Chapitre 25

— Tu es sûr qu'il ne va pas te dénoncer ?

— Oui... Enfin... à peu près.

Les mâchoires serrées, Minho guide Jeongin à travers les diverses rues de la capitale. Bien qu'il ne soit pas d'ici, les quelques années qu'il y a passé lui permettent de s'y repérer. L'alpha a moins froid depuis quelques jours. Il se sent moins mal. Sûrement du fait que Jisung s'y trouve également. L'éloignement les rend fébriles, malades. Lorsqu'ils se rapprochent, ils recouvrent une santé, même si encore peu satisfaisante. La chaleur est écrasante mais il n'en fait pas cas, bien trop préoccupé par ce que peut devenir son cher et tendre oméga.

— Je l'ai connu quand le gouvernement nous a fait venir quand c'était compliqué avec la Chine et le Japon. On peut compter sur lui.

— Si tu le dis, je te fais confiance.

Jeongin n'a de toute façon pas d'autre choix. Il ne connaît rien à la capitale et n'y connaît personne, alors son aide ne sera pas d'une grande utilité sauf pour essayer de faire en sorte que Minho conserve un semblant de paix et d'espoir de retrouver son compagnon. Des deux, il semble qu'il soit le plus inquiet à l'idée que son ami soit reconnu. Il a bien vu les affiches concernant le couple qui sont accrochées un peu partout dans les rues de Séoul. Son regard se pose d'ailleurs sur l'une d'entre elles, accrochée sur un panneau d'affichage. L'alpha a de la chance que la plupart des passants soient plus occupés par leur propre sort que par regarder en l'air, accablés par la chaleur et vaquant au plus pressé. Déglutissant, le bêta regarde autour d'eux, et souffle. Personne ne semble faire attention à leur présence. Tant mieux. Il va tout de même s'abstenir de s'arrêter aux différents étals qu'ils croisent, de manière à ce que les marchands continuent de les ignorer. Autour d'eux, les rues grouillent de vie. Les marchands crient leurs prix, une vieille femme mendie dans un coin, et l'odeur âcre de la chaleur mêlée à celle des étals de poisson font grimacer Jeongin Tout en lorgnant sur un marchand de fruits qui paraissent délicieusement rafraîchissants, il s'adresse à son ami, quelque peu en proie au doute.

— T'es sûr qu'on est sur la bonne route ?

— Oui. Ce n'est plus très loin.

— Minho, faut qu'on arrive vite, c'est pas très malin de se balader comme ça alors que t'es placardé partout.

Le ton de Jeongin est bas, et clairement incertain tandis qu'il se rapproche de l'alpha pour lui glisser ces mots à l'oreille. Il n'est pas rassuré, et cela se sent, mais Minho se moque bien d'être reconnu, tout ce qui lui importe est de faire vite et de sortir Jisung des mains du Chinois... Du moins, d'abord de voir si c'est bien lui qui l'a fait enlever... Il n'ose imaginer ce qu'il pourrait se passer si jamais Jisung n'est en fait pas là. Comment le retrouver ? L'idée lui donne des sueurs froides, et il essuie vivement son front d'un revers de main, son cœur bat si vite et puissamment qu'il a l'impression qu'il cherche à lui ouvrir la poitrine. Non, Jisung doit être avec son mari. Il ne peut en être autrement.

— Min, sérieux, si tu te fais attraper, tu l'aideras pas... On aurait dû venir à la nuit, pas au milieu de la journée...

— Ça va aller. Arrête de faire ça, tu montres à tout le monde à quel point tu te sens pas en paix avec toi même, c'est ça qui va finir par faire douter les gens et attirer l'attention sur nous.

Jeongin a un mouvement de recul et la réalisation le frappe de plein fouet. Ce que dit Minho, c'est vrai. Alors il se tait et essaye de faire comme si de rien était. Au moins jusqu'à arriver à la demeure de celui que son ami recherche. Ce qui ne tarde pas à arriver. Cessant sa marche l'espace d'un instant, le jeune observe le lieu et d'un coup réalise à quel point il est campagnard. Il n'est jamais venu ici, et n'a encore jamais rencontré de personnes pouvant s'offrir une telle maison. Son regard coule vers Minho, qui s'aventure sans crainte sur le terrain et il tire un peu sur le col de son hanbok de piètre qualité. Le menuisier se sent bien rustre par rapport à cet endroit... Mais il se reprend et rattrape l'alpha qui y va d'un bon pas.

— Attend moi ! Me laisse pas tout seul ici !

— Dépêche toi.

Minho frappe déjà au panneau de la porte qui s'ouvre peu après sur un homme d'un certain âge. Ce dernier les toise, l'air septique lorsqu'il reconnaît l'alpha qu'il salue en se courbant en deux l'espace d'un instant.

— Monsieur désire ?

— Bonjour à vous. Lee Minho, et Yang Jeongin. Pourriez vous nous introduire auprès de monsieur Hwang ?

— Entrez je vous prie. Je vais aller lui dire que vous l'attendez.

Minho ne demande pas son reste et passe la porte, entraînant Jeongin dans son sillage. Ce dernier s'émerveille, ses yeux en amande s'ouvrant largement en découvrant l'intérieur de la maison. Cet homme qu'ils viennent voir doit être riche à millions pour avoir tant de belles choses. Toutes ces dorures, et ces belles tapisseries de soie si joliment brodées de fils d'or et d'argent, ces vases de porcelaine tellement fine qu'il n'oserait jamais les toucher, même du bout des doigts.

— Et tu le connais bien tu disais ?

— C'est mon ami, Innie.

— T'en as beaucoup des amis riches ?

Minho se tourne vers son compagnon de route, un sourcil haussé et ne peut s'empêcher de sourire en coin à l'entente de ses mots. Il est vrai qu'il n'a pas idée du milieu dont ils sont issus Jisung et lui.

— Il y a beaucoup de choses que tu ne sais pas, tu sais...

— Haaan mais je vous croyais mes amis, bande d'ingrats !

Minho le gratifie d'un léger coup de coude dans les côtes, et sourit de plus belle. Il est bien heureux que le bêta se soit décidé à l'accompagner, cela permet d'avoir moins mal et de se focaliser sur autre chose de temps à autre, au moins il ne devient pas fou. Reportant son regard sur l'entrée dans laquelle ils se trouvent, Minho soupire en fermant les paupières un instant. Une prière silencieuse est effectuée. Si seulement elle pouvait lui ramener son âme sœur...

« Je vais te trouver Jisung. Attend moi encore un peu. Je vais venir, tout ira bien. Je t'en supplie tient bon encore un peu... » Que le temps lui paraît long... Il s'est déjà écoulé un temps beaucoup trop important depuis l'enlèvement de Jisung, et l'idée de le retrouver totalement détruit, sans sa petite lueur malicieuse dans le regard, totalement éteint, absent, lui déchire le cœur. « Faites qu'il aille bien... Je vous en conjure... » Il pourrait prier tous les saints pour cela.

Du bruit le fait rouvrir les yeux, et il aperçoit Hyunjin qui arrive dans leur direction, en prenant tout son temps. Comme il crève d'envie de lui dire de se hâter, de faire vite, de courir et que prendre son temps met la vie de Jisung en péril... Mais il se tient droit, les sourcils froncés malgré tout, et offre à son ami un sourire avant de le saluer d'une courbette polie. Jeongin qui a vu la même chose, se plie également, bien plus maladroitement. Il se sent tellement déplacé dans un tel endroit ! Minho se redresse et va au devant du grand alpha à la prestance indéniable et au charisme incroyable. Jeongin en reste bouche bée avant que le majordome ne se racle doucement la gorge pour lui faire comprendre qu'il serait plus poli pour lui de ramasser son menton traînant au sol. Ce qu'il fait aussitôt en claquant involontairement ses dents. Minho quant à lui est dans les bras de ce monsieur Hwang, qui le serre contre lui en retour.

— Minho ! Tu m'as manqué. Est-ce que tu vas bien ? Qu'est-ce qui t'amène ?

Hyunjin se recule pour mieux observer son ami, le prenant par les bras afin de le tenir en place.

— Tu as l'air épuisé. J'ai vu les affiches dans les rues. Tu vas me raconter ce qui t'amène, d'accord ?

Il semble qu'il n'y a qu'à cet instant que leur hôte s'est aperçu de la présence du jeune menuisier. Souriant chaleureusement, l'alpha fait signe à Jeongin de venir les rejoindre.

— N'ayez pas peur jeune homme, vous pouvez faire comme chez vous !

— Je te présente Jeongin. C'est un ami à Jisung et à moi.

Tout en allant dans le petit salon et donnant des consignes afin qu'on leur serve des rafraîchissements, Hyunjin se permet d'installer ses amis dans la pièce et se coule dans un siège également. Les rideaux tirés pour épargner la pièce du soleil offre une atmosphère douce et chaleureuse à l'endroit et Jeongin essaye de garder ses mains coincées entre ses jambes pour ne pas être tenté de toucher à tous ces bibelots qui occupent les meubles. Ils ont l'air si fragiles... Est-ce que cette jolie pieuvre colorée est en verre ? La curiosité l'emporte finalement, et du bout du doigt, il pousse doucement la petite statuette... Qui glisse et se brise alors sur le parquet de bois massif qui recouvre le sol sous le regard abasourdi du menuisier qui ne sait plus où se mettre d'un coup. Il se fige, attendant une réprimande, ou de se faire sortir de l'endroit qui est bien trop guindé pour lui. Hyunjin contemple la scène, blasé. Il ouvre les lèvres pour dire quelque chose, mais remontant le regard, il rencontre celui du responsable, et finit par éclater de rire.

— Oh ne vous en faites pas, ce n'est rien ! Ce sera nettoyé. Vous verriez votre tête !

Frappant dans ses mains, il est hilare, et il lui faut un instant pour se calmer. Les boissons amenées l'y aide, et finalement, il se tourne vers Minho.

— Alors Minho, voilà bien longtemps qu'on ne s'est pas vu. Que deviens-tu ?

Minho qui ne pense à rien d'autre qu'à Jisung, lève le regard et le plante dans celui de l'alpha qui lui fait face. Son parfum de menthe est à peine perceptible, mais suffisamment pour que Minho se rende compte que ce type lui a manqué tout le temps durant lequel ils ne se sont pas vus.

— Jisung a été enlevé.

Lâcher ceci de but en blanc fait écarquiller les yeux de leur hôte, et celui ci devine donc que la présence de Minho ici est très importante. Il repose le verre qu'il avait saisit pour se désaltérer et se rapproche de son ami, les sourcils froncés.

— Enlevé ? Mais comment ? Par qui ?

Un soupir lui répond, et Minho, désespéré, enfouit son visage dans ses mains avant de se le frotter et de les passer distraitement dans ses cheveux décoiffés.

— On ne sait pas. Il est sorti, il n'est jamais rentré, mais on a trouvé ses affaires éparpillées au sol.

La grande main de Hyunjin vient rapidement recouvrir celles de Minho qui sont retombées sur ses genoux. L'espace d'un instant, Jeongin se sent de trop. Il ne fait qu'accompagner Minho, en guise de soutien émotionnel, mais actuellement, il a l'impression d'assister à quelque chose de trop intime pour lui... Il se force toutefois à rester là, stoïque, et à ne surtout plus toucher à rien. Il peut au moins en profiter pour détailler ce monsieur Hwang. Ses traits sont délicats, d'une finesse incroyable. Ses lèvres pleines sont attrayantes, même pour quelqu'un qui n'est pas attiré outre mesure par les hommes, c'est dire. Ses yeux semblent plein de bonne humeur et de malice, et son épaisse chevelure sombre est attachée par un ruban noir dans sa nuque. Il est en tous point charmant. Et que dire de la vesture de qualité qu'il porte et qui le met à son avantage... Le jeune menuisier est sous le charme..

— Oh Minho, je suis tellement désolé... Qu'est-ce que je peux faire pour toi ? Je suppose que si tu viens me trouver c'est que je peux t'être utile... ?

Minho sent sa fragrance d'immortelle s'élever un peu trop autour de lui. Il commence à sérieusement s'inquiéter, mais il hoche la tête sans baisser le regard.

— On pense que c'est celui à qui il a été marié qui l'a enlevé.

— Il... Il est marié ?? A un alpha ?

Le hochement de tête de son ami, fait ouvrir de grands yeux à Hyunjin qui retombe dans le fond de son fauteuil si confortable. Son regard se perd un instant sur les vitrines qui ornent les murs et il soupire devant les nouvelles.

— Les affiches ?

— Je l'ai enlevé à cet alpha, le jour du mariage.

— ... Wow...

Hyunjin part à rire. Un rire nerveux, mais à demi amusé tout de même, ce qui a le don de faire craquer Minho qui rit également. Il faut dire que c'était une manœuvre particulièrement osée, avec le recul, et à peine planifiée. Jeongin, lui, tombe totalement des nues. Il n'est absolument pas au courant de tout cela, n'ayant jamais chercher à creuser ce passé que ses amis ne cherchaient pas à évoquer.

— C'est mon oméga. Le mien. Je l'ai marqué. Mais ce mariage a été décidé par son Père et cette famille chinoise. Ils l'ont mis en œuvre malgré tout ce qu'on a tenté pour l'empêcher... Je n'avais pas vraiment le choix. Ce n'est pas comme si les oméga étaient réellement considérés dans ce pays...

— C'est vrai. Et donc tu penses que ce chinois a trouvé un moyen de récupérer son dû... ? Euh... Son époux ? Ouch pardon...

Il se donnerait des baffes parfois. Un instant, il se cache derrière sa main pour ne pas être vu de Minho et ne pas voir comme il le dévisage. Mais son ami ne semble pas en faire cas.

— Est-ce que tu connais Tian Shennong ?

Les sourcils du grand alpha se fronce, et il déguste sa boisson tout en réfléchissant. Finalement, il hoche la tête.

— Il est le représentant de monsieur Han. Je me demandais ce qui lui valait la place d'ailleurs. Je n'aime pas l'idée qu'un chinois s'investisse pour la Corée. Ça me donne l'impression de nous faire spolier des places et d'avoir des intrus au gouvernement.

— Est-ce que tu as moyen de savoir s'il est avec Jisung ? J'ai vraiment besoin de savoir s'il est avec lui. S'il n'est pas là, je n'ai aucun moyen de le retrouver, je... Je suis perdu...

— Hé, hé, calme toi Minho, on va le retrouver d'accord ? Déjà tu n'as pas l'air si mal en point que ça, donc il ne doit pas être loin. Au moins c'est rassurant. N'est-ce pas Jeongin ?

Ce dernier, qui observait avec attention la marqueterie et les beaux meubles qui trônent dans la pièce, se retourne avec surprise, ne s'attendant pas à ce qu'on l'interpelle.

— Hein ? Oh ! Euh bien sûr ! Je n'arrête pas de le lui dire. Mais je crois que c'est le propre des alpha de s'inquiéter à ce point de leurs oméga. C'est normal pour eux de tomber malades s'ils s'éloignent.

— Voilà nous sommes deux à te le dire. Je peux m'arranger pour organiser une visite à ce Tian Shennong. Et si tu veux, demain, il y a une vente aux enchères d'oméga. Je n'avais pas prévu d'y aller, mais si tu veux je peux, afin de voir si jamais ils ne cherchent pas à vendre le tien. Je prendrai ton ami avec moi, mais toi tu resteras ici. Il est hors de question que tu te promènes dehors alors que ta sale tête orne tous les murs de Séoul.

Il sourit à dire ces derniers mots, désireux d'arracher un sourire à Minho. Il donnera tout ce qu'il peut pour le voir sourire et le rassurer, mais ce dernier parait commencer à être mal à l'aise. Quelques signes montrent qu'il n'est pas au mieux de sa forme, mais si cela inquiète Hyunjin, il tente de  ne pas en faire montre pour ne pas le déranger. Il souhaite le rassurer avant tout.

— Peut-être que demain ton oméga sera auprès de toi. En attendant vous allez loger ici, d'accord ? Comme ça on va s'organiser pour le retrouver et aller voir ce chinois. Il faut qu'on trouve une bonne raison, même si un simple « hé je viens te saluer étranger! » pourrait convenir. C'est pas comme si j'avais une raison pour aller trouver tout le monde.

Jeongin ouvre de larges yeux. Que ce Hwang est bavard ! Mais Minho ne dit rien. Il ne répond rien. Il garde les sourcils froncés, et sans trop savoir pourquoi, il se met à trembler. Des gouttes de sueur se glissent sous les cheveux qui tombent à son front, et il se sent ailleurs... Pas bien. Vraiment pas bien. Il a une soudaine envie de mourir. Il pourrait crever dans la seconde s'il s'écoutait. Ses mains tremblantes viennent enserrer sa tête, se perdant dans ses cheveux épais, et il a tôt fait de tomber à genoux, sous les regards ahuris de ses amis. Hurler, il veut hurler à s'en déchirer les cordes vocales. La douleur est brûlante, cinglante. Il sent son cœur se serrer à un point jamais atteint encore, à un point tel que sa respiration se fait saccadée et totalement erratique. Il veut mourir. Il sent son esprit s'effondrer, comme si chaque battement de son cœur s'efforce de fuir un corps devenu trop lourd à porter. Ses mains se portent aux pans de son hanbok, il tente d'en desserrer le col qui l'étouffe.

— Minho ?

Hyunjin n'en mène pas large... Qu'arrive-t-il à son ami ? Et Jeongin qui s'empresse de venir auprès de lui pour passer un bras autour de ses épaules, paniqué.

— He Minho, qu'est-ce qu'il y a ??

— Jisung... C'est Jisung... Il...

Un cri de douleur, de terreur,  lui échappe finalement, tandis qu'il se recroqueville sur lui même, les mains serrées à sa poitrine. Inquiet, l'alpha face à celui à genoux a un mouvement de recul. Ses sourcils se froncent et il accourt à la porte pour appeler le domestique et mander de quoi écrire, en vitesse. Jeongin, lui, sent son cœur se serrer et il tente de rassurer Minho du mieux qu'il le peut même s'il sait que c'est en vain, lui n'a pas la capacité de ressentir ce que Jisung et lui partagent, mais voir Minho ainsi ne lui dit rien qui vaille en ce qui concerne l'oméga.


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J'espère que vous le vivez bien XD

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