Chapitre 35
Chapitre 35 Bis
(Si ça vous intéresse, la musique mis en lien devrait vous mettre dans l'humeur du chapitre.)
Le temps avait eu l'effet escompté sur moi. Me retrouver à vivre sur ce territoire, voir Dawton passer son temps à travailler, je m'étais habituée à ce train de vie où je ne le voyais faire que ça pendant que je m'occupais comme je le pouvais en jouant ou en dormant. Le soir, il était bien trop fatigué pour discuter ou faire autre chose et je me sentais mal pour lui pour oser lui réclamer un peu de son attention. Son boulot d'Alpha semblait tellement prenant, tellement important que je ne me voyais pas déranger son sommeil qui me paraissait vital pour lui. Même si je commençais à me sentir seule, je me disais que c'était pour le bien de la meute. Qui étais-je pour le perturber dans son travail ? J'avais pourtant envie de passer plus de temps avec lui, faire d'autres sorties avec lui. La dernière en date était notre excursion au centre commercial et cela commençait à faire un moment déjà.
Et pourtant, ce train de vie fut de courte durée lorsqu'il reçut une visite dont il ne s'attendait pas.
Je fixais cette femme qui discutait en souriant avec Dawton. J'avais ce pincement au coeur que je tentais d'ignorer, mais je savais qu'il s'agissait à nouveau de cette jalousie qui me rongeait. Je soupirai en passant une main dans mes cheveux alors que tous deux discutaient toujours comme si de rien n'était. J'avais compris que Dawton la connaissait depuis des années et l'idée même qu'il ait pu se passer quelque chose entre eux serrait mon coeur. Et s'il décidait de partir avec elle ? Je n'aurais plus personne. Les larmes me montèrent aux yeux et je soufflai un grand coup par la bouche pour me reprendre. Si Dawton venait à choisir cette femme avant moi et que cela pouvait le rendre heureux, je n'opposerai aucune résistance. Si cela pouvait vraiment contribuer à son bonheur, je m'effacerai de sa vie. Pourtant, l'idée même que quelqu'un d'autre puisse le rendre heureux me faisait mal au coeur. Depuis tout ce temps, je m'étais attachée à lui, habituée à sa présence. Et si du jour au lendemain, il m'apprenait que tout cela n'était qu'un jeu pour lui ? Comment réagirais-je ? Ma gorge me faisait mal rien qu'en imaginant cette situation. C'était certain, j'en souffrirais. Je détournai le regard pour fixer l'extérieur, pourtant, mes pensées n'arrêtaient pas de revenir à ce qu'ils faisaient tous deux.
J'étais jalouse et égoiste de vouloir son attention rien que pour moi.
Depuis que je connaissais Dawton, je découvrais de nouvelles facettes de moi et aucune ne m'enchantait vraiment. J'avais l'impression de m'être perdue au fil du temps, alors que je ne faisais que me découvrir un peu plus. Lorsque je ressentais cette jalousie qui me rongeait de l'intérieur, je ne pouvais que ressentir de la haine envers moi-même. Je ne pouvais pas m'empêcher de me détester un peu plus. Comme lorsque je voulais son attention, mais que je n'étais pas en mesure de lui demander. J'avais juste cette sensation de n'être qu'un boulet pour lui.
Rien qu'un poids qui le ralentissait.
Je lâchai un soupir à fendre l'âme et me décidai de me lever en faisant le moins de bruit possible. De toute évidence, Dawton était bien trop occupé à discuter pour me remarquer bouger de toute façon. Tous deux riaient à gorge déployée en se ressassant des souvenirs. Souvenirs que je ne partageais pas. Pourquoi n'était-elle pas son âme soeur ? J'étais jalouse à l'idée qu'elle puisse le connaitre tant que ça, qu'elle ait pu passer autant de lui alors que j'avais passé toutes ces années seule, à faire en sorte de survivre comme je le pouvais.
Ma gorge se serra en repensant aux dernières années que j'avais vécues et je sortis rapidement de la pièce. J'avais l'impression d'étouffer. Je voulais juste prendre l'air, quitte à ne pas écouter ce que Dawton m'avait dit. Même si cet homme venait à réapparaitre, je m'en fichais. Je voulais juste m'éloigner de la source de mes maux. Je quittai rapidement la résidence, sentant le froid flagrant me gifler les joues et je me mis aussitôt à trottiner. Je voulais remplacer la douleur que je ressentais par une douleur physique. Une douleur que j'aurais choisie moi-même. Pas cette douleur émotionnelle qui me rongeait depuis un moment déjà. Peu à peu, alors que j'accélérais le rythme, je commençai à ressentir cette douleur familière. Douleur qui faisait pourtant un bien fou. Je pris de la vitesse en utilisant ce que j'avais pu ressentir comme carburant. Si j'utilisais toute cette négativité que je ressentais pour courir, je pourrais m'en débarrasser. Du moins, c'était ce que je cherchais à me convaincre. Je savais juste que j'avais ce problème, ce manque de confiance en moi qui m'empêchait encore de faire confiance à Dawton entièrement. Je savais que je tenais énormément à lui et je n'étais pas prête à l'idée qu'il puisse m'abandonner lui aussi à son tour. J'avais bien perdu mes parents et je n'avais personne sur qui compter à part moi-même. Alors si lui aussi, à son tour, me quittait, je ne serais pas étonnée.
- Bordel, soufflai-je.
L'idée même de penser au fait qu'il puisse m'abandonner me faisait toujours aussi mal. Je soufflai un grand coup par la bouche et accélérai le pas. Je ne voulais pas penser à cette éventuelle situation. Le pire était que j'en voulais à Dawton. C'était facile de lui en vouloir pour quelque chose dont il n'était pas responsable. Mon esprit était le seul problème, mais reporter la faute sur les autres était bien plus facile que de se confronter soi-même au problème. Le voir agir de manière insouciante alors qu'il ne comprenait pas les problèmes qui me traversaient me rendait frustrée, alors que je savais qu'il suffisait de lui en parler pour qu'il comprenne, mais j'avais peur. Peur qu'il se demande pourquoi il avait fini avec moi en tant qu'âme soeur. Je n'avais jamais eu qui que ce soit pour parler de mes problèmes, alors le simple fait de pouvoir enfin en parler à quelqu'un était encore un concept difficile pour moi. Dawton m'avait dit que je pouvais lui parler de tout et n'importe quoi. Tout ce qui pouvait me traverser l'esprit, si cela pouvait l'aider à mieux me comprendre, mais moi-même, je ne me comprenais pas. J'avais toujours fait en sorte de me cacher sous cet air arrogant et sarcastique. Avoir peur, pleurer, tout ça n'était que des émotions que je ne m'autorisais pas. Je n'en avais pas le droit. Tout ce dont j'avais toujours fait était de garder au max ma motivation juste pour pouvoir survivre une nuit de plus.
Mais moi ? Avoir droit au bonheur ?
La question ne m'avait jamais traversé l'esprit. Je ne croyais absolument pas à ce concept. Pourtant, avoir vécu ces derniers temps avec Dawton, était-ce ça le bonheur ? Vivre en paix et l'entendre rire à tout et n'importe quoi. Avoir quelqu'un en mesure de me supporter malgré le fait que je puisse être aussi pénible ?
Mais l'image de ces deux là, assis l'un en face de l'autre en riant, agissant comme s'ils étaient dans leur propre petite bulle me donnait l'impression qu'ils étaient en couple. Que j'étais l'intrue dans cette histoire, que je n'avais rien à faire dans cette même pièce. Et c'était vraiment douloureux à concevoir.
Ma vue se brouilla à cause des larmes qui étaient montées à mes yeux et je trébuchai contre quelque chose, avant de tomber main en avant. Je fis un petit roulé boulé dans la neige à cause de ma vitesse et me retrouvai à terre, ventre contre le sol, le visage dans les flocons qui s'étaient entassés. Je gémis de douleur et jurai avant de me retourner pour me mettre sur le dos. Les larmes s'étaient dissimulées dans la neige et je soupirai.
- Tu te perds, Ginger. Tu te perds...
Dawton pouvait sortir avec cette femme. Après tout, nous n'étions pas à proprement parlé un couple. Nous n'en avions jamais parlé. Tout ce qu'il s'était passé était que Dawton avait fait en sorte que je sois à ses côtés, mais le concept même que nous soyons en couple n'avait jamais été abordé. Du moins, si nous faisions abstraction de son histoire d'âme soeur. Cette femme pouvait être la Luna de sa meute s'il le souhaitait...
Je déglutis péniblement et passai la manche de mon pull sur mes joues pour effacer les larmes qui s'étaient échappées.
- Allez, resaisis-toi, ma grande. Tu peux le faire.
Je me donnai quelques tapes sur les joues pour me motiver et me relevai lentement en grognant. Je m'étais écorchée le genou et les paumes de mes mains avaient pris le clair de l'impact. Mes vêtements étaient à présent trempés et je commençai subitement à ressentir le froid environnant.
- Si Dawton la choisit, je respecterai sa décision.
Qui étais-je après tout pour l'empêcher d'être heureux ? Il m'avait tellement aidé durant ces derniers mois qu'il méritait d'avoir ce bonheur que tout le monde désirait tant.
- Tu as l'air mal au point.
Je me tournai sous la surprise en entendant cette voix, mais ne vis personne.
- En haut.
Je levai alors la tête pour me rendre compte qu'il était là. Avec sa cape, il était assis sur une branche et semblait tenir un bout de bois dans sa main.
- Tu as fait un joli roulé boulé. Rien de cassé, fillette ?
- Qu'est-ce que tu fais là ?
- A toi de me dire, petite. Que fais tu là ? Aussi loin de ton territoire ?
Je jetai un coup d'oeil autour de moi sans reconnaitre les environs. J'avais couru autant que je le pouvais, aussi loin que je le pouvais, submergée par mes émotions. Je n'avais pas fait attention où j'avais pu aller.
- Comme tu l'as si bien dit, tu t'es perdue, fillette. Alors ? Ton Alpha t'a fait quelque chose ?
Repenser au fait qu'il devait encore se retrouver avec son amie créa un pincement au coeur.
- Qu'est-ce que tu fais là au juste ? lui demandai-je pour détourner mon attention de mes maux.
Il émit un petit rire.
- Tu es arrivé jusqu'ici et tu souhaites me questionner en plus de ça. Tu n'as pas peur de ce que je pourrais te faire ?
- Tu m'as sauvé la vie ce jour-là. Tu ne serais pas assez idiot pour me faire à nouveau du mal après tous les efforts que tu avais fournis.
Il sembla être satisfait de ma réponse puisqu'il hocha la tête lentement. Il tira sur sa cape et la jeta dans ma direction.
- Ce serait con que tu meurs maintenant. Couvre-toi au moins.
L'odeur de la cape me fit plisser le nez.
- Tu portes ça H24 pour que ça sente comme ça ?!
- Ne viens pas te plaindre, fillette.
Je fis la moue avant de l'enfiler. En y repensant, maintenant que j'avais cessé de courir, le froid était vraiment présent. Raison pour laquelle je n'aimais pas cette saison. Il sauta de sa branche pour atterrir tranquillement près de moi. Il avait laissé pousser sa barbe et ses yeux fixaient la neige. Il soupira en passant une main dans ses cheveux noirs et fourra ses mains dans ses poches de pantalon.
- Avec les traces que tu as laissé, cet abruti va venir jusqu'ici, marmonna-t-il.
- J'en doute. Il est bien trop occupé.
J'avais fui son regard en lui répondant. Avait-il remarqué que j'étais partie ? Ou avait-il pensé ne serait-ce qu'une seconde à moi ? J'avais tellement l'impression d'être délaissée, à cause de son boulot, de ses réunions, du fait qu'il pouvait aussi rencontrer ses amis de cette manière.
- Ah oui ? Occupé à quoi au juste ?
Je ne fis que hausser les épaules.
- En attendant, ce n'est pas bon pour toi de rester à l'extérieur dans cet état. Il te faut des habits secs et soigner tes égratignures.
- Je vais rentrer en repartant sur mes traces avant qu'il ne se remette à neiger.
Je voulus retirer la cape, mais il m'arrêta.
- Garde-la, à moins que tu ne tiennes tant à choper la crève.
- Je peux repartir en courant. Ca ne me fera pas de mal.
Et au moins, je n'aurais pas à repenser à tout ça sur le trajet du retour.
- Pour que tu refasses des roulé boulé dans la neige ?
Je roulai des yeux et il rit.
- Peut-être que tu ferais mieux de quitter cet Alpha et de partir maintenant, tu sais ?
Je fronçai les sourcils face à ce qu'il venait de me dire.
- Comment ça ?
- Tu devrais t'éloigner de cet homme avant de souffrir.
- Qu'est-ce que tu veux dire par là ?
- Ton destin est tellement triste... je me demande si je n'aurais pas mieux fait de te laisser dans cette voiture.
Je serrai mes mains en poings. De nombreuses fois durant ces dernières années, je m'étais dit que j'aurais mieux fait de mourir. Que je n'aurais jamais du être sauvé par cet homme. Et à présent, il regrettait son acte ?!
- Tu te fous de moi ?! explosai-je. Tu m'as sauvée ce jour-là, et j'ai vécu jusqu'à présent en me disant que demain était probablement mon dernier jour, et maintenant, tu oses me faire part de tes regrets ?! Tu sais combien de fois je me suis dit que tu n'aurais jamais du intervenir ?! Que tu aurais du me laisser dans cette voiture avant qu'elle ne parte en fumée ?!
Je n'aurais pas eu à souffrir toutes ces années de cette manière. Je n'aurais pas eu à me dire que la vie était difficile. Je n'aurais pas eu toutes ces pensées noires. Je n'aurais pas voulu me retirer la vie plusieurs fois. Je n'étais pas cette fille forte que je voulais laisser paraitre. Au fond, j'étais juste une fille brisée en mille morceaux qui faisait de son mieux pour tenter de les recoller pour tenter de vivre un semblant de vie normale.
J'étais juste un être humain qui faisait des efforts depuis des années.
J'étais tellement énervée, frustrée et triste que je sentis les larmes me monter aux yeux. Le regard de cet homme se fit plus compréhensif et il soupira.
- Retourne sur ton territoire, fillette. Tu comprendras un jour.
Il me fit signe de partir, et dépitée, j'obéis silencieusement en marchant sur mes propres traces.
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© Cette histoire m'appartient, merci de me prévenir en cas de plagiat. ©
Présence de fautes en tout genre. A éditer.
Lil', le 22.10.2019 à 22:39
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