresse mais il finit par comprendre et se laisse finalement faire.

Le jeune oméga se glisse contre lui. Ses bras se referment autour du torse du vieil homme dans une étreinte sobre, sans mots, mais pleine de reconnaissance.

Le général ne bouge pas au début, puis il pose une main sur le haut du dos du jeune homme. Un geste rare. Quasi paternel. Et cela, l'oméga le ressent, et il laisse quelques mots s'échapper. Un murmure tout en retenue.

— Merci... Pour m'avoir laissé exister.

Quand il recule, ses yeux restent baissés, mais son visage n'est plus aussi fermé. Minho s'incline une dernière fois. Le général sort ensuite de sa poche un petit paquet de tissu.

— Tenez. Ce ne sont que des herbes de mon jardin. L'odeur vous rappellera peut-être... que vous avez été protégés ici, un temps. Que vous avez compté.

Il tend le paquet à Jisung avant de tourner le regard vers le bébé dans les bras de la nourrice.

— Qu'il grandisse libre. Et aimé.

L'alpha hoche doucement la tête. Le jeune serre le tissu contre lui.

— Rentrez chez vous. Et soyez heureux.

Il ne les accompagne pas jusqu'à la sortie du domaine. Il les regarde monter dans la calèche, le dos droit, les mains croisées. Et quand les roues craquent sur les graviers, il incline la tête. Une seule fois. Longuement. Puis il reste là, immobile, jusqu'à ce que le convoi disparaisse au détour du sentier, emportant avec lui les fragments d'un passage, et la promesse d'une renaissance.

La brume matinale s'efface petit à petit quand le convoi commence à s'assembler devant l'auberge qu'ils ont rejoint. Les chevaux renâclent, leurs sabots ferrés raclant la terre durcie de la cour. Un à un, les personnes qu'ils ont retrouvé les rejoignent et la caravane grandit à mesure. Les gens rient, certains commentent ce qu'ils voient, d'autres se racontent leur début de journée ou encore plaisantent sur ce qui les attend sur la route. Jisung ne comprend pas tout, mais contre toute attente, ces deux messieurs non loin de lui paraissent tellement pris dans leur histoire qu'il n'arrive pas à les lâcher du regard. Ses sourcils se sont haussés, ses lèvres entrouvertes, ses yeux vairons vont de l'un à l'autre tandis qu' il capte quelques mots par-ci par-là et semble hypnotisé.

— Tu comprends ce qu'ils disent ?

Le sursaut de l'oméga est mémorable et il se détourne prestement de ce drama en direct qu'il était en train de regarder. Les joues écarlates de s'être fait prendre sur le fait, il marmonne quelques mots en direction de Minho qui vient de le sortir de sa contemplation et redresse le menton. Il pourrait partir, drapé dans sa dignité, mais il n'a pas grand choix des lieux où se rendre aussi reste-t-il là.

— Je...

Il lève les yeux au ciel avant de hausser les épaules.

— Pas tout. Mais ça a l'air vraiment intriguant.

L'alpha lui présente quelques gourmandises qu'il est allé acheter aux tenanciers de l'auberge.

— Le frère de l'un a trompé sa femme avec la sœur de l'autre. Mais avant ça, la dite sœur avait trompé son mari avec le mari de la femme de son frere.

— Aaaaah... ... Quoi ??

Pour toute réponse le châtain rit et se rapproche un peu de son compagnon.

— Jisung... Est-ce que tu veux aller voir le bébé ? Un peu ?

Ce dernier se renfrogne un peu et secoue la tête.

— Écoute... On ne va pas pouvoir l'appeler « le bébé » jusqu'à ce qu'il soit un homme... Il va falloir qu'on se décide sur quel prénom lui donner.

— Mais on a encore un peu de temps pour ça... Non ?

— Le jour où on débarquera en Corée, il faut qu'il ait un prénom, jeune homme...

— ... Ça... Ça nous laisse un peu de temps... Je... On peut y penser... Un peu...

Il sait bien cela, il y a déjà songé. Mais il lui pour l'heure impossible de ce concentrer sur ce détail qui n'en est pas vraiment un. Parce que se concentrer sur le prénom de l'enfant, c'est acter sa présence, c'est franchir toutes ces barrières qu'il avait dressé jusque là pour se protéger. C'est également s'avouer que tout ce temps passer à l'attendre a été gâché, et renier le deuil qui a découlé de tout ce qu'il s'est passé.

— On va y penser. Oui.

Machinalement, le bras de l'alpha vient entourer les épaules de son compagnon dans un geste qui se veut rassurant. Ils prendront le temps qu'il faut.

L'homme en tête du convoi vérifie une dernière fois les sangles des chariots. Ses mains se hâtent mais le font de manière assurée. Chacun embarque à tour de rôle, s'aidant les uns les autres, et une place est attribuée à tout le monde. Jisung s'installe dans un coin, séparé de la nourrice et de leur bébé par Minho. L'oméga se cache derrière le corps de ce dernier afin de ne pas voir son enfant dans les bras de la jeune femme. Cette dernière le tient contre elle avec précaution, emmailloté dans une étoffe de beau lin brodé de fleurs, et veille à ce que le soleil ne touche pas sa peau si fine et douce.

L'alpha, lui, n'hésite pas à se pencher pour caresser du bout des doigts la petite joue pleine et ronde de son fils qui tourne son regard vers lui tout en mâchouillant son petit poing. Ils vont rentrer chez eux. Ils vont retrouver leur pays, leurs coutumes, leur langue et leurs habitudes. Ils vont pouvoir vivre enfin leur vie. Peu importe qu'il faille une dizaine de jours pour rejoindre le sud de l'Empire.

Des ordres sont données, et répercutés en écho au fil des voitures qui se succèdent. Divers chariots, quelques hommes à cheval, des marcheurs. Il n'y a plus qu'à espérer que le temps serait clément et que les pluies ne seraient pas nombreuses afin de leur permettre d'avancer à bon rythme. Ils doivent d'abord rejoindre Shimonoseki, avant de traverser le détroit qui les sépare de Moji. Puis embarquer à bord d'un navire qui les conduira à Busan. Loin de Séoul et de tous ceux susceptibles de les rechercher.

Un claquement de fouet et l'ordre de départ est donné. Les carrioles se mettent en branle dans des grincements de roues et des craquements de bois. Jisung joue distraitement avec les ourlets de ses manches, et pose distraitement la tête contre l'épaule de son compagnon. Il ne s'en rend même pas compte. Le geste est machinal. Minho sourit doucement et se retient de le lui faire remarquer de manière à ce que cela dure un peu. Le silence règne entre eux, mais ce n'est pas gênant. C'est paisible.

Devant eux, la route ondule vers le sud, longue et poussièreuse, bordée de champs et de pins tordus. Derrière, ils abandonnent tout ce qui a été si douloureux et cruel.

La nuit est tombée sans drame. Une nuit simple, tiède, enveloppée du bruissement des feuillages et des craquements du bois sous les roues encore chaudes. Le convoi s'est arrêté au bord d'un petit cours d'eau, à mi-chemin entre deux villages. Le feu, allumé à l'écart, jette sur les visages fatigués des lueurs orangées, vacillantes. La nourrice dormait déjà, couchée près du chariot, le bébé contre elle. Son souffle régulier, discret, forme une petite vapeur dans l'air humide.

Les autres voyageurs sont disséminés tout autour d'eux, emmitouflés dans leurs manteaux, les pieds vers les flammes.

Jisung, toujours éveillé malgré qu'il soit déjà tard, ne peux s'empêcher de contempler Minho depuis plus d'une heure. D'abord en silence, de biais, dans des éclairs furtifs. Puis, peu à peu, avec plus de constance. Son regard glisse des mèches sombres sur le front de l'alpha aux lignes plus nettes de sa mâchoire.

Il est là. Vivant. Chaud. Présent. Il n'est pas un souvenir, pas une illusion née du manque. Un souffle passe dans la gorge du noiraud, presque tremblant. Il n'a rien dit depuis le départ, à part quelques murmures brefs pour répondre à des consignes, il n'a pas prononcé une phrase entière. Et maintenant, les mots lui montent à la bouche sans oser franchir ses lèvres.

Il se penche lentement.

Ses doigts hésitent dans l'air entre eux. Il les retire, les repose sur ses genoux, puis les lève à nouveau. Le feu fait briller les traits de Minho, ses paupières mi-closes, la lueur de sa respiration tranquille. Il ne dort peut-être pas. Jisung ne sait pas vraiment et peut-être a-t-il même peur de savoir.

Alors, du bout de ses doigts, il touche l'extrémité de sa manche. Une pression infime, presque rien. L'alpha ne bouge pas. Jisung ne sait pas s'il doit être soulagé ou déçu. Il se laisse lentement glisser jusqu'à s'asseoir tout près de lui, le souffle court, comme si le moindre bruit pouvait rompre ce fil ténu entre eux.

Il reste là, la tête penchée sur le côté, à le regarder. Vraiment. Pour la première fois depuis... depuis quoi ? Depuis l'enfer. Depuis sa « mort » orchestrée.

Il y a quelque chose de nouveau dans ses yeux. Quelque chose d'infime, de timide, mais de réel.

— Tu es là.

C'est un murmure. Un murmure pour ancrer le fait. Il y croit, c'est réel. Et cette fois, il ose.

Il pose la main sur le poignet du châtain. Doucement. Pleinement. La chaleur vivante sous sa paume fait naître un vertige nouveau. Il ne la retire pas.

Minho ouvre lentement les paupières et leurs regards se croisent. C'est comme s'il était déjà éveillé mais qu'il avait attendu patiemment que le jeune homme ose le toucher. Comme s'il avait attendu ce contact, si léger, si hésitant.

Jisung ne s'écarte pas. Ils ne se disent rien. La main du plus jeune raffermit sa prise et enfin l'alpha se redresse, lentement, comme pour ne rien briser de cet instant suspendu. En appui sur un coude, il tend la main pour effleurer celle de son compagnon. Oh pas pour la retirer, mais pour la couver de sa paume.

Noiraud baisse les yeux. Son souffle est court, presque douloureux à porter. Sa gorge se serre, pleine de choses qu'il ne sait pas nommer. Mais il relève finalement le museau et lui offre un sourire. Léger. Très fin, mais bien présent.

— Pardon.

Sa voix est rauque, étranglée, mais les excuses sont là.

— Pardon pourquoi, Jisung ?

— Parce que je sais que... Que tu l'as fait pour me protéger... Et que je t'ai fais du mal en retour...

Il avale sa salive avec difficulté. Sa main a cessé de trembler, mais ses épaules s'affaissent sous le poids de ce qu'il tient à lui dire.

— C'était si douloureux... Je... C'était plus facile de te blâmer toi...

Il s'interrompt, incapable de continuer.

Minho ne le force pas. Il se redresse un peu plus, s'approchant, jusqu'à ce que leur front presque se frôle.

— Ne t'excuse pas pour ça. Tu n'as pas à le faire. Je ne t'en veux pas.

Le jeune homme ferme les yeux. L'émotion monte, imprévisible, comme un feu retenu trop longtemps. Il sent son ventre se tordre, sa gorge se nouer, et une larme unique coule le long de sa joue sans qu'il bouge. C'est l'alpha qui tend la main, cette fois franchement et qui l'essuie du bout des doigts.

— Viens dormir. Il faut que tu te reposes.

Jisung rouvre les yeux et hoche la tête avant de glisser lentement au sol, face à son compagnon qu'il ne lâche plus du regard.

Il l'observe. Longuement. Vraiment. Et dans ce regard, il y a du vertige, de la douleur, mais aussi une étincelle ancienne, presque éteinte, qui vacille à nouveau.

Le silence retombe. Mais il est autre. Plein. Et dans l'ombre douce de cette nuit sans lune, deux hommes brisés commencent à lentement se retrouver.

Le voyage avec le convoi s'est déroulé sans encombre, dans un calme presque irréel après tant de mois de tension. Aucun contretemps, aucun imprévu, tout s'est enchaîné avec une facilité presque déconcertante, au point qu'il leur arrive de douter arriver à bon port. À présent, ils embarquent à bord d'un navire marchand en partance pour la Corée. Le pont est animé, chargé de caisses, de cordages et d'odeurs de sel. On leur a assigné une minuscule cabine à partager tous les deux, étroite mais suffisante. Ce n'est pas le confort qui compte mais la perspective du retour... De ce retour qu'ils n'osaient plus espérer, et qui, pourtant, se dessine enfin à l'horizon.

Leurs cœurs battent à l'idée qu'il ne leur reste plus que trois jours environ avant de toucher leurs terres. Ils ne l'évoquent pas pourtant, de peur qu'un malheur se concrétise avant même d'y arriver.

Une fois la porte de la cabine refermée derrière eux, l'oméga contemple l'endroit avec une petite moue. Un pas effectué, et il heurte du front la lampe tempête qui est accrochée par un crochet au plafond. D'une main, il réduit la balance qu'elle s'est mise à faire suite au choc et se tourne vers Minho.

— On dirait un cercueil...

Il n'y a pas grand-chose... Un lit d'une place dans lequel ils vont devoir se serrer, un hublot, un seau d'eau propre pour une toilette sommaire...

— Ce n'est que pour quelques nuits. On a vu pire.

Se sentant superstitieux soudain, Jisung touche le bois qui se détache entre deux plaques de tôle.

— Je te laisse te nettoyer en premier, ça te fera du bien.

L'alpha laisse traîner son bras sur la taille de l'oméga tout en se détachant pour aller lui tourner le dos, maintenant posé sur le lit. Chacun leur tour, ils prennent le temps de se toiletter, et la fraîcheur de l'eau leur procure un plaisir non dissimulé et bienvenue après la chaleur de la journée et maintenant changés, ils se font face sur le petit matelas. Leurs souffles se mêlent alors qu'ils ne se lâchent pas du regard, à la lueur de la veilleuse qui pend au plafond.

— Minho...

C'est un murmure, mais ils sont suffisamment proches pour que les paroles soient entendues.

— Hm ?

D'un geste délicat, ce dernier replace une mèche de cheveux sombre derrière l'oreille de l'oméga.

— Et si on l'appelait Jayu ?

— Lee Jayu ?

Jisung se contente de hocher doucement la tête. Peut-être que ce prénom portera chance à leur fils et qu'il saura goûter la liberté comme ils n'auront eux-mêmes pas pu le faire. Minho sourit.

— Ça me plaît. Je rajouterai son nom sur les papiers demain. ... Merci... Merci d'y avoir pensé.

Le jeune homme rougit aux mots du plus vieux et il détourne le regard.

— Je sais que ce n'est pas bien, que je devrais au moins pouvoir le regarder mais... Mais c'est quand même... Mon bébé...

— Ne t'en veux pas. Ça prendra le temps qu'il faut. Tout ce que je demande... C'est que... Tu essayes. Tu veux bien essayer ?

En se redressant, il cherche à capter de nouveau le regard vairon qui se détourne de plus belle. Toutefois le noiraud hoche doucement la tête.

— J'essayerai...

Le bois craque sous le roulis du bateau et l'air, salé et tiède, s'insinue jusque dans les replis du drap rêche qui les recouvre. La nuit est bien avancée maintenant. Le plus âgé semble dormir, contrairement au jeune qui l'observe dans la pénombre.

Leurs jambes sont presque collées. Il suffirait d'un soupir pour que leurs genoux se frôlent.

Et il le regarde, il le contemple, longtemps, sans se lasser une seconde de ce qu'il voit. Ses yeux remontent la ligne de la mâchoire si bien dessinée, s'attardent sur sa bouche entrouverte qui souffle doucement, sur cette veine qui bat faiblement au creux de son cou. De son doigt il redessine les contours sans pour autant toucher. Il effleure.

Minho remue un peu, et sa main, sans le vouloir, vient frôler celle de Jisung. C'est comme si son cœur explosait sous sa poitrine. Il en a mal au ventre.

Alors, très doucement, sans réfléchir, sans même oser respirer, l'oméga se penche. Ses lèvres effleurent celles de son compagnon. Ce n'est pas un baiser. C'est à peine un souffle. Le tremblement d'un souvenir. Mais l'homme rouvre les yeux. Et l'observe en retour. Et dans son regard, il y a tout. Le manque. La douleur. L'amour. La rage d'avoir cru le perdre. Il le veut. Il le veut à en crever. Il en a tellement besoin qu'il a l'impression que toute sa peau s'est embrasée à ce simple contact, si infime soit-il.

Alors Jisung recommence. Il l'embrasse, plus fort. Et cette fois Minho répond. Leurs bouches se cherchent, s'ouvrent, se mordent. C'est maladroit, précipité, tremblant. La langue du plus jeune glisse contre celle de son a^né avec une urgence désespérée. Ils se manquent tellement, ils se sont tellement manqués.

Il se hisse sur lui, le chevauche sans un mot. L'alpha ne dit rien, il le laisse faire. Il glisse ses mains le long de ses cuisses, de sa taille, jusqu'à ses hanches osseuses. Et le noiraud gémit contre sa bouche, les mains agrippées à ses cheveux. Il a le souffle court, les yeux humides, sa gorge est nouée.

— J'ai cru que t'étais mort...

Minho ferme les yeux. Il ne répond pas. Il l'enlace, le serre fort, et embrasse sa gorge, sa clavicule. Et Jisung craque.

Il ôte sa chemise en un geste fébrile, tremblant. Le tissu glisse, révélant la morsure sur son poignet, la longue estafilade rouge qui la traverse, la cicatrice encore vive sous son nombril. Il est beau. Beau de toutes ses blessures et il n'a pas peur de les dévoiler à son compagnon, à son ami de toujours. Le châtain passe ses doigts sur la ligne de cette peau abîmée. Mais Jisung les repousse.

— Pas doucement. Pas maintenant. Je veux que tu sois là. Que je te sente... vraiment.

Minho le regarde, abasourdi. Mais il comprend. Alors il le fait basculer sur le dos, doucement, fermement, et prend sa bouche avec une violence qu'il n'a jamais osé avant. Il l'embrasse comme on hurle. Comme on vit.

— Je suis vivant.

L'oméga gémit fort, cette fois. Il attrape son compagnon par la nuque, l'attire, mord sa lèvre, sa joue, son épaule. Il veut qu'il le sente. Il veut qu'il le prenne, là, maintenant, sans tendresse, sans lenteur. Il écarte les cuisses, soulève les hanches, tremblant, brûlant, offert.

L'alpha descend, embrasse sa gorge, puis sa poitrine, mord ses flancs. Il s'attarde sur la cicatrice de la césarienne, l'embrasse, puis la lèche lentement, comme pour s'excuser. Jisung gémit plus fort.

— S'il te plaît... maintenant...

Alors Minho crache dans sa main, l'humecte rapidement, puis vient glisser deux doigts entre ses fesses. Il le prépare comme il peut, maladroitement, mais l'oméga est déjà trempé. Jisung se cambre, pousse contre lui.

— Je suis vivant, Jisung.

— Fais-le. Je m'en fous si ça fait mal. Je veux que ça fasse mal. Montre moi que t'es là.

L'homme le fixe, le regard noir de désir, d'amour, de rage contenue. Et alors, sans plus attendre, il s'aligne et le pénètre d'un coup sec, avec un profond gémissement de bonheur mêlé de soulagement.

— Je suis là.

Jisung crie alors, un cri étouffé, venant du plus profond de sa gorge. Pas de douleur. De soulagement lui aussi. De libération. Minho ne s'arrête pas. Il le baise fort. Brutalement. Ses hanches claquent contre les siennes, leurs souffles saccadés se mélangent. La literie grince. La cabine entière résonne de leur corps et de leurs voix mêlées.

Chaque coup de reins est une vengeance contre le manque. Une déflagration de chair. Jisung le griffe, le mord, le serre à en crever. Il gémit, supplie, le regarde droit dans les yeux, incapable de détourner le regard.

— Encore... encore, Minho... plus fort...

Et Minho obéit. Il va plus vite, plus fort, plus profond. Le bruit de leurs corps est obscène, mais il n'y a que ça, et leur souffle. Rien d'autre n'existe. Juste eux. Juste ça et le plaisir qui gonfle au creux de leurs reins.

Jisung sent une chaleur monter en lui, fulgurante, impérieuse. Il tremble, gémit plus fort, jusqu'à ce que son corps se tende d'un seul coup. Il jouit sans même se toucher, violemment, presque en sanglotant. Le dos cambré à s'en briser, il se laisse broyer par l'onde qui le saisit, par ces spasmes qui le font se tordre et gémir de plus belle.

Minho le rejoint quelques secondes plus tard, enfoncé au plus profond de lui, la tête dans son cou, haletant, tremblant. Il jouit avec un cri rauque, perdu dans la peau chaude et vivante de celui qu'il a retrouvé.

Ils restent ainsi, longtemps, liés, brûlants, le cœur battant à l'unisson.

Et Jisung pleure. Sans bruit. Il serre Minho contre lui, les jambes encore enroulées autour de sa taille. Il le sent. Il est là. Il est vivant. Et pour la première fois depuis des mois... il respire.


___

*sifflote*


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