Chapitre 13 - t2
Les pas de Minho résonnent sur le chemin, chaque bruit sonne comme un rappel de ce qu'il perd à chaque fois qu'il avance. Il est là, sous un ciel grisonnant, portant les chaînes invisibles d'un futur qu'on lui impose. Goro marche à ses côtés, son visage impassible. Pas un mot. Pas un geste pour réconforter. C'est là toute la cruauté du Japon, une politesse glaciale, une obligation silencieuse.
Lorsque la maison se dessine dans le lointain, l'alpha sent une lourde pression sur sa poitrine. C'est une grande demeure, bien plus imposante que ce qu'il avait imaginé pour une famille prétendant à une position respectable. L'entrée est marquée par une haie parfaitement taillée, des lanternes suspendues qui créent une atmosphère solennelle. Le jardin, parfaitement entretenu, ressemble à une scène en soi. Rien de commun. Cette maison n'a rien d'un refuge : c'est une cage dorée. Il ne peut s'empêcher de penser à Jisung, qui a vécu presque la même chose quelques années auparavant, et comprend ce que ce dernier a pu ressentir.
Le fonctionnaire passe la porte de bois et l'invite sans un mot à le suivre. Minho hésite un instant avant de franchir le seuil, conscient que sa vie vient de prendre un tournant irréversible. Mais il le fait pour son compagnon. Il le fait pour le protéger et lui éviter une vie affreuse, ou pire encore.
La famille de celle qui lui est promise est là, au fond du hall. La jeune femme au centre porte un kimono de soie cramoisie, brodé de fils d'or qui attirent le regard. Ses cheveux, noirs comme la nuit, sont soigneusement relevés en un chignon complexe, et son visage semble figé dans une expression neutre, presque distante. Elle ne sourit pas, mais il y a une douceur presque froide dans son regard. Ce regard qui ne s'attarde pas, qui ne cherche pas à capter le sien, préférant s'attarder sur une lame de parquet non loin devant elle. Elle semble... éduquée. Mesurée. Comme une statue dans un musée, impeccable mais inaccessible. Une poupée. La jeune femme est encadrée de ses parents qui saluent les nouveaux arrivants en se pliant à angle droit.
Minho n'a pas besoin de demander pour savoir. C'est une oméga. Une oméga de haute naissance, mais une oméga tout de même. La chair à enfant, celle que la société prépare à porter des héritiers, à être une mère, rien de plus. Mais ce qui le frappe le plus, c'est la lueur qu'il discerne à peine derrière ses yeux. Cette lueur qu'il connait bien. La résignation. Ce même sentiment qui fait rage dans son propre cœur. Ils vont donc être liés dans cette cage...
Elle s'incline brièvement à son tour.
— Monsieur Lee.
Sayo prononce son nom sans émotion particulière, comme un mot quelconque dans une cérémonie mais à la japonaise. Cela n'a rien de personnel, rien de réel. Mais le châtain prend cela comme une manière de dire qu'il n'a plus rien de coréen et qu'il fait désormais parti de l'empire du Japon.
Goro les observe un instant, tour à tour, puis désigne le couple qui se tient en retrait.
— Voici la famille de Sayo. Son père, un ancien militaire de la cour impériale, et sa mère, une oméga respectée dans la ville voisine. Leur position est solide, et la famille possède des terres dans le sud. Ils ont accepté cet arrangement en raison de votre statut, Minho. Votre mariage renforcera encore leur rang.
Le père de Sayo s'incline profondément. Un homme âgé, les cheveux poivre et sel, les yeux durs comme la pierre. Sa mère, une oméga âgée, se tient derrière lui. Elle a un visage fatigué, marqué par la vie mais dégage une douceur presque trop visible. Minho sent immédiatement qu'elle est une femme qui sait quand se taire, quand jouer son rôle. Elle ne le regarde pas une seule fois.
Le fonctionnaire poursuit, comme s'il ne voyait pas la lourdeur de la situation.
— Vous aurez droit à un séjour prolongé ici, afin de mieux vous intégrer avant la cérémonie. Les arrangements seront faits dans les semaines à venir. Une fois l'union officialisée, la famille vous offrira protection et stabilité.
L'alpha ne répond pas. Il ne sait même pas si sa voix peut encore sortir de sa gorge.
Il tourne brièvement la tête vers la jeune femme qui reste là, silencieuse, ses mains serrées ensemble. Elle paraît tellement indifférente que cela fait souffler un peu le châtain qui se renfrogne un peu plus qu'il ne l'est déjà. Minho se sent comme un objet. Un pion déplacé sur un échiquier qu'il n'a jamais voulu jouer. Il se force à respirer calmement, à ne pas laisser ses émotions submerger tout son être. Ce mariage n'est rien. Il n'est rien d'autre qu'une formalité à laquelle il doit se soumettre pour permettre à Jisung de rester en sûreté, un bout de papier qui ne voudra rien dire lorsqu'ils seront sorti de ce pays maudit dans lequel ils ont cru vivre une vie de paix.
Il se tourne vers le fonctionnaire et c'est d'une voix vide, froide qu'il s'adresse à lui.
— Quand est-ce que la cérémonie se déroulera ?
Le fonctionnaire le toise une dernière fois avant de répondre, son sourire professionnel toujours en place.
— Quelques semaines. Vous serez prêt au moment venu. Ce n'est qu'une question de temps.
Minho sait que le temps se dérobe sous ses pieds. Et plus il avance dans cette réalité imposée, plus il sent l'urgence de trouver une issue.
Sayo s'incline une dernière fois, ses yeux évitant toujours les siens. Le châtain, lui, ne se fait aucune illusion. Cette femme sera son épousée, mais elle ne sera jamais sa complice. Jamais elle ne sera son alliée. Il ferme les yeux un instant lorsque tout le monde entame la marche jusqu'à la salle derrière eux, et tente de se convaincre encore une fois du bien-fondé de tout ce cirque. Est-ce que Jisung saura au moins lui pardonner ?
Minho se tourne alors, les poings serrés et revient sur le droit chemin tandis que le panneau se referme derrière lui.
Les portes qui coulissent derrière lui cachent un salon magnifiquement décoré, où tout semble trop parfaitement placé pour être naturel. Des coussins brodés, des vases anciens bien en vue, un encens discret mais présent, et un silence à peine troublé par le glissement des tissus sur le sol. Comme leurs hôtes tirés à quatre épingles, tout est ordonné au millimètre et même le moindre geste des propriétaires parait calculé.
Le père, un homme au regard froid et à la nuque raide, est déjà assis, les mains posées sur ses genoux, comme s'il attendait ce moment depuis des heures. À sa droite, sa femme, dos droit, regard bas, garde le sourire poli de celles qu'on a dressées à écouter sans interrompre. La jeune femme est à côté d'elle, visage baissé, mais ses yeux glissent furtivement jusqu'à Minho dès qu'il entre. Goro se tient en bout de table, déjà installé, pince-sans-rire, les mains croisées sur ses genoux, l'air satisfait.
— Lee Minho, veuillez prendre place.
Ce dernier s'assoit en face de la fiancée, la posture rigide et non sans ressentir un élancement dans son épaule lorsqu'il prend place. Le père, fin observateur, ne rate pas la grimace qui s'affiche sur le visage du châtain.
— Vous êtes rétabli ? J'ai entendu dire que vous étiez arrivé blessé.
— Je guéris. L'épaule est encore sensible, mais je peux me tenir droit.
Monsieur Hoshino enchaîne alors, sans même lever les yeux sur lui.
— Et tenir vos responsabilités ?
Un court silence se fait. Le fonctionnaire esquisse un sourire tout en reportant son regard sur Minho.
— Le colonel n'est pas homme à tourner autour du pot, vous le verrez.
Le concerné inspire doucement par le nez, mais ne se démonte pas pour autant. Il doit juste prendre garde à ne pas dépasser les limites pour ne pas que cela retombe sur son oméga.
— Je suis ici pour faire ma part, et avec sérieux.
Les plats sont servis dans un silence presque cérémonial. De petits bols, des légumes parfaitement découpés, du poisson rôti. La maîtresse de maison remercie doucement les domestiques, et tout le monde commence à manger avec une lenteur mesurée, dans un bruit délicat de baguettes. Soudainement, son futur beau-père brise le silence, désireux d'en savoir plus.
— Je suppose que vous n'avez pas encore connu d'épouse.
— Non.
— Mais des... distractions, j'imagine ?
A ces mots, il relève le regard et le pose sur le châtain, qui lui fait face sans faillir. Doit-il évoquer son compagnon ? Un coup d'œil à Goro lui fait comprendre que cela ne serait pas sage.
— Comme tout homme, sans doute, avant d'être rappelé à l'ordre.
— Justement, le mariage est un excellent moyen de canaliser les forces vives. N'est-ce pas, monsieur Lee ?
Le fonctionnaire sourit en rebondissant sur les propos tenus et en titillant l'alpha.
— Je ne suis pas un chien, monsieur. Je n'ai pas besoin qu'on m'attache pour rester à ma place.
Un silence. Le père hausse un sourcil. La jeune femme cesse un instant de toucher à son bol.
Goro, lui, laisse échapper un petit rire étouffé, comme si trancher entre la gêne provoquée et l'amusement était compliqué.
— Touché.
Minho reprend une bouchée, calmement.
— Je suis ici parce que je le dois. Mais je ne jouerai pas au pantin. Je respecte votre fille quand bien même nous ne nous connaissons pas encore, et j'ai l'intention de la traiter avec honnêteté. Ce n'est pas du mépris. C'est... de la décence.
C'est alors que la voix douce, mais non moins ferme de la mère de Sayo s'élève.
— Et que signifie "respect", pour vous, monsieur Lee ?
Minho lève légèrement les yeux vers elle. Elle l'observe. Pour la première fois, il la sent présente. Est-ce ainsi que les femmes et omégas du pays doivent se comporter ? Ou est-ce simplement le cas dans cette famille ? Ses mâchoires se serrent à l'idée qu'ils transforment son amour en une poupée soumise aux desiderata des autres.
— Lui dire la vérité. Ne pas faire d'elle un décor, ni un outil. La considérer comme une femme pleine et entière, qui existe et qui a son libre arbitre, comme ses propres pensées et idées.
Le père grogne, un son à peine audible, mais lourd de désapprobation.
— Les vérités ne sont pas toujours nécessaires dans un foyer, surtout quand elles désordonnent ce qui est en place.
— C'est peut-être pour ça qu'il faut les dire, justement.
L'ainé ne semble pas apprécier l'échange outre mesure, et le fait savoir en expirant un peu trop bruyamment ;
— Un homme blessé, un peu trop franc. Voilà ce que nous avons.
— Parce que vous préféreriez sans doutes un homme indemne qui vous rend votre fille humiliée chaque jour ? A moins que vous n'optiez pour un homme qui joue la comédie jusqu'à s'en lasser ?
Cette fois, Sayo lève les yeux, doucement. Elle croise le regard du châtain. Un bref instant. Il y vit une sorte de reconnaissance muette.
C'est le fonctionnaire qui finit par briser la tension, il ne faudrait pas que ce marché tourne mal.
— Nous ne sommes pas là pour juger un caractère, mais pour construire un avenir commun. N'est-ce pas ?
Minho hocha la tête et saute sur l'occasion pour poser sa condition. Il n'y aura pas meilleur moment pour ce faire.
— C'est pour ça que je demande à repousser la date du mariage. De trois à quatre mois. Le temps de guérir complètement, et d'apprendre à connaître cette famille. Je ne crois pas qu'un mariage imposé en deux semaines soit un bon fondement.
Un silence. La mère tourne doucement la tête vers son mari.
— C'est raisonnable. Et cela laissera aussi du temps pour les préparatifs, et la coutume.
Celui-ci hésite. Goro, en retrait, fronce légèrement les sourcils. Il parait prêt à intervenir, mais la mère ajoute, très bas,
— Et votre fille aussi mérite ce temps.
Finalement, le père incline la tête, à contrecœur.
— Trois mois. Pas un jour de plus.
L'alpha acquiesce. La fiancée baisse de nouveau les yeux, mais cette fois, il n'y a pas de soumission dans ce geste. Juste... du soulagement pour avoir gagné du temps ?
Le dîner se termine sans heurt notable mais avec une tension sous-jacente qui n'a jamais quitté la table. Une tension tissée de sourires forcés, de regards scrutateurs, de silences surveillés par le fonctionnaire assis en bout de table, toujours prompt à glisser une remarque pour recadrer la discussion.
Maintenant, les lanternes tamisées dessinent des halos jaunes sur les allées de gravier du jardin intérieur. Des pas prudents crissent sur le sol, un parfum de pin et de fleurs de lotus flotte dans l'air. La brise du soir fait frémir les feuilles, et le murmure d'un petit cours d'eau couvre à peine les chants discrets des insectes qui s'en donne encore à cœur joie avant que l'hiver arrive.
Minho marche lentement, la main posée sur son épaule blessée. Il sent les bandages sous sa tunique, et la douleur, bien que supportable, lui rappelle chaque seconde ce qui l'a conduit ici. C'est près d'un arbre à belles fleurs blanches qu'il s'arrête, la tête légèrement penchée, perdu dans ses pensées.
— Ce jardin est joli. Mais il sent la mise en scène, vous ne trouvez pas ?
Surpris, il tourne légèrement la tête. Sayo est là, à quelques pas de lui, seule, sans chaperon, les mains jointes devant elle. Sa robe au textile chatoyant capte la lumière des lanternes, et ses cheveux sont plus relâchés que tantôt. Son regard, lui aussi parait plus libre que ce que le châtain a perçu pendant le repas. C'est avec douceur qu'il répond. Il n'a rien à reprocher à la jolie jeune femme, bien qu'il ne soit pas là de son plein gré.
— Je crois que tout ici est une mise en scène.
Un sourire, discret, effleure ses lèvres.
— Vous n'êtes pas comme ce que j'imaginais.
— Je pourrais vous dire la même chose.
Elle s'avance un peu. Il ne bouge pas, se contente de la regarder s'approcher. La jeune femme ne s'assoit pas et reste debout près de lui, face au bassin.
— Pourquoi êtes-vous venu ici ce soir? Vraiment... Pas juste pour jouer le jeu. Soyez honnête comme j'ai compris que vous l'étiez.
— Parce qu'on m'a laissé le choix entre sauver celui que j'aime... ou le voir détruit.
Elle tourne lentement la tête vers lui. Il continue, sa voix calme, sans détour...
— J'ai accepté de vous épouser pour protéger un oméga. Le mien. Il a été envoyé en maison d'éducation. Et je sais que si je refuse cette alliance, il risque de d'être envoyé... En Enfer.
Sayo le fixe sans broncher. Il s'attend à un froncement de sourcils, à une gifle peut-être. Mais elle ne bouge pas. Elle cligne des yeux, une fois.
— Vous auriez pu me mentir. Me dire que vous aviez besoin de temps, que vous étiez encore affecté par les révoltes qui ont eu lieu en Corée. Que vous étiez perdu.
— Je vous respecte trop pour ça. Même si je ne vous connais pas.
Un silence passe. Le vent se lève légèrement, soulevant une mèche de cheveux qu'elle repousse derrière son oreille.
— Vous savez que ce que vous venez de me dire pourrait vous coûter très cher si je le répète.
Il hoche la tête, sans peur.
— Oui.
Elle le regarde longuement, puis inspire profondément.
— Et pourtant, je ne vais rien dire. Pas ce soir.
Elle avance de deux pas pour s'arrêter juste à côté de lui, le bassin reflétant la lumière derrière leurs silhouettes.
— Je suis une femme. Une oméga. Et une fille de militaire. Toute ma vie, on m'a appris à me tenir droite, à obéir, à me taire devant un homme ou un alpha. J'ai déjà été promise deux fois. Et deux fois, le mariage a été annulé. La première fois, parce que je n'étais pas assez belle. La seconde, parce que j'étais trop fière.
Sa voix vibre d'une douceur amère, douloureuse dans ce calme presque paisible.
— Alors cette fois, on m'a dit que vous étiez la dernière tentative de faire honneur à ma famille. Et je me suis dit que peut-être vous ne me regarderiez pas avec condescendance. Peut-être que vous... vous seriez honnête.
Elle tourne enfin les yeux vers lui.
— Et vous l'êtes. Même si ce que vous me dites me condamne à être un nom sur un papier pour vous.
Minho soutient son regard, le cœur serré pour elle même s'il ne compte pas revenir sur la moindre de ses pensées et actes à venir.
— Je ne veux pas vous condamner à ça. Ce n'est pas ce que vous méritez. Je n'aurai pas de place dans mon cœur pour une autre personne que lui, pas maintenant... Mais je peux vous promettre quelque chose. Que si nous devons être unis, je ferai tout pour ne pas vous enfermer. Pour que vous puissiez garder votre liberté. Pour que vous soyez libre de choisir, à chaque instant.
Sayo paraît touchée. Elle baisse les yeux un bref instant, puis murmure à l'alpha, sur un ton un peu terne.
— Alors je vous demande une chose en retour.
— Dites.
— Ne m'obligez jamais à mentir pour vous. Je veux rester loyale, mais pas complice. Je peux faire semblant, mais pas trahir.
— Je vous le jure.
Un silence. Lent, paisible, honnête.
— Si j'ai demandé à repousser le mariage, ce n'est pas par confort. Je compte me remettre comme il faut de ma blessure, et retrouver mon compagnon. Je ne peux pas le laisser derrière moi comme ça.
La jeune femme acquiesce lentement. Un consentement silencieux. Pas un soutien, pas encore. Mais un terrain d'entente.
— Alors marchez doucement, Minho. Les murs ont des oreilles. Et parfois, les silences aussi.
Elle se détourne, puis part en silence, laissant derrière elle une odeur de jasmin et une impression étrange de gravité douce. La porte se referme dans un léger grincement, étouffé par les bruits de pas qui s'éloignent déjà derrière lui. L'alpha reste un instant immobile, le dos tourné au battant, les yeux dans le vide, comme si la chaleur du salon d'apparat était encore accrochée à ses épaules.
Ils sont finalement de retour. Le logement qu'on lui a attribué est spacieux, mais vide d'âme. Ni lanternes suspendues, ni rideaux, ni objets personnels en dehors des affaires qu'il n'a jamais lâché depuis la Corée et celles du noiraud. Juste un futon confortable, une table basse et un bol d'eau tiède laissé là par précaution. Tout est rangé, impersonnel. Comme si on attendait qu'il devienne autre chose.
Il s'approche lentement de la table et laisse tomber ses gants dessus. Sa main valide va instinctivement chercher sa clavicule. L'épaule bandée tire encore cruellement. Il s'assoit sur le futon en tailleur, les coudes sur les genoux, la tête baissée.
Trois mois.
C'est si peu.
Mais c'est tout ce qu'il a pu négocier sans perdre la face.
Il repense au regard du père de la jeune femme, au fonctionnaire qui avait surveillé chaque mot comme s'il fallait cocher des cases, et à cette phrase, lancée presque sans réfléchir « Je ne suis pas un chien, monsieur. »
Il se frotte le visage d'une main lasse. Au fond, il ne regrette pas un instant. Ce qu'il regrette, c'est d'être là. Prisonnier de cette situation qui ne lui convient absolument pas, à la merci de ce nouvel empire. S'ils avaient su ce qu'ils allaient devenir en quittant leurs terres, jamais Ô grand jamais ils n'auraient fait cette traversée, jamais ils n'auraient rêvé de liberté en venant ici.
Il se redresse légèrement, le regard fuyant vers la fenêtre à demi-ouverte. La nuit est tombée depuis longtemps. On entend un peu plus loin les pas de la garde, réguliers, presque tranquilles. Minho sait qu'il est surveillé. On ne lui a rien dit, mais c'est tellement évident. À chaque coin de rue, à chaque détour d'un regard, il sent l'œil de l'Empire posé sur lui.
Il pense à la jeune femme. Mais ce n'était pas elle qui le hante. C'est Jisung.
Le châtain passe une main sur sa nuque, baissant la tête.
— Où te trouves-tu maintenant...?
Il veut croire qu'il est en sécurité. Mais chaque fibre de son corps lui crie le contraire. Il repense à ses tremblements, à sa voix qui s'éteignait quand la peur montait. Il se revoyait plaquer ses mains sur les joues de Jisung, le rassurer, l'écouter parler de leur avenir comme d'un rêve fragile qu'il fallait protéger à deux.
Et lui, maintenant... il s'apprête à épouser une autre.
Même pour le sauver, même pour le protéger, ça reste une trahison à ses yeux.
Il se redresse brusquement, marche jusqu'à la table, ouvre un carnet qu'il a emporté avec lui. Il hésite. Puis, dans une calligraphie serrée, il trace quelques mots, sans réfléchir.
« J'espère que tu es encore en vie.
J'espère que tu ne me détestes pas trop.
J'espère que tu me crois, quand je dis que je vais te retrouver.
J'espère que tu sais à quel point je peux t'aimer... »
Longtemps il reste penché sur ces mots qui s'étalent sur le papier. Les paupières closes, il essaye tant bien que mal de le sentir. Il tente de ressentir son autre, de faire parler ce fil invisible qui les lie à jamais. Mais tout ce qu'il sent, c'est le froid qui s'immisce. Le même qu'ils ont ressenti lorsqu'ils se sont trouvés séparés des années auparavant. Le froid et la fièvre.
Il referme le carnet d'un geste sec avant de le poser à côté de lui, et s'allonge sans même prendre la peine d'enlever ses bottes. Le plafond lui parait plus vide que jamais... Mais jamais aussi vide que son cœur actuellement.
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On avance on avance. Sachez que Sayo va forcément à un moment ou à un autre s'appeler Soya, mes doigts ne veulent rien savoir XD j'ai dû reprendre à chaque fois, il se peut que j'en ai oublié XD
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