Chapitre 24
Sous la faible lumière du jour passant par la lucarne sale, Lee Seongho, le marchand, est assis à son bureau, dans la petite pièce dédiée. Lorsqu'il ne regarde pas son hôte, son regard se perd sur la poussière qu'il voit voleter paisiblement dans le rayon lumineux qui les éclaire. Ses mains sont posées devant lui et ses doigts s'agitent. La nervosité le ronge et même s'il tente de n'en rien montrer, cela se lit sur son visage suintant de sueur dont la chaleur n'est pas seule fautive,. Face à lui, l'alpha dont la propriété est dans ses réserves semble être un peu ailleurs, et il ne sait comment l'aborder, tandis que sa jambe se met à tressauter involontairement sur un rythme rapide. L'aura émanant de ce dernier est particulièrement inquiétante et même s'il tente de se montrer sûr de lui, ce type le dérange. Mais il va bien falloir qu'il se décide sur ce qu'il en fait, parce qu'il a des choses à préparer... Le patron se racle donc la gorge, espérant récupérer l'attention de son hôte chinois et colle le bout de ses doigts les uns contre les autres en se penchant sur sa table toute encombrée de papiers divers.
— HUM. Pardonnez moi Monsieur, mais... Vous en faites quoi finalement d'votre Oméga ?
Assis au fond de la chaise inconfortable face au marchand de vies, Tian est plongé dans ses réflexions, imposant par la même un silence oppressant que le propriétaire des lieux a bien du mal à supporter. Proposer Jisung à la vente aux enchères qui doit arriver sous peu serait l'occasion de possiblement mettre la main sur l'alpha qui lui a ravi son bien, et de s'en débarrasser une bonne foi pour toute, ainsi l'oméga serait à lui et à lui seul. Le faire condamner pour enlèvement et séquestration ne serait que formalité, il pourrait appuyer sur son souhait de le voir mort pour être ainsi intervenu et l'avoir déshonoré, pris ce qui lui revenait de droit, ainsi ce lien qu'on lui a volé serait brisé. Mais faire mander la police pour une potentielle présence est risqué. Si ce Minho ne se montre pas, il serait bien en peine de racheter sa crédibilité. Et qui sait sur quel juge ils pourraient tomber... Pour peu que celui désigné pense que cette légende des âmes sœurs existe et il se verrait contraint d'abandonner. Il est tout bonnement hors de question que son honneur et sa dignité souffrent de ce genre de décision.
Il pousse un soupir et ignore tout bonnement la question du propriétaire des lieux qui s'est donc mis à faire mine d'arranger pour la énième fois les documents qui l'entourent sans trop de réussite. Accoudé au dossier de son siège, la tête en appui sur ses doigts tendus, Tian joue de son autre main dans les tissus de son vêtement. L'air grave qu'il affiche commence sérieusement à gêner Seongho qui passerait bien à autre chose, il s'agite sur sa chaise mais personne parmi ses hommes ne semble souhaiter les déranger. Le regard sur la porte, le marchand sursaute lorsque le chinois se lève et il en fait rapidement de même, repoussant dans un grincement bruyant la chaise sur laquelle il était assis jusque là, soulagé en pensant que ce dernier va enfin s'en aller.
— Faites venir mon cher oméga.
— Ah...
Le regard que Tian pose sur lui le glace et durant un court instant, il sent son dos se voûter quelque peu, comme s'il voulait se protéger. Il reprend contenance lorsqu'il s'en rend compte et hoche la tête avant de sortir faire son office. Sur le chemin qui le mène jusqu'à la petite cellule, l'homme se retourne plusieurs fois afin de guetter qu'on ne le suive pas. Il ne sait pourquoi il ne se sent pas vraiment en sécurité avec ce type présent là, c'est grotesque, il en rirait presque de lui même, pourtant son instinct lui suggère d'éviter de le faire.
Jisung, dans sa cage, essaye vainement de soustraire ses poignets des fers qui les entravent, sous les yeux des omégas qui l'entourent. Ils semblent être résignés à subir le sort qu'on leur réserve, et cela met en rogne le sauvageon qui n'en est que plus décidé à retrouver la liberté. Comment peut-on se laisser faire de la sorte ?
— GNNN !
Il a beau essayer de tirer sur ses liens de métal, rien n'y fait. Il a même retiré les bracelets de cuir qui le gênent et a été jusqu'à tenter de se démettre un pouce pour y arriver, mais... Non, ça fait décidément trop mal pour qu'il le fasse réellement, il est courageux mais aller jusque là c'est au dessus de ses forces. Il y a forcément d'autres solutions. Alors il tire. Et tire. Encore. Plus fort. Et tire jusqu'à voir flou dès qu'il se relâche pour chercher son air, ses forces semblant l'abandonner d'un coup, mais ce n'est pas cela qui va l'arrêter, bien décidé à s'en aller de là. Il a même coincé la chaîne sous ses souliers pour y mettre tout son poids, mais hormis se blesser de plus belle les poignets, rien n'y fait. Et rien qui puisse rentrer dans la serrure pour essayer de l'ouvrir. Il doit retrouver Minho, il veut retrouver leur vie si agréable, leur chez eux et leur petit cocon de bonheur, il veut juste vivre la vie qu'il souhaite et être heureux dans les bras de celui qu'il aime, retrouver cette chaleur et ce sentiment d'être protégé, aimé pour qui il est. Cette pensée lui arrache un sanglot alors qu'il relâche une dernière fois la chaîne après un nouvel effort conséquent, lui laissant le souffle court et les mains affreusement douloureuses. Ses doigts lui donnent la fâcheuse impression que les os sont doucement en train de se fendre, et qu'il peut sentir le sang pulser dans chacun d'eux, la douleur montant en vagues brûlantes. Pour essayer d'échapper à sa souffrance, il les recroqueville contre la paume de ses mains, mais peu importe, il ramasse de nouveau les liens pour une nouvelle tentative.
L'arrivée du marchand qui l'a mis dans cette situation le fait cesser de gesticuler, et dans un geste possessif et désespéré, de peur qu'on les lui prenne, il se saisit vivement des bracelets qu'il a retiré et les cache dans le col cache cœur de son hanbok. Debout dans un coin, ses mains encore tremblantes des efforts qu'il a fourni jusque là, il lance un regard revanchard à son ravisseur, et fronce les sourcils en le voyant ouvrir la grille qui le tient prisonnier. D'une main il essuie la sueur lui coulant aux tempes, y laissant une trace ensanglantée à cause de son poignet blessé. Peut-être est-ce le bon moment de filer ? Mais au moment où il s'apprête à se mettre à courir pour bousculer le bonhomme, le gardien arrive auprès de ce dernier, et à sa carrure, Jisung se renfrogne et abandonne l'idée. Il n'arriverait pas à le décaler d'un pouce même si le choc venait à être rude.
Pas un mot. Le chef de la bande se saisit de la chaîne que l'oméga traîne derrière lui, s'en servant comme d'une laisse pour le conduire entre toutes les cages pour il ne sait où. Le noiraud regarde partout, observe, cherche un moyen dont il pourrait user pour se sortir de cette situation, mais ses yeux tombent sur la cellule de Yongbok et ignorant l'avancée du marchand, Jisung s'accroche aux barreaux qui le séparent de son nouvel ami.
— Tu es là ! Je m'inquiétais pour toi ! Dis moi que tu vas bien...
— Jisung ! Ne t'en fais pas pour moi. Où ? Où ils t'emmènent ? Ji.... ?
Le gamin est déjà embarqué à la suite du marchand, mais il tire pour rester plus longuement auprès de son camarade.
— T'en fais pas, je reviens pour t'aider, quoi qu'il arrive, j'te promets Yongbok !
— Je t'attends là alors !
Cocasse. Il ne saurait bouger de toutes manières, prisonnier ici au même titre que les autres. Mais sait-on jamais. Par un hasard quelconque... Au moins cela arrache un sourire à l'oméga qui finit par reprendre le chemin sur lequel le bonhomme l'emmène, sous le regard du second, bien décidé à sortir de là et de retrouver son nouvel ami dehors. Dans les moments difficiles, les liens se resserrent, et leurs moments à eux ne sont pas vraiment agréables.
Le sourire qu'affiche Jisung en regardant Yongbok s'éloigner se délite brusquement lorsque s'ouvre la porte et qu'il devine Tian dans la pièce, il freine des deux pieds et tire en arrière, forçant Seongho à arrêter son avancée.
— Non ! Pas lui ! Je n'ai rien à faire avec lui !
Ramenez moi ! Ou rendez moi à mon alpha !
C'est pas lui ! C'est pas... !
— Arrête de résister foutue bestiole ! Dit le marchand en attrapant les maillons plus fermement.
Dans un bruit de chaînes, il est tiré violemment dans la petite pièce et avec le recul et l'élan pris pour le faire entrer, il manque chuter lourdement. Mais ses réflexes prennent le dessus et il parvient à conserver un semblant d'équilibre avant de se dresser, appuyé sur le bureau, droit comme un « i ». Noiraud est peu désireux de se montrer mal en point et de s'abaisser face à l'ennemi que représente ce maudit chinois trop grand. Et pour bien montrer qu'il compte bien ne pas se laisser faire, Jisung plante son regard dans celui de cet époux imposé, avec un air de défi.
Tian n'a rien manqué de toute cette scène et il a laissé faire, sans esquisser le moindre geste. Un sourire narquois s'affiche sur son visage impassible, et délicatement, presque avec innocence, il se saisit de la chaîne que tient le marchand. Un à un, les maillons sont remontés d'un geste caressant, comme s'il retardait le moment où il sera tout contre l'oméga.
— Oh... Qu'il est navrant que nous devions laisser cette chose. Tu ne sembles pas bien disposé à être obéissant, malgré ta condition. Ton Père n'a clairement pas dû être assez dur avec toi. Peut-être que s'il avait connu le mien avant, tu aurais été mieux dressé. Il aurait pu prendre exemple. Au lieu de cela, il va falloir que je m'en occupe moi même.
Le sourire de Tian s'accentue, il est ravi de son petit effet, et ravi de la tâche qu'il va lui falloir accomplir. Les maillons glissent lentement entre ses doigts, réduisant petit à petit la distance qui les sépare. Son sourire ne quitte pas ses lèvres, et il observe Jisung avec une fascination glaciale. Lorsqu'il penche la tête de côté, détaillant chaque expression de l'oméga, comme pour en sonder les moindres pensées, il poursuit.
— Un défi à la hauteur, que je relèverais avec plaisir.
D'un geste contrôlé, il tire légèrement sur la chaîne, forçant Jisung à avancer d'un pas. Tian ne relâche pas son emprise et laisse un silence s'installer, savourant chaque seconde de cet instant suspendu. Jisung, lui, sent une sourde colère bouillonner en lui alors que le chinois laisse chaque mot tomber comme une sentence dont il se passerait bien. Ses mains se crispent violemment malgré la douleur lancinante qui se diffuse dans ses poignets, ses yeux aux couleurs si étonnantes s'enflamment. Il a besoin de défier cet époux imposé. Il veut le défier, lui faire perdre ce sourire si suffisant et plein de morgue.
— Si tu penses pouvoir me.... Dresser... Tu vas vite déchanter.
Quelques mots lâchés dans un souffle, qu'il s'entend à peine prononcer. Son cœur bat si sourdement à ses oreilles qu'il lui est difficile de percevoir autre chose.
— Je ne suis pas une petite chose fragile que tu peux t'approprier comme on le ferait d'un objet. Je ne te laisserai pas faire aussi facilement.
La chaîne tirée entre les doigts de Tian reste tendue, comme un fil reliant le contrôle implacable de l'alpha à la volonté indomptable et si têtue de l'oméga. Le noiraud refuse de baisser le regard malgré les mots de Tian qui cherchent à briser la confiance dont il veut faire montre.
Le rire du chinois est bref, froid quand il lui échappe. Amusé de l'insolence de son époux, il rit avant de cesser pour mieux tirer soudainement sur la chaîne, forçant Jisung à vaciller d'un pas vers lui, rétrécissant l'espace entre eux. Sa voix s'élève alors qu'il s'abaisse sur le visage de l'oméga dont les membres tremblent malgré toute sa bonne volonté.Il est si proche qu'il sent son souffle lui effleurer la peau, le faisant frissonner malgré lui.
— Oh, tu verras... la patience fait partie de mes qualités. C'est une vertu à laquelle je tiens particulièrement.
L'oméga sent son cœur s'emballer dans sa poitrine, sa gorge se serre. Il a beau vouloir se montrer bravache, au fond de lui il a peur. Une peur indicible qui l'étrangle quand il pense à ce qui pourrait arriver. C'est avec une voix sourde, basse et tremblante qu'il veut montrer sa volonté de lui résister encore.
— Je ne t'appartiens pas. Je ne t'appartiendrai jamais.
— Ça c'est ce que tu crois. Nous le verrons bien.
La distance est réduite encore violemment tandis que le corps de Jisung vient maintenant se coller à celui de son époux malgré la résistance dont il a usé pour éviter cette situation. A son oreille et à voix basse, Tian vient glisser quelques mots qui glacent le sang du noiraud, qui frémit contre le corps dur de l'alpha en se rendant compte à quel point ses tentatives de lutter contre son emprise sont vaines.
— Plus tôt tu accepteras ta condition, plus tôt sera simple ta vie, petite chose. Mais nous verrons bien combien de temps tu résisteras. Et finalement, nous allons rentrer chez nous. Ce n'est pas un endroit pour quelque chose m'appartenant.
Les derniers mots sont énoncés à la fois pour Jisung, qui déglutit un peu trop fort, et pour le marchand afin que celui-ci comprenne qu'il va devoir se séparer de ce qu'il espérait vendre à bon prix. Le regard du chinois se relève pour toiser Seongho, le mettant par là au défi de dire quoi que ce soit allant à l'encontre de ce qu'il souhaite. Heureusement pour lui, le bonhomme ne veut qu'une chose, que ces types débarrassent le plancher. C'est donc dans une confusion de gestes vagues qu'il répond à Tian.
— Ou..... Oui... Ouais, c'est ça... Reprenez le... Il prenait trop d'temps à s'occuper de lui de toutes façons. Le gardien a pas que ça à faire.
Tian qui après un nouveau large sourire à Jisung, a confié la chaîne à son intendant, qui s'est d'ores et déjà mis en chemin pour conduire son « chargement » à la voiture qui les ramènera à la propriété. Le chinois, quant à lui, attend un instant, et fait mine de s'intéresser à ce qu'il y a de l'autre côté de la porte qui les sépare de la prison d'oméga.
— Qui sait... Peut-être viendrai-je à votre vente aux enchères. Certains peuvent s'avérer intéressants...
Il s'amuse. Il s'amuse de la gêne ressentie par le marchand et ce dernier s'en rend bien compte.
— Ouais... Je vous ferai un prix... Ouais...
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Ouch, j'étais inspirée je crois XD
Navrée pour le retard, j'ai eu un souci de dos et mon incapacité à me tenir assise fait que je n'ai pas pu m'approcher d'un ordi avant aujourd'hui huhu
J'espère que ça vous plait toujours, et que vous avez hâte de lire la suite.
Personnellement j'ai mon sac de popcorn chaque fois tellement je suis impatiente de savoir ce qu'il va se passer. XD
C'est la premiere fois que je vais le dire (et probablement la dernière!) mais n'hésitez pas à vous abonner et à voter si ça vous plait :) tout comme n'hésitez pas à commenter, c'est toujours amusant d'avoir des retours. Puis vous pouvez apporter des critiques (si elles s'avèrent judicieuses), c'est toujours bon pour s'améliorer!
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