Hyunjin observe les hommes devant lui tout en lorgnant à demi sur le papier qui vient de lui être apporté. Minho semble aller un peu mieux qu'il y a quelques mois lorsqu'il a appris, par le biais de Seungmin, que Jisung se trouvait mal en point. Il a fallu trouver à l'occuper, et à essayer de lui faire faire des choses pour qu'il cesse de se torturer l'esprit en pensant à son oméga. Savoir que ce dernier aurait pu perdre la vie a failli rendre son alpha totalement hors de contrôle. Le conseiller l'a donc assigné à quelques travaux qui ont su l'occuper suffisamment pour qu'il retrouve un peu de raison. Le temps a passé depuis, Septembre est déjà bien entamé, et le noiraud est toujours prisonnier de l'alpha qui l'a acheté. Les choses ne se déroulent pas aussi vite que ce à quoi ils s'attendaient tous et peut-être va-t-il falloir pousser un peu pour que cela s'accélère.

— Un convoi arrive à Séoul depuis le Nord. Ils sont encore en chemin, à plusieurs dizaines de lieues. Ils vont sûrement faire comme à chaque fois, déposer les oméga à un endroit précis. Comme d'habitude : il faudra les suivre, et s'attaquer au lieu de déchargement.

Yongbok essaye de lire quelques feuillets, déchiffrant avec quelques difficultés les caractères en hanja. Hyunjin tente bien de lui apprendre, mais s'il connaît le hangeul, lire les caractères chinois est une vraie gageure. Il relève sa tête hirsute pour la hocher en regardant son lié.

Assis en tailleur près de la lueur vacillante d'une lampe à huile, Minho fait glisser un chiffon imbibé d'huile le long de la lame de son sabre. Le métal luit sous ses gestes précis, révélant des reflets sombres et acérés à la lumière tremblante. Chaque mouvement est lent, maîtrisé, presque cérémoniel — non pas par fierté, mais par nécessité. Une lame négligée trahit toujours son maître. Il observe un instant le fil de l'arme, testant du bout du doigt son tranchant avant de reprendre son labeur. Le sang a été nettoyé, mais l'alpha sait que certaines taches ne disparaissent jamais vraiment. Il ne lève pas le nez de son occupation aux mots de Hyunjin, se contentant d'écouter et de hocher doucement la tête.

Ce dernier passe une main lasse dans ses cheveux sombres, dénoués pour la soirée, et soupire profondément.

— Je ne sais pas combien de temps ça va encore durer... Si seulement on pouvait se débarrasser de ces gens une bonne fois pour toute... Et les réformateurs commencent à me courir sur le lotus... Ils sont de plus en plus sur mon dos et celui de notre groupe de conseillers. Le roi le tolère totalement et.. Rhaa ! Mais qu'il est faible. Se laisser marcher dessus par des chinois et des japonais, mais franchement...

Minho laisse son geste en suspend et fait une légère moue, contrarié. Il sait que tout cela dépend de son oméga, de ce qu'il est susceptible de trouver et qui pourrait prouver l'implication de ces gens qu'ils souhaitent arrêter. Mais comment forcer Jisung à se mettre en danger pour cela ? Quant à la politique, il la laisse volontiers à son ami, qu'il sait disposer d'une langue suffisamment acérée pour réussir à se dépatouiller de toutes ces affaires. Il dépose sa lame devant lui et range le chiffon qu'il a utilisé et se tourne enfin vers son ami conseiller.

— On y arrivera. Ce n'est pas toi qui disait qu'il fallait se montrer patient ? Il faut faire confiance à Jisung. Ça prendra le temps que ça prendra .

Il ne résiste pas à se mordre l'intérieur de la joue après sa tirade. Lui même tente de se convaincre que c'est ce qu'il faut faire... Attendre. Se montrer patient. Pourtant il n'a qu'une idée en tête depuis déjà bien trop longtemps : sortir Jisung de cette foutue prison et le sauver des griffes de cet alpha étranger qui pense pouvoir régner en maître absolu sur les oméga qui croisent sa route.

— Il est fort. Il y arrivera. Y a pas de doutes. Pis on picolera à sa santé quand tout s'ra terminé et on fera des paris sur les futurs petits Lee.

— HUM. Bokkie, tu t'en sors avec ta lecture ?

— Franchement ? Tu veux vraiment l'savoir ??

—Si je te le demande ...

— Non mais qui a eu l'idée de ces fichus caractères ?? Le hangeul est facile ! Et logique ! Mais ça ! C'est bien des chinois tiens !

Le changement de conversation permet à Minho de se détendre quelque peu, lui qui a senti, l'espace d'un court instant, ses épaules se nouer. Il ne répondra rien de plus, mais sourit en voyant les deux idiots se chamailler pour rien. Il se doute que c'est fait exprès après que l'oméga ait pris un chemin dangereux avec son allusion, et il leur est reconnaissant de ne pas avoir cherché à approfondir la conversation en ce sens. Il arrive même à rire, lorsqu'il les voit tous les deux en venir aux mains gentiment, se crêpant le chignon.

***

La nuit n'est pas bien sombre, la lune faisant montre de tout son meilleur potentiel pour éclairer les campagnes environnantes. Les étoiles sont scintillantes, et Minho les observe à travers la buée qui s'échappe de lui à chaque respiration. Le temps commence à se rafraîchir et il regrette déjà les lourdes chaleurs de cet été.

Silencieux, Seungmin finit par revenir auprès d'eux. Sa discrétion lui permet d'endosser le statut d'éclaireur, et de leur ramener les dernières informations. Nonchalant, il vient s'asseoir non loin de l'alpha et de Yongbok qui attendent patiemment, non sans bailler parfois pour l'oméga. Ses vêtements ramenés sous lui, il reprend un peu son souffle avant de prendre la parole, laissant les gens terminer leurs murmures. En effet, d'autres personnes de confiance les accompagnent, et ils sont ainsi une bonne douzaine à former une petite milice qui travaille aux côtés des réformistes, contre les pro-chinois.

— Ils ne vont pas tarder à se pointer. Ils n'ont pas l'air de s'attendre à nous voir. Contrairement à la dernière fois, ils ne sont que cinq ou six, qui encadrent l'attelage. Dans la cage il y a une bonne dizaine d'oméga.

Minho, dirigeant les opérations lorsque le conseiller n'est pas avec eux, hoche la tête et jette un œil en direction de la ville.

— Très bien. Même si ça reste étonnant qu'il n'y ait pas plus de sécurité que ça... On va les suivre jusqu'au lieu où ils les enferment, et on les surprendra là bas. Il y a des chances qu'on puisse en récupérer plus que ça.

Se tournant vers l'un des plus attentifs du groupe, un alpha sage et imposant, Minho attire son attention :

— Myeongjin, quand Bokkie aura terminé d'ouvrir les cages ou les cellules, vous partez vite et on se retrouve tous au refuge. Nous on s'occupera des gardes et autres surveillants.

Après un signe de tête pour valider les dires du chef, tous se mettent en place comme ils ont maintenant l'habitude de le faire. Chacun a son propre rôle dans ces traques et pour le moment, tout fonctionne plutôt correctement. Sciemment, ils ne s'attaquent pas à tous les convois dont ils ont pourtant connaissance. Ils en ciblent quelques uns, pour mieux éviter de se faire attraper et que les trafiquants ne s'attendent pas à les voir arriver constamment. Ils se rattrapent en libérant la plupart des oméga d'un seul coup, à plus ou moins quelques jours d'une vente prévue.

Silencieuse comme une ombre, la petite milice se met en mouvement derrière le convoi. Chaque pas est calculé, chaque souffle maîtrisé. Ils évoluent à bonne distance, se faufilant entre les arbres et les bâtisses abandonnées qui longent le chemin. Les roues grinçantes de la charrette résonnent dans l'air nocturne, couvrant le bruit feutré de leur avancée. Minho, en tête, échange des regards rapides avec Seungmin, Yongbok, le visage à demi mangé par un tissu qui les cache et Myeongjin, scrutant les alentours à la recherche du moindre signe suspect. Les gardes, au nombre de six, ne semblent pas préoccupés, convaincus que ce transfert n'attirera pas d'ennuis. Pourtant, au fond de lui, l'alpha reste sur ses gardes. Quelque chose cloche.

Le convoi finit par s'engouffrer dans une grande bâtisse en bordure de la ville, dissimulée derrière des palissades de fortune. L'endroit est bien plus grand qu'ils ne l'avaient imaginé. À travers les interstices du bois mal ajusté, ils distinguent des silhouettes tassées les unes contre les autres. De nombreux oméga sont enfermés ici. Plus que ce qu'ils imaginaient cette fois, plus que les fois précédentes et cela fait serrer les mâchoires à Minho. Certains, recroquevillés, ont la tête baissée, d'autres jettent des regards anxieux vers la porte principale. L'air est lourd de peur et d'humidité.

Minho échange un dernier signe avec ses hommes avant de donner le signal.

L'assaut est rapide, brutal. Yongbok se faufile dans l'ombre et crochète la première serrure tandis que Myeongjin mène les combattants contre les gardes restés dehors. Le vacarme éclate dans la nuit, les ordres fusent, les corps s'entrechoquent. Seungmin, agile, désarme un garde d'un coup précis avant de le faire taire d'un revers bien placé. Tout semble se dérouler comme prévu, jusqu'à ce que Minho entende un cri venant de l'entrée.

— C'est lui ! C'est Minho !

Le temps semble se figer. Dans l'ombre, des silhouettes émergent. Pas seulement des gardes. La police. Ils étaient là, tapis en attendant que quelqu'un morde à l'hameçon. Un piège. Le cœur de l'alpha manque un battement, mais il n'a pas le temps d'hésiter. L'oméga aux joues tachetées se retient de paniquer et se hâte d'ouvrir le plus de cadenas possibles, les mains tremblantes, oubliant presque de respirer. Chaque fois qu'une porte s'ouvre, il encourage vaillamment les prisonniers à sortir. Minho a reprit ses esprits, et après un grincement de dents douloureux, il se presse et presse ses compagnons tandis qu'il court, ses cheveux se balançant derrière lui.

— Dépêchez-vous ! Sortez-les d'ici !

La panique s'empare des oméga, certains hésitent, paralysés, d'autres se précipitent vers l'extérieur sous la protection de la milice. Minho, lui, reste en arrière avec quelques hommes, prêt à affronter ceux qui veulent refermer le piège sur eux.

Le chaos éclate dans l'entrepôt. Les policiers se déploient en force, surgissant des ombres avec l'assurance de ceux qui savent qu'ils ont l'avantage. Le chef de la milice comprend trop tard qu'ils étaient attendus. L'adrénaline pulse dans ses veines, mais il n'a pas le luxe de paniquer. Il pare le premier coup qui lui est asséné et riposte sans hésiter, envoyant son assaillant rouler au sol d'un mouvement fluide. Autour de lui, ses hommes luttent avec la même rage, repoussant la charge brutale des forces de l'ordre.

Derrière, Yongbok continue d'ouvrir les cages, poussant les omégas affolés vers la sortie.

Myeongjin et Seungmin les protègent, couvrant leur fuite, mais ils sont dépassés en nombre. Le temps presse.

Un sifflement fend l'air. Minho voit l'éclat d'une lame une fraction de seconde avant qu'elle ne l'atteigne. Il tente d'esquiver, mais le poignard se plante dans son flanc, lui arrachant un grognement douloureux. Il titube sous l'impact, la chaleur du sang imbibant déjà sa tunique. Le policier qui l'a blessé tente de frapper à nouveau, mais Minho, dans un élan de rage, l'attrape par le poignet et le projette contre un mur.

— Minho ! Ce n'est pas le moment !

La voix de Seungmin le tire de sa douleur. Il voit Yongbok et les omégas courir vers la sortie, Myeongjin les couvrant du mieux qu'il peut. Ils doivent partir. Maintenant.

Respirant difficilement, Minho serre les dents et force son corps blessé à bouger, geignant tandis qu'il s'élance. Il court vers l'ouverture, esquivant de justesse une nouvelle attaque. Seungmin l'attrape par le bras et l'entraîne sans poser de questions. L'extérieur est un champ de bataille, mais une brèche s'est ouverte dans les rangs ennemis. Minho, vacillant, serre son flanc et suit le mouvement, son seul objectif étant désormais de disparaître dans la nuit avant que la police ne puisse resserrer l'étau.

Ils ne doivent pas le capturer. Pas ce soir.

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Un peu plus court que les précédents chapitres.

Le temps file dans cette histoire! Ça commence à se corser un peu. Ça sent le final pour bientôt.

Alors le dénouement? Bon? Triste? Jubilatoire? XD

(je suis désolée s'il y a des fautes, je n'ai pas eu la foi de relire là de suite, je m'y mettrai plus tard dans la soirée je pense, mais il m'a fait galérer un peu donc je ne voulais pas attendre pour le poster)