Chapitre 39

Chapitre 39 Bis

J'étais dans un sale état. C'était le cas de le dire. Ma bouche était pâteuse, mes yeux gonflés tiraient sur mon épiderme et avoir dormi sur le sol m'avait rendu toute courbaturée. Pourtant, je n'avais pas envie de changer de position. Je n'avais juste envie de rien. Juste laisser ma vie filer entre mes doigts. Je n'avais plus aucune raison de faire le moindre effort pour survivre.

J'avais déjà eu ce genre de pensées. L'idée même de disparaitre m'avait traversé l'esprit après l'accident. Je n'avais pas compris pourquoi j'avais été la seule à survivre. J'avais eu l'envie de me prendre moi-même la vie, mais en voyant mon père pleurer toutes les larmes de son corps, le voir se raccrocher à moi durant les premiers mois après la mort de ma mère, je m'étais faite une raison.

Ce trajet lui avait couté la vie à cause de moi. Il me fallait prendre soin de mon père.

Mais mon père n'était plus de ce monde. J'étais la seule restante et je ne pouvais plus compter sur la présence de Dawton. Je n'en avais pas le droit. Je ne pouvais pas. Il était responsable de ce carnage. Je n'avais plus la force de pleurer à nouveau face à la réalité. Quelques larmes s'échappèrent de mes yeux mais sans plus. J'étais fatiguée de tout ça. Fatiguée de devoir vivre de cette manière. Pourquoi avait-il fallu que je survive à cet accident ? Cet homme aurait du me laisser dans la voiture jusqu'à ce que je ne disparaisse complètement. Je ne sus pendant combien de temps je m'étais mise à fixer un point invisible face à moi, mais je repris complètement conscience lorsqu'une silhouette apparut devant moi en secouant une main énergiquement devant mon visage.

- Fillette ? Hey !

Il soupira un grand coup en passant une main dans ses cheveux.

- Ce n'était pas contre toi, tu sais ?

Je ne voulais pas l'écouter.

- Tu n'as rien à voir dans cette histoire, mais ça me facilite grandement la tâche de t'avoir kidnappée. Dawton perdra plus facilement son sang froid et fera bien plus d'erreurs.

Je ne comprenais pas. Pourquoi avais-je été impliquée dans tout ça ? Pourquoi avions nous été victimes de cette histoire ?

- Une fois que je me serais occupé de cet Alpha, je te libérerai.

Voyant qu'il n'allait pas pouvoir tirer la moindre réaction de ma part, il soupira derechef avant de disparaitre. J'étais une larve. Je ne voulais juste plus ressentir tout ce que j'avais pu ressentir en comprenant que Dawton avait percuté la voiture. Je voulais juste rester cette coquille vide que j'étais à présent. Je n'avais pas à souffrir de cette manière. Je n'avais qu'à attendre que ma coquille se déteriore pour disparaitre. Je finis par fermer les yeux et le sommeil ne tarda pas à me rattraper.

Je me réveillai en sursaut en sentant une main me secouer et j'ouvris difficilement les paupières. Je mis un certain temps avant de comprendre que cet homme était de retour et qu'il avait posé de quoi manger et boire devant moi.

- Il faut que tu manges. Ce serait con que tu meurs avant qu'il ne te trouve.

Il s'aperçut que je n'avais pas pris la peine de réagir et soupira.

- On peut faire ça d'un accord mutuel. Je te libère de ces liens et tu manges tranquillement sans rien tenter. Ou je te force à manger pour que tu survives. Que choisis-tu fillette ?

Je fermai à nouveau les yeux, mais fus aussitôt secouée. Reportant mon attention sur cet homme, je le vis soupirer.

- Je ne veux pas te faire de mal, mais tu ne me donnes pas le choix. T'es peut-être dans un sale état, mais je ne peux pas te laisser mourir juste parce que tu aurais refusé de manger.

La peur me noua soudainement le ventre. Que comptait-il faire ? Il m'attrapa par les épaules pour me redresser et je gémis de douleur. Je n'avais pas changé de position depuis un moment et j'avais juste la nette impression d'avoir les muscles complètement collés les uns contre les autres, comme des briques et qu'il m'était à présent difficile de pouvoir les utiliser.

- Ouvre la bouche, fillette.

Je croisai son regard et je sentis un frisson me parcourir la colonne vertébrale. Il n'avait plus le regard qu'il possédait à chaque fois qu'il m'adressait la parole. C'était complètement différent. Froid et sec. Un avertissement de sa part. Il ne rigolait plus. Toute chaleur et humanité semblaient avoir quitté cet homme. Je sentis ma mâchoire trembler et s'ouvrir lentement. Je ne me contrôlais plus. La peur le faisait à ma place. Un instinct de survie que je pensais disparut ces derniers temps avait pris le contrôle. J'étais pourtant résignée, alors pourquoi ?!

Parce que je n'étais qu'une pauvre idiote, qui au fond, tenait à le revoir une dernière fois. Une abrutie qui souhaitait tout de même voir cet homme qui se fichait probablement de mon sort comme de l'an 40. Parce que je tenais vraiment à lui. Je pouvais le détester de tout mon être, j'avais toujours cette part qui ne pouvait pas lui en vouloir non plus.

Stupide, stupide, stupide !

- Un peu plus, fillette.

L'homme porta une cuillère remplie de riz à ma bouche.

- N'oublie pas de mâcher.

Je toussai face à la sécheresse et il porta aussitôt un verre d'eau à ma bouche. Je ne me savais pas aussi déshydratée, mais je finis rapidement le verre, ce qui le fit soupirer.

- Doucement, fillette.

Il se remit à me nourrir et je remarquai que son regard avait fini par redevenir chaleureux.

- Tu vois quand tu veux ? Si tu avais décidé toi-même de te nourrir, ça aurait été plus simple.

Il aurait mieux fait d'attendre que je parte de moi-même du territoire avant de s'attaquer au territoire. Il aurait ensuite pu enlever cette femme qui comptait énormément aux yeux de Dawton et j'aurais pu être épargnée dans cette histoire. Je n'aurais jamais su la vérité et je me serais mieux portée.

Je ne me serais pas sentie aussi vide. Aussi mal. Aussi inutile. Aussi nulle.

- Paul !

Je sursautai en entendant une voix masculine que je ne connaissais pas. Un homme apparut au pas de la porte. Il portait une cape similaire que celui qui m'avait kidnappé. Son visage était toutefois couvert de terre.

- Quoi ?
- Dany pense qu'ils ne devraient pas tarder à nous retrouver. Il faut mettre le plan à exécution.

Son regard s'était posé sur moi et ce soi-disant Paul avait suivi son regard avant de soupirer.

- Je m'occupe d'elle.
- Non. Tu sembles bien trop proche de cette nana. Tu risques de mettre en péril notre plan. Je m'occupe d'elle.

Paul secoua la tête de gauche à droite.

- Je ne te fais pas suffisamment confiance.
- Et aucun de nous ne te fait suffisamment confiance pour que tu t'occupes du reste.

Il s'était redressé pour faire face à Paul, comme s'il cherchait à l'intimider en lui parlant de cette manière.

- Tu ne me fais pas peur, Quentin.
- Je ne cherche pas à te faire peur. Je tiens seulement à te rappeler tes priorités. Tu veux la tête de Dawton ou pas ?

Paul serra ses mains en poings et sembla peser le pour et le contre, avant de me jeter un coup d'oeil.

- Désolé, fillette.

Et sur ces paroles, il partit en me laissant avec cet homme couvert de terre sur le visage. Ce dernier m'observa de la tête aux pieds sans cacher son dégout. Je savais que j'étais dans un sale état, mais qu'un homme vienne agir de cette manière sous mon nez était vraiment écoeurant.

- Une Luna ? Ca ?

Non, je n'étais pas une Luna. Je n'en avais pas la carrure. Pas le droit. Je n'étais pas une Luna. J'étais simplement Ginger, un être humain qui avait fait en sorte de survivre toutes ces années. Peut-être aurais-je mieux fait d'abandonner ? Ou de mourir dans cet entrepôt ce jour-là où Dawton était apparu pour me sauver ? Je n'aurais pas eu à nourrir cet espoir pendant aussi longtemps pour que tout s'effrondre de cette manière aussi brutalement.

J'aurais aimé être rappelée à l'ordre d'une façon plus douce.

Et puis cette femme était mieux pour lui, pour sa réputation et pour sa meute. Elle avait vraiment la carrure d'une Luna. Tout ce dont Dawton avait besoin. Pas d'une petite humaine qui ne savait pas gérer ses émotions, qui n'était pas en mesure de conserver son sang froid et qui n'avait même pas fini ses études. J'étais bien trop jeune pour lui. Je n'étais juste pas quelqu'un qui lui correspondait.

- T'es vraiment une disgrâce pour les Lunas.

Il cracha par terre comme si ma simple présence le répugnait. Je tiquai légèrement en sentant la tristesse disparaitre peu à peu pour être remplacée par de la colère. Je n'avais pas la carrure d'une Luna, je le savais parfaitement, mais je n'avais pas besoin de cet homme pour le savoir. Je n'avais pas besoin de lui pour me rabaisser en plus. Je me suffisais déjà largement dans ce rôle.

- Ta mère t'a jamais appris que c'était dégueu de cracher n'importe où ?

Il arqua un sourcil comme s'il était surpris que je réponde. Ma tristesse s'évaporait pour laisser place à la colère.

- Et puis avant de venir critiquer quelqu'un de ligoté, tu f'rais mieux d'aller te laver la face. On dirait que t'as roulé ton visage dans de la bouse de vache.

Il sourit de toutes ses dents, révélant une dentition parfaitement alignée et blanche, ce qui contrastait avec la couleur de sa peau couverte de terre.

- Je pensais que tu savais que chialer. Tu sais répondre finalement. On aurait dit que tu chialais comme si tu cherchais à crever.

Il avança de quelques pas, comme un prédateur.

- T'crois que personne t'entendait geindre ici ? T'crois personne sait que t'es qu'une chialeuse ? Ca sert à rien de faire semblant d'être forte maintenant.

Je serrai mes mains en poings. Ils avaient pu m'entendre être dans cet état. Etre aussi faible. Faible parce que ma vie était partie dans tous les sens sans que je ne comprenne où j'avais foiré exactement. Son sourire s'élargit comme s'il avait compris qu'il avait touché la corde sensible.

- Tu n'ouvres plus ta grande gueule ? continua-t-il en approchant.
- Tu devrais fermer la tienne, ça pue.

Je le vis tiquer, mais il conserva son sourire.

- Tu insultes comme une gosse. Ce n'est pas digne d'une Luna.
- J'suis encore une gosse. Tu crois quoi ? Que je vais me comporter comme une adulte alors qu'officiellement je n'en suis pas encore une ?! J'suis sûre que tu te chies encore dessus à ton âge. Alors viens pas me parler de Luna.

Cette fois-ci son sourire s'effaça aussitôt.

- Tu renifles ta merde ? C'est pour ça que t'en as sur le visage ?

Il montra subitement les crocs en grognant. J'avais peut-être le ventre noué, mais j'avais la ferme intention de lui rabattre le caquet à ce connard.

- A ton âge, tu devrais avoir honte. T'es un adulte après tout.

En l'espace d'une seconde, il se retrouvait devant moi et sa main était autour de ma gorge.

- Tu fais moins la maline maintenant que je peux mettre fin à ta vie.

Il semblait fier de lui et je plantai mon regard dans le sien.

- De plus près, ton odeur est une vraie infection. T'es un adulte, tu sais pas ce qu'est une douche ?

Il serra ma gorge et je sentis ma respiration se couper.

- Ta gueule, connasse. On a pas besoin que tu sois en vie ! Je vais te faire disparaitre et ton âme soeur te rejoindra ensuite.
- Fais pas le con, Quentin.

Il se retourna en me lâchant brutalement et je toussai en reprenant mon souffle. Ma gorge m'irritait face à l'arrivée d'air soudain et je laissai mes yeux se porter vers le nouvel arrivant. L'homme portait également une cape, mais il m'était impossible de voir son visage.

- On a encore besoin d'elle. Tu pourras te débarrasser complètement d'elle le moment venu.

L'homme en question me jeta un regard noir que je lui rendis, ce qui le fit grogner.

- Vivement que je t'arrache la tête, sale pute.
- Même une pute voudrait pas s'approcher de toi tellement t'empestes la merde.

Il fit un mouvement dans ma direction, mais le nouvel arrivant lui attrapa le bras.

- Laisse-moi au moins la faire taire à ma façon.
- C'est une gamine.
- Rien à foutre, cracha-t-il.
- Fais pas le con. On t'a envoyé ici pour faire partir Paul, mais t'es pareil. Tu risques de faire foirer le plan juste parce que t'auras perdu ton sang froid face à une gamine.
- Ouais, t'as pas honte, alors que t'es un adulte ?! m'exclamai-je.
- Mais ferme ta gueule ! cria Quentin.

Il voulut venir dans ma direction, mais l'inconnu s'interposa.

- Fais pas le con et va prendre l'air un coup.

Quentin cracha à nouveau par terre.

- Tu devrais utiliser cette salive pour t'essuyer la face, grommelai-je.
- Gamine, tu ferais mieux de te taire. Tu n'aimerais pas qu'il vienne te torturer. Personne n'aimerait.

Je n'avais plus vraiment grand chose à perdre à présent.

Me faire torturer pouvait-il être plus douloureux que cette douleur qui me rongeait l'intérieur de la poitrine ?

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Présence de fautes en tout genre. A éditer.

Lil', le 23.11.2019 à 22:07

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