Chapitre 26

Le bruit de l'eau qui coule en fond s'arrête. Je suis toujours allongé sur mon lit, la tête enfoncée dans un oreiller. On toque à la porte avant de l'ouvrir, une manière qui se perd, à mon grand regret. J'entends un petit claquement, puis plus rien. Au bout d'un temps, je me retourne et vois Angel debout à l'entrée de ma chambre, observant sans un bruit chaque détail de la pièce. Je remets ma tête dans l'oreiller et tape la place sur le matelas à côté de moi. Il ne faut pas longtemps avant que je ne sente la surface confortable s'affaisser légèrement de ce côté. Je rouvre les yeux et tourne la tête vers lui. Il est dos à moi, à l'extrémité du lit, comme s'il cherchait à prendre le moins de place possible.


Je soupire et lui tapote le bras pour qu'il se retourne. Je l'attire contre moi en faisant attention à mes mouvements pour ne pas lui faire mal. Il ne réagit pas au début mais finit par m'entourer de ses bras et m'agripper comme si sa vie en dépendait. Il est agité de soubresauts et je sens le haut de mon T-shirt d'humidifier. Je le rapproche de moi encore plus et lui caresse la tête. On reste comme ça plusieurs minutes, ou dizaines de minutes, je ne sais pas. En tout cas, je finis par fermer les yeux et ne les rouvre pas avant quelques heures.


Je suis réveillé par du mouvement contre moi. J'ouvre les yeux et voit le blond s'agiter et bouger. Merde. Je le mets sur le dos et tente de le réveiller en le secouant. Après un temps, il émerge en sursaut et manque de me percuter avec sa tête. Il regarde frénétiquement autour de lui, puis son regard croise le mien et il semble se calmer. Il baisse les yeux.

- Eh, t'as pas à avoir honte, c'est normal de réagir comme ça.

- Je... J'ai pas honte, c'est juste que je voulais pas que tu me vois comme ça.

- Je comprends. Mais ce qui est fait est fait. D'ailleurs, pourquoi tu es venu ici ?

- J'avais retenu le chemin entre ici et chez moi.

- Mais il faisait nuit noire et il pleuvait !

- Ça faisait partie des dernières choses qui m'importaient, je t'avoue.

- Comment ça ?

- Je voulais pas rester chez moi. Je me suis vraiment senti en danger hier. Du coup, je me suis enfermé dans ma chambre et je suis sorti par la fenêtre. Ma hanche c'est parce que je me suis gamellé en atterrissant. Je savais pas où aller donc j'ai marché et je me suis retrouvé devant ta maison. Alors j'ai essayé.


Je le fixe pendant son discours. Il a retrouvé cet air neutre quand il parle, laissant derrière lui son visage apeuré et angoissé. Il est maître dans l'art de contrôler ses émotions, c'est impressionnant. Il relève les yeux vers moi et un silence s'installe. Je finis par lui proposer de descendre manger un truc. Il doit être aux alentours de 8h. Ma mère doit encore dormir et c'est pas plus mal, étant donné que y a un Angel tuméfié qui est apparu en son absence. Il accepte finalement et on se lève avant d'aller au rez-de-chaussée. Le blond a commencé à cicatriser, à mon soulagement. Je me laisse glisser sur la rambarde d'escalier tandis qu'il privilégie les marches. Je me dirige vers la gazinière et commence à cuisiner un semblant de truc avec ce qu'il y a dans le frigo. C'est pas fameux, mais c'est mangeable. On retourne là haut et on se réinstalle sur mon lit. Tout ça pour ça. Je m'allonge parce que de base je me lève à 11h le samedi. Je vais pas dormir, mais je reste allongé. Le blond vient se caler contre moi et je l'entoure de mes bras.

- Tu sais que, si tu veux parler, je suis là, hein ? je lance.

- Oui...


Il tourne la tête vers moi.

- Et tu sais que, moi aussi, je suis là, si tu veux parler, pas vrai ?

- Ouais...


Je pensais avoir réussi à cacher mon malaise d'hier mais visiblement non. Angel se relève et se penche au dessus de moi, encadrant ma tête de ses mains.

- Je sais que c'est pas le meilleur moment et que j'ai une sale tête, mais ça me manquait.


Il s'appuie sur ses coudes et scelle nos lèvres pour un long baiser. Cette sensation d'oubli du reste du monde et de tous nos problèmes me manquait à moi aussi. Je passe un bras autour de sa taille et me sers du second pour nous retourner, me retrouvant ainsi au dessus de lui. On laisse nos troubles de côté pour se concentrer sur l'autre, pendant un moment du moins. Mais que le reste du monde aille se faire foutre, il est le seul à compter pour l'instant.


Il finit par se laisser tomber sur moi. On ne parle pas. On a de quoi parler, mais un mot à prononcer à ce sujet est trop épuisant. On passe donc la matinée à ne rien faire et Angel finit même par se rendormir, dans un sommeil calme cette fois-ci. Pendant qu'il pionce, je m'attrape un bouquin pour changer de mon petit écran. Mais un manga, faut pas déconner non plus. Cependant, vers midi...

- Ethan, commence ma mère après avoir ouvert brusquement la porte sans frapper, j'accepte 11h, mais pas midi pour le réveil ! Debout espèce de...


Angel se réveille en sursaut au moment où elle se met à scander. Il regarde autour de lui et remarque ma mère qui est en état de choc face au blond et moi allongé dans mon lit et, maintenant que j'y pense, de manière bizarre. Son regard alterne entre nous deux qui sommes immobiles. Elle ferme les yeux et lance :

- Une explication. Maintenant. Non, tu sais quoi ? Je vais en bas et vous bougez vos fesses en vous trouvant une excellente excuse, finit-elle.


Elle tourne les talons et ferme la porte, nous laissant seuls dans la pièce. On se regarde tous les deux et je déglutis. On est pas dans la merde.

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