Chapitre 3 - t2

N'oubliez pas le chapitre 2, On m'a fait remarquer que la notif n'avait pas été envoyée ;)

La marche jusqu'au refuge d'Urakami est longue et éprouvante. La nuit tombe lentement, peignant le ciel de teintes sombres, tandis que le groupe progresse sur un chemin terreux et bordé d'arbres noueux aux abords de la ville de Nagasaki. Après les heures d'attente dans ce hangar poussiéreux pour la visite médicale sommaire, leurs corps épuisés peinent à suivre le rythme imposé par les soldats japonais qui les escortent. Ils n'ont ni mangé ni bu depuis le matin, et leurs forces déclinent à mesure que leurs pas soulèvent des volutes de poussière.

Minho marche légèrement en avant, attentif au moindre mouvement autour d'eux, tandis que Jisung reste à ses côtés, la respiration lourde mais contenue, à détailler le paysage en regrettant de ne pas pouvoir profiter calmement de leur arrivée. Ils ne sont pas les seuls à souffrir la fatigue. Autour d'eux, d'autres hommes, principalement coréens, avancent avec la même lassitude, leurs vêtements froissés et leurs regards assombris. Certains chuchotent entre eux, d'autres gardent le silence, craignant sans doute d'attirer l'attention des gardes qui les encadrent. D'autres encore s'esclaffent, bien peu inquiets de leur sort. Il ne s'agit que d'une banale formalité après tout, et ce n'est que pour un temps donné. Celui qui permettra à leur nouvelle terre de savoir qui ils sont et se faire à leur venue.

Lorsqu'ils aperçoivent enfin le refuge, un frisson parcourt l'échine de Jisung. Ce n'est pas un abri, ni un sanctuaire. Ce n'était qu'un quartier sommaire en périphérie de ville, où se dressent timidement de nombreuses huttes. Des maisons de bois, en piteux état pour certaines, se tiennent là, à moitié écroulées, d'autres rafistolées à la hâte avec des planches disjointes et des bâches usées. L'air est lourd d'humidité et porte une odeur de cendre et de terre, mêlée aux relents de la vie entassée dans ces espaces trop exigus.

Un mince cours d'eau serpente à la lisière du refuge, ses eaux sombres reflétant la lumière vacillante de quelques lanternes disséminées ci et là. Ce ruisseau, aussi insignifiant soit-il, semble être la seule source d'eau à disposition. Au moins ne mourront-ils pas de soif... Quelques silhouettes s'y penchent déjà, tentant de remplir des gourdes de fortune ou de laver leurs visages couverts de poussière.

Ils franchissent une sorte de barrière symbolique, une simple clôture de bois grossièrement assemblée, qui sépare le refuge du reste de la ville plus loin. L'espace à l'intérieur parait restreint et oppressant. Des silhouettes se découpent dans l'obscurité, des hommes assis sur des marches, d'autres adossés aux murs de fortune.

Un officier japonais se poste devant la petite colonne d'hommes qu'ils conduisent ici et leur désigne du menton un bâtiment en contrebas, une longue structure de bois aux fenêtres calfeutrées de tissu. Son ton est sec lorsqu'il annonce la suite à venir.

— Vous dormirez là. Il n'y a pas de ration ce soir. Demain, peut-être.

Il n'attend aucune réponse. Il ne les écoute pas de toutes façons, malgré les protestations et tourne les talons, laissant le groupe face à la réalité de leur nouvelle existence.

Minho serre la mâchoire. Jisung, lui, baisse les yeux un instant avant de suivre le mouvement des autres réfugiés qui s'approchent du bâtiment indiqué. L'intérieur est sombre, étouffant. Des nattes de paille couvrent le sol en guise de couchage, et l'air chaud de l'extérieur passe en légers courants d'air entre les murs épais sans pouvoir en sortir. Ils avancent dans l'obscurité, cherchant un coin libre où s'installer. L'alpha attire alors le noiraud à lui, dans un geste doux, et il se penche à son oreille afin de lui murmurer quelques mots qu'il veut rassurants.

— On va tenir.

Jisung ne répond pas tout de suite. Il inspire lentement, gravant chaque détail du lieu dans son esprit, tout en essayant de trouver la meilleure place qu'ils peuvent avoir. Il finit par répondre de la même façon à son compagnon, tentant de prendre un ton optimiste avant de lui offrir un sourire léger.

— On va devoir. Ce n'est que pour quelques jours de toutes façons. Après ils nous laisseront entrer dans le pays et on pourra s'installer...

Les nattes sont finalement choisies, dans un recoin, à l'abri de la majeure partie des regards. A défaut d'être seuls, ils ont au moins un peu d'intimité. Minho se laisse choir lourdement sur l'une d'elle, et s'adosse au mur de bois. Il laisse sa tête s'y appuyer. Jisung se place près de lui avant de ramener ses jambes contre lui, dans un geste instinctif de protection. L'air est lourd, moite et désagréable, mais il va falloir qu'ils s'y fassent.

Le silence entre eux n'est pas gênant, plutôt reposant, et les murmures et les discussions autour d'eux s'éteignent doucement à mesure que passe le temps. La plupart des hommes ici finissent par chercher le sommeil, le repos malgré l'inconfort et l'incertitude dans laquelle ils se trouvent quant au lendemain. Certains restent éveillés toutefois, sûrement trop sur le qui-vive pour fermer l'œil.

A la maigre lumière d'une lanterne encore allumée, l'oméga tourne lentement son regard en direction du châtain. Ce dernier ne dit rien, ses yeux clos et son visage à demi plongé dans la pénombre, mais Jisung sait qu'il ne dort pas. Sa posture rigide le trahit, de même que ce muscle qui tressaille à sa joue. Noiraud s'inquiète. La blessure qu'il a reçu pour lui à l'épaule risque de s'infecter et si elle n'est pas soignée comme il faut... Il finit par se détourner et chuchote quelques mots, se retenant de pousser un soupir.

— Tu devrais dormir un peu...

— Je sais.

Minho esquisse un sourire avant d'ouvrir les paupières. Devinant les pensées de son compagnon, il ne peut se retenir d'ajouter quelques mots.

— Ça ira. Les médecins ont bien serré le pansement. Je peux tenir comme ça.

Jisung hoche la tête sans répondre. Il veut le croire. Mais il sait aussi que se débattre avec les militaire puis marcher toute la journée avec cette blessure n'a rien arrangé. Il se mord l'intérieur de la joue, mais préfère éviter de répondre. Il se contente alors d'un hochement de tête.

Il inspire profondément, et tente de graver l'instant dans son esprit. Ils sont ensemble. En vie. C'est tout ce qui compte pour le moment.

Malgré la fatigue qui lui engourdit les membres, l'oméga finit par se redresser et se lève.

— Je vais chercher de l'eau.

Minho entrouvre les paupières qu'il avait refermé, une ombre de contrariété passant dans son regard.

— Tout seul ?

— Je ne vais pas loin. Je veux juste me rincer un peu et nous ramener de quoi boire. Il fait chaud ici, on sera content d'en avoir.

L'alpha ne proteste pas davantage, mais son expression parle pour lui. Avec un sourire rassurant, Jisung s'écarte en silence. Il enjambe les corps allongés çà et là avant de se faufiler hors du bâtiment.

La fraîcheur de la nuit le saisit aussitôt. Comparé à l'air stagnant du dortoir, c'est un soulagement, mais pas suffisant pour lui faire oublier la tension qui s'accroche à ses épaules qu'il tente de détendre en les faisant bouger. Il presse le pas en direction du ruisseau qu'il a aperçu en arrivant.

L'eau sombre reflète la lueur des quelques lanternes accrochées aux façades. Des silhouettes se meuvent en silence, certaines agenouillées au bord pour remplir leurs gourdes eux aussi, d'autres pour une toilette sommaire.

Noiraud s'accroupit à son tour et plonge les mains dans l'eau. La sensation fraîche sur sa peau le fait soupirer doucement de soulagement. Il s'asperge le visage, passe les doigts dans ses cheveux humides et en bataille maintenant qu'ils sont cruellement raccourcis. Pendant quelques secondes, il se laisse porter par ce simple geste, cherchant à apaiser le chaos dans son esprit.

Puis, il relève la tête.

Son regard balaye le camp. Autour de lui, partout, les bêtas et les alphas semblent dominer. Une présence oppressante, latente, qui fait naître un nœud dans son ventre. Même parmi le groupe de réfugiés avec lesquels ils sont arrivés, il n'y avait pas d'omégas. Ainsi c'est pour ça qu'ils ne voulaient pas qu'il suive Minho...

Le refuge n'est pas un havre de paix. C'est une fosse, un lieu d'attente où les plus forts règnent en silence. Il en est maintenant convaincu.

Jisung sent sa gorge se serrer. Il détourne les yeux et plonge de nouveau ses mains dans l'eau, plus fort cette fois, comme pour chasser l'angoisse sourde qui remonte en lui. Il doit rentrer., mais pas sans s'asperger entièrement. Avec un sourire, il s'imagine déjà se coller à son compagnon afin de le rafraîchir.

Il remplit la gourde qu'il a emportée, se redresse et s'éloigne du ruisseau sans traîner.

Quand il pousse la porte du bâtiment, le châtain est toujours assis contre le mur, mais il rouvre les yeux immédiatement en le voyant.

— Tout va bien ?

Jisung lui tend la gourde avant de s'asseoir de nouveau à ses côtés. Sur le ton de la plaisanterie, il lui murmure quelques mots avant de ricaner.

— Il y a trop d'alphas ici.

Minho serre les doigts autour du récipient, réfléchissant quelques secondes avant de répondre d'une voix calme.

— On reste ensemble quoi qu'il arrive. T'en fais pas, ils n'approcheront pas.

Jisung ne répond pas, mais son sourire s'éteint doucement. Il n'a pas envie que cela se voit, mais il ne peut retenir son corps de se tendre. Ils vont devoir être sur leur garde. Il laisse le châtain boire tant qu'il en a envie, et lorsque la gourde est reposée, noiraud s'allonge lentement en tirant son compagnon à lui pour qu'il s'installe également. L'un face à l'autre, ils s'observent dans la pénombre, l'oméga retraçant les traits de son lié du bout de ses doigts. Un effleurement, une caresse délicate que Minho ressent aussi légèrement qu'une plume. Il laisse échapper un soupir discret et entrelace ses doigts à ceux de son oméga avant de les porter à ses lèvres pour baiser chacune de ses phalanges.

— Ça va aller Minho.

Ce dernier relâche la main de son compagnon pour porter la sienne à son épaule blessée, qu'il essaye de détendre un peu, et il sourit au noiraud.

— Je sais.

Il est sincère. Il veut y croire. Dans quelques jours ils seront libres de s'établir ici et pourront vivre enfin de manière paisible, libres de toute épée de Damoclès. Jisung porte sa main à l'épaule de son alpha, caressant délicatement le pansement par dessus le tissu qui le recouvre.

— Tu as mal ?

Le châtain ne lâche pas l'oméga du regard. Il détaille chacun de ses traits, admire ses yeux aux teintes différentes qui se devinent dans la faible lueur de la lanterne.

— Un peu. Ce n'est rien.

Le plus jeune se retient de faire la moue, et préfère lui offrir un sourire en guise d'encouragement. Il veut vraiment se montrer positif et optimiste, ne voulant vraiment pas voir son alpha s'en faire.

— Je nettoierai ça demain.

Un hochement de tête lui répond, et Minho dépose sa main contre sa joue, en une caresse tendre.

— On devrait dormir.

L'oméga hoche doucement la tête, non sans se fondre un peu plus au creux de la main du plus vieux et se rapproche de lui pour mieux se blottir dans son giron. C'est redevenu un geste naturel, un besoin simple et évident d'être ensemble.

L'alpha ferme les yeux lui aussi et, dans l'obscurité de ce refuge incertain, il sent un poids s'envoler. Parce que malgré tout, ils sont là. Ensemble.



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