Chapitre 25

Chapitre 25

Je tournai la tête en entendant du bruit, et aperçus Dawton balayer des débris de verre. Depuis que j'étais revenue ici, je n'avais pas quitté cette position, pas versé une seule larme, alors que je fixais le salon vide qui s'offrait devant moi. Les femmes des services sociaux avaient discuté un long moment avec moi, et avaient fini par en conclure que je pouvais m'émanciper au vue de l'approche de mon anniversaire qui marquait mon entrée dans l'âge adulte.

Dawton n'avait pas dit grand chose, et puis lorsque j'avais discuté avec la femme à l'accueil concernant le corps de mon père, j'avais fini par décider de le leur laisser une fois que j'aurais eu une réponse sur le pourquoi il était mort. Je ne me voyais pas le faire reposer ailleurs que près de ma mère en haut de la colline. Je n'arrivais toujours pas à croire à ce qu'il venait de se passer. J'avais surtout l'impression que mon père était sorti seulement pour aller s'acheter de l'alcool. Mon coeur se serra et je me levai subitement.

Peut-être y était il vraiment ? Que tout ce que je venais de voir n'était qu'une illusion ?

- Ginger ?

Je sortis de la maison en courant, et me rendis au premier magasin, celui dont il avait l'habitude d'aller pour se fournir. Il préférait le plus proche pour ne pas perdre de temps, et avec son état d'ivresse, il ne pouvait pas faire de grands pas. J'entrai dans la boutique en trombe, et me mis à chercher dans tous les rayons. Peut-être était-il là avec une bouteille en main, marchant maladroitement pour sortir ?

- Ginger !

Je tournai la tête en entendant mon prénom. Dawton m'avait suivie et me regardait sans comprendre. Je clignai plusieurs fois des yeux comme si la brume qui entourait mon cerveau se dispersait. J'étais venue ici sous l'espoir de revoir mon père. Je ne voulais pas croire qu'il n'était plus à la maison. Je déglutis péniblement puis lâchai un petit soupir en passant ma main rapidement dans mes cheveux. Je fermai les yeux un instant, me souvenant du corps de mon père affalé sur le sol, et mon coeur se serra davantage. Si j'avais été présente quand c'était arrivé, j'aurais pu le sauver. Faire quelque chose.

- Ginger...

Dawton était à présent à mes côtés et me regardait avec inquiétude. Il tendit la main comme s'il s'apprêtait à me toucher la tête, mais il s'abstint au dernier moment. Je passai alors mes mains sur mon visage, comme si cela pouvait me réveiller de ce mauvais rêve. Ce cauchemar.

- Il est plus là, soufflai-je pour moi-même.

J'avais besoin de me le convaincre pour le comprendre. Je n'avais pas l'impression que tout ça était réel. J'avais juste la sensation d'avoir mon cerveau ramolli. J'étais dans un état second depuis que j'avais quitté l'hôpital et que mon esprit était pris dans un marécage. Je jetai un coup d'oeil à Dawton qui ne semblait pas savoir comment se comporter. Je n'avais pas pu lui expliquer non plus ce qu'il s'était passé. Il avait juste pris soin de ne pas m'y pousser non plus en apprenant que mon père n'était plus de ce monde. J'avais vu qu'il avait laissé son numéro à l'accueil pour qu'il soit prévenu demain concernant la raison de la mort de mon père.

Il était mort à cause de moi.

- Tu as besoin de te reposer, Ginger, finit par dire l'Alpha.

Je secouai la tête de gauche à droite.

- J'ai besoin de courir.
- Pas dans ton état...

Je balayai ses propos d'un geste.

- J'ai besoin de courir.

Je ne le laissai pas ajouter quelque chose d'autre que je sortai du magasin en trombe. J'eus à peine le temps de respirer l'air frais extérieur que je me mis à trottiner, avant de me mettre à courir bien plus vite. J'avais besoin de sentir autre chose que cette douleur qui me prenait au coeur, j'avais besoin de faire crier mes muscles, brûler mes poumons, me faire du mal ailleurs juste pour ne plus ressentir cette douleur oppressante dans ma cage thoracique. Je me focalisai sur les sensations que je ressentais, ne prenant plus garde à ce qu'il pouvait bien se passer autour de moi. Au bout d'un certain temps, je finis tout de même par m'arrêter, complètement exténuée. Je me courbai alors pour reprendre mon souffle, la sueur perlant sur ma peau. Je levai la tête en entendant des bruits de pas, et m'aperçus que Dawton m'avait suivie jusqu'ici sans rien dire en me laissant courir comme je le souhaitais.

- Je suis vraiment impressionné par ta vitesse... et ton endurance.

Je craquai un petit sourire avant de me redresser et de regarder autour de moi. Je ne reconnaissais pas vraiment les alentours.

- Nous sommes passés près d'un territoire... tu devrais faire attention quand tu cours, et prendre soin de ne pas franchir leurs bordures.

Je passai la manche de mon pull sur mon visage, tout en tentant de calmer ma respiration.

- On fait demi tour en marchant ? me proposa-t-il.

Je hochai la tête, et je me remis à marcher dans le sens inverse, Dawton à mes côtés, qui garda le silence. Il se montrait patient avec moi, et ne voulait pas me brusquer après ce qu'il venait de se passer. Au bout de ce qui me sembla une heure, je retournai chez moi, m'arrêtant à l'entrée pour faire face à Dawton.

- Tu peux rentrer chez toi.
- Je peux rester, m'assura-t-il.

Face à l'expression qu'il avait, j'avais surtout l'impression qu'il avait peur que je ne fasse une connerie.

- Tu dois t'occuper de ta meute, insistai-je.
- Ma Luna a bien plus besoin de moi que ma meute.

Il caressa mon visage lentement, faisant apparaitre de petits picotements sur ma peau, avant de poser sa main sur ma tête.

- Va prendre une douche et repose-toi, Ginger. Tu en as besoin.

J'obéis et montai les marches d'escaliers, alors que je le voyais sortir son portable de sa poche. J'entrai dans ma chambre en soufflant et pris de nouveaux vêtements, avant de me rendre dans la salle de bain pour me déshabiller et prendre une douche rapide, tout en faisant attention à mon bras. Mes yeux étaient douloureux. J'avais cette envie de pleurer toutes les larmes de mon corps, mais elles ne voulaient pas sortir. Une fois dans des vêtements propres, je me laissai tomber sur le lit, enfonçant ma tête contre le coussin. Mon coeur était serré à l'extrême, et ma gorge se noua lorsque je me souvins du corps sans vie de mon père. Je me redressai et m'assis contre le mur, prenant un coussin pour le serrer contre moi.

Certes, il était devenu violent et colérique, mais il n'en restait pas moins mon père. Aujourd'hui, il n'était plus de ce monde, et me retrouver seule dans cette maison était terrifiant.

Vraiment terrifiant.

BING.

Je tournai la tête et attrapai mon portable. Je lus le message, mais les mots ne semblaient pas marquer mon esprit. Je dus le lire plusieurs fois avant de comprendre qu'il s'agissait là d'un message de l'Etat. Ils avaient été prévenu du décès de mon père et face aux dettes que mon père avait laissées, ils comptaient récupérer la maison et tout le reste. Je jetai le portable loin de moi, pour pouvoir m'en débarrasser, et il tomba sur le sol en rebondissant une fois.

- Ginger ?

Dawton poussa la porte de la chambre doucement, et remarqua le portable sur le sol. Il se baissa et le prit, avant de froncer les sourcils en lisant ce qu'il se trouvait sur l'écran. Je le vis serrer sa main dessus et ses yeux s'assombrir légèrement.

- Tu peux jeter le portable. Ca fait un bien fou.

Il inspira pour se calmer et tourna la tête pour me regarder, le portable en main.

- Comment tu te sens ?

Il entra dans la chambre et vint s'installer sur mon lit, près de moi. Je laissai mon regard perdu dans le vide devant moi, avant de hausser les épaules.

- J'en sais trop rien.
- Tu peux pleurer, Ginger... Si tu en as le besoin.

Je secouai la tête de gauche à droite.

- J'ai cette sensation qui me prend les tripes, et j'en ai envie... mais rien ne sort.

Je lâchai un rire sarcastique.

- Tu sais combien de fois je l'ai imaginé ivre mort ? Combien de fois je me suis dit que ça allait finir par arriver ? J'ai essayé de me préparer à ça depuis des années, et maintenant que j'y suis confrontée, je suis même pas foutue d'en pleurer. Faut croire que j'me suis bien préparée !

Je sentis la main de Dawton se poser sur ma tête.

- Ne dis pas ça. Tu ne peux pas te préparer à la mort de quelqu'un que tu aimes, quoi que tu dises.

Je déglutis péniblement alors que je posais ma tête sur son épaule.

- Ils vont venir récupérer la maison demain...
- Je sais... Ils n'ont pas perdu de temps.

J'eus un sourire amer. Je n'étais même pas étonnée, puisque nous parlions de l'Etat. Du moment qu'ils pouvaient récupérer de l'argent sous n'importe quelle forme, ils pouvaient jeter une famille dans la rue.

- Les dettes se sont tellement accumulées qu'ils sautent sur la situation...
- Je peux payer, Ginger. Si tu veux conserver cette maison, je peux.

Je serrai mes mains en poings, renforçant mon emprise sur le coussin. J'avais grandi dans cette maison. J'avais vécu de bons moments ici avant que tout ne tourne au désastre. Mais quel était l'intérêt de vivre ici si plus personne n'était là ? Ma mère n'était plus là et à présent, mon père n'était plus là. J'étais juste une orpheline de plus sur cette terre.

- Je ne veux pas la garder. C'est tout aussi bien qu'ils viennent la récupérer de cette manière.
- Tu es sûre de toi ?

Je hochai la tête lentement.

- Tu ne le regretteras pas ?
- Je sais pas... Mais je me vois mal conserver cette maison...
- Je peux faire en sorte de la récupérer, et plus tard, si tu penses vraiment vouloir t'en débarrasser, je pourrai la revendre.

Je posai mon menton sur le haut du coussin en faisant la moue.

- Même si je la garde... je ne compte pas vivre ici.
- Où comptes-tu aller ?

Je haussai simplement les épaules.

- Je ne sais pas vraiment.
- Tu peux venir sur notre territoire. Tu es la bienvenue...
- Comme si tu allais me laisser partir ailleurs..., marmonnai-je.

Je l'entendis retenir un rire, et sa main caressa légèrement ma tête.

- Je m'attendais à ce que tu nies les faits...

Je fermai les yeux en laissant mon corps se détendre légèrement. Sa main vint caresser avec douceur ma joue.

- Maintenant que je t'ai trouvé, comment veux-tu que je te laisse t'en aller..., murmura-t-il.

Lentement mais sûrement, je finis par m'endormir contre Dawton, laissant mon esprit fuir la situation, oublier un instant ce qu'il s'était passé afin d'éviter toute confrontation avec le présent.

Je me réveillai sous une chaleur réconfortante, et ouvris les yeux lentement pour croiser un regard vert intense. Dawton était allongé à mes côtés, et son visage était proche du mien. Je clignai plusieurs fois des yeux, avant de m'étirer.

- Tu veux manger quelque chose ?

Je fis non de la tête, en me posant plus confortablement contre le coussin.

- Quelle heure il est ?
- Quasi 7 heures. Tu as dormi un long moment.

Une nuit était passée sans que je ne m'en rende compte.

- Il faut que je fasse mon sac...

Résignée, je me mis sur pieds, avant de jeter un coup d'oeil à ma chambre. Dawton m'imita et passa une main dans ses cheveux.

- Tu as besoin d'aide ?
- Non... J-juste de l'espace.

Il hocha la tête et se leva.

- Je t'attends en bas.

Je le vis quitter la chambre, non sans me lancer un dernier regard. Il portait les mêmes vêtements que la veille, ce qui voulait dire qu'il était vraiment resté toute cette nuit ici. Je me levai du lit, et pris le sac qui se trouvait vers l'armoire. Je mis alors tous mes vêtements à l'intérieur, récupérant également l'argent qui se trouvait sous la latte. Le paquet que j'avais mis de côté pour laisser à mon père, après mon départ était dans ma main. Le papier que j'avais écrit était soigneusement attaché à la pile. J'avais amassé cet argent pour lui rendre la vie plus simple après mon départ, pour être sûre qu'il serait en mesure de s'en sortir, même si je n'étais pas constamment sur son dos. Je serrai mes mains sur la pile, avant de sentir des larmes chaudes longer mes joues. Ma gorge se serra alors que mon coeur me faisait tout autant souffrir. Je me mis à sangloter, ma vision devenue floue par mes larmes.

Il était parti, comme ma mère. Il m'avait laissé seule ici. Je pensais que j'aurais été au moins en mesure de renouer le lien avec lui, le revoir souriant, et complètement sobre avant qu'il ne m'abandonne de cette manière.

- Papa...

Je finis par me mettre à hoqueter, et à renifler, complètement fatiguée d'avoir pu pleurer de cette manière. Je me remis à ranger mes affaires dans le sac, consciente que mes yeux devaient être complètement gonflés. Je voulais seulement m'allonger sur mon lit et ne plus en bouger, juste pour encore une fois oublier que tout ceci était la réalité. Je ne voulais pas croire qu'il n'était plus là. Que je n'avais plus un seul membre de ma famille. Je ne savais pas depuis combien de temps j'étais restée sur le sol, devant mon sac, mais Dawton finit par venir me chercher en me prévenant que des hommes étaient là pour récupérer la maison. Dawton s'agenouilla devant moi et passa ses mains sur mes joues pour essuyer les sillons que mes larmes avaient du laisser.

- Tu n'es pas seule, Ginger. Vivre sur le territoire ne sera pas aussi terrible que ce que tu peux penser.

Il m'adressa un petit sourire, et m'aida à me remettre sur pieds, avant de prendre mon sac.

- Tu n'as rien oublié ?

Je jetai un coup d'oeil autour de moi, avant de me décider à faire le tour de ma chambre et de la salle de bain. Je récupérai la trousse de toilette et quelques broutilles. Je rejoignis Dawton qui m'attendait patiemment à l'entrée de la chambre qui n'était plus la mienne à présent. Je descendis les marches à sa suite, jetant un dernier coup d'oeil derrière moi, et je vis les hommes qui se tenaient à l'entrée de la maison. Ils étaient habillés tout en noir, et me donnaient l'impression de faire face à des faucheurs qui venaient récupérer des âmes. En l'occurence, l'âme de mon père et tous les bons souvenirs que j'avais pu avoir dans cette maison.

- Ginger Neveah ?
- Oui.
- Comme prévenu la veille, nous récupérons la maison et les biens qui s'y trouvent pour combler les dettes laissées par votre défunt père.

Je ne dis rien, ne faisant que hocher la tête pour leur confirmer qu'ils pouvaient faire ce qu'ils pouvaient et ils semblèrent satisfaits. Je pris les clés que j'avais laissés non loin de la cuisine, et les donnai à l'homme le plus proche. Dawton me prit la main et me guida hors de la maison. Il me fit alors marcher jusqu'à sa voiture, où il ouvrit le coffre pour ranger mon sac et me fit entrer dans la voiture. Je jetai un dernier coup d'oeil à la maison, mon coeur se serrant sous l'émotion. Les larmes apparurent aux bords de mes yeux, menaçant de s'évader, et je serrai mes mains en poing sur mes cuisses.

- Ca va aller, Ginger.

La main de Dawton se posa sur ma tête et je me laissai sangloter à nouveau.

Pourquoi était-ce si douloureux alors que j'étais supposée m'être fait à l'idée ?


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Bonsoir !

Bonnes vacances à celles qui le sont !

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Présence de fautes en tout genre. A éditer.

Lil', le 19.02.2019 à 22:02

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