Chapitre 19

Le panier plein de victuailles à la main, Jisung se hâte de rentrer. Il lui tarde retrouver Minho et de prendre un bon repas, sa petite escapade lui ayant creusé l'estomac. De sa main libre il croque l'une des pêches qu'il a acheté et en savoure le jus et le goût sucré non sans pousser un petit soupir de plaisir. Qui est celui qui a osé dire que la gourmandise était un pêché franchement ?

Il s'apprête à franchir le pont qui relie les deux quartiers de leur petite ville, quand un petit groupe d'hommes lui attire le regard. Il ne les a jamais vu là et curieux, il détaille chacun d'entre eux avec un petit sourire, prêt à saluer si quelqu'un le voit. Mais ils ne semblent pas s'occuper de lui, tant mieux finalement. Il suce un peu la chair douce du fruit afin d'en tirer le jus, et poursuit son chemin, regardant par dessus la rambarde du pont afin de voir s'il n'y a pas quelques poissons en dessous.

- Eh toi !

Jisung s'arrête et se retourne, intrigué, c'est bien lui que l'on appelle. Ce sont ces hommes qu'il a vu plus tôt qui s'avancent vers lui. Les effluves de phéromones lui parviennent, ces parfums sont désagréables à son nez, qu'il fronce et il entame déjà un semblant de marche pour tenter de leur faire comprendre qu'il est pressé.

- On t'a déjà vu non ?

- Moi ?? Vous devez vous tromper, vous ne me dites rien du tout. On ne se connaît pas.

- Hmm.

Celui qui semble être à la tête de ce groupe qui commence à l'encadrer fait mine de réfléchir, et Jisung se retrouve obligé de cesser sa marche, contraint par la présence d'un des hommes devant lui pour lui barrer la route. Sa mâchoire se serre, sentant le vent tourner. Son regard étonnant, caché derrière ses mèches sombres essaye de trouver une échappatoire mais ces types paraissent bien rodés sur les méthodes à employer. C'est peut-être la première fois que l'oméga se sent soudainement en danger, pressé de cette manière par tout un groupe qui s'est mis d'accord pour l'encercler sans même se concerter. Petit à petit et sans même s'en rendre compte, le jeune homme se retrouve acculé au garde-corps du pont, mais il fait mine de ne pas comprendre, souriant malgré la tension qui grimpe en lui et l'angoisse qui le gagne.

- Eh vous cherchez quelque chose ? J'ai pas l'impression de vous avoir déjà vu ici...

Le chef de cette petite meute ne répond pas, pas plus qu'un autre d'ailleurs, par contre il s'approche d'un geste vif jusqu'à venir coller son nez au dessus de l'épaule de Jisung, inspirant à plein poumons le parfum de l'oméga...Parfum qui commence à tourner aigre à mesure que son cœur s'emballe. Il n'a jamais trop eu l'habitude de côtoyer du monde, et encore moins de subir les pressions dont sont victimes bien souvent les gens de sa condition.

- Un oméga...

- Il me dit quelque chose chef...

Jisung, qui s'est reculé pour tenter de garder une distance avec ce type qui le renifle sans honte, regarde le bonhomme venant de parler et affiche un rictus un peu moqueur.

- J'en doute assez, je m'en souviendrais et votre tête me dit rien...

Sa mâchoire est subitement attrapée par le fameux chef, d'un main ferme et il retient une petite plainte douloureuse en sentant les doigts la lui comprimer un peu trop fort. Le visage maintenant tourné et levé en direction du meneur, Jisung le regarde sans baisser les yeux, désireux de ne montrer aucune réelle faiblesse à ces types. Ils n'ont pas tous l'air Alpha, et il est hors de question qu'il se laisse faire juste parce qu'il y en a, malgré que ses instincts lui dicteront probablement le contraire si l'un hausse la voix. L'alpha qui les dirige l'observe sans rien dire, parcourant son visage du regard, avant de s'intéresser à ses yeux, plus particulièrement celui qui diffère de par ses quelques couleurs mêlées. Intérieurement, le noiraud grimace, il sait que cette particularité peut le faire reconnaître bien plus facilement que s'il avait deux iris normaux. Malheureusement il est né ainsi, chose qu'il regrette à cette heure ci. S'il ne possédait pas cette hétérochromie, ce serait plus passe-partout.

Malgré ses joues prisent dans l'étau de ces doigts qui le répugnent, Jisung tente de parler,

- Vous savez, mon alpha m'attend, je n'ai pas envie qu'il ait faim...

Et comme s'ils ne faisaient seulement cas du panier, voilà les sbires qui fouinent et se servent en fruits, comme si c'étaient les leurs. D'un mouvement de tête un peu rageur, l'oméga se dégage de la poigne de celui qui lui tenait la tête, et essaye de récupérer ses victuailles sans grand succès, ces types étant déjà plus grands que lui.

- Je les ai pas acheté pour qu'on me dépouille, allez donc rapiner les marchands, mais pas moi.

- Oh putain Chef je sais !

Le noiraud cesse de parler, et hausse un sourcil. Ce type l'a reconnu ? Mais comment ?

- C'est lui sur les affiches à Séoul et dans les patelins autour !

Toute couleur s'efface soudain du visage de Jisung, et sans chercher plus loin, il se presse à essayer de s'enfuir rapidement avant qu'ils ne réagissent, mais ils resserrent les rangs et il en bousculent sans réussir à les faire bouger. Les battements de son cœur résonnent dans ses tempes, il a l'impression de l'entendre tambouriner comme s'il était directement dans ses oreilles. Il a compris que des affiches avaient dû être faites pour qu'on le retrouve. Par son père ? Par Tian ?

Le panier tombe au sol quand ses mains deviennent trop faibles pour le tenir. Peu importe si la nourriture est fichue, ce n'est pas le plus important à cette heure. Il ne peut pas retourner là bas.

- Vous vous trompez. Pourquoi ma tête serait sur des affiches ? C'est ridicule...

Mais le regard du meneur ne trompe pas, Jisung pourrait presque y voir les pièces de monnaies tomber en masse derrière ses pupilles dilatées. Il déglutit en voyant ce portrait et comprend qu'il est fait comme un rat quand le sourire absolument terrifiant du bonhomme naît sur son visage.

- Laissez moi.

Jisung avise quelques passants, qui au lieu de l'aider, viennent se saisir des victuailles, et autres fruits qui ont roulé sur le pont autour d'eux en tombant du panier. Il ne saurait même pas compter sur quelqu'un... Qui... ?

- Embarquez le. Foutez le dans la carriole et on repart. Yeonbin, c'était quoi le nom sur l'affiche ?

- Hmm... C'était court j'crois. HAN !! Bordel j'm'en souviens ! Han Jisung ! J'm'étais dis que j'aimais pas mal ce nom.

- T'es sûr que c'est lui ?

Jisung, lui, secoue vivement la tête.

- C'est pas mon nom.

- Ah oué ?

- Non.

- Pas grave mignon, on verra ça à Séoul.

Il va s'évanouir tant son cœur bat fort. Il sent même son sang pulser dans tout son corps, et ses membres tremblent comme ils ne l'ont que rarement fait. Revenir à Séoul, c'est revenir auprès de Tian, et ça il ne le souhaite pas un instant. Minho... Comment va-t-il pouvoir prévenir Minho ? Comment va-t-il réagir ? Non, il ne peut pas perdre Minho. Le nom de son alpha tourne en boucle dans sa tête et il tente le tout pour le tout, donnant un violent coup de poing dans le nez d'un des bonshommes qui lui bouche le passage pour se sauver. Il profite de la diversion offerte par le gars en train de hurler en se tenant le visage ensanglanté pour tenter une évasion, mais son col l'étrangle soudain alors qu'on l'attrape dans son dos, et malgré qu'il tire et se débat, déchirant son vêtement, un puissant coup dans l'estomac le plie en deux, le souffle coupé.

A genoux, une main au sol pour se tenir, l'autre sur son ventre, Jisung cherche à retrouver ce souffle qui lui fait défaut, mais sa respiration ne veut rien savoir. Trop occupé à tenter de respirer, il ne voit pas venir le coup de pied qui le met au sol, ni celui qui le sonne pour de bon.

- Ils n'ont pas précisé dans quel état ils le voulaient.

****

Des secousses.

C'est la première chose que Jisung ressent. Des cahots plus ou moins marqués qui le secouent alors qu'il émerge doucement d'un sommeil bien peu reposant s'il doit en juger par les douleurs qui le parcourent. Le bruit arrive ensuite, le raclement constant des roues qui arpentent le chemin irrégulier. Des voix d'hommes qui ne lui disent rien.

- Ouh...

Sa tête est douloureuse, et il a tôt fait d'y porter une main, avant d'essayer de se mouvoir. Il n'a aucune idée de... Ses paupières s'ouvrent brusquement et l'oméga se redresse aussi vite, non sans grimacer en se tenant soudainement les côtes. Il vient de se rappeler de ce qu'il s'est passé, ces hommes qui l'ont encerclé alors qu'il rentrait tranquillement chez lui, pour retrouver Minho.

Levant le museau, il contemple avec horreur des barreaux qui le séparent du paysage sombre. Il fait nuit... Il fait nuit ? Non, non il doit retrouver Minho, Minho va s'en faire, s'inquiéter et le chercher... Paniqué, le noiraud ne fait attention qu'aux barreaux de cette cage dans laquelle il se trouve, et s'y accroche de ses mains éraflées, il tire, il pousse, il secoue et tente d'ouvrir, il faut qu'il sorte, il le veut, il le doit.

- Non, non non ! Non ! Laissez moi, laissez...

- On ne peut pas ouvrir ça...

Il avise l'un des bétas qui longe la carriole sur laquelle il se trouve, à cheval. Cet homme sourit. Il sourit de voir Jisung si décontenancé.

- Minho... Laissez moi...

- Eh...

Une main fine vient se saisir de l'un des poignets de l'oméga, qui sursaute en se reculant vivement, se blottissant dans un coin, mais à sa vue s'offre un jeune homme d'une beauté délicate, il semble si fragile, angélique... Des traits d'une finesse incroyable, et les pommettes constellées de tâches de rousseur. Sa tignasse sombre cache en parti des yeux qui renvoient une douceur rare. Jisung sent qu'il se calme un peu, il sait qu'il n'a rien à craindre de celui qui partage sa cage. « Sa » cage » ? Non, non...

- Où on est ? Où on va ? Pourquoi ...?

Le garçon a les deux mains portées devant lui, en signe d'apaisement. Il tente de se montrer rassurant devant l'oméga paniqué et se rapproche lentement, essayant d'appréhender les mouvements qu'il serait tenté de faire.

- Doucement. Tu crains rien de moi. Je suis un oméga comme toi.

Ce dernier diffuse d'ailleurs son parfum afin d'apaiser un peu le nouveau prisonnier qui lui tient compagnie. Une fragrance de violette, légère, se met à flotter autour d'eux, et Jisung, terrorisé, conscent à relever le museau en sa direction. Il a beau avoir un naturel bravache, il n'en reste pas moins quelqu'un de fragile qui n'a jamais été bien à l'aise en compagnie d'inconnus ou de trop de monde, plus encore qui n'a jamais été si malmené que depuis qu'il s'est présenté. La voix grave mais rassurante du jeune homme s'élève en un murmure tandis qu'il s'approche un peu plus du noiraud qui le laisse faire.

- Je suis Yongbok. Et toi ?

- Je suis personne.

- Personne ? C'est un drôle de nom...

Il ne peut pas lui dire son vrai prénom. Si ces types le savent... Son regard se déporte d'ailleurs sur eux, avant de revenir sur son peut-être futur allié ? Il lui est compliqué de calmer son coeur emballé et sa respiration saccadée, mais il finit par y arriver.

- Où est-ce qu'on va ? Qu'est-ce qu'on fait là ?

Yongbok soupire et s'adosse aux barreaux de la cage qui les contient. Les genoux relevés, il appuie ses bras dessus, laissant tomber ses mains qui se balancent avec les cahots de la voiture.

- Ces types travaillent avec les chinois si j'ai bien compris. Ils « cueillent » les oméga qui croisent leur route... Ils finiront sûrement par nous vendre à des enchères à Séoul, ou à nous conduire en Chine pour je ne sais quoi... Je viens de Andong... Pas bien loin de chez toi...

Jisung arbore un air totalement décomposé. Alors ainsi, ou il va finir par retrouver ce mari imposé qui doit peut-être chercher à retrouver son bien, ou il va devoir faire avec un «propriétaire » quelconque, ici ou en Chine ? Son teint normalement si chaud, a viré couleur cendre. Cela ne peut pas arriver... Non... Malgré les températures élevées de la saison, il se sent subitement glacé. Il a froid, et ses tremblements agitent son corps malgré lui. Yongbok, dans un geste tendre et compatissant, vient lui entourer ses épaules d'un bras, pour le serrer contre lui.

- Tu veux bien qu'on reste tous les deux pour se rassurer ? J'ai pas l'air comme ça mais... Je suis mort de peur moi aussi...

Le noiraud porte son regard sur son nouveau compagnon de malheur, et il se contente de hocher doucement la tête et de se laisser aller au contact de ce jeune homme. Ils vont devoir faire face et à deux, ce sera forcément plus simple non ?

Toujours gelé, le noiraud aux yeux vairons s'enroule dans ses propres vêtements et de ses bras. Les phéromones de l'un et de l'autre s'entremêlent afin de former un petit cocon rassurant dans lequel ils tentent de se sentir en sécurité malgré ce qui les entoure.

Et si Jisung tente de faire le fort, il essuie enfin son nez douloureux qui a saigné lors des coups reçus, et il sent une larme couler au long de sa joue. Son cœur le fait tellement souffrir à l'idée de s'éloigner de Minho... L'envie de hurler de douleur est grande, mais il ravale ses sanglots qui ne demandent qu'à s'échapper. Ils se retrouveront. Quoi qu'il en coûte, il trouvera un moyen de s'enfuir et de retrouver son âme-sœur.






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Ah :p un nouveau personnage fait son apparition!

Mais que va devenir Doudou?? :'(

(Je crois que je vais virer les attributs dans un futur proche, honnêtement ça me perturbe maintenant que ce que ça devait être n'a plus vraiment de sens, et du coup je me force à en faire mention pour être raccord avec le début. Est-ce que ça vous ennuie si "j'omets" ce détail à partir de maintenant, et on oublie ce que vous en avez lu jusque là? Parce qu'honnêtement c'est un détail désormais assez inutile qui n'a plus vraiment place dans l'histoire :/

=> finalement virés^^ )

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