Chapitre 12 - t2

Clic.

Le cliquetis sec de l'arme a l'effet d'un coup de fouet dans le silence. Le canon se lève, implacable, dirigé droit vers lui dès le signal de Tachibana Gorō, le fonctionnaire gérant le camp des réfugiés. Minho n'a pas le temps de bouger. Il ne tente même pas. À quoi bon ? N'a-t-il pourtant pas dit qu'il était d'accord avec le marché proposé ? Qu'il se sacrifiait pour sauver son oméga d'un horrible destin dont personne ne voudrait ? Son regard fixe celui du soldat qui le met en joue. Un regard dur, figé et empli d'abnégation.

Une seconde.

Juste une seconde.

Un tir claqua. Sourd. Le bruit se répercute sur les murs, et dans les oreilles de l'alpha qui sursaute au bruit, ferme les yeux, convaincu que c'en est terminé de sa vie. Pourtant, il ne ressent nulle douleur. Il ne chute pas. Il ne sent rien. Rien.

Le châtain reste figé un instant. Le projectile a sifflé à quelques centimètres de sa tête, volontairement. Il le devine. Ce n'est pas une erreur. C'est un avertissement, une démonstration. Une menace aussi claire que le métal froid de l'arme, et sans doutes une bonne méthode de manipulation cruelle.

Et le regard du soldat ne laisse aucun doute, mais il paraît bien loin de ce qui se joue ici. Il ne fait que son travail sans se poser de questions, mais avant que le fonctionnaire fasse coulisser le panneau, Minho reçoit le signe de se taire. Il s'y emploie, mais il a l'impression que les battements de son cœur sont si puissants que se taire ne servira à rien. On doit sûrement entendre son organe tambouriner dans tous les alentours.

Il recule. Lentement. Les mains toujours levées, jusqu'à ce que son dos rencontre le mur. Son cœur hurle de courir vers Jisung, de l'attraper, de l'emmener loin, n'importe où, mais ses jambes... elles ne bougent plus. Il faut qu'il fasse profil bas. Il doit laisser les choses se faire pour que son compagnon ne soit pas envoyé dans ces maisons closes dont ce type a parlé. Il est hors de question de le vendre de la sorte parce qu'il a voulu jouer les héros.

Le noiraud l'appelle. Le châtain entend l'oméga ne pas vouloir y croire. Il veut le voir. Le voir de ses propres yeux. Qu'il est déchirant de l'imaginer en train de sentir son cœur se briser en mille étoiles, le penser mort... Ses yeux cherchent désespérément une issue, un miracle. Mais il n'y a rien. Rien ne viendra pour eux. Ils vont de nouveau être séparés. Ils ont tellement idéalisé ce pays que Minho en tombe de mille étages. Leur rêve de cette vie paisible paraît si loin maintenant.

Et puis la porte se referme derrière Goro.

Comme un couperet.

Le silence lui vrille les tempes. Il sent son souffle se briser, court, rauque. Il a envie de vomir. De crier. De frapper. Mais il ne fait rien. Il reste là, les poings serrés, à lutter contre le vide immense qui vient de s'ouvrir devant lui. Lorsqu'il entend résonner le hurlement de Jisung qui crie son prénom, il se couvre les oreilles et s'accroupit. Il le pense mort. Il pense qu'il l'a abandonné. Il pense qu'il ne le reverra jamais... Et peut-être que ce sera sûrement le cas. Il a survécu. Oui. Mais à quoi ? Pourquoi ?

Quelqu'un entre de nouveau. Le châtain lève des yeux humides sur le fonctionnaire qui revient auprès de lui, l'air pleinement satisfait de son petit effet et de son idée perverse.

— C'est terminé. Il va être préparé pour le départ de demain. Vous, il vous faut regagner le camp. L'administration va vous chercher une épouse convenable.

Ces mots tombent comme des pierres, et Minho ne répond pas. Il fixe encore la porte, comme si son esprit s'accrochait à la dernière trace de Jisung. Il ne l'a pas vu, pourtant il l'imagine parfaitement, le visage décomposé et détruit à l'idée de le perdre lui. Et il ne peut rien y faire. Pas maintenant. Pas dans l'immédiat. Il ne sait combien de temps va devoir se passer avant qu'il puisse faire quelque chose pour lui faire savoir que tout ça n'est qu'une sombre machination.

— Qu'est-ce que vous avez fait... ? Pourquoi.. ?

Il ne peut rien faire. Il en est horrifié. Goro, lui, se tourne vers lui avec un air étonné, comme si tout cela coulait de source.

— Mais enfin, comme ça vous êtes débarrassé de toute contrainte, et lui peut être conduit en maison d'éducation sans qu'il ait quoi que ce soit qui le retienne. Il va donc pouvoir participer pleinement et se concentrer sur les cours qui vont lui être donné.

Mortifié, le châtain hoche la tête. Juste une fois, avant d'être relevé par le soldat présent et c'est ainsi accompagné qu'il est reconduit au camp. Toutefois, à chaque pas effectué, c'est comme si on l'éloignait d'un bout de lui-même qu'il n'aurait plus jamais. Chaque pas est une déchirure abominable qui lui vrille le ventre. Les souliers de Minho écrasent la terre humide sur le chemin du retour, mais il n'en a pas conscience. Il marche comme on fuit un incendie, à pas lents et sourds, le regard vide, la gorge brûlante.

Le vent s'est levé. Un vent frais, sec, qui fait frissonner, mais le châtain ne sent plus rien. Ou plutôt si... Il sent encore la chaleur de mains de Jisung au creux de la sienne. Il y a à peine une heure, ils étaient encore tous les deux, liés et amoureux. Il ne pourra jamais oublier ça.

Ses pas le ramènent au camp, mais il n'a plus l'impression d'en faire partie. Les tentes, les feux, les ordres criés, tout lui semble lointain, comme si la scène appartenait à un autre monde. Il ne veut pas parler. Pas manger. L'idée même d'être mort, de n'être plus qu'un souvenir pour son compagnon lui retourne le ventre et lui serre la gorge. Il aimerait seulement... revenir en arrière. Juste une heure. Une seule. Une heure suffirait à revenir avant tout ça, à prendre Jisung par la main et à l'entraîner loin de tout ça. Ils auraient pu chercher à retourner en Corée par un moyen détourné. Ils auraient pu rejoindre un petit village paisible loin de tout ça, où ils se seraient cachés et où ils auraient vécu tranquillement. A moins qu'ils se soient fait tuer tous les deux... Mais au monis ils seraient toujours l'un avec l'autre et ne se seraient jamais séparés.

Il s'adosse à un poteau de bois, non loin du feu central, les mains dans les poches. Quelqu'un passe à côté de lui sans le voir. Tant mieux. Il aurait mordu si on avait tenté de lui parler.

Il ferme les yeux, peu pressé de retourner dans leur petit recoin, et de s'y retrouver sans son oméga, mais au milieu de tout ce qui lui appartient. Où est-il à l'heure actuelle ? Et s'il pouvait le retrouver maintenant et se faufiler jusqu'à s'échapper ? Ses deux mains passent sur son visage blême. Il en a oublié sa blessure à l'épaule à peine remise. Sa tête lui tourne, mais il n'en fait pas cas. Tout ce qui lui importe c'est Jisung. C'est le noiraud, son regard, la crainte qu'il tentait de cacher...

Ils le lui ont arraché. Ils le lui ont enlevé.

Minho frappe soudain. Il frappe le poteau derrière lui du poing. Fort. Une fois. Deux. Trois. Jusqu'à ce que ses phalanges brûlent. Il a besoin de douleur, cruellement. Une qu'il contrôle. Parce que celle dans sa poitrine, il ne sait pas comment l'arrêter. Elle creuse, et fore toujours plus et lui donne l'impression de mourir à petit feu.

Il va être formaté, il va devenir le parfait oméga. Ces mots tournent dans sa tête comme une fièvre.

Il va devenir une épouse. Un ventre docile. Son avenir est tout tracé.

Mais lui n'est pas à ses côtés dans l'équation.

Et pourtant... il sait que Jisung ne s'y pliera pas. Pas sans lutter. Pas sans se briser encore un peu plus, lui qui a déjà été fragilisé. C'est bien ce qu'il craint le plus, qu'il s'éteigne à force de se forcer à survivre dans une cage dorée. À force de se taire. À force de prétendre. A le croire mort. Va-t-il seulement essayer ?

Et lui-même ?

Lui, il doit attendre, se préparer à agir, renverser tout ça, changer ce destin qu'ils leur réservent. Il doit chercher une faille et s'y engouffrer pour les sauver. Mais ce soir-là, il n'est qu'un homme vidé. Un homme à qui l'on a arraché toute une moitié de son être, à vif et sans la moindre pitié.

Pour la première fois depuis longtemps, Minho sent ses yeux se remplir de larmes qu'il contient encore pour l'instant.

Il tourne la tête, s'agenouille lentement au pied de la palissade du camp, dos à tous. Il reste là, longtemps. Prostré pendant peut-être des heures. Les bras autour des genoux. Comme un enfant qui attend qu'on vienne le chercher. Mais personne ne vient. Il reste là, accroupi dans la poussière, incapable de savoir s'il faisait nuit ou jour. Incapable d'aligner deux pensées cohérentes.

Les bruits du camp flottent au loin, étouffés. Le monde continue sa course autour de lui, mais lui reste figé. Absent, à tenter de ne pas s'effondrer.

Et soudain, le silence intérieur se fendille.

Un souvenir.

Minho ne l'a pas appelé, mais il s'est imposé, comme un rayon de soleil glissant entre deux nuages noirs.

Un matin.

Juste un matin.

Ils n'étaient même pas encore amants, pas vraiment. Jisung dormait, roulé sur le côté, ses cheveux en bataille et une couverture à moitié tombée au sol, à ronfler doucement. Le châtain s'était réveillé avant lui, comme souvent, mais ce jour-là, il n'avait pas bougé. Il était resté là, à l'observer.

Le visage du noiraud était détendu. Libéré. Rien ne l'oppressait dans son sommeil. Et sous ses paupières, ses yeux bougeaient légèrement, comme s'il rêvait.

Minho s'était approché, à peine. Juste assez pour sentir son souffle contre son nez.

Et Jisung, sans ouvrir les yeux, avait tendu la main à l'aveugle, jusqu'à effleurer son bras. Il avait murmuré d'une voix endormie :

— Reste encore un peu...

L'alpha se rappelle encore de la chaleur de ces mots. De leur douceur innocente. Comme si son compagnon, même dans ses rêves, savait qu'il était là. Qu'il en avait besoin.

Il s'était allongé près de lui, silencieusement, et avait glissé ses doigts dans les siens. Le matin avait filé, le soleil s'était levé, mais ils n'avaient pas bougé. C'était un moment suspendu. Hors du monde. Un entre-deux fragile, protégé de la violence du dehors.

Et maintenant ?

Il ne reste que le souvenir.

Minho se recroqueville un peu plus, la tête contre les genoux, les bras serrés autour de lui comme s'il cherchait à retrouver cette chaleur perdue. Son dos tremble doucement à l'idée de l'avoir perdu pour de bon. Il n'y a pas de larmes bruyantes, on entent seulement son souffle qui se brise. Son esprit cède, les murs qu'il a bâti s'écroulent, pierre après pierre sans qu'il puisse rien retenir. Comme une digue trop longtemps restée debout et qui permet enfin à l'océan de pénétrer les terres à grosses vagues.

"Reste encore un peu..."

Il donnerait n'importe quoi pour entendre cette phrase à nouveau. Pour voir le sourire si chaleureux en forme de cœur de son oméga. Ce sourire si lumineux qui lui éclaire la vie depuis des années.

Malheureusement il sait que le moment est passé. Et que désormais, c'est à lui de tenir.

Pour lui.

Pour eux.

Pour ce matin-là. Et pour tous les autres qu'ils n'ont pas encore eus.

Plusieurs jours sont passés, et l'alpha lutte encore contre sa gorge trop serrée, contre le poids sur sa poitrine et ce froid qui l'a envahi depuis que Jisung a été emmené il ne sait où. La vie a repris son cours. Lui s'est fait une raison. Il va devoir se montrer patient, de nouveau, mais il a réussi à se convaincre que ce ne serait pas en vain. Quoi que l'avenir leur réserve, il saura retrouver son compagnon et le sauver. Peut importe la situation dans laquelle il se trouve. Ils seront de nouveau ensemble. Le plus compliqué est de trouver l'opportunité, mais même si cela doit prendre des années, il sait que cela arrivera un jour ou l'autre.

La pièce est toujours aussi sobre. Le fonctionnaire se tient de l'autre côté du bureau, une pile de papiers parfaitement ordonnée devant lui. Minho, lui, se tient debout, les bras croisés, comme s'il pouvait encore maîtriser la situation. Pourtant, il sait que chaque minute passée dans cette pièce est une minute de plus à se laisser engloutir par ce système.

Tachibana Gorō lève les yeux de ses papiers, un sourire subtil en coin lorsque l'alpha entre et se tient droit devant lui. L'homme ne perd pas de temps et se lance aussitôt, la voix douce, presque trop calme pour que ce soit de bon augure.

— Je sais que tout cela doit vous sembler brutal, Minho. Mais sachez que vous êtes un homme privilégié. Pas beaucoup dans votre situation peuvent prétendre à autant de considération. Il suffit de voir ceux qui traînent au camp.

Le châtain ne répond pas tout de suite. Il se contente de l'observer, de sentir cette froideur glacée qui émane de l'homme. Il sait très bien que ses mots ne sont rien de plus qu'une couverture pour masquer la réalité, pour faire passer la pilule plus facilement. Sa voix se fait plus tranchante que voulu lorsqu'il se décide, mais il faut qu'il sache précisément dans quoi il s'engage et quelles sont les règles de ce jeu maudit. Il n'y a nulle place pour les faux-semblants.

— Qu'est-ce que vous attendez de moi exactement ?

Le fonctionnaire hausse les sourcils, comme s'il se félicitait de la lucidité de Minho. Il s'appuie légèrement sur son bureau, les mains jointes. Son sourire torve n'arrive même pas jusqu'à ses yeux, ce qui fait serrer les dents à l'alpha qui se sent pris au piège dans quelque chose qui le dépasse.

— Ne vous l'ai-je pas déjà dit ? Vous allez épouser une femme japonaise. Elle se nomme Hoshino Sayo, une jeune femme d'un rang respectable, comme vous le savez déjà. Elle a l'âge et le statut requis pour un homme de votre position. Un mariage bénéfique pour vous deux. Vous aurez des privilèges. Elle aussi.

Il marque une pause, sans lâcher le châtain du regard.

— La cérémonie se tiendra dans trois semaines, et d'ici là, vous recevrez tout le soutien nécessaire pour vous acclimater à votre nouvelle vie. Un mariage officiel renforcera votre statut, et votre nom sera respecté ici, au Japon.

Minho se force à ne pas réagir immédiatement. C'est donc ça, son avenir... Un mariage de façade, une alliance de convenance, loin de son âme-sœur... Sans trop réfléchir, il réplique, froid.

— Je ne veux pas d'une femme pour simplement faire acte de présence. Je veux savoir ce qui va réellement se passer. Qu'est-ce qu'on attend de moi après ?

Goro garde un sourire poli, mais ses yeux sont plus aiguisés, calculateur.

— Nous attendons que vous intégriez pleinement la société japonaise. Une fois le mariage officialisé, vous aurez des opportunités pour élargir vos affaires, participer à la politique locale, et nous vous aiderons dans ce sens. Mais en échange, vous devrez respecter les règles de la société ici. Un mariage, des enfants, et une place dans la hiérarchie. Vous serez bien sûr sous surveillance active, au moins jusqu'à ce que nous soyons certains que vous vous conformiez à votre rôle et que vous ayez compris les enjeux.

Il jette un coup d'œil furtif aux papiers sur son bureau.

— Je vous conseille de vous préparer mentalement. La cérémonie ne sera que le début.

Minho sent son estomac se tordre. Le mariage n'est qu'une formalité pour l'instant, mais le reste... Le reste l'effraye. Il finit par poser la question qui le travaille depuis qu'ils sont séparés. Certes, il a compris pour la maison d'éducation, mais encore ? Son ton est sec, mais il n'est pas prêt à abandonner son compagnon derrière lui, il ne compte pas l'abandonner et fera son possible pour le retrouver.

— Et Jisung ? Que va-t-il devenir ?

Le fonctionnaire semble prendre son temps avant de répondre, savourant l'impact de la question et pousse un soupir presque las. Il répond tout de même, d'un ton résolument neutre.

— Jisung est en sécurité à la maison d'éducation. Comme vous le savez, il a été transféré là-bas pour être formé, comme tout oméga dans sa situation. Il sera préparé à servir, à s'intégrer dans la société japonaise. Apprendre la langue de son nouveau pays, découvrir nos us et coutumes, ainsi que les préférences des alphas d'ici.

Il s'arrête un instant, puis ajoute d'un ton presque rassurant

— Il est bien traité, Minho. Très bien traité, en fait. Un endroit à lui, nourri convenablement... Nous prenons soin de nos élites, femelles comme omégas.

Le châtain sent la colère l'envahir. C'est un mensonge évident. Il sait parfaitement ce qu'ils font des omégas, même de ceux qu'ils prétendent "éduquer". La sécurité n'est qu'illusoire, rien de plus. Une illusion pour apaiser les consciences des âmes sensibles. Mais il n'ose rien dire, il n'en a pas le droit. Et l'homme poursuit comme si de rien était, lissant ses papiers en un geste soigné.

— Il sera éduqué pour devenir un bon citoyen, un bon serviteur de la société. Sa place dans ce pays sera celle d'un oméga épanoui, respecté. Il ne sera plus un fardeau pour vous et fera le bonheur de son prochain maître.

Minho ferme les yeux un instant. Il aurait voulu hurler, mais il se contente de fixer ses poings. Chaque mot qu'il entend est un coup de plus porté à son cœur.

Il ne le reverra peut-être jamais. Pas comme avant. Pas libre. Pas avec le sourire. Il ne sera plus qu'une poupée de chiffon formatée pour le plaisir d'hommes se pensant supérieurs en tous points à ces êtres si faibles.

Il prend une profonde inspiration afin de ravaler cette colère qui lui vrille la gorge et l'esprit. Il sait ce que risque son autre s'il envoie tout voler, mais qui sait, peut-être que cette fois la réponse sera différente ?

— Et si je refuse ce mariage ? Si je refuse tout ce que vous attendez de moi ? Que vous me rendiez mon compagnon et que nous rentrions chez nous en Corée ?

Goro sourit, presque amusé.

— Minho, vous ne comprenez pas, je crois.

Sa voix devient plus basse, plus menaçante.

— Vous n'avez pas d'autre choix. Vous êtes un homme précieux pour le Japon, mais aussi une pièce qui doit se placer au bon endroit sur l'échiquier. Si vous refusez, la situation deviendra... compliquée. Nous vous accorderons un peu de temps, mais la pression viendra. Pour vous. Pour Jisung. Nous ne saurions vous renvoyer en Corée sachant que c'est la mort qui vous attend tous les deux. Nous nous en voudrions que vous soyez exécutés à votre arrivée chez vous. Les traitres ne sont pas très appréciés, quelque soit le pays, vous savez. Et comme nous l'avions convenu, si vous refusez, votre ami quittera la maison d'éducation, mais sera convié à travailler dans une maison de passe où les officiers ont leurs habitudes. Saviez vous que certains hommes japonais ont des désirs particuliers ? Pensez vous qu'il saurait s'y plier ?

La menace est claire. Minho sait que le fonctionnaire ne plaisante pas. Si ce n'est pas son mariage, ce sera autre chose. Un choix sans issue.

Il détourne alors les yeux, les poings serrés. C'est la voix brisée, à l'aune de son cœur, qu'il finit par répondre. Est-ce que le noiraud saura lui pardonner ?

— Je comprends.

Il n'y a pas d'autre option. Il le sait. Il le comprend. Mais quelque part, au fond de lui, il sent grandir une rage silencieuse. Il le retrouvera quoi qu'il en coûte et ils se tireront de ce guêpier.

Le châttain reste silencieux, observant l'homme qui se tient toujours derrière son bureau, l'air serein, mais avec un éclat dans les yeux qui trahit une pression qu'il sait manipuler avec habileté. Ce dernier lisse les plis de son uniforme, avant de prendre une autre feuille de son dossier et de la poser avec calme devant l'alpha.

— Vous êtes bien plus qu'un simple homme à marier, Monsieur Lee. Votre rôle ici, en tant que futur époux de Sayo et homme d'affaires établi, va être d'une importance capitale pour les relations futures entre le Japon et la Corée.

Minho fronce les sourcils. Il n'a pas pris la mesure de ce que l'intégration dans la société japonaise peut impliquer. Ses doigts se serrent discrètement autour de ses bras croisés.

— Que voulez-vous dire par là ?

Le fonctionnaire pose son regard sur l'homme qui lui fait face, sans ciller, comme s'il avait attendu la question.

— Le Japon s'attend à ce que vous soyez un lien de plus en plus fort entre nos deux nations. La Corée est un pays avec lequel nous avons une histoire compliquée, mais vous avez un rôle à jouer dans cette évolution. Votre position ici est un vecteur d'influence.

Il marque une pause, pesant ses mots.

— Les affaires que vous possédez, Les usines qui vous reviendront lorsque votre père rendra l'âme, votre réputation en Corée seront réorientées pour soutenir les intérêts du Japon. Vous n'êtes plus seulement un individu ; vous êtes un symbole de la nouvelle ère.

L'alpha serre les mâchoires. Les ramifications de ses actes, de son mariage, sont plus lourdes qu'il n'aurait imaginé.

— Vous voulez dire que je devrai devenir un instrument de propagande ? Une marionnette qui sert les intérêts du Japon au détriment de ma famille ? Et des miens ?

Il crache son discours, chaque mot lourd de frustration.

Goro ne réagit pas immédiatement. Il semble calculer la meilleure manière de répondre, avant de finalement lâcher un soupir presque imperceptible.

— Je dirais plutôt que vous serez un acteur de premier plan dans un mouvement qui, à long terme, bénéficiera à votre pays et à votre famille. Vous n'êtes pas obligé de le voir de cette manière, mais vos actions ici résonneront pour les années à venir.

Il baissa les yeux sur la pile de documents.

— Nous voulons que vous utilisiez vos ressources pour stabiliser la région, notamment en facilitant l'ouverture de nouvelles entreprises japonaises en Corée. Votre mariage avec Sayo et votre ascension dans la société japonaise permettront d'assurer que le Japon puisse compter sur des alliés de poids, comme vous, pour gérer les affaires futures avec la Corée. Et de par vos connaissances, je ne doute pas un instant que vous saurez nous rapporter toute information pouvant être essentielle.

Le châtain ferme les yeux un instant, le poids des mots tombant lourdement sur lui. Tout est devenu un jeu de pouvoir, une pièce sur un échiquier dont il n'a pas choisi les règles.

— Et si je refuse de me plier à tout cela ? Si je décide de ne pas manipuler mes entreprises pour servir vos intérêts ? De ne pas trahir des amis, des connaissances ou le pays pour lequel je me suis battu ?

Le fonctionnaire le regarde de manière glaciale, mais d'un calme déconcertant.

— Refuser n'est pas une option, Monsieur Lee.

Il laisse une pause, comme pour bien faire passer son avertissement.

— Si vous refusez, il y aura des conséquences, non seulement pour vous, mais aussi pour vos proches. Pour Jisung, pour votre famille en Corée, pour chaque personne de votre connaissance. Le Japon ne tolérera pas l'opposition de votre part.

Minho sent une colère sourde envahir tout son corps. Il sait à quel point ses options sont limitées. Il n'a pas de pouvoir réel dans cette situation. Pas encore. Pas tant qu'il ne jouera pas son rôle comme on le lui demande. Mais une part de lui, la part qui refuse de se soumettre à une vie qu'il n'a pas choisie, bouillonne.

— Et à long terme ? Vous me demandez de bâtir des ponts entre nos deux pays, mais comment puis-je le faire sans trahir ce que j'étais avant ? Sans trahir ce que la Corée a été pour moi ?

L'homme ne semble pas perturbé. Il énumére froidement :

— Ce que l'on attend de vous, Minho, c'est de jouer un rôle important dans l'établissement d'une nouvelle ère, une ère où les anciennes rancunes et les anciennes divisions cèdent le pas à la coopération et au développement. Votre héritage coréen sera respecté, mais vous devez comprendre que la voie à suivre implique une intégration totale dans notre société.

Il ajouta plus bas, presque comme un secret...

— L'étiquette et l'allégeance que vous devrez respecter envers le Japon vous permettront de bénéficier de protections, de soutiens politiques, et d'opportunités. Mais ne les ignorez pas, car tout ce que vous avez sera scellé par la place que vous prendrez ici. Vous n'êtes plus Coréen ici, Minho. Vous êtes sur le point de devenir un japonais honorable.

Le châtain se sent englouti par les implications de ces paroles. Ses rêves d'une liberté partagée avec Jisung semblent désormais irréalistes, un luxe qu'il ne pourra probablement plus jamais atteindre.

— Donc, vous me demandez d'abandonner ce que je suis, ce que j'étais, pour être un pion dans vos intrigues politiques...

Son ton est empli d'amertume, et il a bien du mal à réfléchir à comment lutter contre tout cela sans impacter tous ceux qu'il aime.

Le fonctionnaire hausse légèrement les épaules, avec un petit sourire comme si tout cela faisait partie d'un grand plan inéluctable.

— Vous avez une vision trop étroite, Monsieur Lee. Ce n'est pas un abandon, c'est un choix. Un choix pour la pérennité de votre famille, de votre patrimoine. Vous êtes libre, dans une certaine mesure. Vous avez des choix à faire. Choisissez bien.

Minho reste là, les poings serrés, observant le fonctionnaire qui attend apparemment que la conversation prenne fin. Mais au fond de lui, une rage nouvelle s'éveille. Une rage contre l'injustice du système. Une rage contre l'impossibilité de choisir sa propre voie, de sauver ce qui est pour l'instant perdu. Il ne peutt malheureusement pas tout changer, pas immédiatement. Mais il jure qu'il trouvera une manière de manipuler cette situation à son avantage. Et s'il doit lutter contre le Japon pour préserver ce qui lui appartient encore, alors il le fera. « Choisissez bien... » Quel choix ? Choisir la seule porte qu'on lui permette d'ouvrir. De choix, il n'y a pas et il l'a bien compris.

Le fonctionnaire se lèva et tend une main polie, comme pour signifier que la conversation est terminée.

— Très bien. Vous recevrez bientôt les documents officiels pour préparer le mariage. Vous serez prêt, Minho.

Ce dernier hoche la tête sans un mot. Le regard du fonctionnaire, satisfait, reste gravé dans son esprit alors qu'il quitte la pièce. Il n'a pas obtenu tout ce qu'il espérait, mais il sait que ce n'est que le début. A côtoyer diverses personnes, il espère bien en apprendre plus sur ces maisons d'éducation, leurs localités et trouver un moyen de sauver son compagnon.

« Jisung, attends-moi. Je vais revenir te chercher. »


____

Décidément... :D

Alors? ^^

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